25 avril 2020
RED INGLE & THE NATURAL SEVEN : Cigareets, whuskey, and wild, wild women
Acquis chez YMCA à Douvres le 2 mars 2020
Réf : CL 13015 -- Édité par Capitol en Angleterre en 1948
Support : 78 tours 25 cm
Titres : RED INGLE & THE NATURAL SEVEN : Cigareets, whuskey, and wild, wild women -/- THE UNNATURAL SEVEN : Serutan yob (A song for backward girls and boys under 40)
Après le Stan Freberg et le Bonnie Lou, voici un troisième 78 tours choisi dans le très beau lot que j'ai acheté début mars à Douvres. Et une fois de plus la morosité ne sera pas de mise car, comme la majorité de ces disques, celui-ci est plein de bonne humeur et de bon humour.
Après avoir étudié la musique, Red Ingle, un multi-instrumentiste (violon, saxophone et clarinette s'il vous plaît !) assez bon pour avoir joué dans des concerts de musique classique dans les années 1920, a ensuite été membre pendant dix ans de l'orchestre de Ted Weems, avant de rejoindre les City Slickers de Spike Jones dans les années 1940. Il a quitté cet orchestre fin 1946 pour créer le sien et a signé chez Capitol avec ses Natural Seven.
En 1947, leur premier disque, Tim-tayshun, une parodie du grand succès Temptation de Perry Como, s'est vendu à trois millions d'exemplaires.
Cigareets, whuskey, and wild, wild women est sorti en 1948, et l'interdiction de le passer en radio aux États-Unis pour "immoralité" a en fait, comme souvent, dopé ses ventes.
La chanson a été écrite par Tim Spencer, des Sons of the Pioneers, mais je pense qu'elle a bien été créée par Red Ingle et que ce n'est ni une reprise ni une parodie.
Présentée sur l'étiquette de l'édition américaine comme de la "musique de chambre d'extérieur", pourtant exactement ce qu'il nous faudrait en ce moment, Cigareets, whuskey, and wild, wild women est une chanson pas du tout de saison. C'est le genre de chanson à boire qu'une foule entonne dans un saloon en fin de soirée, le verre levé, en se balançant tous de gauche à droit en se tenant par les coudes. On se demande si le grand-père du Captain Beefheart n'est pas de la partie, et je suis surpris que les Pogues n'aient pas mis cette chanson à leur répertoire. Elle figure en bonne place dans un court-métrage musical de 1948 avec Red Ingle et ses Natural Seven en vedette (en version basse qualité ci-dessous).
Il y a évidemment plein de reprises de cette chanson à boire. Je préfère celle de Peter Sellers avec les Muppets à celle, un peu trop propre et rétro, de Buck Owens et Buddy Alan en 1972.
En France, cette chanson est très connue sous le titre Cigarettes, whisky et p'tites pépées. Je pense que c'est Eddie Constantine qui a dû la créer en français, en 1957, près de dix ans après la version originale. Seul problème, sa version est toute molle. Ce n'est plus une chanson de fête, c'est plutôt celle d'un type qui cuve le lendemain avec la gueule de bois. La même année, Annie Cordy a eu du succès avec une version pas plus enlevée, d'atmosphère un peu jazzy.
Parmi les nombreuses autres versions, il y a eu, toujours en 1957, celles d'Edouard Duleu et de Michèle Montana, mais c'est bien Annie Cordy qui reste vraiment associée à cette chanson puisque, en 1958, elle a été la vedette d'un film policier de Maurice Regamey intitulé Cigarettes, whisky et p'tites pépées, dans lequel elle interprète à nouveau la chanson. Et cette version du film est un massacre...!
En face B de mon disque, on trouve Serutan yob. A la suite du titre, il est précisé "Une chanson pour les garçons et les filles à l'envers de moins de 40 ans". C'est parce que, si on remet les lettres à l'endroit, on retrouve le titre du très grand succès de 1948 de Nat King Cole, Nature boy, sur lequel Serutan Yob est basé. Mais là encore, il n'y a pas grand chose à voir entre la chanson pleine de cordes, calme et bucolique de Nat King Cole, et celle folk-country et un peu folle de Red Ingle, chantée par Karen Tedder, avec la participation de Enrohtwah, alias l'animateur de radio Jim Hawthorne. Pour l'occasion, le groupe a été rebaptisé The Unnatural Seven.
Deux excellents titres sur ce disque, donc, qui, autant que je sache, n'ont jamais été édités en France.
Red Ingle est mort en 1965 à 58 ans. L'excellent label allemand Bear Family a publié une compilation assez complète de ses oeuvres, Tim-Tayshum (Temptation).
Red Ingle & the Natural Seven, Cigareets, whuskey, and wild, wild Women. Ci-dessous, en deux parties, le petit film complet dont cette vidéo est extraite.
Peter Sellers et les Muppets reprennent Cigareets, whuskey, and wild, wild women.
Une partition anglaise d'époque.
18 avril 2020
LES BEATLES : Ticket to ride
Acquis sur le vide-grenier de Oiry le 12 avril 2015
Réf : MEO 108 -- Édité par Odéon en France en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ticket to ride -- Baby's in black -/- I don't want to spoil the party -- Yes it is
Depuis quelques semaines, je ne vais plus en voiture au boulot. Je pars de chez moi à l'heure habituelle, à pied, je marche environ trois-quarts d'heure, la durée moyenne de mon trajet en temps normal, jusqu'à ce que j'arrive au boulot... chez moi !
L'autre jour pendant un de ces trajets je me suis surpris à chantonner Baby's in black des Beatles. Cela faisait pourtant un moment que je ne l'avais pas écoutée et a priori rien de spécial ne me l'avait remise en tête. J'ai constaté en tout cas que j'en connaissais par cœur à peu près toutes les paroles, ce qui n'est pas trop étonnant quand on sait que Beatles for sale, dont ce titres est extrait, est l'un des tous premiers 33 tours que j'ai achetés, sûrement en 1977, et que cette chanson a toujours été l'une de mes préférées de cet album.
C'est le résultat de Beatles qui mûrissent et s'essaient à quelque chose de plus adulte, plus sombre. La chanson n'a à peu près rien de rock 'n' roll. Elle est apparemment sur un rythme à trois temps (bizarrement, j'ai appris à reconnaître le rythme d'une valse, mais là je n'y parviens pas) et musicalement elle sonne comme de la country à la Buck Owens, mais un peu baloche. Mais ça ne veut pas dire que j'aime pas ça, et de toute façon c'est surtout le chant à deux voix, à la Brothers (Delmore ou Everly), qui emporte le morceau, avec ces paroles toutes simples mais efficaces, "Baby's in black and I'm feeling blue", "Although he'll never come back, she's dressed in black".
Le groupe était content de cette chanson au point de l'inclure à son répertoire dans quasiment tous ses concerts jusqu'à la dernière tournée en août 1966.
Il me semblait bien que j'avais cette chanson sur un 45 tours. De retour à la maison, j'ai vérifié et j'ai retrouvé cet EP acheté il y a cinq ans, sur le vide-grenier de Oiry, le même jour que le Blazers. Comme quoi, quand il y a des vide-greniers on peut faire de bonnes affaires, même en milieu de matinée. J'avais été bien content de trouver ce disque, notamment parce que le groupe est dénommé Les Beatles au recto de la pochette.
Ce 45 tours est sorti à l'origine en mai 1965. Mon exemplaire est une réédition de début 1966, comme le montre la mention de Rubber soul et Michelle au dos, des disques sortis fin 1965 et début 1966. Du coup, le groupe est désigné comme The Beatles sur la tranche, au dos de la pochette et sur les étiquettes, contrairement à la première édition.
En Angleterre et aux Etats-Unis, Baby's in black n'est jamais sorti en single. Comme souvent, la maison de disque française a pioché dans le catalogue du groupe pour transformer un 45 tours anglais deux titres en EP français quatre titres. Là, ils ont choisi deux titres de l'album de 1964 Beatles for sale, l'autre étant I don't want to spoil the party. Celle-là, c'est du pur Beatles, pop avec des choeurs, mais là aussi avec des paroles assez sombres et une tonalité country.
Le titre principal de l'EP et le grand classique du disque c'est Ticket to ride. C'est le premier titre enregistré par les Beatles en 1965, le début d'une année folle. Une des premières fois où je me suis intéressé en détails à la discographie d'un groupe, c'est quand j'ai étudié les dates de sortie des titres du double-album rouge 1962-1966. J'avais été surpris et impressionné de constater que la plupart de mes titres favoris étaient de 1965. Il faut dire que, sur 26 titres, près de la moitié (12) étaient de cette année-là. D'ailleurs, j'étais persuadé d'avoir déjà chroniqué ici un autre 45 tours de 1965, mon exemplaire juke box italien de We can work it out / Day tripper, mais je n'en trouve aucune trace, c'est donc que je ne l'ai pas fait. Ce sera peut-être pour plus tard...
De l'intro à la Rickenbaker 12 cordes au rythme particulier de la batterie, qui apparemment reproduit le riff de guitare, c'est excellent. Il n'y a pas d'orgue dans cet enregistrement, mais quand j'écoute mon 45 tours (l'effet n'est pas le même avec la version remasterisée), j'ai l'impression d'en entendre un tellement les guitares sont saturées.
L'avantage avec cette chanson, c'est qu'elle fait partie de celles qui sont faciles à chanter pour les français. "I think I'm gonna be sad, I think it's today, yeah", ça peut se comprendre et se chanter même quand on vient de commencer à apprendre la langue.
Souvent, les singles des Beatles n'étaient pas inclus sur leurs albums, mais Ticket to ride figure dans le film Help !, et donc sur l'album de la bande originale sorti en août 1965.
Yes it is est tout sauf une face B jetable. Certains membres du groupe auraient d'ailleurs voulu qu'elle soit le titre principal du single. Apparemment, le but de John Lennon était de réécrire/revoir This boy, l'une de leurs chansons de 1963. C'est une ballade et cette fois il y a bien un peu d'orgue, joué par George Martin. Après le noir de Baby's in black, il est encore question de couleur ici, mais c'est le rouge qui tient la vedette, associé encore une fois au bleu du blues.
Pour ma part, ça va, je ne me sens pas bleu, mais j'ai hâte de profiter du jaune du soleil et du vert du printemps au-delà du trajet quotidien pour aller au boulot !
The Beatles, Baby's in black, en concert au Circus Krone Brau de Münich le 25 juin 1966.
The Beatles, la vidéo tournée pour Ticket to ride.
Les Beatles en concert le 11 avril 1965 à l'Empire Pool de Wembley pour les NME Awards. Baby's in black enchaîné avec Ticket to ride à partir de 8'12.
La séquence Ticket to ride du film Help !.
The Beatles, Ticket to ride, en concert à l'ABC Theatre de Blackpool le 1er août 1965.
15 avril 2020
TRASHMONK : Polygamy
Acquis d'occasion probablement Londres probablement dans les années 2000
Réf : ccd 301 promo radio -- Édité par Creation en Angleterre en 1999 -- Promotional copy only - Not for sale
Support : CD 12 cm
Titres : Polygamy (7" version) -- Polygamy (Album version) -- P2 -- 29/11
Il est bien certain que, dans les dernières années du label, Alan McGee ne suivait pas de près toutes les parutions de Creation. Il y avait un ou plusieurs directeurs artistiques pour ça et lui-même était bien occupé par ailleurs. Et puis, il y avait ce contrat avec Sony, qui avait racheté 50% des actions, qui faisait que Creation sortait en Angleterre certaines parutions de la major.
Mais à l'inverse, il y a eu à cette période des disques qui n'auraient pas vu le jour sans son enthousiasme et ses coups de folie. C'est le cas pour le fameux album de reprises My beauty de Kevin Rowland et c'est le cas également pour l'unique album de Trashmonk, Mona Lisa overdrive (dont le titre est repris de celui d'un roman de 1988 de William Gibson, devenu Mona Lisa s'éclate en français). La meilleure preuve en est que, l'album ayant fait partie de ceux qui ont sombré très vite dans les derniers temps du label, dont la fermeture a été annoncée fin 1999, Alan a pris la peine d'en racheter les droits à Sony pour le rééditer en 2001 sur son nouveau label Poptones.
Je m'étais déjà procuré l'édition originale de l'album il y a quelques années. Je l'avais écoutée rapidement et rangée dans l'étagère. Il y a deux ans, j'ai acheté pour 10 pence à Londres le CD promo de la réédition, qui attendait depuis sur une pile que je l'écoute avant de le ranger. Ça tombe bien, il se trouve que j'ai un peu plus de temps en ce moment à la maison pour écouter des disques...
Mon promo est intéressant parce qu'il porte le titre très légèrement altéré Mona Lisa overdriven, ce qui convient bien pour une réédition qui compte deux titres et un petit bout de morceau caché en plus. Mais la version commercialisée par Poptones a finalement conservé le titre initial.
C'est peut-être une question d'ambiance et d'humeur, mais j'ai vraiment mieux apprécié l'album lors de cette seconde écoute. Il y a trois ou quatre titres qui m'ont vraiment accroché, particulièrement le deuxième, Polygamy. J'ai même vérifié sur Discogs si ce titre était sorti en single, tout en me disant qu'il me semblait que j'avais un CD single de Trashmonk sans pochette dans ma collection.
A défaut de pouvoir chiner dehors ce printemps, on en est réduit à faire des trouvailles chez soi et j'ai été bien content de constater que j'avais bien un single de Trashmonk et que c'était Polygamy son titre principal !
Trashmonk, c'est un projet de Nick Laird Clowes. Je savais qu'il avait fait partie de The Dream Academy, groupe de pop sophistiquée qui a eu du succès dans le milieu des années 1980, mais je n'imaginais pas que sa carrière discographique avait débuté dès 1977 avec Afalpha, ni qu'il avait joué en 1981 avec The Act, groupe qui comptait dans ses rangs Mark Gilmour, frère de David.
Nick a d'ailleurs collaboré à plusieurs reprises avec David Gilmour et Pink Floyd (il co-signe les paroles de deux chansons de The division bell), et même avec Brian Wilson pour Walkin' the line sur son album solo de 1988.
La période qui a suivi la séparation de The Dream Academy a été assez instable pour Nick Laird Clowes, avec pas mal de consommation de drogues. Il a voyagé, notamment en Inde, et au Népal pour étudier le bouddhisme tibétain. Il a aussi commencé à enregistrer, en appartement, à New York et chez lui à Londres. Ce sont ces enregistrements maison mixés en studio qui font la matière de Mona Lisa overdrive, un album bien barré qui devait s'appeler initialement Trashmonk phenomena. Mais en voyant la scène chez lui, Alan McGee lui a rétorqué : "Trashmonk, c'est toi !".
Nick Laird Clowes présente Mona Lisa overdrive dans un documentaire bien barré réalisé au moment de la sortie de l'album.
Le CD single de Polygamy a beau s'ouvrir avec une version raccourcie pour la radio, le 45 tours et la vidéo, je ne pense pas qu'il y avait beaucoup de chances que ce titre assez allumé soit un grand succès commercial. En tout cas, cette version raccourcie n'a pas d'intérêt et c'est la version album de plus de sept minutes qui compte vraiment. Rythmée par une basse aquatique et des percussions trafiquées, dont des boucles de tabla, c'est une chanson qui est à mon sens dans la droite ligne de l'un des chefs d’œuvre publiés par Creation, Higher than the sun de Primal Scream. Venant après, c'est évidemment moins révolutionnaire, mais tout aussi psychédélique et halluciné, et il y aussi des chœurs qui fonctionnent très bien et qui nous racontent que "Someone told a lie".
Le troisième titre, P2, s'avère être un remix de Polygamy. Il est dépouillé, intéressant notamment parce qu'il sépare un peu les différentes couches de la chanson originale, qui est très touffue d'un point de vue sonore.
Je pense que le dernier titre, l'instrumental 29/11, est aussi en lien avec Polygamy, même si je n'arrive pas à le vérifier de façon concrète à l'écoute. Il met en valeur le violon de Ben Coleman (ex-No-Man).
Depuis 1999, Nick Laird Clowes n'a plus sorti d'album de chansons, que ce soit sous le nom de Trashmonk ou un autre. Il s'est plutôt tourné vers la composition de musiques de film. L'an dernier, il a notamment signé celle du documentaire Marianne & Leonard : Words of Love. Et on y entend, la boucle est bouclée, une version d'It won't be long, l'une des chansons de Mona Lisa overdrive.
A lire :
Un entretien avec Nick Laird-Clowes publié par l'ami Louis dans Soul Kitchen pour les vingts ans de Mona Lisa overdrive.
A écouter :
Trashmonk : Polygamy
Trashmonk : P2
Les deux pochettes sous lesquelles Polygamy a été commercialisé.
11 avril 2020
FRANÇOIS LOUGAH : Na you wi oh
Acquis à la Broc' Livres-BD-CD-DVD du 111 à Châlons-en-Champagne le 24 novembre 2019
Réf : B 370.961 F -- Édité par Philips en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Na you wi oh -/- Ya Ya du Togo
Le jour de l'automne dernier où j'ai trouvé à Châlons Tu as calé le moteur des Haricots Rouges, j'avais acheté au même stand plusieurs autres disques pas chers, dont ce 45 tours, perdu sans aucune pochette entre deux autres. Je l'ai tiré de cette situation périlleuse principalement parce qu'un disque avec une face intitulée Ya Ya du Togo, même sans en savoir plus, ça ne se laisse pas passer !
Depuis, après écoute, ce disque figurait sur ma petite pile de disques en attente de chronique et je regrette bien de ne pas l'avoir fait un peu plus tôt car, de manière générale, je préfère chroniquer quand c'est possible les disques des artistes de leur vivant. Or, celui-ci, chanté par François Lougah, est une collaboration avec Manu Dibango, qui en assure les arrangements et la direction d'orchestre.
Manu Dibango, qui est mort le mois dernier, ça fait un moment que je pense à chroniquer un de ses disques. Notamment depuis que j'ai lu il y a quelques années son autobiographie de 1989 Trois kilos de café, dans laquelle j'avais appris que, à son arrivée en France, il avait été élève à Château-Thierry puis à Reims où, plutôt que de préparer le bac, il avait fait ses débuts de musicien professionnel avant de filer assez vite à Paris. J'aurais bien repris le livre pour y vérifier quelques détails, mais l'exemplaire que j'avais emprunté est actuellement confiné dans les rayons de la Médiathèque d’Épernay. A l'époque, j'avais ressorti son célèbre 45 tours Soul makossa pour éventuellement le chroniquer, mais c'est un classique auquel je n'ai jamais accroché.
L'an dernier, j'aurais vraiment pu choisir un de ses disques pour le présenter ici puisque, en moins de six mois, j'ai acheté un 45 tours et deux de ses albums en CD, et surtout Philippe R. m'a offert son 33 tours Super kumba de 1974, sur lequel on trouve le très beau titre Soir au village. C'est une chanson qui devait être importante pour lui, puisqu'il l'avait déjà enregistrée en 1964 et il a récidivé en 1983, 1986 et 1998 ! Il l'a aussi jouée longtemps en public, par exemple en 2001 pour la télévision suisse ou en 2016 à Bobigny. Mais Super kumba dans son ensemble ne me plaisait pas trop, alors je me suis contenté d'inclure Un soir en village sur ma compilation Jeunesse aveugle il y a un an.
Quant à François Lougah, je ne le connaissais pas du tout. Venu de sa Côte d'Ivoire natale lui aussi pour étudier en France, il a obtenu un CAP en bâtiment en 1961 et a commencé à travailler dans cette branche. Après avoir été gravement malade, son parcours va vite bifurquer, d'abord avec une expérience dans le football professionnel, puis vers le monde du spectacle : théâtre, cinéma, télévision et enfin musique, grâce notamment à une rencontre décisive avec Manu Dibango. Il est mort à 55 ans en 1997.
Je n'ai aucune pochette avec mon disque, mais la maison de disques Philips devait croire en ce 45 tours puisqu'elle en a imprimé deux différentes : une, sûrement l'originale, bleu clair avec la photo de François Lougah, l'autre, jaune, qui présente le disque comme étant "Spécial club" pour un "été show". Avec le "Spécial Badaboum" du Watts 103rd Street Rhythm Band et le "Slow de l'hiver ?" de Pharaoh Sanders, on peut dire que les publicitaires de 1969 ne manquaient pas d'imagination ! Quant à 2020, je ne sais pas comment sera l'été, mais pour le printemps on peut qu'il est d'ores et déjà très chaud et surtout pas show !
Même avec ses deux pochettes, je ne pense pas que Na you wi oh a été un grand succès. C'est pourtant une chanson légère, très rythmée et très entraînante, avec notamment une flûte en accompagnement et une imposante section de cuivres. Je crois entendre le mot "chérie" à un moment, mais sinon je ne sais pas dans quelle langue sont les paroles. Mais je parierais que le titre est une transcription phonétique d'un mot comme "Nayowio". En tout cas, c'est super dansant et il se passe plein de choses en 2'15.
On retrouve les cuivres en position proéminente sur Ya Ya du Togo et ce n'est pas une surprise quand on sait que Manu Dibango est aux manettes. Là, c'est clair, l'ambiance est au rhythm and blues et les paroles en français y font directement référence, avec mention de Louis Armstrong, James Brown, Otis Redding et Wilson Pickett, et en miroir le souvenir des racines africaines. Il y a même un brin de philosophie sur le refrain ("Il arrive un moment dans la vie où nous regrettons le temps qui fuit. Il faut se battre et savoir gagner sur le chemin qui nous est tracé"). C'est excellent.
A cette époque, Manu Dibango sortait, également chez Philips ou sa filiale Mercury, des 45 tours comme Ode to Papa and Mama et Salt pop-corn ainsi que son premier album, Saxy-party, qui contenait une bonne moitié de reprises.
La collaboration Lougah-Dibango a produit au moins trois autres 45 tours, le très funky Pecoussa, Mameulah et Yoco yomon. A ma connaissance, aucun n'a jamais été réédité. Il y aurait là matière à un très bel album-compilation en hommage à ces deux artistes.
A écouter : François Lougah : Na you wi oh
04 avril 2020
BONNIE LOU : Just out of reach
Acquis chez YMCA à Douvres le 2 mars 2020
Réf : R. 3730 -- Édité par Parlophone en Angleterre en septembre 1953
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Just out of reach -/- Tennessee wig walk
Bon, on ne pourra pas compter sur les brocantes de printemps pour faire des trouvailles. Certes, j'ai des réserves à la maison et je ne vais pas manquer de disques à chroniquer, entre mes piles de disques en attente, ceux que je réécoute et ceux que je redécouvre, mais je suis quand même d'autant plus content d'avoir fait main basse tout début mars sur un très beau lot de 78 tours qui va m'occuper un bon moment.
Après le Stan Freberg, en voici un deuxième, par Bonnie Lou. Vous la connaissiez ? Moi non plus !
J'ai sélectionné ce disque sur la foi du titre Tennessee wig walk. Je me suis dit que ça risquait d'être rythmé et j'ai eu le nez creux puisque c'est un disque excellent d'une chanteuse country qui s'avère également être considérée comme une pionnière du rockabilly !
Dès l'introduction à la guitare de Just out of reach, j'ai su que la chanson allait être bonne. Le rythme est lent, les paroles d'amour tristes, le petit solo de steel guitar est parfait. Dans le style, on est dans le honky-tonk, avec le pendant féminin parfait d'un Hank Williams, ce qui en soi n'est pas très surprenant, sachant que les deux faces de ce disque ont été enregistrées en 1953, dans les mois qui ont suivi la mort du roi de la musique country.
L'humeur sur la face B, Tennessee wig walk, est très différente. Enlevée et rythmée, avec accompagnement de claquements de mains, c'est une chanson à danser. En fait, quand on regarde les paroles, on se rend compte qu'on n'est pas loin de La danse des canards (La danse des poulets, dans ce cas précis) avec jambes arquées, genoux serrés, coudes qui volettent et croupion qui remue ! Oui, mais c'est aussi très bien musicalement, avec là aussi un solo, de cuivres mais je ne saurais pas en dire plus, qui est très réussi.
Comme pour le Stan Freberg et une bonne partie de mes autres 78 tours, ce disque britannique compile en fait deux titres sortis sur deux singles séparés aux États-Unis, en mars et juin 1953.
Et, si ce disque est sorti en Angleterre sur le label Parlophone, la future maison des Beatles, alors déjà établie de longue date et membre du groupe EMI, aux États-Unis ces deux disques ont été publiés par le célèbre label indépendant King, fondé en 1943 à Cincinnati, d'abord spécialisé dans la musique hillbilly avant de se tourner vers le rhythm and blues et le rock and roll.
Just out of reach était la face B du premier disque de Bonnie Lou chez King, Seven lonely days, qui a eu un certain succès. Tennessee wig walk, face A du troisième disque, s'est encore mieux vendu.
Mon disque anglais, sorti en septembre 1953, a lui aussi eu du succès, classé pendant neuf semaines parmi les dix meilleures ventes. Bonnie Lou n'a pas eu d'autre tube en Angleterre, mais Tennessee wig walk y est devenue à nouveau très populaire dans les années 1970, après sa diffusion dans une émission de télévision. Depuis, c'est devenu l'une des chansons les plus chantées dans les stades de foot anglais, le plus souvent avec des paroles modifiées, pour leur donner un sens paillard, bien sûr ! Sinon, et sans surprise, les clubs de danse country s'en sont également emparés.
Bonnie Lou se voyait avant tout comme chanteuse country, mais c'est King qui décidait des titres qu'elle enregistrait. Après quelques temps, le label a orienté son répertoire vers un style plus rock and roll. C'est ainsi qu'elle a eu du succès notamment avec Daddy-O en 1955 et La dee dah en 1958, un duo avec Rusty York. Des titres qui lui ont valu d'être admise dans le Rockabilly Hall of Fame.
Après la fin de son contrat avec King, Bonnie Lou a continué à chanter. Elle a aussi présenté des émissions de radio et de télévision, notamment, pendant vingt ans, le Paul Dixon show à Cincinnati. Elle est morte en 2015 à 91 ans. Plusieurs compilations CD ont été éditées ces dernières années, chacune avec une trentaine de titres. On peut encore se les procurer assez facilement.
Bonnie Lou revient sur son parcours, en compagnie d'une autre chanteuse et présentatrice de l'émission Paul Dixon Show, Coleen Sharp. Elle explique qu'elle a appris le Yodel de sa grand-mère, qui était suisse.
La couverture d'une partition pour Tennessee wig walk.
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