31 mars 2018
SENIOR MODEL : Piano bar
Acquis par correspondance chez Bandcamp le 27 février 2018
Réf : [Sans] -- Édité par Senior Model via Bandcamp en 2018
Support : 9 x MP3
9 titres
Vous vous souvenez peut-être que Senior Model est une identité utilisée depuis quelques temps par Alig de Family Fodder pour publier de la musique sur Bandcamp.
C'est sous ce nom qu'on avait découvert l'an dernier les démos de ce qui est devenu il y a peu l'album Easy listening (not) de Family Fodder. Et, ces dernières semaines, c'est un vrai feu d'artifice car, outre la sortie du CD de Family Fodder, on a vu apparaître plusieurs parutions de Senior Model sur Bandcamp.
Tout n'est pas dans mes goûts là-dedans, quand on touche au piano solo (Piano meditations), à la guitare acoustique également en solo (Fret noise), ou à de la musique de style "New Wage" (bien vu !) avec Book of changes 1-16 et 17-32.
Mais il y a une autre série d'instrumentaux qui m'a bien plu, et c'est presque surprenant car on est dans un domaine jazzy.
En effet, Piano bar, c'est Alig qui interprète à sa façon des standards de la bossa nova, du jazz ou de la pop.
Ça peut surprendre, venant de quelqu'un qui a débuté en pleine période New Wave, mais ça ne devrait pas, car on a surtout la preuve ici qu'Alig a de la suite dans les idées.
On trouve ici Gnossos, une version de Gnossienne n° 1 d'Erik Satie, une composition que Family Fodder avait adaptée en 1982 pour en faire le 45 tours The big dig. Quant à The windmills of your mind, la composition de Michel Legrand pour la bande originale du film L'affaire Thomas Crown, c'est en 1983 que Family Fodder l'avait reprise sur le double album All styles, un disque qui m'avait beaucoup déçu au moment de sa sortie.
Alig m'a présenté ces enregistrements comme étant le produit de son "live one man jazz piano trio". A l'écoute, j'ai bien entendu du piano, de la basse, et diverses percussions, dont diverses sonneries et bruitages qui rendent le tout très ludique. Mais je voyais mal comment tout ça pouvait être joué "live", c'est à dire en direct en une seule fois.
J'ai eu un peu de mal à comprendre l'explication, mais elle montre qu'on peu être inventif en exploitant une technique qu'on a à sa disposition. Dans ce cas précis, il s'agit du MIDI et de la façon dont Alig utilise son clavier : quand il joue, les notes sont envoyées vers trois échantillons sonores différents : la basse, le piano et les percussions. Le clavier est divisé en deux : à main gauche, les notes produisent de la basse et à droite, c'est du piano. Pour les percussions, les différents instruments sont distribués sur certaines notes et apparaissent un peu au hasard, au fil du jeu, ce qui ajoute beaucoup de charme à la prestation. Alig joue sur un "mode duophonique-contrapuntique avec une forte main gauche" et, bingo !, il se transforme effectivement en trio de jazz à lui tout seul !
Je crois que le projet original était d'enregistrer de la bossa nova. On en a deux exemples ici avec She looks straight ahead (The girl from Ipanema) et Corcovado, une autre composition d'Antonio Carlos Jobim, plus Sincerity, qui est une version de Guantanemera, et Concerto d'Aranjuez.En-dehors du monde latino, on trouve dans le répertoire de ce Piano bar, Love her, une version de And I love her des Beatles, qui est devenu au fil du temps un standard en version instrumentale, et deux prises de Take five, dont la version Girls, où des voix samplées remplacent la basse, ce qui donne un effet très Michel Legrand.
Avec un tel répertoire en version instrumentale, la touche "easy listening" est cette fois difficile à nier mais, avec des mélodies ancrées dans nos têtes et des percussions surprenantes, c'est surtout un album que j'ai grand plaisir à écouter.
24 mars 2018
LOMOSTATIC : Lomostatic
Acquis à la Salle Jeanne d'Arc à Verdun le 17 février 2018
Réf : [sans] -- Édité par Petrol Chips en France en 2017
Support : CD 12 cm
15 titres
Un hasard de calendrier fait que les deux frères qui étaient membres des Frères Nubuck viennent chacun à quelques jours d'intervalle de sortir leur troisième album, Anti slogan de Chevalrex et Tout naît/Tout s'achève dans un disque de Gontard.
J'ai eu la chance de voir les Nubuck trois fois en concert, mais jusqu'à cette année je n'avais pas vu les frangins sur scène dans leurs nouvelles aventures. Pour Chevalrex, qui annonce pas mal de concerts cette année, j'espère en avoir bientôt l'occasion. Pour Gontard, c'est chose faite depuis le 17 février, quand j'ai profité d'une de ses rares sorties au nord de la Loire pour aller à Verdun le voir, en duo avec son compère Hunch, réchauffer et gagner à sa cause un public clairsemé, et même me faire applaudir et me dédier Singapour pour avoir fait fait exprès le trajet depuis Reims.
Après le concert, Gontard m'a fait quelques cadeaux, et un prix d'ami quand j'ai raflé sur la table de vente tous les disques que je n'avais pas, dont cet album, le deuxième de Lomostatic.
J'avais vu des annonces passer pour la sortie de ce disque il y a quelques mois, et je savais que Gontard y participait, mais je n'avais pas pris la peine de m'y intéresser.
Lomostatic est l'un des projets de Ray Borneo, qui par ailleurs joue sur le dernier album de Gontard, qu'il a enregistré et mixé. C'est un gars très actif, qui a son propre studio, son label, et de nombreux projets musicaux, dont le groupe Tara King th.
Pour Lomostatic, Ray s'est chargé de toute la musique et des arrangements (sauf la batterie, assurée par J. Varengo), et il a fait appel pour l'occasion à cinq vocalistes, Gontard, donc, mais aussi Olivier Depardon (ancien membre de Virago), Jull, Bleu Russe et Ginger Man.
Ça donne un album réjouissant, dans un style électro-rap-slam. Un des points forts du disque, sensible dès le premier titre Résilience, c'est que plusieurs chanteurs sont présents sur la plupart des chansons, chacun avec son élocution et son rythme particulier, ce qui donne des titres dynamiques et variés. Sur la vidéo d'un de mes titres préférés, Nyctalope ("Tout rater c'est comme le vélo, ça s'oublie pas") on a même l'impression qu'ils enregistrent tous ensemble en direct sur les bandes de Ray Borneo, mais je ne pense pas que le disque a été réalisé de cette façon.
Avec 15 titres en 35 minutes, il n'y a pas de place pour un seul temps mort dans cet album. Outre ceux déjà cités, j'aime particulièrement Roman-photo 3 point zéro, dans la grande tradition des titres inspirés par les petites annonces personnelles, comme Top ten sexes ou Person to person; C'était qui ?, dont le refrain m'évoque le Katerine de Robots après tout; La politique c'est Potemkine, avec Henri Guibet et Nicolas S. en vedette; et Rêveries.
Comme détaillé chez Culturopoing, Ray Borneo a sorti trois albums en même temps que celui-ci, de Tara King th et Bee Tricks, ainsi que 8, un projet avec Brisa Roché. Ses acolytes ne sont pas enr este, puisque sortent ou vont sortir Art autoroutier de Nuage fou (avec Jull), Avec du noir avec du blanc d'Olivier Depardon et Missives d’amour de Bleu Russe.
La semaine dernière, Gontard!, Lomastatic et Bleu Russe étaient à l'affiche d'un concert à Fontaine, en Isère. Alléchant, mais vraiment loin cette fois-ci et je n'ai malheureusement pas fait le déplacement.
On retrouvera tout ce beau monde le 27 avril à la Cité de la Musique de Romans-sur-Isère, qui donne carte blanche à Gontard!. Rodolphe Burger sera aussi de la partie. Notez-le dans vos agendas et, si vous êtes à moins de 500 km, allez-y !
L'album est disponible en CD ou en téléchargement chez Bandcamp.
18 mars 2018
FAMILY FODDER : Easy listening (not)
Acquis par correspondance via Jungle Records en mars 2018
Réf : FNUR 010 -- Édité par Furniture en Europe en 2018
Support : CD 12 cm
12 titres
Logiquement, je ne chronique pas ici plusieurs fois le même disque. Mais toute règle a des exceptions et cette parution en mérite largement une, d'autant qu'il ne s'agit pas de la même version du disque.
Début 2017, j'ai chroniqué Demonstration par Senior Model, une collection d'excellentes démos par Alig Fodder sous l'un de ses pseudonymes, dont il était évident qu'elles constituaient les esquisses d'un nouvel album de son groupe, Family Fodder.
Je suis de près la discographie de Family Fodder depuis la parution de leur première compilation Greatest hits en 1982.
Aujourd'hui, le groupe reste réputé avant tout pour la série de classiques de la New Wave qu'il a créés dans sa première phase, de Playing golf à Savoir faire, de Debbie Harry à Film music, avec notamment le mini-album Sunday girls et l'album Monkey banana kitchen, des disques qui ont été réédités ces dernières années.
J'apprécie toujours autant ces chansons qui ont maintenant plus de trente-cinq ans mais, si je regarde les choses objectivement, je peux affirmer sans ciller que les albums les plus forts du groupe sont ses plus récents, Classical music (2010) et Variety (2013). Et, pendant toute l'année dernière, les chansons de Demonstration m'ont accompagné et m'ont plu au point que je les ai égrenées sur quasiment toutes mes compilations de 2017.
Je ne joue pas au jeu des classements de fin d'année des meilleurs disques parus, mais comme tout le monde je baigne dedans car il s'en diffuse partout. A leur lecture, je me suis dit que, s'il y avait un seul disque de nouvelle musique que j'aurais inclus sans hésiter dans un tel classement, c'était sans hésitation Demonstration.
Mais ces chansons n'étaient jusque là disponibles qu'en téléchargement numérique, sous la forme d'un "work in progress", qui a vu Alig ajouter/enlever des chansons tout au long de l'année, les remixer, les triturer et ajouter des interventions de Mae Karthauser au chant et au clavier.
Le projet étant désormais visiblement mûr à point, j'ai demandé à Alig s'il comptait le publier prochainement sous la forme d'un véritable nouvel album. C'était son souhait mais, comme je le soulignais encore récemment à propos de la compilation Vivonzeureux! et du label indépendant Pitshark Records, publier des disques c'est un travail difficile et souvent ingrat, particulièrement de nos jours. Mais j'étais convaincu que ces chansons méritaient ce qu'on nomme de nos jours une "sortie physique", pour intégrer pleinement la riche discographie d'Alig. Nous en avons beaucoup discuté ensemble et je l'ai épaulé pour qu'il puisse finalement publier, sur son propre label Furniture Records, ce nouvel album, désormais attribué à Family Fodder et titré Easy listening (not). Le disque est un CD en édition limitée à 200 exemplaires, avec une pochette cartonnée ouvrante. On peut toujours le télécharger en numérique, en faisant son prix.
L'an dernier, la version de Demonstration que j'ai chroniquée comportait six chansons. On les retrouve toutes dans Easy listening (not), sachant que Cosy est devenue Like a yellow submarine, plus quatre nouvelles chansons et deux remixes, pour aboutir aux douze titres de l'album.
Parmi ces quatre nouveaux titres, il y a She's so hot, le plus électrique du lot, qui occupe ici une place équivalente à celle de (She was a) Hotel detective sur le premier album de They Might Be Giants. Les trois autres sont parmi les plus fortes de l'album, My imaginary girlfriend, Easy listening et Fresh water, avec sa guitare à l'africaine. Mais vous comprendrez qu'il m'est difficile de citer des chansons préférées ici sans les mentionner presque toutes puisque, parmi les autres, j'apprécie toujours autant, voire plus, Sweet lesbian, Like a yellow submarine, Skala Bar 2013 et Data hoarders, "l'hymne techno-pop qui interroge notre société de l'information" pour m'auto-citer !
Vous pouvez écouter et/ou télécharger l'album intégralement en ligne. Pour commander un CD, le plus simple est de cliquer sur le bouton ci-dessous.
Family Fodder - Easy listening (not) CD
10 € port compris - 10 € including postage
17 mars 2018
LES GUITARES DE L'EMPIRE : Champagne & guitares (2)
Offert par Philippe R. à Nantes le 13 août 2015
Réf : SCM 1007 -- Édité par Consul en France dans les années 1960 -- Offert par le Champagne Mercier
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Deux chevaux dans le soleil -/- Le temps est loin
Philippe m'avait demandé si ce disque m'intéressait car il est lié au Champagne Mercier, dont les caves sont près de chez moi. J'avais répondu oui, d'autant que, Philippe ne le savait pas mais ces caves Mercier sont aussi un bon souvenir d'enfance. En effet, quand de la famille ou des amis venaient de loin, la visite de caves de Champagne était souvent un but de promenade et, avec mes frères et sœur, on réclamait que cette visite se fasse chez Mercier, parce que c'était le seul endroit où elle se faisait en petit train électrique ! Et puis, il y avait aussi cet énorme tonneau, le foudre Mercier, avec l'histoire et la maquette qui relataient le transport du tonneau jusque Paris, tiré par douze paire de bœufs du Morvan, pour aller rivaliser avec la tour Eiffel à l'Exposition Universelle de 1889.
Ce disque est le deuxième d'une série d'au moins trois "offerts par le Champagne Mercier". Ils ont dû servir de cadeaux publicitaires pendant assez longtemps, car ils datent clairement des années 1960, mais mon exemplaire a servi de lot lors d'une course cycliste le 8 mai 1977, si on en croit l'inscription au dos.
Je ne saisis pas immédiatement le rapport entre Champagne et Guitares, mais bon, les deux instrumentaux proposés ici sont agréables à écouter en ambiance.
Je saisis encore moins le rapport entre la Corse et le Champagne : il s'avère que les deux membres des Guitares de l'Empire, Xavier Olivieri et Tony Doll, son originaires de cette île.
Sans trop de surprise, j'ai trouvé la trace d'un autre disque, antérieur à celui-ci, un EP sur lequel on retrouve les eux titres de mon 45 tours :
J'ai beau m'abîmer les yeux à essayer de comparer les deux photos, je n'arrive pas à reconnaître les membres des Guitares de l'Empire sur la photo prise chez Mercier, même si j'ai un doute pour le musicien de droite, au polo à manche longue très bien assorti à l'uniforme de l'hôtesse, qui me rappelle celui de l'école Tunon, qui avait, et a toujours, une antenne à Reims.
J'avais remarqué parmi les co-auteurs de ces deux titres, le nom d'Hubert Ithier, que je rencontre très souvent, et aussi, plus intrigant, celui de Jo Privat junior. Ce guitariste est bien le fils du célèbre accordéoniste.
Pour moi, il paraissait évident que ces deux titres, Deux chevaux dans le soleil et Le temps est loin, n'étaient disponibles que dans cette version. J'ai donc été surpris de découvrir qu'on trouvait ces deux chansons associées sur deux autres 45 tours, un EP sous son nom de Jo Privat Jr, et un autre de Marie-José, Leïla, sur lequel Deux chevaux dans le soleil et Le temps est loin sont chantées (ce qui explique probablement le crédit à Hubert Ithier).
Quand on visitait les caves Mercier en famille, l'entrée était gratuite. En 2018, ce n'est plus le cas (18 € pour un adulte, avec dégustation de Champagne). Je connais le pouvoir de la publicité, mais ne vous précipitez pas trop vite à Épernay après avoir lu cette chronique : les caves sont fermées à la visite jusqu'au 15 juin pour des travaux de rénovation...
10 mars 2018
PERE UBU : Waiting for Mary (What are we doing here ?)
Offert par Charlie Dontsurf à Paris le 1er août 2015
Réf : UBUDJ 212 -- Édité par Fontana en Angleterre en 1989 -- Promo copy only - Not for sale
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Waiting for Mary (What are we doing here ?) -/- Wine dark sparks -- Flat
Après Elitism for the people (1975-1978), Architecture of language (1979-1982) et Drive, he said (1994-2002), Fire Records va publier prochainement un quatrième et dernier coffret rétrospectif de Pere Ubu, Les haricots sont pas salés, qui couvre la période 1987-1991. Le tout en vinyl uniquement.
J'en étais encore à m'énerver la semaine dernière sur la folie de l'industrie contemporaine du vinyl. Je ne vais pas recommencer aujourd'hui, mais je vois mal l'intérêt de sortir un coffret de 33 tours qui contient trois des albums de la période Fontana (le dernier, Story of my life, est passé à la trappe) et un Lost album qui n'a de perdu que le nom puisque le coffret ne contient aucun inédit, cet album bonus ne comprenant que quatre démos d'un projet d'album abandonné (toutes sorties à l'époque de face B de single), plus d'autres faces B et deux titres qui figuraient sur le CD original de Cloudland, mais avaient été écartés du 33 tours par manque de place.
Il n'empêche, en-dehors d'une poignée de titres essentiels de la première période du groupe, la série d'albums qui va de The tenement year à Ray gun suitcase est ma préférée du groupe, et toute occasion de s'y replonger est bonne.
DU coup, j'ai ressorti ce maxi promo de 1989. En 2015, Charlie Dontsurf (qui anime entre Ubu Dance Party, le site francophone consacré à la musique de Pere Ubu, dont le slogan a longtemps été "Les haricots sont pas salés", qui est le titre d'une chanson cajun, cité dans la chanson Worlds in collision de Pere Ubu), m'avait acheté un exemplaire de ma Discographie personnelle de la New Wave. Comme le livre était lourd et le port cher, on a profité d'un de mes passages à Paris pour s'y retrouver. Et en plus de m'acheter le livre, Charlie m'a fait cadeau de deux disques, dont celui-ci qu'il avait en double. Et quelques minutes plus tard, je tombais sur le beau disque Punk ouvrier chez Parallèles.
Ce maxi est le même que celui qui a été commercialisé, sauf que l'étiquette du rond central est différente et qu'il n'a pas de pochette, ce qui n'est pas grave pour moi car j'ai cette pochette, pas la plus réussie de celles de Pere Ubu, depuis que j'ai acheté le petit 45 tours à sa sortie.
Waiting for Mary est le premier des trois singles qui ont été tirés de l'album Cloudland. C'est dire que le label croyait en son potentiel. Une vidéo, assez réussie, a même été réalisée. Et il y eu de la promotion télé des deux côtés de l'Atlantique, avec même, dans l'émission Night music de David Sanborn, une performance de la chanson en présence de Philip Glass et Loudon Wainwright, avec la participation de Debbie Harry au chant et de David Sanborn au saxophone (!).
En tout cas, énergique et accrocheuse, avec des chœurs sur le refrain entraînant, Waiting for Mary c'est Pere Ubu à son plus accessible, à un moment où ils étaient prêts à faire un minimum de concessions pour obtenir plus de succès. Ça n'a pas suffi, mais ce qui compte pour le fan c'est que, au passage, le groupe n'a perdu ni ses qualités ni son originalité, ce qui est rarement le cas dans ce genre de situation.
En face B, Flat est un autre extrait de Cloudland. Moins pop et avec des couplets parlés, on est dans un style beaucoup plus classique pour Pere Ubu.
Mais, en-dehors de son excellente face A, la perle de ce disque c'est Wine dark sparks, une face B précédemment inédite.
Ce titre a été enregistré après les sessions pour l'album, alors que le clavier Eric Drew Feldman venait de rejoindre le groupe. Comme on s'en rend compte en prononçant le titre à voix haute, c'est un hommage à peine déguisé à Van Dyke Sparks, à qui David Thomas songeait pour produire l'album suivant, sans oser le lui proposer, apparemment.
Malheureusement, je ne vous ai trouvé en ligne que les trente premières secondes de la chanson, mais ça suffira à illustrer mon propos :
En effet, Wine dark sparks est une excellente chanson, qui aurait mérité de figurer sur un album, portée par une petite mélodie jouée au xylophone (ou avec un clavier qui a un son de xylophone). J'ai mis longtemps à mettre le doigt dessus, mais pour moi cette mélodie, c'est le début de celle d'Under my thumb des Rolling Stones. D'où la familiarité, et la frustration car notre cerveau attend la suite de l'air, et même la voix de Jagger. Cette "citation" ne peut être qu'intentionnelle, d'autant que les paroles illustrent littéralement ce qu'on entend : "Baby! Here comes that tune. Oh here comes that tune." ("Chérie ! Voilà cet air"), voire même, vu qu'on a que la moitié du quart de la chanson originale : "Yeah! I oughta know nothing's worth the half of half of what it used to".
L'édition de Cloudland que je vous aurais vivement recommandée, c'est celle de 2007, qui contient des bonus, dont Wine dark sparks, mais elle n'est plus disponible en CD (seulement en fichiers numériques). Mais le single original se trouve facilement d'occasion pour pas cher.
Pere Ubu, Waiting for Mary, en direct en 1989 dans l'émission Night music, présentée par David Sanborn, en présence de Philip Glass et Loudon Wainwright, avec David Sanborn au saxophone et Debbie Harry aux chœurs !
Dans la même émission, Pere Ubu a aussi interprété Breath, et surtout What happened to me, avec David Sanborn et Loudon Wainwright.
Pere Ubu, Breath et Waiting for Mary, en public à la Brixton Academy, le 14 mars 1989.
03 mars 2018
EVIL & CROW : King & Queen of Lo-Fi
Acquis par correspondance chez Pitshark Records en février 2018
Réf : RIK063 -- Édité par Pitshark en France en 2017 -- n° 287/300
Support : CD 12 cm
10 titres
Cela fait des années que je suis abonné à Abus Dangereux, magazine indépendant qui continue à paraître régulièrement. Et plus ça va, plus sa lecture m'intéresse car les thématiques musicales couvertes sont de plus en plus éclectiques. A 20 € l'abonnement pour 5 magazines et 5 compilations CD passionnantes, c'est un cadeau sympathique à faire ou se faire !
J'ai entamé la lecture du dernier numéro paru, la face 145, avec une belle photo de Robyn Hitchcock en couverture (même si, malheureusement, le petit chat est mort...) et je suis vite tombé sur un entretien de Jean-François Abgrall avec Gilles Moreau, qui anime un label dont je n'avais jamais entendu parler, Pitshark Records.
Admirable, d'autant que, à mon sens, tenter de faire vivre un label c'est, après organiser des concerts, l'une des activités les plus ingrates dans la musique, surtout de nos jours. En plus, c'est fait dans un bon esprit : "Certains dépensent leur fric pour jouer au golf, moi je le claque pour sortir des disques. (...) Au final, le seul truc important pour moi, c'est que je sois fier de mes sorties. Que j'ai envie de les acheter."
J'étais déjà intéressé, puis je suis tombé sur cette question à propos des CD :
"- Tu alternes avec des LP et des CD...
- La seule règle, c'est que ça me plaise. Le vinyle est vraiment cher à fabriquer. Le CD est plus abordable, et vu les ventes ridicules (je ne devrais pas le dire !), c'est plus simple de sortir deux ou trois CD à la place d'un LP.
Je viens d'innover avec un format CD dans une pochette taille 7" single et du coup ça redonne un nouvel intérêt au format CD. Personnellement, j'ai toujours acheté les deux formats. Soyons honnêtes, les vinyles fabriqués à partir d'un master CD sont légions."
Alors là, j'ai cru m'entendre parler ! Ça fait des mois que je rumine dans mon coin, effaré devant la folie qu'est devenue l'industrie du vinyl dans notre 21e siècle déjà bien entamé. Je suis désormais bien convaincu qu'il n'y a aucun sens à éditer des disques dans ce format de nos jours (et n'essayez même pas de prononcer le mot cassette !) et que, à l'âge du numérique, le CD reste un compromis tout à fait équilibré, puisqu'il permet de disposer d'un support (qu'aucun Apple ou Amazon ne viendra jamais supprimer de notre collection après achat, comme ça s'est vu), qu'on peut librement copier sur tout support numérique à son choix, du disque dur au téléphone.
Dans mes réflexions, j'en suis venu à me dire que le seul attrait du vinyl par rapport au CD, c'est la pochette. Les boîtiers en plastique classiques sont horribles, les "long box" développés aux États-Unis pour rendre les disques visibles dans les rayons des disquaires n'étaient pas géniaux non plus et n'ont pas fait long feu; les pochettes cartonnées c'est bien, mais ça reste petit.
C'est à ce stade que m'est venue il y a quelques mois l'idée d'une solution hybride intéressante, celle d'un CD associé, non pas à un pochette de 33 tours car il serait un peu perdu et ça ferait un gâchis de carton, mais à une pochette de la taille de celle d'un 45 tours, idéalement une pochette cartonnée ouvrante comme celle des double 45 tours, un format que j'aime beaucoup et dont j'ai chroniqué ici un bon nombre d'exemples.
Je me suis dit que d'autres avaient déjà dû avoir cette idée mais, en recherchant dans mes souvenirs, je n'en ai pas trouvé d'exemple significatif, en-dehors de quelques sorties isolées, surtout des promos.
Je ne le savais pas, mais Gilles Moreau a en fait mis en œuvre cette idée depuis quelques semaines, avec trois sorties Pitshark, par Evil & Crow, Ich Bin Ein Esel et Badass Mother Fuzzers.
Il fallait que je vois ça. Aussitôt, j'ai commandé deux de ces disques (5 € port compris le disque : on voit bien que le but n'est pas de faire du bénéfice...). Trente-six heures plus tard, les disques étaient chez moi, et je n'ai pas été déçu.
L'objet est à peine différent de ce que j'avais imaginé (un carton léger imprimé recto-verso, glissé dans un sachet plastique, fendu au milieu par le devant pour permettre l'accès au CD, logé sur un bitoniau en mousse).
Bien vu ! Quand je pense que depuis 35 ans il n'y a pas eu un designer chez les majors pour penser à ce moyen de vendre les CD...
Des deux disques que j'ai achetés, Why ? de Ich Bin Ein Esel est celui qui est le plus dans mes goûts musicalement, mais il s'agit de la réédition d'un CD-R sorti encore plus confidentiellement en 2009, alors on va plutôt parler d'une nouveauté d'un groupe en activité, King & Queen of Lo-Fi, le premier album du duo canadien Evil & Crow.
Nick Evil joue de la guitare, de la batterie et du theremin. Marianne Crow joue de la guitare et chante. Leur recette est simple : du rock and roll avec des guitares crades, une voix éraillée et des tatouages, pour dix titres bouclés en une demi-heure.
Dans ce style, l'album dans son ensemble est excellent. Bizarrement, les deux titres pour lesquels une vidéo a été tournée (Sinner et Satan take me home) ne sont pas parmi mes favoris. Je leur préfère (Please) Tie me up !, et surtout l'enchaînement de Death surf on Channel 4 (court instrumental ponctué de quelques "Wow !") avec Voodoo doll blues (qui m'évoque certains titres des débuts de The Jesus and Mary Chain) et Baby's gone.
Mon seul regret avec cet album, c'est que mon titre préféré n'est pas listé sur la pochette et est caché tout à la fin du CD, après une bonne minute de silence. Je vais l'appeler Je suis née comme ça *, et vous aurez compris qu'il est chanté en français. Ça nous indique que Marianne est francophone en plus d'être anglophone, mais ce n'est pas seulement pour ses paroles en français que je l'apprécie (même si ça aide). Du coup, sur ce seul titre, Evil & Crow m'évoque fortement un autre groupe québécois, Canailles, dans ses chansons les plus électriques. En tout cas, c'est sûrement ce titre qu'un label plus commercial aurait mis en avant en France.
Belle découverte donc que Pitshark Records, et tous mes encouragements à ce label d'amateur de musique passionné.
* Eh bien non, en mettant le CD dans mon ordinateur pour en copier ce titre, puisque c'est une des choses qu'on peut faire facilement avec un CD, j'ai appris que cette chanson s'appelle en fait Vie de voyou.
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