31 août 2008

RUPIE EDWARDS : Ire feelings


Acquis auprès de "M. Beatnik" sur le vide-grenier de Germaine le 31 août 2008
Réf : 13.791 -- Edité par Eurodisc en France en 1975 -- Service de presse
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ire feelings -/- Feeling high

C'est une règle qui semble vérifiée par l'expérience : apparemment ce n'est pas parce qu'on arrive tard sur un vide-grenier, en début d'après-midi, alors que les chasseurs de disques professionnels sont partis se recouchés depuis longtemps et qu'un pourcentage non négligeable de galettes fond au soleil sur les stands, qu'on en revient obligatoirement bredouille.
C'est ce qui s'est passé en tout cas cet après-midi, et je suis revenu de Germaine, Germaine, pas avec un rock'n'roll ou un slow, mais avec à peu près autant de disques (cinq-six) que quand je suis sur le terrain avant neuf heures du matin.
Le plus intéressant du lot c'est celui-ci, acheté à M. Beatnik, comme nous l'appelons entre nous, un ancien commerçant sédentaire à Reims qui fait l'ambulant depuis quelques temps maintenant, mais qui expose rarement des disques. Là, il m'a dit qu'il en avait pris un peu dans son stock pour changer, et aussi qu'il en avait un cageot qui allait bientôt prendre la pluie dans son jardin car en fait il pense à les vendre mais il a plutôt envie de les jeter... En tout cas, je l'ai encouragé à ramener d'autres disques la prochaine fois !
Parmi la quarantaine de 45 tours qu'il exposait, j'en ai acheté un autre de reggae, Président Amin (Dada) de Capital Letters, que je ne connais pas mais j'adore leur Smoking my ganja, que j'ai acheté à sa sortie en 1979-1980).
Celui de Rupie Edwards, dès que j'ai vu la mention "Dansez le skanga", j'ai su que je l'achèterai, même si on n'est pas dans le délire du Oye oye reggae de Max Romeo, et ce avant même de voir en bas de la pochette la confirmation du nom de l'artiste. En plus, le disque est comme neuf, probablement jamais écouté, et la cerise sur le gâteau, c'est que j'ai tout de suite découvert que ce "service de presse" contenait encore à l'intérieur le courrier d'accompagnement de la maison de disques.
Rupie Edwards, je le connais depuis relativement peu de temps, depuis six ans en fait, quand je suis tombé sur un de ses 45 tours de 1969 sur Crab Records dans le fameux lot de Condé-sur-Kingston.
Par la suite, j'ai acheté pour presque rien chez CDiscount une réédition CD avec bonus sur un label économique de sa compilation Rupie's gems. On y trouve, même s'ils ont oublié de le noter sur la pochette, la face A de ce 45 tours, Ire feelings, et le titre de Johnny Clarke produit par Edwards qui en est à l'origine, Everyday wondering. Car l'histoire est la suivante : Everyday wondering a eu un certain succès, puis Edwards a fabriqué un dub du titre sur lequel il a fait du talk-over et l'a sorti en Angleterre sous son nom, sans aucune référence à Johnny Clarke, alors qu'on entend encore sa voix sur Ire feelings

28 août 2008

STUDIO 99 : Punk!


Acquis chez Noz à Dizy fin 2006 ou début 2007
Réf : GFS310 -- Edité par Going For A Song en Angleterre vers 2006
Support : CD 12 cm
17 titres

Ça devait arriver ! Tout au long des années 70, j'ai connu les albums Pop hits, le hit-parade chanté de Mario Cavallero, que les vendeurs passaient tue-tête sur les marchés pour attirer le chaland. Souvent, dans les vide-geniers ou les dépôts-vente, il m'est arrivé de sourire en voyant un gars acheter un album du Carnaby Group en le confondant avec un original des Beatles ou des Stones. Avec le temps, après avoir vécu cette période en direct, j'ai vu passer pour ce qui concerne le punk et la new wave, les rééditions, les compilations façons Les années new wave, les reformations, puis la jeune génération s'inspirant directement des groupes de cette époque. Mais je n'aurais jamais pensé tomber un jour là-dessus : Studio 99 , l'équivalent années 2000 du Carnaby Group ("Studio 99 est un collectif formé de musiciens de session et de chanteurs talentueux et souvent célèbres" est-il précisé au dos de la pochette) qui, après s'être attaqué à U2, Bon Jovi, Madonna ou Shania Twain rend hommage au punk !
L'essence même du punk étant qu'il n'était pas nécessaire, voire même pas recommandé, d'être techniquement un bon musicien pour en jouer, l'ironie est cinglante. Mais bon, en plus de trente ans, cette ironie qui poursuit les vieux punks, à commencer par les Sex Pistols reformés, ne semble pas trop les déranger.
Le plus étonnant dans tout ça, c'est que ce disque n'est même pas complètement mauvais ! Certes, c'est joué et produit trop proprement et ça manque d'âme, mais c'est bien chanté, le gars arrive même à reproduire pas trop mal la voix de Feargal Sharkey des Undertones, et ça ne réussit pas à bousiller complètement la qualité des chansons reprises. Bon, je précise que la sélection des titres n'a rien de trop punk : on commence effectivement avec Pretty vacant des Sex Pistols, et il y a Teenage kicks et un titre de Sham 69, mais les deux titres choisis des Clash datent de leur fin de carrière (Should I stay or should I go et Rock the Casbah, leurs deux plus grands succès aux Etats-Unis, ce n'est pas un hasard). Pour le reste, c'est surtout new wave au sens large, avec trois titres de Ian Dury, deux de Jam, dont A town called malice, tout sauf du punk, et des reprises de X Ray Spex, Siouxsie, The Skids, et Buzzcocks.
Au bout du compte, cette plaisanterie aura au moins servi à me faire découvrir une excellente chanson new wave que je ne connaissais pas du tout, Turning Japanese des Vapors. La vidéo est visible ici, mais je ne suis pas pervers au point de vous conseiller de vous procurer la (fidèle) reprise de Studio 99 !

26 août 2008

ROLLING STONES : Undercover of the night


Acquis chez Emmaüs à Bouguenais le 6 août 2008
Réf : 1654427 -- Edité par Pathé Marconi EMI en France en 1983
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Undercover of the night -/- All the way down

Les 45 tours étant vendus par trois (pour 1 €, je crois), une fois que j'avais jeté mon dévolu sur celui de Mélo il a fallu que j'en choisisse deux autres. J'ai pris un EP de Marino Marini, d'abord, mais malheureusement j'ai vérifié trop le vite le disque à l'intérieur, qui est bien de Marino Marini, mais qui ne correspond pas à la pochette. Ensuite, j'ai pris ce 45 tours des Stones, qui appartint autrefois à Sophie Rousseau. Je sais bien que, étant donné qu'il est sorti en 1983 la date de péremption du groupe était alors déjà largement dépassée, mais je l'ai choisi uniquement à cause de la mention "TM" qui figure en gros, en bas à droite du célèbre logo à bouche lippue du groupe.
Ce "TM", qui indique haut et fort au milieu de cette non-pochette d'une laideur absolue que les Stones entendent protéger leur "marque commerciale" de tout détourneur ou pirateur, je l'ai ressenti comme une preuve supplémentaire que les Stones, après une grosse vingtaine d'années d'existence, étaient avant tout dans les affaires plus que dans la création musicale. Ce n'est pas un scoop, je sais, mais là c'est au moins clairement affiché, et ça confirme qu'il n'y pas que les majors et autres entreprises de la société du spectacle comme intervenants majeurs dans le show-business.
C'est en cherchant une reproduction en ligne de la pochette pour illustrer ce billet que, au bout d'un bon paquet de minutes, j'ai fini par m'étonner de trouver sur tous les fichiers le même cercle d'usure que sur mon exemplaire au niveau du rond central, quelque chose de typique sur les disques qui ont été serrés pendant des années. Juste après, j'ai fait attention à l'arrondi du haut en bas sur la partie gauche de la pochette, et j'ai enfin compris où voulaient en venir les "artistes" non crédités qui ont réalisé cette pochette : le fond de la pochette semble bien représenter un sein de femme, avec une très mauvaise définition d'image, et la langue des Stones en suce joyeusement le téton. Pigé ? Comme quoi, en plus d'être nulle cette pochette est faux-cul et sexiste !
La face A du disque, Undercover of the night, ne vaut pas mieux que sa pochette, et est même plutôt pire. Musicalement, c'est un truc informe et infâme, avec une grosse ligne de basse et rien du tout d'autre comme structure. Côté paroles, parait-il que Jagger s'en prend à la corruption en Amérique Centrale et du Sud. Pour couronner le tout, cette chanson a fait l'objet d'un clip vidéo insupportable, le genre de celui qui est censé résumé un mauvais thriller de deux heures en quatre minutes, qui a été matraqué à l'époque sur toutes les chaînes, vu que c'était l'âge d'or des vidéo-clips.
La seule chose à sauver de ce disque, c'est la face B, All the way down. Un bon petit rock classique à la Stones, où au moins Keith Richards fait sentir sa présence et où il est question de sexe, bien sûr, et du temps qui passe (vite). Mais cette face B figure aussi sur l'album Undercover, il n'y a donc finalement aucune (bonne) raison d'ajouter ce 45 tours des Stones à sa collection !

25 août 2008

ENO : Taking tiger mountain (by strategy)


Acquis à La Petite Boutique Primitive à Reims au début des années 1990
Réf : 2302-068 -- Edité par Polydor en Angleterre en 1977
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

C'est mon deuxième exemplaire de cet album. J'avais acheté le premier dans la première moitié des années 80, un pressage français en réédition que j'ai allègrement remplacé par celui-ci quand je suis tombé dessus : il est en parfait état, et surtout il possède la pochette ouvrante cartonnée d'origine, contrairement à celui que j'ai revendu, bien que ce ne soit pas une édition anglaise originale, celle-ci étant sortie en 1974 chez Island.
Outre qu'il est avec Lewis Furey et Howard Devoto l'un de mes dégarnis du front favoris, Brian Eno a la réputation d'être un intello égaré dans le monde du rock. Cette réputation, ainsi que ses succès dans le domaine de la musique expérimentale et ambiante (Discreet music, Music for airports, No pussyfooting avec Robert Fripp,...) ainsi que sa casquette de producteur-joker (Bowie, U2, Devo, Ultravox!, Talking Heads) ont le défaut de faire oublier un aspect important de son parcours : à chaque fois que Brian Eno a enregistré des titres pop-rock qu'il a chantés lui-même, ça a été une très grande réussite. Ce fut surtout le cas avec la série de quatre albums sortis de Here come the warm jets en 1973 à Before and after science en 1977, en passant par celui-ci en 1974 et Another green world en 1975, ce dernier comportant une bonne part de titres instrumentaux. C'est le cas aussi des quelques productions chantées qu'il a ressorties depuis les années 1990 ; je ne les connais pas toutes, mais il y a notamment Wrong way up en collaboration avec John Cale et Another day on earth.
De toute cette production, j'ai d'abord été accroché par Baby's on fire, un titre du premier album, avant de découvrir et de faire mon favori de ce Taking tiger mountain (by strategy), un disque que je trouve excellent de bout en bout, avec une grande unité musicale et thématique, sans vraiment être un album concept. Taking tiger mountain est surtout un disque qui n'a pas pris une ride en plus de trente ans.
C'est aussi un disque qui était en avance sur son temps. Je le considère depuis longtemps comme l'un des classiques de la new wave. Pas juste l'un des précurseurs, comme par exemple le Velvet Underground ou Kraftwerk, mais un disque qui sonne comme le meilleur de la new wave, qui aurait pu sortir tel quel en 1978 au lieu de 1974 et être apprécié au même titre que le premier album de Magazine, le deuxième de Wire, le deuxième de Talking Heads (co-produit par Eno) ou le second d'Ultravox! (qui a co-produit le premier).
Comme ces quatre albums, Taking tiger mountain est un disque plein d'énergie et d'inventivité enregistré à la base par une formation rock classique (basse, guitare, batterie) avec une présence relativement limitée de synthétiseurs.
L'une des particularités de l'enregistrement de Taking tiger mountain est qu'il a servi à Eno et Peter Schmidt pour élaborer leurs Stratégies obliques, des instructions inscrites sur des cartes utilisées pour rompre la routine de la production, sortir des impasses, garder de la fraicheur, accepter des erreurs, trouver de l'inspiration,... (on trouve ici une liste en français de Stratégies obliques). Ces stratégies obliques ont été utilisées par de nombreux artistes depuis, et ont notamment guidé les Oblique sessions de Pascal Comelade et ses petits camarades (Comelade, qui a par ailleurs repris au moins deux titres de cet album, le morceau titre et Put a straw under baby).
L'enregistrement de cet album en septembre 1974 est intervenu au terme d'une folle année pour Eno : en septembre 1973 il a enregistré puis sorti Here come the warm jets, suivi quelques semaines après de No pussyfooting avec Fripp, enregistré sur une assez longue période avant ça. Début 74, il s'est lancé dans une tournée rock de quelques dates accompagné par les Winkies, une aventure qui s'est conclue très vite, avec notamment Eno à l'hôpital pour un pneumothorax, et qui n'a laissé comme traces qu'un album inachevé et inédit et une excellente Peel session. Dans la même période, il a sorti un excellent 45 tours hors album, Seven deadly finns, et a participé au concert de Kevin Ayers avec John Cale, Nico et Robert Wyatt immortalisé par l'album June 1, 1974. Toujours dans ces moments-là, sont sortis également des disques de Lady June, Nico, Genesis et John Cale auxquels il a participé !
Taking tiger moutain by strategy, le titre de l'album, est repris de celui d'un opéra de la Chine communiste relatant un fait de guerre de la révolution chinoise. Cette origine peut en partie expliquer les quelques références à la Chine parsemées dans tout l'album, mais il y en a presque autant sur le Japon et il ne faut pas chercher trop de sens à ces paroles, particulièrement efficaces et bien vues, comme tentent de le faire certains fans, puisqu'elles sont de l'aveu même d'Eno en grande partie le résultat des stratégies obliques, utilisées pour résoudre les dilemmes qui en valent la peine, et de méthodes qui rappellent celles de Dada ou de l'Oulipo.
Une chose semble être sûre cependant, c'est que les paroles de l'album sont parsemées de bout en bout de jeux de mots et d'allusions à des pratiques sexuelles plus ou moins exotiques, ce qui ne surprendra pas de la part de l'auteur de Voici les jets chauds !
Avec des titres de chansons comme Les lignes aériennes en feu vous en donnent beaucoup plus et La grosse bonne femme du Limbourg, on sait de toutes façons à peu près à quoi s'en tenir.
Je pense que j'ai été clair, c'est un disque dont je conseille l'écoute en détail et intégrale. Pas besoin de le disséquer donc, juste quelques remarques au passage.
Si le passage sifflé dans Back in judy's jungle fait penser au Pont de la rivière Kwaï, ce n'est visiblement pas du tout un hasard.
Après coup, je me dis que ce n'est pas tant Magazine que Simple Minds a pompé pour son premier album Life in a day, mais plutôt la seule chanson Mother whale eyeless d'Eno, qui semble résumer tout cet album en quelques minutes. Sauf que le meilleur passage de la chanson, au milieu avec les choeurs qui chantent "In my town, there is a raincoat under a tree...", Simple Minds n'a jamais été capable de s'approcher de sa beauté.
Third uncle est le titre le plus rapide du disque. C'est aussi l'un de ceux qui a été le plus souvent repris, notamment par Bauhaus. Par contraste, juste après, Put a straw under baby ressemble à une berceuse, avec ce qui doivent être des synthés qui sonnent presque comme des cornemuses, et surtout une prestation très remarquée de Robert Wyatt aux choeurs, comme deux ans plus tôt sur Whatershebringswesing de Kevin Ayers.
The true wheel est un titre électrique, assez rapide et qui va s'accélérant fortement dans la deuxième moitié. C'est là qu'on entend ce qui doit être la première référence publiée sur disque aux Modern Lovers : "We saw the lovers, The Modern Lovers, and they looked very good, they looked as if they could, be our neighbours, the noisy neighbours". Je m'en veux parce qu'il y a quelques mois j'ai lu quelque part que les Modern Lovers et Eno avaient effectivement séjourné dans le même bâtiment en 1974, ce qui donnait une explication à cette référence, malheureusement je n'arrive pas à remettre la main sur cette info aujourd'hui.
Entre The true wheel et China my China, on entend quelques bribes d'un "zapping" sur un cadre de radio, ce qui nous permet d'apprendre que Jean-Michel Bezzina était déjà en activité en 1974 !
Le titre Taking tiger mountain clôt l'album très sereinement, au piano et aux choeurs, avec quelques lignes de textes qui font certainement référence à l'opéra d'origine.
Sur ce, je vous laisse vous emparer stratégiquement de cette montagne du tigre...!


Ajout du 27 juin 2011 :

Merci WFMU et YouTube ! Voici une vidéo d'époque pour China my China pour laquelle Brian Eno est accompagné par Judy Nylon et Polly Eltes.

23 août 2008

MARCEL AMONT : Une chanson, qu'y a-t-il à l'intérieur d'une chanson ?


Offert par Fabienne M. en mars 2008
Réf : 2-02-022581-6 -- Edité par Seuil en France en 1994
Support : 412 p. 22 cm
33 titres

C'est au moment où j'ai chroniqué le 45 tours La polygamie de Marcel Amont que j'ai découvert l'existence de ce livre, et les textes de présentation que j'ai touvés en ligne m'ont suffisamment intéressé pour que je l'inscrive sur ma liste de cadeaux potentiels, cadeau qui n'a pas tardé à se concrétiser.
C'est vrai, comme Marcel Amont l'explique en introduction, que, en matière musicale, on trouve beaucoup de livres qui sont des biographies d'interprètes. Il y a aussi beaucoup de publications sur des mouvements ou des styles, ou sur des époques, mais des livres qui s'intéressent vraiment à la matière musicale sans être des traités de musicologie, qui décortiquent les rôles des divers intervenants dans la création d'une chanson (les paroliers et les compositeurs, leurs interprètes bien sûr mais aussi les éditeurs, les managers, les patrons de salles, les labels,...), il n'y en a quasiment pas, que ce soit en français ou en anglais d'ailleurs.
C'est à cette tâche que Marcel Amont, lui-même très grand praticien du genre bien sûr, s'est attelé pour produire Une chanson, qu'y a-t-il à l'intérieur d'une chanson ?, visiblement le fruit de longues années de recherches, d'analyses, de synthèse et d'entretiens avec des professionnels de la profession, le tout sans jamais se prendre ni la tête ni au sérieux, Marcel précisant d'ailleurs, toujours en introduction, les plats remarquables servis au menu de ses rencontres avec Mireille, Higelin, David McNeil, Jean-Pierre Lang, etc.
Le propos de ce livre se concentre donc sur le rôle des créateurs des chansons, les paroliers et les compositeurs, et sur l'analyse impossible de l'alchimie délicate qui fait qu'une chanson est réussie, sans parler du concours de circonstances improbable qui fait qu'elle a du succès.
Marcel y a mis tout son coeur et le livre fourmille de témoignages et d'anecdotes sur des personnalités importantes de la chanson, dont beaucoup sont très souvent méconnues et très mal documentées (les 70 pages de bibliographies en annexe sont très précieuses).
Parmi les dizaines de personnages sur lesquels j'ai appris beaucoup de choses, je citerai juste en exemple deux "monuments", Géo Koger, parolier de dizaines de grands classiques, dont de nombreuses collaborations avec Vincent Scotto pour la musique (Je ne suis pas bien portant, J'ai deux amours, Marinella, Tchi-Tchi, Prosper, La java bleue, Pigalle), et sa fille Vline Buggy, parolière également et adaptatrice une génération plus tard, avec un palmarès impressionnant lui-aussi (Belles belles belles, Le pénitencier, Céline, Les bals populaires).
On sent qu'il y avait tellement de matière que la construction du livre n'a pas dû être facile : le corps du livre fait 200 pages, mais il y une centaine de pages complémentaires sous le chapeau En guise, en guise, en guise d'annexe (en référence à l'une des chansons de Marcel Amont), plus les bibliographies, des copies de manuscrits de chansons et des notes, à la fin desquelles Marcel avoue : "Il y en a encore des centaines... De quoi faire... Un autre livre !".
Cet autre livre, plus ou moins dans la lignée de celui-ci, Marcel Amont a fini par le publier, en 2000. Il s'intitule Ça se dit, ça s'écrit, ça se chante. Je n'ai pas lu ce dernier livre, mais Une chanson étant encore (étonnamment) disponible en librairie, je conseillerais à tous ceux qui s'intéressent de près à ce sujet de commencer par la lecture de ce premier ouvrage.

22 août 2008

THE WEDDING PRESENT : Pourquoi es-tu devenue si raisonnable ?


Acquis à La Clé de Sol ou chez Vitamine C à Reims en 1988
Réf : DONG 39 -- Edité par Midnight Music en France en 1988
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Pourquoi es-tu devenue si raisonnable ? -- Give my love to Kevin (Acoustic) -- Getting better-/- Why are you being so reasonable now ? -- Not from where I'm standing

C'est l'un de ces bons exemples de non francophones enregistrant de très bonnes chansons en français. Dans ce cas précis, il s'agit de l'enregistrement avec des paroles françaises de Why are you being so reasonable now ?, le dernier single de Wedding Present sorti avant qu'ils signent chez RCA. La musique est la même que la version anglaise du single et j'imagine que les deux versions ont été enregistrées dans la foulée l'une de l'autre, mais je n'ai trouvé nulle part d'explication sur ce qui a motivé David Gedge de traduire et d'enregistrer sa chanson en français. Cette version est sortie en Angleterre chez Reception en "face B" du CD single et en face A d'un 45 tours qui, je le suppose, devait être en édition limitée. Je crois que ce maxi est le seul format sorti en France par Midnight Music.
J'ai acheté ce disque à peu près en même temps que la compilation des premiers singles Tommy et après que Bernard Lenoir eut largement matraqué la chanson à l'antenne.
J'ai toujours trouvé que Pourquoi es-tu devenue si raisonnable ? fonctionnait parfaitement et je la préfère à la version anglaise. Certains non-francophones produisent un français exotique, à cause de leur prononciation ou de leur grammaire un peu concassée. Pas de ça ici : les paroles sont grammaticalement parfaitement correctes et David Gedge a plutôt un très bon accent. Pourtant, un français de naissance n'aurait probablement jamais chanté cette façon. La différence vient probablement des coupures de rythme que Gedge s'autorise dans certaines phrases ("Je ne veux pas/Décrocher/le telephone", "On ne change pas/comme/ça en trois jours") et qu'un français, tenu par sa connaissance intime de la grammaire, n'aurait pas osé faire.
Je ne connais pas la version originale électrique de Give my love to Kevin sur le premier album George Best, mais la version acoustique ici se traduit notamment par la présence d'un accordéon, ce qui fait penser au projet parallèle de Wedding Present, The Ukrainians.
La reprise des Beatles Getting better était l'un des titres les plus réussis de Sgt. Pepper knew my father, la compilation éditée par le NME pour les vingt ans de l'album légendaire, et ça fait donc du bien de la retrouver ici.
Not from where I'm standing
, par contre, est une chanson assez quelconque dans le style Wedding Present, mais bon, c'est juste une face B.
Non, en fait le seul reproche que je pourrais faire à ce disque c'est que le label français n'a pas été jusqu'au bout de la démarche et n'a pas aussi traduit le nom du groupe, comme ça a été fait pour le 45 tours anglais ! :

21 août 2008

PERE UBU : Folly of youth see dee +


Acquis probablement par correspondance probablement chez Action Records en Angleterre en 1995
Réf : fry cd 043 -- Edité par Cooking Vinyl en Angleterre en 1995
Support : CD 12 cm
Titres : Folly of youth -- Ball n chain (jam) -- Down by the river (demo) -- Memphis (demo) + nombreux fichiers multimédia

En 1988, Pere Ubu chantait sur We have the technology, l'un de ses meilleurs singles, "Nous avons la technologie, qui n'était pas disponible auparavant".
Dans les années 1990, David Thomas s'est lui-même emparé de cette nouvelle technologie, principalement des outils informatiques. Il a notamment diffusé des disquettes avec la discographie et la biographie de Pere Ubu puis, avant de créer les différentes versions des sites internet de Pere Ubu, il a entièrement programmé deux CD-Rom édités en CD multissesion ("Mettez-le dans une platine CD, vous écoutez un CD audio. Mettez-le dans un ordinateur et c'est un CD-Rom" est-il indiqué sur la pochette) qui sont les deux singles extraits de l'album Ray gun suitcase. Folly of youth est le premier, le second s'intitule Beach boys.
Voici la présentation de ce CD, telle que je l'avais fait paraître dans le n°3 du fanzine Vivonzeureux! en 1996 (disponible ici, version en ligne de l'article ) :
Mais mieux encore il y a le "maxi" CD "Folly of youth", qui est ce qu'on appelle un CD Plus (ou encore CD Extra, autre appellation en vigueur). C'est à dire que, pour moins de 100 F, c'est un CD single, avec un extrait de l'album et trois inédits, mais c'est aussi, pour ceux qui ont la chance et les moyens d'accéder à un ordinateur équipé, un CD-Rom parmi les plus passionnants. En effet, on trouve dans les fichiers informatiques de "Folly of youth", un programme assez typique de tous les CD-Rom, mais passionnant, avec une présentation de Ray gun suitcase, la vidéo du single, le dossier de presse, des photos, des affiches, la discographie complète du groupe (avec les pochettes), toutes les paroles, l'histoire du groupe. Tout cela fourmille de petits détails qu'on met des heures à dénicher... Et ce n'est pas fini. En effet, il semble que David Thomas, à l'origine de la programmation du CD-Rom, soit un passionné des nouvelles technologies, et il semble bien aussi qu'il a copié le CD-Rom une bonne partie du contenu du disque dur de son ordinateur. Ce qui nous vaut un bric à brac fascinant à explorer, au cours duquel le fan effaré tombera sur des notes internes détaillant le fonctionnement hyper structuré de l'organisation Pere Ubu, tandis que le fiscaliste spécialiste de l'industrie du spectacle pourra contrôler tous les bilans et les décomptes d'impôts du groupe de ces dernières années. Sans parler d'un guide (inachevé et commenté) des restaurants préférés de David Thomas, ou d'une base de données qui détaillent la répartition des droits d'auteur de toutes les chansons du groupe depuis ses débuts (pour 'We have the technology', c'est Thomas à x%, etc).

A côté de l'explication du fonctionnement du CD multisession donnée ci-dessus, David Thomas avait ajouté entre parenthèses "Du moins on l'espère". Aujourd'hui, treize ans à peine après la sortie de ce disque, on pourrait dire en le paraphrasant : "Nous n'avons plus la technologie, qui était disponible auparavant" !!
Côté CD audio, pas de problème, c'est un standard encore largement utilisé et je peux l'écouter sans souci sur ma platine CD ou mon ordinateur. C'est d'ailleurs un excellent maxi-single.
Folly of youth est le titre qui ouvre l'album. Ce n'est pas une chanson pop formatée couplet-refrain. Il y a une sorte de gros groove avec David Thomas qui fait son numéro par dessus, la principale mélodie venant de son chant sur des phrases comme "Je veux trainasser à l'intérieur de ta gare routière". On comprend mieux quand on sait qu'il chantait avant "Je veux être ta valise" !
Ball n chain est un extrait d'une improvisation qui a donné par la suite matière à plusieurs des chansons de l'album. On y retrouve la majorité des paroles de Folly of youth, mais musicalement c'est plus proche du morceau-titre de Ray gun suitcase, qui utilisait aussi ces paroles.
Down by the river et Memphis sont deux démos de deux des nombreuses excellentes chansons de l'album. Elles sont suffisamment bonnes pour avoir été inclues en 2005 en titres bonus dans la réédition "Director's cut" de Ray gun suitcase.
Côté CD-Rom par contre, c'est la cata et ce n'est pas la page d'assistance technique de l'époque qui risque d'être utile pour s'en sortir. En 1995, Macintosh en était à la version 8 de son système. Actuellement, on en est à la version 10, mais le problème c'est que le passage de la version 9 à la version 10 s'est accompagné d'un changement complet de la structure technique du système d'exploitation. Moralité : la partie Macintosh du CD-Rom ne fonctionne plus du tout sur mon ordinateur aujourd'hui et l'icone n'en apparait même plus sur le bureau ! Et ironie de l'histoire : les seuls éléments de la session CD-Rom du See Dee + que je peux consulter aujourd'hui sont les fichiers de la partie PC lisibles aujourd'hui par mon Macintosh ! Heureusement, comme certains standards techniques sont encore utilisés, ça en fait un bon paquet (fichiers texte, fichiers image, sons AIFF, films et sons Quicktime), mais impossible par exemple de consulter la bio et la discographie du groupe qui étaient programmés avec Hypercard, un logiciel Apple fourni avec tous les Macintosh à l'époque mais dont le développement a été stoppé il y a bien longtemps déjà.
Je n'ai pas d'ordinateur tournant avec Windows sous la main, mais je me dis qu'avec XP on aurait peut-être une chance de mieux faire tourner le programme. En attendant, je me console en me disant que, si j'avais commandé les disquettes à l'époque, ça ne serait pas mieux !
Si vous voulez tenter votre chance, et surtout si vous voulez profiter de l'excellente partie audio du See Dee +, sachez que l'Ubutique en a encore des exemplaires en vente, au prix imbattable de 3$. Quant à David Thomas, je parie qu'il préfère toujours Apple à Windows...!

17 août 2008

TESTAMENT DU ROCK


Acquis d'occasion dans la Marne dans les années 1990
Réf : 2M 046-81656 -- Edité par Music For Pleasure en France en 1974
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

En grandissant, le "vieux" rock'n'roll c'était pour moi Elvis Presley et Be-bop-a-lula, et ce qu'en disaient Johnny Hallyday et Eddy Mitchell dans leurs chansons. Nous n'avions pas de disque d'Elvis à la maison, mais nous avons très vite acheté les deux premiers volumes de cette série Testament du rock, éditée par Music For Pleasure, une filiale de rééditions à prix cassés du label EMI.
Comme ces disques étaient autant à moi qu'à mon frère ou à toute la famille, je n'ai pas gardé mon exemplaire d'époque de cet album, qui a dû se perdre au fil du temps, mais j'ai racheté les trois volumes parus quand j'ai eu l'occasion de les trouver pour pas cher.
Si le disque contient bien des enregistrements originaux, avec trois titres pour chacun des quatre artistes mentionnés sur la pochette, le terme "rock" est à prendre au sens large, surtout pour ce qui concerne Louis Prima, qui ouvre le disque avec Buona sera. Que ce soit pour cette chanson, qui démarre sur un rythme de tango avant de s'affoler après la première partie, ou pour ses deux autres titres Angelina/Zooma zooma et Pennies from heaven, on est avant tout dans les clins d'oeil à l'Italie et dans du jazz rapide ou du music-hall. Si on doit rattacher ces titres à du rock, ce serait dans le style de Bill Haley & the Comets, pour leur rythme frénétique et le saxophone de Sam Butera.
Par contre, quand Wanda Jackson attaque Let's have a party avec sa voix rauque, accompagnée notamment par de la guitare électrique et du piano, on sent tout de suite qu'on a à faire à une rockeuse teigneuse. La génération des années 80 connait surtout Stupid cupid ("Cupidon t'es con, arrête de me viser"...) dans la reprise petite fille par Joanna Wyatt des Mini Pops, mais la version de Wanda Jackson, qui n'est pas l'originale, c'est autre chose !
Le troisième titre de Wanda, Tweedlee dee est une reprise de Lavern Baker. Il est amusant de noter que cette chanson, comme Buona sera, a été interprétée en son temps par Line Renaud !
Rien à dire sur Be-bop-a-lula de Gene Vincent, le seul grand classique présent sur cet album. Ses deux autres titres sont Woman love, une chanson au tempo moyen, un pur rockabilly que Capitol avait choisi pour être la face A de son premier single, mais lui-même, son management, les radios et le public lui ont préféré la face B, Be-bop-a-lula, ainsi qu'une superbe reprise de Over the rainbow, qui clôt l'album. Capitol faisait enregistrer des succès de l'époque à Vincent, en plus de ses propres compositions, pour remplir ses albums, mais cet enregistrement de début 1959 reste pour moi la version de référence de cette chanson du Magicien d'Oz, d'autant plus que je n'ai eu l'occasion d'écouter la version originale de Judy Garland que des années plus tard. Dans l'esprit, avec cette chanson très lente on n'est pas loin de Lonesome town, version Ricky Wilson ou version Cramps. On peut en voir une interprétation live, également de 1959, ici.
J'ai l'impression que Johnny Otis, avec ses chansons pop rhythm & blues, est mal mis en valeur sur les Testament du rock, principalement parce que, étant rarement chanteur principal de son orchestre, ses titres manquent d'unité. Sur ce premier volume, on trouve deux titres chantés par Marie Adams & Three Tons of Joy, Loop de loop et Ma! (He's makin' eyes at me), cette dernière dans une version live probabelement tirée de la célèbre émission de télé The Johnny Otis Show,ainsi qu'un duo entre Marci Lee et Johnny Otis, Telephone baby.

Pour profiter de la connaisance et de l'accès facilité aux enregistrements des années cinquante, je viens de publier sur Vivonzeureux! Records, mon label virtuel, un Testament du Rock vol. 5, qui vient compléter la série de quatre albums publiés par Music For Pleasure dans les années soixante-dix.


Notes de pochette par Frank Lipsik (cliquer pour agrandir)

16 août 2008

MELO : L'oiseau tombé du nid


Acquis chez Emmaüs à Bouguenais le 6 août 2008
Réf : EPL 8637 -- Edité par Vogue en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : L'oiseau tombé du nid -- Les clochers de Paris -/- Fleur du pavé -- Les cheveux gris

C'est bien sûr pour sa superbe photo de pochette que j'ai choisi ce disque.
A cette époque, Vogue, dont les têtes d'affiche étaient Jacques Dutronc, Pierre Perret et les Charlots, a tenté de lancer Mélo, un pseudo assez bien trouvé pour quelqu'un placé sur le créneau de la jeune chanteuse néo-réaliste, dans la lignée de celles que citent les notes de pochette, Fréhel, Berthe Sylva et Piaf. Vogue essayait peut-être ainsi de capitaliser sur la vague de nostalgie qui lui avait amené un grand succès avec le Riquita de Georgette Plana.
D'après ce que j'ai pu constater, Vogue a dû sortir au moins deux EP et sûrement un 45 tours de Mélo, celui-ci étant probablement le tout premier.
Bon, côté disque, on ne peut pas dire que ça fonctionne. Pourtant, tous les ingrédients ont été réunis pour un succès du genre. Il y a une équipe de choc avec Fernand Bonifay, un grand auteur-compositeur de la chanson française, qui co-signe les quatre titres du disque, et l'orchestre est sous la direction de Guy Boyer, dans le CV duquel on retiendra surtout les arrangements pour l'album de reprises des Beatles de Cathy Berberian.
Seuls des grands thèmes de la chanson réaliste sont abordés : l'orphelin, Paris, la rue, la vieillesse, pourtant on a du mal à y croire. Peut-être qu'à vingt-quatre ans Mélo n'avait pas encore la voix assez attaquée par la vie pour donner corps à ces chansons, sans grande âme il faut le dire.
S'il y a une chose qui m'intrigue avec ce disque, c'est qu'il est sorti en 1968. Alors, de deux choses l'une : soit il a été enregistré avant mai 1968, soit après. J'ai du mal à imaginer que ce soit après, tellement ce disque et sa pochette, avec les marguerites accrochées à la robe et à l'oreille de Mélo, semblent loin de l'ambiance de soufre des événements de l'année. A moins qu'il ne soit un exemple précoce de la Réaction et du retour à l'Ordre.
Non, je pense plutôt que ce disque, qui respire l'innocence plus que le mélodrame de la rue, a été enregistré avant mai 1968, et je me plais à imaginer à quoi il aurait pu ressembler l'année d'après, si les idéaux et la folie de mai 1968 avaient par contagion touché Mélo.
Au lieu d'une histoire d'orphelin, L'oiseau tombé du nid raconterait celle d'un jeune bourgeois qui quitte sa famille pour rejoindre une communauté en Ardèche. Les clochers de Paris deviendraient Les clochettes de Krishna. La fleur du pavé serait bien sûr La fleur de pavot et la robe de Mélo serait recouverte de fleurs psychédéliques. Pour Les cheveux gris, facile, ils seraient devenus Les cheveux gras (et longs), Vogue ayant une longue expérience avec Antoine des polémiques liées à la longueur des cheveux.
Enfin bref, plutôt qu'une bête néo-chanson réaliste, si Vogue avait tenté de lancer une vague de chanson réaliste hippie, ça aurait peut-être mieux marché !!

13 août 2008

JONATHAN RICHMAN & THE MODERN LOVERS : Abdul & Cleopatra


Acquis chez un disquaire de Camden à Londres vers la fin des années 1990
Réf : BZZ19 -- Edité par Beserkley en Angleterre en 1978
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Abdul & Cleopatra -/- Oh Carol

C'est avec l'album Back in your life que je suis devenu fan de Jonathan Richman, et Abdul & Cleopatra est ma chanson préférée sur cet album, c'est vous dire combien elle est importante pour moi ! J'ai même il y a bien longtemps rédigé deux histoires - non diffusées et non diffusables - à la Vernon Sullivan dont les héros s'appelaient Abdul et Cliopatra.
Je ne me risquerais pas pour autant à affirmer qu'Abdul & Cleopatra est la meilleure chanson de Back in your life. Avec un album qui compte aussi dans ses chansons originales Affection, Back in your life et My love is a flower (Just beginning to bloom) il est impossible de se livrer à ce petit jeu. Le fait que cette chanson soit celle qui ouvre l'album a peut-être joué, mais pas seulement, cette chanson m'a toujours beaucoup touché, tout simplement.
De quoi est-il question ? D'amour en Orient. Tiens, voilà les paroles en français :
Abdul n'a pas vu Cléopâtre
Depuis bientôt presque un an.
Oh je me demande où elle est maintenant
Et j'aimerais tant qu'elle soit làtre.
Abdul se languit de Cléopâtre au soleil levant.
Abdul aime Cléopâtre, elle est toujours son choix.
Vous savez, j'aime Cléopâtre,
Je suis reconnaissant de connaître cette fille-là.
Même si je me demande où elle est maintenant
Alors que j'erre à travers le monde.
Et Abdul se languit de Cléopâtre, pour Abdul c'est elle ou personne.
Abdul aime Cléopâtre, elle est toujours son choix.

Oui, Cléopâtre, prends ma patience et teste-là.
Cléopâtre, prends ton temps comme il te plaira.
J'ai bien comblé mon attente,
J'ai fini de ranger ma tente.
Elle te plaira quand tu la verras - un jour.

J'attendrai Cléopâtre
Car je sais que mon heure viendra,
Et je suis prêt à la rejoindre où qu'elle soit,
Car je suis plus fort et plus aussi bêta.
Abdul se languit de Cléopâtre au soleil du désert.
J'aime Cléopâtre, elle est toujours pour moi.
Abdul aime Cléopâtre, elle est toujours son choix.
J'aime Cléopâtre, elle est toujours pour moi.
Musicalement, c'est parfait, depuis le coup de caisse claire isolé en ouverture jusqu'aux chœurs et aux claquements de main, en passant par l'ambiance orientale, la basse électrique qui sonne presque comme une contrebasse, l'écho façon fifties et le solo de guitare de Leroy Radcliffe.
Quelques années plus tard, Jonathan Richman a enregistré une chanson très proche thématiquement d'Abdul & Cleopatra, Shirin and Fahrad. La différence, c'est que pour Shirin and Fahrad, Jonathan se contente, si je peux m'exprimer ainsi, de raconter une histoire façon conte des mille et une nuits. Pour Abdul & Cleopatra, il est beaucoup plus impliqué dans la chanson, qui d'ailleurs exprime un sentiment plus qu'elle ne raconte une histoire, et cela est souligné par le passage constant dans les paroles de la troisième à la première personne.
Quand on regarde bien, Abdul & Cleopatra exprime exactement le même sentiment que la chanson Back in your life, avec simplement un point de vue différent : Abdul attend le retour de l'élue de son coeur alors que Jonathan, auquel les paroles de Back in your life font directement référence, espère lui plus activement revenir dans la vie de sa chérie. Tim Mitchell le précise page 115 dans son livre There's something about Jonathan ("Jonathan was at this point close to succeeding in his campaign to woo Gail (...). His new material now would lean strongly towards this hoped-for reunion and, when it was finally achieved, would deal substantially with it."), Jonathan Richman essayait effectivement au moment où il a composé les chansons de Back in your life, probablement début 1978, de (re)conquérir le coeur de sa future épouse, Gail. La principale différence entre Abdul et Shirin, à sept ans d'écart, c'est que pour Shirin Jonathan et Gail étaient effectivement réunis au point de produire ensemble cet enregistrement !
J'ai un doute sur le nom du magasin où j'ai acheté ce 45 tours (probablement Rhythm ou Reckless), mais je me souviens très bien où il est était (il a fermé depuis, bien sûr) : sur Camden High Street, à gauche quand on va vers Chalk Farm Road, l'une des dernières boutiques avant le canal. J'ai trouvé ce disque, vendu même pas cher, dans un carton posé près de la caisse au fin fond du sous-sol. Je crois bien qu'avant de l'acheter, je n'avais même carrément jamais vu la pochette de ce 45 tours, assez bien vue avec sa photo romantique de film à la Lawrence d'Arabie.
Cet achat est survenu bien trop tard pour que j'associe Abdul & Cleopatra à un autre disque que Back in your life, pourtant la chanson a d'abord été éditée dès juillet 1978 sur ce 45 tours, sorti il y a tout juste trente ans donc (déjà !), qui a été le premier à être extrait du futur troisième album studio de Jonathan Richman & the Modern Lovers, alors prévu pour s'appeler Modern love songs.
En plus de sa pochette, j'ai découvert avec ce disque une face B que je n'avais encore jamais eu l'occasion d'écouter. Elle est un peu particulière car elle est chantée par le bassiste Asa Brebner et il s'agit d'une reprise d'une chanson de Chuck Berry. La maison de disques a fait une grosse erreur en intitulant la chanson Oh Carol car il s'agit bien du célèbre Carol de Chuck Berry, Oh Carol étant un tube de Neil Sedaka. Castle fera encore pire en 1998 sur la compilation CD Roadrunner, puisqu'ils ont conservé le mauvais titre, Oh Carol, et en plus ils ont crédité la chanson de Berry à Neil Sedaka !
Le son, avec plein d'écho, est tout à fait dans l'esprit rock'n'roll de la version originale, mais en matière de reprises de Berry, je crois que je préfère Back in the USA sur le premier album de Jonathan Richman & the Modern Lovers.
Je ne suis pas à jour de mon compte du nombre de concerts de Jonathan Richman auxquels j'ai eu la chance d'assister. On doit être dans la vingtaine. Jamais je ne l'ai vu interpréter Abdul & Cleopatra sur scène mais, depuis quelques mois, on peut consulter en ligne un enregistrement de 1982 de l'émission Houba Houba d'Antoine de Caunes où Jonathan joue en solo cette chanson à la demande d'Antoine. Pas de choeurs, pas de batterie, pas de basse, pas de claquements de main, mais des explications sur l'origine de la chanson, un chant et un jeu de guitare parfaits et même une chorégraphie à l'égyptienne. Parfait ! :

12 août 2008

THICK PIGEON : Subway


Acquis probablement à Paris probablement dans la première moitié des années 1980
Réf : twi038 -- Edité par Les Disques du Crépuscule en Belgique en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Subway -/- Sudan

J'ai connu Thick Pigeon grâce à l'excellent album compilation Un jour en octobre que j'avais emprunté à Dorian Feller et enregistré sur cassette. Il s'agissait de l'édition en France d'une sélection d'artistes du catalogue des Disques du Crépuscule, sur le petit label de Bordeaux Radical, un label qui avait des liens privilégiés avec la Belgique puisque c'est lui qui a aussi sorti en France Nagasaki mon amour de Polyphonic Size.
Mes titres préférés sur ce disque étaient Life in reverse de Marine, Sorry for laughing de Josef K, Mozart de Michael Nyman, A still reflex de Repetition et Subway de Thick Pigeon, c'est pourquoi j'ai fait l'acquisition de ce 45 tours quand je suis tombé dessus quelques temps plus tard.
Thick Pigeon est avant tout le projet de Stanton Miranda, accompagnée par divers musiciens, dont souvent Carter Burwell.
Un peu comme tout le catalogue des Young Marble Giants, Subway est une chanson qui semble ne venir de nulle part et flotter dans l'air, sans attaches. La basse répétitive et les motifs de clavier de l'intro la rattachent effectivement à Young Marble Giants ou Fall Of Saïgon. La voix, quand elle arrive, légèrement voilée, est détachée comme celle des tubes de Flying Lizards et, comme le groupe est de New-York, on peut que penser à O Superman de Laurie Anderson.
Les paroles rajoutent beaucoup au mystère de la chanson. Je n'ai pas tout déchiffré, mais il y est question de béton, de poubelle, de pigeons, de souris, de saleté. On y pense, mais on n'est pas dans la scène de crime comme pour le Subway song de Cure.
Une première version de Sudan, acoustique et instrumentale, avec notamment Arthur Russel au violoncelle, était parue sur la compilation Crépuscule The fruit of the original sin. Celle qu'on trouve ici en face B est différente, électronique et chantée, et c'est ma préférée des deux.
La rythmique électronique minimale de Sudan rappelle immanquablement Suicide, puisqu'on est toujours à New-York, alors que les nappes de synthé me font penser à celles de The flood sur le premier album des Flying Lizards, mais le plus surprenant, et je n'y ai pas pensé uniquement parce que la capitale du Soudan est Khartoum (il a fallu que je vérifie ce fait pour en être sûr), c'est que le chant et l'ambiance générale de ce titre me font beaucoup penser au 45 tours enregistré quelques temps plus tard par les jeunes anglais de Khartomb.
Le label LTM a réédité en deux CDs ce qui doit constituer l'intégralité du catalogue de Thick Pigeon. Sur la réédition de l'album sorti à l'origine en 1991 sous le nom de Miranda Dali, on trouve dix titres en bonus, dont les deux faces de ce 45 tours et la version acoustique de Sudan.

11 août 2008

JC MENU : Lock groove comix n°1


Acquis à la FNAC de Reims le 29 juillet 2008
Réf : 978-2-84414-269-6 -- Edité par L'Association en France en 2008
Support : 30 p. 25 cm
9 titres

J'ai acheté ce livre moi-même, mais j'ai utilisé pour cela une carte-cadeau offerte par mes collègues de travail (que je remercie chaleureusement !), c'est donc bien un cadeau.
Contrairement au Petit livre rock d'Hervé Bourhis, dont les présentations m'avaient intéressé mais que j'avais renoncé à acheter après l'avoir feuilleté, tout simplement parce que l'histoire qu'il racontait, celle du rock, je la connais dans les moindres détails (à ce niveau de précision en tout cas), j'ai su tout de suite dès que j'ai lu quelques chroniques de Lock groove comix n° 1 que ce livre était fait pour moi. Jugez-en : il est question de musique, de disques, de souvenirs, de souvenirs liés la musique, de disques qui rappellent des souvenirs, d'anecdotes de concerts et de tous petits détails sur tel ou tel aspect de tel ou tel disque. Si ça vous fait penser à ce que pourrait être Blogonzeureux! si j'étais dessinateur, c'est exactement ça !
En plus, JC Menu a le même âge que moi a un an près, nous avons donc des souvenirs communs, nous avons tous les deux eu notre période Beatles en 1977 et avant ça nous avons suivi de près la carrière des Rubettes (Les Roupettes comme on les appelait dans la cour du collège, il me semble), nous fredonnons tous les deux des chansons tahitiennes, nous pensons tous les deux que Ray gun suitcase de Pere Ubu est un chef d'oeuvre, etc., même si, bien sûr, nos goûts musicaux ne se recoupent pas complètement, M. Menu étant bien plus fan que moi de garage et de punk rock.
Pour tout dire, ce livre m'a tellement plu que, au lieu de dévorer ses 30 pages d'un bloc en trois-quarts d'heure, je me suis forcé à le déguster bouchée par bouchée en plusieurs jours, car si le titre est bien suivi d'un n°1, rien ne garantit que nous aurons bien un jour un n°2 à nous mettre sous la dent.
Une petite moitié du livre est consacrée au "lock groove" auquel le titre fait référence. Il s'agit du dernier sillon, en boucle, des disques vinyls, qui est parfois gravé, et donc contient de la musique au lieu d'être silencieux, à l'exclusion des craquements du vinyl plus ou moins usé. Bizarrement, je me suis dit que cette histoire de lock groove ne me touchait pas autant qu'elle aurait dû, alors même que j'ai au moins deux des disques avec lock groove auxquels il est fait référence (Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles et 25 o'clock des Dukes of Stratosphear). Ce n'est qu'un peu de temps après avoir finalement tourné la dernière page du livre que j'ai compris pourquoi je n'avais aucune expérience de lock groove en tête malgré mon écoute régulière de disques vinyl : la platine Dual que j'utilise depuis 1985 dispose d'une fâcheuse fonction de retour automatique du bras de lecture des disques, mal réglée puisque le bras se lève avant la fin des disques, qu'en plus il n'est pas possible de régler ou de supprimer. Cela a au moins deux conséquences sur mes écoutes de disques : les chansons de fin de face des 45 tours sont très souvent écourtées avant la fin, et surtout je n'ai aucune chance (vérification encore faite aujourd'hui avec les deux disques mentionnés ci-dessus) d'écouter un lock groove de fin de face !!
Sinon, il est question dans les autres histoires des plaies de concerts, qu'on a tous connus, et de souvenirs de passages de disques comme DJ. En attendant de vous procurer cette BD, vous pouvez en consulter trois pages ici.

10 août 2008

BOB BROZMAN : Slide a go-go


Acquis chez Stan' Troc à Nancy le 17 juillet 2008
Réf : VI 393892 -- Edité par Sky Ranch/Virgin en France en 1993
Support : CD 12 cm
13 titres

Quand j'ai eu la chance de tomber sur ce CD, je savais à peu près à quoi m'attendre musicalement : de la guitare slide, de la musique hawaïenne, du blues,... Il y a tout ça bien sûr sur cet album, du titre inaugural Whoopee blues à l'excellent Moana chimes, titre hawaïen sous-titré Le blues du Pacifique, mais la bonne surprise que j'ai eue à l'écoute ça a été de découvrir, alors que je m'attendais plutôt à un album majoritairement instrumental, qu'il y avait de nombreux titres chantés par Bob Brozman dans une bonne humeur et une absence de prétention qui font que la majorité de mes titres préférés sur ce disque sont garantis 100% hip-pop optimiste : Tell me something ("Tell me some good news" vont les paroles), la séquence I don't know (un ska signé Drummond, donc probablement issu de la galaxie Skatalites - encore une surprise - sur lequel Brozman a ajouté des paroles) / Down the road / Enjoy yourself (un titre que j'ai découvert grâce aux Specials), et pour clôre l'album carrément une version chantée de La vie en rose !
Le reste du disque est excellent aussi, que ce soit la longue suite instrumentale Animal dreams ou le ska-blues Cold & broke. A l'écoute, je pense parfois aux Melody Four pour l'esprit léger, et surtout à Taj Mahal pour le chant et le mélange blues/musique des îles.
Bob Brozman explique sur son site que sa carrière en France a décollé grâce au succès surprise de Truckload of blues, sorti par Sky Ranch en France, et au très bon accueil reçu lors de sa prestation au Printemps de Bourges en 1992. Suie à ça, Sky Ranch a réédité tous ses disques des années 80 et sorti trois nouveaux albums, Slide a go-go étant le premier, et Bob Brozman a pu tourner dans toute l'Europe.
Etant donné que j'étais présent au Printemps de Bourges en 1992, j'ai quelques regrets à ne pas avoir assisté à ce concert de Bob Brozman, qui j'imagine devait être programmé avec Marc Ribot. Ça ne s'est pas fait pour plein de raisons. Le peu que je savais de Bob Brozman me faisait envie, mais mon forfait ne me permettait sûrement pas d'entrer à ce concert, et surtout j'étais par ailleurs très occupé, à voir un paquet de jeunes Découvertes, des Combinaisons à Ten Cuidado en passant par les Burning Heads, Les Chats Maigres et Seba, à me réunir avec la Férarock et à voir d'autres groupes du programme officiel ou non : Les Gamins en Folie, les Ukrainians, My Bloody Valentine, Kat Onoma (tiens, je ne m'en souvenais plus), les Pogues (sans Shane McGowan ni Joe Strummer) et les Ramones.
On peut voir ici Bob Brozman interpréter en concert Highway 49 blues de Big joe Williams, l'un des titres de Slide a go-go.

05 août 2008

ZANINI : Le camping


Acquis sur le vide-grenier de Sillery le 27 juillet 2008
Réf : 121 388 L -- Edité par Riviera en France en 1971
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le camping -/- Ne me dis pas non

Puisque toutes mes recherches ont été infructueuses, il semble bien que mon exemplaire dédicacé de Tu veux ou tu veux pas a définitivement été égaré au rythme des divisions de la discothèque familiale et des déménagements... En tout cas, ce 45 tours-ci confirme mes souvenirs de l'inauguration du magasin B3 de Châlons, vers 1973. Sauf que le mien, s'il avait sûrement été dédicacé avec le même feutre, ne comportait pas d'autocollant B3 au verso.
J'ai trouvé ce disque sur la fin de mon périple à Sillery, à quelques mètres de l'endroit où j'avais acheté un album de John Fahey il y a quelques années je pense.
J'ai un peu surpris la famille qui tenait le stand, et qui était en train de prendre l'apéro, en leur demandant la confirmation que les disques venaient de Châlons. C'était le cas, bien sûr, mais par contre ils ne connaissaient rien de ce Jean-François à qui le disque est dédicacé car c'est un lot qu'on leur a donné pour vendre.
J'imagine que ce disque est sorti pour l'été 71, l'année suivant le grand succès de Tu veux ou tu veux pas. Il est donc dans la lignée des disques de "variétés" du personnage de Marcel Zanini, en parallèle à sa fascinante carrière de jazzman depuis les années 40, avec notamment un séjour à New-York de 1954 à 1958 (Sur ce sujet, les entretiens publiés en CD chez Frémeaux en 2003 sont passionnants).
Dans ce style, Camping est vraiment très très léger. C'est l'habituelle histoire des mésaventures de campeurs, un peu dans la lignée de toutes les comédies au cinéma sur le sujet et, dans la chanson, des Colonies de vacances de Pierre Perret, avec un petit côté Nino Ferrer dans le chant. Mais autant Perret a mis tout son talent et toute sa gouaille dans son grand classique, autant là on a l'impression que tout le monde, des musiciens aux choeurs et à Zanini, applique des recettes et joue un rôle sans vraiment y croire.
La face B est plus intéressante. Son titre, Ne me dis pas non, comme d'autres de Zanini (A quoi tu joues, Je donne ma langue au chat, Hey ! Hey ! Dis dis, Je ne te crois pas,...), semble constituer une réponse à Tu veux ou tu veux pas. Et, comme pour ce tube, l'ambiance ici est très latino et agréable. Voilà un titre qui pourrait justement marcher dans tous les bals de camping : "Ne sois pas comme ça, donne-moi la chance, de vivre avec toi la dernière danse, alors je t'en prie, dis-moi plutôt oui" !

04 août 2008

LES BREASTFEEDERS : Les matins de grands soirs


Offert par la médiathèque d'Epernay le 1er juillet 2008
Réf : BTFCD008 -- Edité par Blow The Fuse au Canada en 2006
Support : CD 12 cm
14 titres

Après avoir enfin connu la gloire fin 2007 avec le premier prix du blind-test de l'Espace Musique de la Médiathèque d'Epernay, j'ai obtenu au mois de juin une honorable 6e place lors de la dernière édition de ce petit jeu, sur le thème des tubes de l'été (j'ai plutôt bien reconnu les tubes mais je me suis planté pour les dater à l'année près sauf, l'honneur est sauf, pour Good vibrations et Rockollection...!).
En plus d'un tee-shirt, j'ai eu à sélectionner pour mon lot un CD parmi une quinzaine et j'ai choisi ce deuxième album des Breastfeeders, parce que j'avais déjà eu l'occasion d'écouter quelques MP3s de leurs chansons, attiré que j'avais été par les titres en français, et qu'elles m'avaient suffisamment plu pour que je les conserve.
Le plus étonnant dans ce groupe québéquois, c'est d'ailleurs qu'il ait choisi un patronyme qui, à part l'article, est anglo-saxon. A part ça, tous chez eux est en français, notamment toutes les paroles de tous leurs titres et le livret de leur CD. The Allaittants à la place des Breastfeeders, ça n'aurait peut-être pas bien sonné mais The Haletants leur aurait convenu parfaitement, tellement le rythme frénétique de ce disque de rock'n'roll ne se relâche quasiment pas d'un bout à l'autre. En tout cas, cet album est le genre de disque à faire écouter à tous ces groupes francophones qui racontent à longueur d'interview qu'ils font des paroles en anglais parce que c'est la langue du rock et que le français sonne mal sur cette musique.
A l'inverse de mon petit jeu habituel, qui est de chercher à adapter en français des titres ou des paroles de chansons, je me retrouve avec Les Breastfeeders à faire l'inverse : Les matins de grands soirs aurait pu donner Hard nights' mornings, Tu n'es pas mon chien semble faire écho à I wanna be your dog et Septembre sous la pluie, qui est une chanson originale, ne peut qu'évoquer September in the rain de Dinah Washington.
Le groupe est souvent décrit comme un mélange de garage rock et de yéyé. Je dirais que la proportion de yéyé est bien moins importante que chez les Wampas, par exemple, même si la présence d'un gars et d'une fille au chant renforce cette impression. Mais du rock, c'en est bien, avec des titres qui s'enchaînent de façon implacable. J'aime beaucoup la séquence des premiers titres Viens avec moi / Chanson pour destinée / Funny funiculaire / Tout va mieux pour le mieux dans le pire des mondes mais, n'étant pas au fond de moi un vrai rocker, comme me l'a souvent fait remarquer Phil Sex, j'ai tendance à préférer des titres un peu plus bizarres, comme En dansant le yah!, Septembre sous la pluie avec sa cornemuse ou Où allez-vous si vite ? avec ses couplets un peu plus lents qui me font penser à Elli et Jacno (Les Breastfeeders ont repris Amoureux solitaires sur leur premier album), ce qui est étonnant car le refrain de la chanson d'avant ("Qui a deux femmes perd son âme") venait justement de me faire penser à la maxime attachée au film d'Eric Rohmer Les nuits de la pleine lune, dont la musique était justement signée Elli et Jacno !
Reste qu'il est évident qu'un disque en studio ne rend pas pleinement justice à un groupe au son aussi rock. Reste à les attraper en concert lors de leur prochaine tournée par chez nous et, en attendant, à écouter ce concert diffusé par Radio 3 au Canada.

03 août 2008

AN DER SCHONEN BLAUEN DONAU


Acquis chez AYAA à Reims vers 1989
Réf : GT011 -- Edité par Home Produkt en Belgique en 1987
Support : 33 tours 30 cm
30 titres

AYAA était un label indépendant, mais son autre activité consistait à distribuer par correspondance des productions indépendantes. Privilège de rémois, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de me rendre dans leur entrepôt, rue Ponsardin, à une ou deux entrées d'écart d'avec les Aubaines, où l'on pouvait voir les disques comme chez un disquaire et bénéficier des conseils avisés de Dominique Diebold.
Parmi les achats que j'y ai fait, celui-ci est sûrement le plus bel objet discographique, vu que j'avais finalement renoncé à acheter l'une des productions de Zoviet France, notamment celle dont la pochette était en papier goudronné.
Ce n'est peut-être pas très clair sur la photo ci-dessus (ça va beaucoup mieux en cliquant dessus pour l'agrandir, et il y a d'autres images ), mais la pochette, due à Albert, est en papier calque sur lequel sont dessinés des flots bleus, avec à l'intérieur un carton épais et imprimé plié en deux sur lequel est fixé une ficelle avec attaché à l'autre bout une représentation assez fidèle d'un poisson.
Si mon choix s'est porté sur cette compilation à 73 F. entièrement centrée sur Le beau Danube bleu, c'est tout autant parce que l'objet me plaisait que parce qu'on y trouvait des inédits de Sttellla et de Look de Bouk.
Je n'avais pas fait le lien à l'époque, mais avant cet album le label indépendant Home Produkt avait déjà produit un objet assez sympa, que j'avais emprunté à Dorian Feller, une compilation double cassette intitulée Brabançonnes, dont la pochette cartonnée était une photo de pommes de terre découpée en forme de carte de la Belgique !
Sur la pochette de ce An der schonen blauen Donau, on trouve l'anecdote suivante :
"En 1872 la valse "Le beau Danube bleu" avait déjà été jouée un peu partout. Elle avait déjà fait la gloire de son compositeur, Johann Strauss. Un chef d'orchestre américain, P. S. Gilmore, décida de faire exécuter cette pièce par un gigantesque orchestre de 2000 instrumentistes et 20000 choristes, des carillons formés de tronçons de rails suspendus à des cadres, des enclumes... C'est Johann Strauss lui-même qui devait conduire "la chose". Ses mouvements étaient retransmis aux exécutants par des dizaines de sous-chefs l'observant à la jumelle. Le signal de départ devait être donné par un coup de canon. Le coup partit trop tôt...".
C'est tellement gros qu'en relisant ça la semaine dernière j'ai pensé que c'était une grosse blague. Mais non, ce "concert" a bien eu lieu, et c'était déjà un concert pour la paix dans le monde ! Comme quoi le show-business était déjà atteint de gigantisme dès le XIXe siècle...
La première compilation qui a inspiré ce genre de projet est sûrement Miniatures, initiée par Morgan Fisher, qui regroupait 51 titres d'une minute, avec notamment les Residents et Andy Partridge. Ce n'est donc pas un hasard si Morgan Fisher figure parmi les trente participants à ce disque cosmopolite, puisque outre des belges, français et autres européens, plusieurs participants sont japonais ou américains.
A l'écoute, s'agissant à la base pour la plupart des contributions du même morceau de musique de Strauss, interprétée de façon plus ou moins bizarre ou ironique, on n'a pas l'impression d'écouter une compilation de différents artistes, mais plutôt une longue oeuvre unique sur deux faces triturant le thème du Beau Danube bleu, un peu à la manière du Third Reich'n'roll des Residents ou de la face B de l'album des Imperial Pompadours.
Quelques plages se détachent, bien sûr, notamment celles qui sont chantées, et au premier rang la contribution de Sttellla. Il n'y a pas d'instrument de musique à proprement parler, juste une bande sonore documentaire qui illustre cette version cyclotouriste de la célèbre valse, chantée par Mimi, avec Jean-Luc et peut-être bien aussi les Bidou-Bidets aux choeurs, dont je ne résiste pas au plaisir de vous livrer les paroles :
J'ai garé mon nouveau vélo bleu
sur les bords du beau Danube bleu.
Des petits cons ont crevé mes pneus,
maintenant à pied rentrer je peux.
Je devrais acheter des nouveaux pneux
pour rouler sur mon beau vélo bleu,
avant de pouvoir retourner
sur les bords du beau Danube bleu.
Je fais du vélo,
je suis un cyclo-touriste qui sais
que sans pneu on ne sait rouler à vélo.
Comme Bernard Hinault, je ne suis qu'un Hinault sans ses pneux.
On trouve pas mal d'extraits de ce disque sur le blog de WFMU (évidemment !).

01 août 2008

CHUCK BERRY : St. Louie to Frisco to Memphis


Acquis sur le vide-grenier de Sillery le 27 juillet 2008
Réf : 6619 008 -- Edité par Mercury en France vers la fin des années 1970
Support : 2 x 33 tours 30 cm
24 titres

C'était l'un des derniers vide-greniers intéressants pour moi avant le grand creux du mois d'août. Il y avait du monde, mais pas trop. Il faisait très beau, et comme je suis arrivé assez tard dans la matinée, j'ai pu constater une fois de plus combien les vendeurs peuvent laisser sans s'en soucier fondre leurs disques au soleil !
J'ai acheté quelques disques de Chuck Berry ces dernières années, dont deux de ses derniers albums originaux pour Chess dans les années 70 que j'ai refilés de bon coeur à Philippe R., plus intéressé que moi par les prouesses de M. Berry et par ces disques, qui ont surtout valeur de document.
Habituellement, je ne m'intéresse guère aux rééditions en série économique de ce genre, mais il y a encore quelques semaines j'avais fait des recherches en ligne pour trouver trace de My tambourine, le titre qui, une fois retravaillé et enregistré en public sous le nom My ding-a-ling, a fourni à Chuck Berry un numéro 1 inattendu en 1972. Je savais donc que My tambourine était sorti à l'origine en 1968 sur l'album From St. Louie to Frisco, c'est pour ça que, lorsque j'ai vu le titre de ce disque en tête d'une petite caisse sur le stand sympathique d'une famille installée devant sa maison, j'y ai tout de suite prêté attention et j'ai vite eu la confirmation que ce n'était pas une compilation de tubes de plus et qu'il y avait bien My tambourine dessus. Alors, malgré la pochette cornée (les disques sont en bon état) et à 1 € le double album, j'en ai fait l'acquisition.
Les deux disques de ce double sont bien différents : le premier est la réédition complète et exacte de l'album Live at Fillmore Auditorium, sorti en 1967. Le second est une compilation studio qui reprend des extraits des albums Chuck Berry in Memphis (1967, 5 titres), From St. Louie to Frisco (1968, 7 titres) et Concerto in B. Goode (1969, 1 titre), tous sortis chez Mercury, où Berry a fait un passage entre deux contrats chez Chess.
Il suffit de voir la pochette pour avoir la confirmation que ce disque a non seulement été enregistré dans le temple du psychédélisme, mais qu'en plus il est sorti au plus fort de cette période. Pourtant, pas trace de LSD sur cet album, qui est un disque de blues électrique sur lequel Chuck Berry est accompagné du tout jeune Steve Miller Band. Berry n'avait visiblement pas très envie de chanter ce soir-là et, hormis pour les fans impénitents de blues, il n'y a que quelques moments à sauver sur ce disque, principalement des instrumentaux sur lesquels le complément guitare-orgue est bien réussi, Feelin' it, Flying home (très bonne reprise pour le coup d'un standard du jazz signé Lionel Hampton et Benny Goodman !) et Fillmore blues. Il y a quand même un bon moment de surprise à la fin quand, pour annoncer la fin du set, Chuck entonne, en français s'il vous plait, une version de Goodnight, it's time to go des Spaniels : "Bonjour chérie, je dois partir now, Bonjour chérie, je dois partir, Je vous aime beaucoup chérie mais je dois, je dois, je dois". Malheureusement, la version de Johnny B Goode sur laquelle ils enchaînent aussitôt est décevante, Chuck ne se fatiguant même pas à la chanter jusqu'au bout. Le pire moment du concert, c'est It hurts me too, chanson que j'aime beaucoup, jouée notamment par Big Bill Broonzy et Elmore James. C'est censé être un duo avec Steve Miller : ils chantent tous les deux, effectivement, mais pas ensemble...!
Bien que seule une partie du deuxième disque est extraite de Chuck Berry in Memphis, l'ensemble des titres sélectionnés a une forte teinte rhythm'n'blues, avec des cuivres qui se marient bien à la guitare de Chuck Berry. Malheureusement, sur certains titres la production est un peu étriquée, ce qui fait regretter que Chuck n'ait pas carrément signé ou enregistré chez Stax. Tous les titres ne sont pas excellents non plus, loin de là, mais c'est beaucoup plus intéressant que l'album live. Mon titre préféré est Soul rockin', avec un solo de guitare frénétique, ponctué de cuivres. J'aime aussi beaucoup Ma dear, My tambourine, I do really love you et It's too dark in there, un blues funk lent qui me fait penser que, à un ou deux ans d'écart, Chuck empruntait le chemin qu'allait trouver Bo Diddley au début des années 70.
La série Succès 2 disques, avec cette maquette horrible, a été utilisée pour publier des compilations d'artistes du groupe Phonogram (Philips, Fontana, Mercury,...) à la fin des années 70 ou au début des années 80. C'est donc de cette période que date mon disque avec sa belle (malgré la maquette) photo de pochette signée Jean-Pierre Leloir, mais l'édition originale de cette compilation est de 1972, et la pochette originale ressemblait sûrement à ça :