30 décembre 2022
WET LEG : Chaise longue (in French)
Consulté sur YouTube en novembre 2022
Réf : [RUG1232D2] -- Édité par Domino en 2022
Support : 1 fichier FLV
Titre : Chaise longue (in French)
Comme plein de monde en 2021, j'ai vu passer et apprécié Chaise longue, le premier single et tube surprise de Wet Leg. Couplées à une vidéo solaire, la légèreté et la gaieté qui se dégagent de cette chanson ont dû faire grandement pour son succès. Dans l'esprit, on est proche d'un autre jeune groupe également signé chez Domino, Superorganism.
C'est par Renaud Sachet de Groupie, qui l'a incluse dans la playlist des nouveautés d'octobre de Section 26, que j'ai appris que le groupe avait remis le couvert cette année avec une version en français de Chaise longue. J'ai tendu l'oreille tout de suite car j'apprécie en général quand des non-francophones font l'effort d'enregistrer dans notre langue. Un des premiers exemples qui me vient en tête quand je cherche un exemple de ce cas de figure, c'est le Traison (C'est juste une histoire) de The Teardrop Explodes.
Domino a publié en novembre, uniquement au format numérique, cette version en français. Le titre original est bien sûr une expression française utilisée couramment par les anglais (avec un sens différent du nôtre, car les anglais pensent plutôt en l'utilisant à une sorte de canapé, une méridienne, qu'à un relax ou un transat), mais les paroles originales sont toutes en anglais.
Boris Hackman a disserté chez Gonzaï pour essayer de comprendre pourquoi Wet Leg avait décidé de faire cette version française, sans arriver à une conclusion claire. La RTBF avance que cette version a peut-être été enregistrée à l'occasion d'une session radio.
En tout cas, la traduction est plutôt réussie, même si au bout du compte on perd au passage pas mal des allusions salaces de la version anglaise. En français, quand on entend "As-tu besoin de quelqu'un pour te beurrer la brioche ?", on se doute qu'il y a anguille sous roche. En anglais, quand on entend "Is your muffin buttered ?", le contexte est beaucoup plus clair (ce bout de dialogue vient d'une série, Mean girls). De mon côté, je n'ai pas trouvé de meilleure proposition...
En tout cas, Chaise longue est une chanson joyeuse, parfaite pour terminer l'année du bon pied (de chaise), sur une note légère. On la retrouve aussi en ouverture de ma dernière compilation en date, Ta brioche est beurrée ?. Vous savez maintenant d'où vient son titre !
Wet Leg, Chaise longue, dans sa version originale en anglais.
Wet Leg en concert à la maison pour Tiny Desk en décembre 2021. Le premier titre est Chaise longue (en anglais).
23 décembre 2022
THE COLOUR FIELD : Take
Acquis neuf en solde dans la Marne vers 1984-1985
Réf : 106 775 -- Édité par Chrysalis en Allemagne en 1984
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Take -/- Pushing up the daisies
J'évite de chroniquer ici des disques en réaction à des décès récents, sinon ce blog deviendrait vite une simple rubrique nécrologique : les gens, artistes compris, meurent tout le temps, et quelques heures après l'annonce de la mort à 63 ans de Terry Hall, on apprenait celle à 55 ans de Martin Duffy, le clavier de Felt et Primal Scream.
Mais pour Terry Hall j'ai un regret car, en faisant le point, je vois que je ne me suis penché jusqu'ici que sur un seul de ses disques, Specials plus. C'était il y a plus de seize ans, et depuis j'ai envisagé à plusieurs reprises de chroniquer d'autres disques des Specials (hors Special A.K.A., sans lui), ou bien Fun Boy Three (je pensais à Our lips are sealed, mais j'aurais préféré avoir le single The lunatics have taken over the asylum), The Colour Field, ou encore Terry, Blair & Anouchka (mais au bout du compte j'ai chroniqué l'original de Love will keep us together plutôt que leur reprise). Quand je l'ai acheté il y a trois ans, j'ai même pensé m'attaquer à The collection, un résumé de son parcours insensé de 1979 à 1992, des Specials à Vegas.
La preuve que sa musique continue à m'accompagner encore aujourd'hui : on trouve une version live de 1979 de Blank expression sur ma dernière compilation en date, Ta brioche est beurrée ?.
Une des chansons les plus marquantes de Terry Hall restera pour moi Well fancy that, une valse aux paroles glaçantes sur le deuxième album de Fun Boy Three, dans laquelle il s'adresse au prof qui l'a violé lors d'un voyage linguistique en France.
Mais le disque que j'ai sélectionné aujourd'hui, c'est un 45 tours de son groupe suivant, The Colour Field, avec une face B de circonstance puisque son titre signifie Faire pousser les pâquerettes, c'est à dire en bon français Manger les pissenlits par la racine.
C'est l'un de mes disques préférés de The Colour Field, avec deux faces d'excellentes qualité. Je l'avais trouvé pour 5 francs en solde quelques mois après sa sortie.
Même si la musique avait évolué, Fun Boy Three pouvait être considéré comme une suite directe des Specials, puisque le groupe avait été fondé par trois compères qui venaient de s'en échapper. Avec The Colour Field, Terry a vraiment volé de ses propres ailes pour la première fois, accompagné initialement par Karl Shale et Toby Lyons, un ancien du groupe 2 Tone The Swinging Cats.
C'est le deuxième single du groupe, produit par Hugh Jones, réputé à l'époque pour son travail avec Echo & the Bunnymen (mais aussi avec The Sound). C'est d'ailleurs Pete de Freitas des Bunnymen qui est à la batterie.
La face A, Take, fait partie de ses chansons qui mettent en avant le côté un peu triste et misérable de Terry Hall. C'est assez enlevé, mais côté paroles il n'y va pas avec le dos de la cuillère pour cette chanson de rupture. Elle est partie et en rajoute dans la souffrance. Seule lueur d'espoir, "le chat et moi on a le bail de l'appart et tu ne pourras jamais rien y faire. Le lait est toujours livré, on est assis au coin du feu, on pourrait dire qu'on a la belle vie".
Pushing up the daisies est peut-être bien tout simplement ma chanson préférée du groupe. Je me suis toujours étonné qu'elle ait été reléguée en face B de single (Take est sur l'album original anglais Virgins and philistines, pas Pushing up, mais les américains ont modifié la liste des titres et l'ont incluse).
Il y a un bon riff et les paroles sont il me semble une oraison funèbre sans compassion ("Tu manges les pissenlits par la racine et la vie continue continue continue") ainsi qu'une réflexion sur le show business.
En préparant cette chronique, j'ai découvert la genèse de cette chanson. En effet, je suis tombé sur le passage de The Colour Field en direct dans l'émission The Tube le 3 février 1984 (j'étais à Londres ce soir-là et j'ai sûrement vu l'émission). Pour le dernier titre, on reconnaît bien la musique de Pushing up the daisies, mais les paroles sont différentes. Et pour cause, car la chanson n'était à l'époque qu'une version de The trip, le premier 45 tours solo de Kim Fowley, en 1965. Quelques mois plus tard, ils ont conservé l'arrangement travaillé pour cette reprise (et donc, quelque part, un peu du riff de la chanson de Fowley) pour en faire cette nouvelle chanson.
Les choses ont assez vite mal tourné pour The Colour Field, puisque le groupe s'est désintégré en 1987, avant même la fin de l'enregistrement du deuxième album Deception, co-produit par Richard Gottehrer et sur lequel figurent des musiciens de session.
The Colour Field reprend The trip de Kim Fowley, en direct dans l'émission The Tube le 3 février 1984. Avec des paroles originales, cette reprise deviendra quelques mois plus tard la chanson Pushing up the daisies. Leur prestation complète ce jour-là, avec aussi Sorry et The colour field, vaut le coup.
Entretien de Terry Hall avec Sunie Fletcher dans une émission de la chaîne cablée Sky le 7 août 1984, suivi de la vidéo de Take.
18 décembre 2022
SHAKIN' STREET : Solid as a rock
Acquis sur la braderie-brocante d'Ay le 30 octobre 2022
Réf : CBS 8282 -- Édité par CBS en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Solid as a rock -/- Every man, every woman is a star
L'ami Damien avait pris un stand à Ay cette année, où il revendait quelques-uns de ses disques. J'ai d'abord laissé passer ce 45 tours de Shakin' Street, puis je me suis ravisé car il se trouve que j'avais une anecdote à raconter à propos de ce groupe. Dix mètres plus loin, je suis tombé sur un autre exemplaire de ce 45 tours (moins cher...!). Je l'ai pris aussi, pour mon frère, qui pour le coup est un vrai fan de cette musique.
Mes premiers souvenirs de concert (Martin Circus, Il Etait Une Fois, Souchon,...) sont liés à la Foire Exposition de Châlons et j'y suis allé en famille.
C'est à l'automne 1978 que j'ai commencé à aller seul aux concerts. Pas seul en fait, mais en tout cas sans adulte accompagnant. J'avais quinze ans et demi, j'étais en première. De 1978 à 1980, j'ai vu sans surprise des concerts à Châlons, où j'habitais (Thiéfaine au moment d'Autorisation de délirer, peut-être Memphis Slim et/ou une tournée genre Chicago Blues Festival), mais ce qui me surprend aujourd'hui c'est que je suis allé à 20 km à Épernay voir Higelin, et plusieurs fois à Reims, où j'ai dû voir notamment Béranger. Ça veut dire qu'à chaque fois il y avait quelqu'un dans la bande qui avait plus de 18 ans, le permis et accès à une voiture. Je ne sais plus du tout comment ces voyages se sont arrangés. Je pense que, les premières fois, l'ami Bruno a dû être impliqué pour m'associer à ses plans. Mais je suis encore étonné d'avoir eu l'autorisation d'y aller à chaque fois, tout comme je m'étonne moi-même encore d'être allé voir Lewis Furey à Bobino à 16 ans, alors que je ne connaissais pas du tout Paris...
J'ai très peu de souvenirs de ces premiers concerts. Je n'ai gardé en tête que quelques événements marquants, comme la porte en verre qui a éclaté au Palais des Fêtes à Épernay, car les organisateurs avaient tardé à ouvrir les portes du concert d'Higelin et ça poussait pour entrer. Pour Shakin' Street, ce fut un peu folklo, aussi.
On se rend compte que l'union de la gauche avait gagné les élections municipales de 1977 à Reims rien qu'en regardant les concerts organisés dans la ville dans les mois qui ont suivi.
Le 24 juin 1978, Téléphone a joué au Parc de la Patte d'Oie pour la Fête du P.S. (il faudra que j'attende presque un an, pour les voir à Reims, le 18 mai 1979 à la Maison des Sports). Trois mois plus tard, en septembre (je n'ai pas retrouvé la date exacte, mais les amis de Reims Punk 'N' Roll ont récupéré un fragment de billet de l'événement), le P.S. a remis ça au même endroit pour la Fête de la Rose.
C'est à cette manifestation que j'ai assisté. Pour la partie concert, il y avait des groupes folkloriques, mais aussi le groupe Terre, Catherine Derain et, on ne voit que le "A" final sur le fragment de billet, mais je pense que la tête d'affiche était Mama Béa.
Tout ça devait être bien bricolo dans l'organisation, puisque le seul souvenir qui me reste de la journée, c'est que, le soir venu, il y avait un problème d'éclairage de la scène. Le groupe jouait (Shakin' Street, je pense), mais dans l'obscurité ! La seule solution que les organisateurs ont trouvée pour pallier ce problème, ce fut de pousser des voitures (au moins deux...) jusqu'à l'arrière de la foule, puis de tenter tant bien que mal d'éclairer la scène avec leurs phares...!
Mine de rien, on peut relier Shakin' Street à pas mal de beau monde, de Téléphone (Corinne et Louis sont des membres fondateurs de Shakin' Street) aux américains Chrome (la chanteuse Fabienne Shine a été mariée à Damon Edge), en passant par les Dictators, dont le guitariste Ross "The boss" Friedman" a été membre avant de rejoindre Shakin' Street puis de fonder Manowar, et Era, le projet à succès du guitariste-fondateur du groupe, Eric Lévi.
Pour ma part, j'avais sûrement vu la prestation du groupe dans l'émission Blue jean (voir ci-dessous), mais je ne me suis jamais particulièrement intéressé à eux.
Ils étaient en tournée pour leur premier album quand je les ai vus en concert. Il avait été enregistré à Londres, mais pour le deuxième, dont mon 45 tours est extrait (La photo de pochette, identique pour le 33 et le 45 tours, est parfaite pour un disque de rock), c'est carrément aux États-Unis qu'ils sont allés, sous la houlette de Sandy Pearlman (Blue Öyster Cult, notamment).
C'est peut-être en ayant cette référence en tête que je me suis dit, en écoutant le refrain qui ouvre Solid as a rock, qu'il n'aurait pas déparé sur Give 'em enough rope de The Clash, lui aussi produit par Pearlman. J'aime bien ce refrain, avec les effets sonores façon "en public", les "Rock Rock" en écho après le titre et le riff de guitare, qui m'en rappelle un peu un autre (des Who ?). Les débuts de couplet passent aussi pour moi, mais pas les parties qui suivent avant de retourner au refrain. N'empêche, dans son style c'est efficace.
Every man, every woman is a star, de la guitare solo aux roulements de batterie, c'est pas pour moi...! Et c'est bizarrement produit, on a l'impression que certaines parties ont été copiées-collées, avec des traces de scotch bien visibles !
Pour la tournée de ce deuxième album, Shakin' Street a rejoué à Reims, le 24 novembre 1980 à la Maison des Sports, mais je n'y étais pas. La dernière tournée en date du groupe, avec Fabienne Shine et Ross the Boss, remonte à 2019.
Jean-Eric Perrin a publié en 2014 une biographie romancée de Fabienne Shine, Sexe, drogues & rock 'n' roll.
Quant à un possible nouveau concert de rock au Parc de la Patte d'Oie, avec ou sans éclairage à la Renault/Peugeot, à mon avis il ne faut plus trop y compter depuis le retour de la droite à la mairie en 1983, avec la construction du centre des congrès et la transformation du parc en 1994.
Shakin' Street, No time to loose, dans l'émission Blue jean de Jean-Loup Lafont diffusée le 21 mai 1978. J'ai probablement vu cette émission, quelques mois avant le concert de Reims.
Cette chanson a la particularité de figurer à la fois sur le premier et sur le deuxième album du groupe (dans des versions différentes).
Portrait de Fabienne Shine en 1980, avec un extrait de Solid as a rock en concert dans une salle de province.
10 décembre 2022
!DELADAP with voice & musicians of THE 17 HIPPIES : Lautlos
Acquis par correspondance via Ebay en octobre 2022
Réf : CCR007-5 -- Édité par Chat Chapeau en Autriche en 2006
Support : CD 12 cm
6 titres
Depuis un peu plus d'un an que je fais une chronique mensuelle pour Casbah, c'est la deuxième fois, après Juniore, que ça me conduit à découvrir un disque que j'achète et chronique ici.
Pour rappel, le principe de la chronique est, à partir d'une thématique donnée, de me balader sur Bandcamp juste qu'à ce que je découvre une musique emballante.
En novembre, j'ai commencé par m'énerver contre les groupes zombies du rock, qui continuent à enregistrer et tourner en ayant perdu leur âme, parfois sans aucun des membres originaux. Je citais Dr. Feelgood et les Stranglers avant même les décès récents de Wilko Johnson et Jet Black, mais je suis quand même parti à l'aventure dans Bandcamp sur une note positive en retenant le "feelgood".
Comme je le raconte dans la chronique, c'est au dernier moment et presque par hasard que j'ai écouté le premier titre de la compilation Balkanyca V1 ! et que j'ai été saisi par le fait que les premières paroles de la chanson soient en français, ce qui était complètement inattendu dans ce contexte.
Après quelques recherches, j'ai appris qu'il s'agissait d'un enregistrement de Deladap (Donne-Moi le Rythme en romani), un projet développé par Stani Vana, qui est né à Prague et qui vit en Autriche. Lautlos (Silencieux) est extrait du deuxième album, Dela paji, sorti en 2006.
J'ai aussi repéré que Lautlos avait été sorti en single, en maxi-45 tours quatre titres (réédité et disponible en vinyl et en numérique sur Bandcamp) et en CD six titres, que j'ai trouvé en vente pour pas cher et que je me suis dépêché d'acheter.
La particularité de Lautlos, ce n'était pas précisé sur la page de Balkanyca, c'est que c'est une collaboration entre Deladap et des membres d'un groupe que j'aime beaucoup, 17 Hippies de Berlin. Quatre des musiciens participent à l'enregistrement, et c'est Kiki Sauer qui a écrit les paroles, un mélange d'allemand, de français et d'anglais, et qui les chantent.
Il y a cinq versions différentes de Lautlos sur le CD. La version de l'album est déjà très bien. Le Remix4Radio en est assez proche. La version essentielle, c'est le Remix4Club, soit sept minutes qui passent très bien : une rythmique avec un instrument qui sonne comme un violoncelle, des coups de guimbarde et d'accordéon, de la guitare slide, des solos de violon, de trombone et d'accordéon. Ça coule bien et c'est dansant. Superbe.
Il y a deux autres remixes, un par Jeremiah (un peu électro, ça passe, mais bof) et l'autre par Dunkelbunt, sur un rythme reggae.
Deladap a retravaillé Lautlos en 2014 : la chanson est devenue Tu es beau sur l'album This is Deladap. Je préfère la version originale.
Le sixième titre, c'est Goldregen (Pluie d'or), lui aussi tiré de Dela paji. On est dans une veine similaire, enjouée, entre ska et balkans, avec l'adaptation d'une musique traditionnelle.
Le dernier album en date de Deladap, c'est Play, qui est sorti fin 2021.
Au cours de ma balade du Bandcamp, j'étais aussi tombé sur Feelgood, une collaboration entre Maribou State et Khruangbin. Les deux titres s'enchaînent parfaitement sur ma toute récente compilation, Ta brioche est beurrée ?.
02 décembre 2022
VALIUM ORGASMS : A CREATION COMPILATION
Acquis par correspondance via Discogs en novembre 2022
Réf : RTD/CRE 1-39 -- Édité par Rough Trade / Creation en Allemagne en 1986
Support : 33 tours 30 cm
12 titres
On va dire qu'on fait dans la pochette à thématique comestible cette année : après l'épi de maïs des Léopards, voici la moule de Creation.
J'ai repensé à ce disque quand l'ami Bertand a entrepris de passer en revue ses compilations Creation. Je lui ai parlé de celle-ci, qu'il ne connaissait pas, et comme cela faisait longtemps qu'elle manquait à ma collection, j'ai décidé de me l'offrir.
En fait, c'est depuis 1986 que j'ai envie d'avoir ce disque. Depuis le jour où Luke de Chromatone Design m'a montré chez lui ses dernières productions graphiques, deux compilations jumelles, I love the smell of napalm, pour le marché américain, et Valium orgasms, pour le marché allemand. Il m'avait offert un exemplaire de la première, mais il n'avait pas de double de la seconde.
Luke m'avait aussi expliqué comment il avait pris ces photos de pochette: pour I love the smell of napalm, il était allé un soir récupérer des fleurs sur un massif devant une église près de chez lui sur l'Île aux Chiens à Londres, qu'il avait ensuite étalées et photographiées sur sa table de salon. Pour Valium orgasms, il avait tout simplement pris un gros plan d'un mollusque tiré d'un bocal de moules au vinaigre !
Alan m'a expliqué un jour l'intérêt qu'il y avait pour lui de sortir ces compilations (Il y en a eu en moyenne une par an pendant dix ans. Quelqu'un a pris la peine d'en faire une liste sur Discogs). Cela permettait de prolonger la "durée de vie" des 45 tours du label, souvent tirés à juste 1000 exemplaires, mal distribués et pourtant vite épuisés quand même. Les albums pouvaient se trouver plus facilement partout dans le pays, et même à l'étranger. Et, comme c'est le cas ici, quand un contrat de licence était signé à l'étranger, il pouvait être inauguré par une compilation.
Le prototype de Valium orgasms, c'est Different for Domeheads, la compilation anglaise de 1985. A double titre : six des huit titres sont repris ici, et surtout, on trouvait gravé en fin de face sur les sillons du disque, "Valium orgasms" pour la face A et "Syphilis mouth" pour la B (la pochette figurait un tube de pommade prescrit contre cette maladie vénérienne). I love the smell of napalm, parue au même moment aux États-Unis est la compilation sœur de celle-ci : elles ont neuf titres en commun sur douze.
Avec plus de trente-cinq ans de recul, on peut réécouter ces chansons avec une oreille neuve et voir comment elles ont passé l'épreuve du temps (même si pour la plupart je les ai régulièrement écoutées entre-temps...!). Six artistes ont droit à deux titres chacun.
Les amis de Biff Bang Pow ! s'en sortent particulièrement bien avec deux titres du premier album Pass the paintbrush, honey..., Love and hate et le classique et également single There must be a better life.
Pour ceux que ça intéresse, Cherry Red a sorti cette année la compilation ultime de BBP!, un coffret de 6 CD (!) avec l'intégrale et bien plus.
Les autres amis The Jasmine Minks ont eux aussi deux titres imparables et classiques, Think! et Where the traffic goes, les faces A énergiques de leurs deux premiers singles, qui figuraient également sur leur premier album One, two, three, four, five, six, seven, all good preachers go to heaven.
Jim Shepherd le chanteur a sorti cette année un album solo, The circle, dont j'ai rédigé les notes de pochette. Le groupe prépare un nouvel album pour 2023.
Dans le lot, c'est Primal Scream qui a eu le parcours le plus impressionnant depuis. A peu près inimaginable quand on écoute les deux faces de leur premier 45 tours qui sont reprises ici, All fall down et It happens. C'est très poppy, la face B est meilleure que la A, ils ont fait bien mieux depuis mais c'est quand même très bien.
Les deux faces du premier single de Slaughter Joe (alias Joe Foster), I'll follow you down et Napalm girl passent moins bien la rampe aujourd'hui. On les entend pour ce qu'elles étaient vraiment, un exercice de style pour recréer l'ambiance d'Upside down, le premier single de The Jesus and Mary Chain, que Joe avait co-produit. Je n'avais jamais fait attention au fait que la basse de Napalm girl sonne pas mal comme celle de Jah Wobble époque Metal box.
Les deux titres que j'aime le moins du lot, c'est God bless et Paradise, soit le premier single des Bodines. C'est déjà ce que je pensais quand j'avais chroniqué ce disque en 2006.
In the afternoon est une chanson écrite par Alan McGee, qui existe dans plusieurs enregistrements, alternativement par Revolving Paint Dream ou Biff Bang Pow !. Là, on a droit à la première version publiée, celle de la face B de Flowers in the sky de Revolving Paint Dream (CRE 002). Elle est chantée par Christine Wanless, qui est morte il y a quelques semaines.
L'autre titre isolé, c'est Worm in my brain, le tout premier enregistrement de The Weather Prophets. Une excellente chanson publiée pour la première fois sur It's different for domeheads.
Pete Astor vient de sortir un nouvel album, Time on Earth.
Cela fait des années que je n'ai pas eu de contact avec Luke Hayes, qui aux dernières nouvelles vivait aux États-Unis, mais je suis bien content d'avoir complété ma collection de ses pochettes.
Comme pour celle-ci, j'ai tous les titres bien sûr, et même souvent en plusieurs exemplaires, mais un de ces jours je m'offrirai peut-être deux autres compilations Creation qui me manquent, Creation : Flowers in the sky et Purple, parues toutes les deux en CD en 1988, et toutes les deux avec des fleurs sur la pochette.
25 novembre 2022
FLEUR OFFWOOD : French indie folk & alternative pop
Acquis chez Gilda à Paris le 23 septembre 2022
Réf : PP050 -- Édité par Perfect Pitch en Allemagne en 2017
Support : CD 12 cm
16 titres
J'ai fait le voyage de Paris en septembre pour revoir Lawrence en concert (pour la première fois depuis 1989), cette fois-ci avec son Mozart Estate, dont le premier album au titre à rallonge est annoncé pour janvier prochain.
Ça m'a permis de vérifier que j'arrive toujours à trouver des CD intéressants à petit prix dans mes boutiques préférées, Parallèles, Gilda et Boulinier.
Dans le lot, il y avait cet album de Fleur Offwood. Je la connais surtout pour ses collaborations avec l'ami Seb Adam : ils se sont produits sur scène ensemble et un de mes titres préférés d'Une plage en hiver, le dernier album de Seb, est leur duo Mots croisés.
Ce disque est un bel objet. Pochette cartonnée ouvrante, couleurs pastel, illustrations sympathiques. Il y a un code-barres au dos et aucune mention du style "Disque promotionnel interdit à la vente", mais je parierais bien qu'aucun exemplaire de ce disque n'a jamais été en vente dans les bacs d'un disquaire (sauf en occasion comme dans ce cas précis, où un professionnel a dû revendre son stock à Gilda).
En effet, Perfect Pitch est un label de Warner Chappell Production Music, un éditeur musical dont l'objectif est de diffuser au maximum les œuvres des artistes qu'il a sous contrat, sur disque éventuellement, mais aussi et surtout en synchronisation musicale.
Ceci explique que le titre de l'album, French indie folk & alternative pop soit juste une tentative de description la plus attrape-tout possible du style musical de Fleur Offwood. On trouve sur la tranche du disque trois mots-clés complémentaires : "Female - Advertising - Easy-going".
En fait, les huit chansons de ce disque ont été publiées sur deux albums différents en 2017 : L'un, titré Bouquet, disponible uniquement au format numérique, et donc l'édition Perfect Pitch en CD et numérique. Et cet album est une compilation : deux des titres proviennent de son premier album, Des mots (que j'avais trouvé il y a quelques années, soit dit en passant, déjà chez Gilda) et on y trouve aussi les quatre titres du EP de 2019 crédité à Fleur Offwood and the Conifers.
Ce sont donc bien des "chansons indépendantes" qu'on entend sur ce disque. Parmi celles-ci, mes préférées sont Mon amour (décrite ainsi dans les notes de pochette : "French girly punk with retro garage pop flavour"), Chez Roberto Barr (qui est un artiste qui existe vraiment, mais il est actuellement installé au 45 rue Blaes à Bruxelles, plutôt qu'au 41 comme le dit la chanson) et La ballade d'elle et lui, avec son petit côté country and western.
Après les huit chansons, on a droit aux pistes instrumentales, inédites par ailleurs, ce qui est l'habitude pour les disques d'illustration musicale.
Fleur Offwood a produit en 2019 un autre album pour Perfect Pitch, Loulou, qui est entièrement instrumental. Son dernier album en date, Les chansons naïves, est sorti au printemps dernier.
19 novembre 2022
CLAUDE BERSOUX SES MUSICIENS SES ELEVES : Patro-blues
Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 16 octobre 2021
Réf : MG 001 -- Édité par Patrodisc en France dans les années 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : CLAUDE BERSOUX : Patro-blues -- PATRICK RAAFLAUB : Swing-valse -/- CHRISTIAN GRYMONPREZ : Carrefour des échos -- PHILIPPE PICOT : Classique accordéon
Il n'y avait pas grand chose ce jour-là à Emmaüs, mais j'étais bien content de tomber sur ce disque.
Je l'ai pris d'abord pour sa très belle photo de pochette, avec les accordéonistes sur le manège et les gamins qui regardent tous le photographe, mais aussi pour les circonstances de sa parution, le 25e anniversaire du Patronage Laïque de Champigny-sur-Marne.
Pour l'occasion, on a fait les choses en grand : lancement d'un label pour auto-éditer le disque (a priori, c'est le seul disque publié sous l'étiquette Patrodisc), découpage au dos de toutes les pochettes pour qu'elles puissent servir de présentoir, et aussi une publicité au verso pour les accordéons Fratelli Crosio.
Je pense que ce disque date du début des années 1960 (les lettres pour les numéros de téléphone, comme le NOR 94-95 de Fratelli-Crosio, ont été abandonnées fin 1963). On sait par ailleurs que le Patronage Laïque, probablement fondé sous le Front Populaire, existait en 1939, puisque Louis Talamoni, qui fut maire de Champigny dans les années 1950, s'est impliqué dans sa gestion quand il est arrivé dans cette ville cette année-là.
C'est Claude Bersoux qui a mené ce projet. Il a eu à la fois une carrière d'instrumentiste, de chef d'orchestre, de compositeur et d'enseignant pendant 17 ans au conservatoire de Champigny.
Les quatre pistes de ce disque sont de très bonne tenue. Il ne s'agit pas d'accordéon solo : il y a un accompagnement d'orchestre.
Le titre le plus intéressant pour moi est Carrefour des échos, une composition d'André Astier et Tony Fallone. On y entend le son particulier de l'instrument joué par Christian Grymonprez. il s'agit d'un orgue électronique Orgacor CI. J'ai cherché des informations au sujet de cet instrument, mais j'ai fait chou blanc. Cependant, j'ai constaté que Fratelli-Crosio avait poursuivi dans l'électronique, puisqu'ils ont commercialisé par la suite un synthétiseur accordéon Orgacor !
Ce disque est très sympathique et n'a pas dû être beaucoup diffusé. Ça n'en fait pas pour autant un collector, contrairement à ce que semblent en penser deux vendeurs, sur Discogs et Ebay, qui en réclament respectivement 50 et 139 €. Ils ne sont pas prêts de trouver preneur à ce prix-là...
11 novembre 2022
TALKING HEADS : I zimbra
Acquis par correspondance via Ebay en janvier 2022
Réf : 2C008-63307 -- Édité par Sire en France en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : I zimbra -/- Air
Ce qui m'a décidé à acheter ce 45 tours, c'est que je venais de lire le Fear of music de Jonathan Lethem dans la collection 33 1/3 et dans la foulée de regarder le documentaire de l'émission South Bank show spécial Talking Heads, tourné en août 1979 et diffusé en décembre de la même année. On y voit notamment le groupe répéter dans le loft new yorkais de Tina Weymouth et Chris Frantz, là même où toutes les bases musicales de l'album ont été enregistrées les 22 avril et 6 mai 1979 (A défaut de lire le livre, on peut trouver chez guitar.com une chronique assez détaillée de l'album).
Initialement, j'ai moins aimé et moins écouté More songs about buildings and food et Fear of music, les deuxième et troisième albums de Talking Heads, que 77 et Remain in light, le premier et le quatrième. Désormais, je trouve que Fear of music contient un nombre impressionnant d'excellentes chansons.
Bon, une fois reçu le 45 tours, il m'aura fallu une dizaine de mois pour le chroniquer...! J'aurais même pu me contenter de chroniquer l'album, que j'ai dans son édition originale française, avec couverture en carton embossé. C'est l'une des premières fois où j'avais dû me battre pour acheter un disque. En effet, quelques mois après sa sortie, je l'avais trouvé soldé chez France Loisirs, à 25 ou 30 francs (à une époque où les disques neufs valaient environ 45 francs). Au moment de payer, la vendeuse m'avait expliqué que les produits étaient réservés aux adhérents, dont je ne faisais pas partie. Pour une fois, j'ai fait preuve de répartie puisque je lui ai dit que, si le disque était soldé, c'est que les adhérents n'en avaient pas voulu. Et du coup elle a daigné accepter mon argent.
Tout comme Jonathan Lethem, ce n'est qu'assez récemment que j'ai su que les paroles d'I zimbra sont adaptées d'un poème dadaïste d'Hugo Ball de 1916. J'avais toujours pensé qu'il s'agissait soit de paroles dans une langue d'Afrique, soit d'un langage inventé. Le langage est inventé, certes, mais par Ball, pour l'un des ses "poèmes sonores", Gadgi beri bimba. Ce n'est pas par inattention que nous avons loupé cette information. Certes, "H. Ball" est bien crédité sur l'étiquette du rond central après "D. Byrne" et "B. Eno", mais c'est tout et c'est le service minimum. Comme les paroles sont reproduites sur la pochette intérieure, ça n'aurait pas coûté grand chose d'indiquer en référence le titre du poème qui les a inspirées et le nom complet de son auteur.
Côté musique, l'idée initiale pour I zimbra était apparemment de faire un hybride de highlife et de disco. Au bout du compte, on n'entend pas vraiment le côté disco, mais l'aspect musique africaine est bien présent. Il est clair que c'est précisément cette chanson qui annonce assez bien l'évolution du groupe qui aboutira à l'album suivant, Remain in light. Certains éléments se retrouveront également plus tard chez Tom Tom Club, et surtout, on a l'impression d'entendre ici en germe tout le son de Vampire Weekend à ses débuts.
Il y a plein d'invités sur ce titre, dont aux congas un certain Gene Wilder, pas l'acteur mais un musicien de rue invité par le groupe à les rejoindre, et une Ari, qui serait Ari Up des Slits. Robert Fripp intervient aussi avec une partie de guitare traitée aux Frippertronics (Musicalement, Fripp c'est rarement ma tasse de thé, mais comme beaucoup j'ai découvert son humour depuis le début de la pandémie de COVID avec les reprises qu'il enregistre chaque dimanche avec son épouse la chanteuse Toyah. La dernière en date, Can your pussy do the dog ? des Cramps, vaut son pesant de cacahuètes).
La version originale d'I zimbra de trois minutes est parfaite. On trouve sur YouTube une version longue qui serait une version remixée d'époque inédite. Pas sûr que ça soit pas juste un bidouillage de fan, mais ça fonctionne très bien aussi avec une durée doublée ! Et sur le double live The name of this band is Talking Heads, la version live de novembre 1980 est pas mal accélérée.
En face B, on trouve un autre extrait de Fear of music, Air, l'une des nombreuses chansons de l'album avec un seul mot pour titre. Elle est marquée par des chœurs féminins très aériens, si j'ose dire, crédités à The Sweetbreathes, soit Tina Weymouth et deux de sœurs.
Pour la musique, David Byrne explique à son propos dans l'émission South Bank show qu'on peut voir ci-dessous: "J'ai écouté beaucoup de Kurt Weill récemment. Une de mes ambitions était d'écrire ce genre de mélodies que je trouve très obsédante. Je ne crois pas avoir complètement réussi, mais je crois m'en être un peu approché. Je voulais écrire une chanson triste qui ne décrit pas d'une relation amoureuse. Pour moi, elle décrit comment on se sent quand on se sent très triste."
Les paroles sont à la fois simples, marquantes et énigmatiques (donc bonnes !) : l'air peut blesser et la peau avoir besoin de s'en protéger.
A l'excellente version de l'album, je crois que je préfère encore la version "de répétition" qu'on entend dans The South Bank show, qui est un peu plus rapide, avec un solo de guitare bien plus tranchant. Il y a aussi une version live de 1979 sur The name of this band is Talking Heads (A ce sujet, j'ai été impressionné par le nombre de concerts donnés par Talking Heads de 1977 à 1979).
Talking Heads, documentaire de l'émission South Bank show, filmé en août 1979, diffusé le 23 décembre 1979. Air commence à 23'10.
Talking Heads, I zimbra, en concert au Westfalenhalle à Dortmund le 20 décembre 1980, diffusé dans l'émission RockPop.
L'affiche promotionnelle pour Fear of music utilisée pour la pochette du 45 tours français. Le carroyage vert ajouté dessus rappelle plutôt la pochette de More songs about buildings and food.
06 novembre 2022
JUAN CATALAÑO : Les grognards
Acquis à la bourse BD Disques d'Épernay le 22 février 2022
Réf : 460.567 -- Édité par Fontana en France en 1958
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Les grognards -- Ses baisers me grisaient (Kisses sweeter than wine) -/- Symphonie d'un soir (Silhouettes) -- Demain la quille (The teen-age march)
Juste après le Mexicano, voici le Catalaño !
En quelques mois, j'ai acheté trois disques de Juan Catalaño. D'abord un 25 cm en état superbe, Les Gitans, qui contient deux des titres du 45 tours qui nous intéresse aujourd'hui, que j'ai acheté ensuite. Et enfin, je me suis offert un EP de Jan et Rod, parce qu'il contenait une version de La java des bombes atomiques, sans savoir que Jan et Juan ne font qu'un.
C'est chez Amour du Rock 'n' Roll qu'on trouve le plus d'informations sur le parcours de Juan Catalaño et Rodolfo Licari, ensemble depuis leur rencontre en tant que voisins de palier à Casablanca jusqu'à leur arrivée à Paris en 1956 avec leur duo de chant et guitare burlesque, et séparément avec la carrière ensuite de Juan sous son seul nom. Signés par Jacques Canetti chez Philips avant de passer chez Fontana, avec Boris Vian comme directeur artistique et Alain Goraguer à la direction d'orchestre, ils ont publié des reprises, de Boby Lapointe notamment, et des chansons originales.
Sur ce disque, le quatrième de Catalaño sous son nom, ce sont les reprises qui dominent, mais le seul original, Les grognards, signé Hubert Giraud et Pierre Delanoë, est le titre principal. C'est de la chanson française la plus classique possible. Rien d'humoristique là-dedans. Ce n'est pas vraiment ma tasse de thé.
Parmi les reprises, il y a d'abord Ses baisers me grisaient. La chanson originale est intitulée Kisses sweeter than wine. Elle a un parcours intéressant, qui associe le folklore irlandais, Leadbelly, Pete Seeger et les Weavers ainsi que Jimmie Rodgers ! C'est peut-être le succès qu'en a fait Jimmie Rodgers en 1957 qui a inspiré cette version. L'adaptation française est signée Boris Vian. Je pense qu'il s'agit là de la première version publiée de cette adaptation, qui a continué à se diffuser au-delà de la mort de Vian, puisque, parmi d'autres, Hugues Aufray en 1961 et Nana Mouskouri en 1965 ont interprété cette chanson avec son texte.
Pour Demain la quille, on reste après Les grognards dans la thématique militaire. J'ai trouvé la trace de la chanson originale The teen-age march en face B d'un 45 tours par Carlson's Raiders qui proposait en face A des chansons du film Le pont de la rivière Kwaï. Un film qui a fort inspiré Juan puisque, sur le disque précédent, il reprenait déjà Hello ! Le soleil brille..., la marche du Colonel Bogey.
Si j'ai eu envie de chroniquer ce disque, c'est parce qu'on y trouve Symphonie d'un soir, une adaptation de la chanson américaine Silhouettes.
La version originale par The Rays est très bien. J'aime beaucoup moins le traitement rock qu'Herman's Hermits a appliqué à la chanson en 1965, avec beaucoup de succès. C'est certainement la version la plus connue. Claude François l'a aussitôt décalquée pour sa propre adaptation française.
Je ne connaissais aucune de ces versions les plus diffusées quand j'ai découvert et apprécié Silhouettes. C'était vers le début des années 1990, sur une compilation de Dennis Brown. Il en a publié au moins deux versions, produites par Derrick Harriott, l'une en 1972 et l'autre en 1978, peut-être bien avec la même prise vocale, mais avec une orchestration différente. Ça reste, avec l'originale, ma version préférée de cette chanson.
L'histoire racontée dans Silhouettes est simple. Un gars se promène le soir en ville et croit voir la fille dont il est amoureux à sa fenêtre, enlacée avec un autre. Il est malheureux. Sauf que, il finit par découvrir qu'il s'est trompé de fenêtre. Alors il monte l'escalier quatre à quatre, rejoint la fille et tout est bien qui finit bien !
Symphonie d'un soir est une chanson très particulière. On a d'un côté une chanson aux origines doo-wop. Il en reste le balancement d'origine et un arrangement intéressant qui associe des cuivres et des cordes. Mais il y a un contraste avec l'interprétation de Juan Catalaño. Il a une belle voix de basse, digne d'un chanteur d'opéra, et une élocution de l'époque, très chanson française traditionnelle. L'association de la musique et du chant provoque un effet saisissant, qui est double pour moi : d'un côté c'est involontairement comique, mais de l'autre ça reste une reprise que j'apprécie sincèrement.
Comme ça se faisait beaucoup à l'époque, Fontana a publié quelques temps plus tard une autre version de Symphonie d'un soir, jazz et instrumentale, par Michel de Villers et son Orchestre, avec des notes d'Anna Tof (alias Boris Vian) au verso de la pochette.
30 octobre 2022
THE MEXICANO : Gorilla in Manilla
Offert par Dorian Feller à Villedommange le 15 juillet 2022
Réf : EPC 5344 -- Édité par Epic en France en 1977
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Gorilla in Manilla -/- Cut throat
Dorian avait trouvé ce disque peu de temps auparavant. Ses sillons ne le faisaient pas trop vibrer positivement, alors que moi si, du coup il m'en a gentiment fait cadeau.
Un "mexicano" qui fait du reggae ? Je n'en avais jamais entendu parler. Je connaissais par contre la collection Reggae Power d'Epic (quelques disques parus, dont une compilation), surtout pour les disques de Bag-O-Wire qu'on voyait régulièrement dans les bacs. Je ne pense pas qu'il y ait un lien avec la précédente collection Reggae Power de Soul Posters, qui comprend mon 45 tours de Jah Woosh.
Il s'avère que derrière le pseudonyme de The Mexicano se cachait Rudy Grant, frère d'Eddy, qui a enregistré une série de singles sous ce nom de 1977 à 1980, parmi lesquels c'est Move up starsky qui a eu le plus de succès. C'est sous son nom de naissance qu'il a poursuivi sa carrière dans les années 1980, en enregistrant notamment des reprises, dont Lately de Stevie Wonder.
Le 45 tours est produit par Sidney Crooks des Pioneers, groupe qui avait été lui-même produit par Eddy Grant en 1976 pour l'album Feel the rhythm. On reste en famille...
Le style qu'on entend ici, c'est du chant talkover de DJ jamaïcain sur du gros reggae bien fumeux.
Je n'ai pas fait le lien tout seul, mais la base musicale de Gorilla in Manilla, c'est le "riddim" de Marcus Garvey de Burning Spear.
Pour comparer, on peut écouter la version chantée de Burning Spear, sa version instrumentale, ou d'autres versions DJ par Big Youth en 1975 ou Dillinger en 1979. Ce riddim est tellement connu, qu'on trouve un peu partout des des listes qui en compilent des versions, comme celle-ci.
Et ce gorille à Manille dont parle le Mexicano, kesako ? Eh bien, Rudy fait référence à un combat de boxe hyper-médiatisé qui a eu lieu le 1er octobre 1975 et qu'on a appelé Thrilla in Manilla. Il s'agissait du troisième combat entre Mohamed Ali et Joe Frazier. C'est Mohamed Ali qui, dans la période précédent le match, a comparé à plusieurs reprises Frazier à un gorille. Il avait annoncé que le match serait "a killa and a thrilla and a chilla, when I get that gorilla in Manila".
La face B, Cut throat, est musicalement dans une veine très proche et je crois que c'est ma préférée des deux pistes. Il est fort possible que la base musicale soit aussi un riddim connu, mais je ne l'ai pas identifié.
Côté paroles, il est aussi question de rivalité dans ce Coupe-gorge et de titiller et défier ses "adversaires" : sur un ton à ne pas prendre trop au sérieux, le Mexicano annonce qu'il part à la recherche de deux autres DJs, I-Roy et Prince Jazzbo, et qu'il leur crachera à la gueule s'il les trouve. Il explique ensuite qu'il est le plus beau et le meilleur chanteur...!
Il y a un peu d'actualité autour de ce disque puisque Gorilla in Manilla a été réédité en 2021, avec un titre de Bag-O-Wire en face B.
Mohamed Ali, bon acteur, fait la présentation des émissions spéciales prévues avant le match Gorilla in Manilla.
22 octobre 2022
MÉLANIE GRANDGIRARD : Mon premier Sardou
Consulté chez PlayBac Editions en ligne en octobre 2022
Réf : 9782809671018 -- Édité par PlayBac en France en 2020
Support : 12 pages 16 cm + 5 fichiers MP3
Titres : En chantant -- Être une femme -- La Maladie d’amour -- Je viens du Sud -- Les Lacs du Connemara
Quand quelqu'un a partagé en ligne la couverture de ce livre sonore destiné à un public âgé de 0 à 3 ans, j'ai cru à un faux, à la manière de ces couvertures parodiques de la BD Martine, qu'un générateur (actuellement en panne) permettait de fabriquer en quelques clics.
Mais non, ce livre existe bien, il est paru en 2020 et est vendu dans le commerce au prix de 11,90 €. Il fait partie d'une collection de Playbac Editions qui compte un bon paquet de titres. Les livres font une douzaine de pages, avec une sélection de cinq chansons illustrées avec la reproduction de quelques vers, plus des extraits musicaux instrumentaux très courts.
La question que je me suis posée ensuite, c'est "Mais qui peut bien acheter un tel livre ?". Dans les années 2020, la plupart des jeunes parents doivent être nés dans les années 1990. Je pourrais comprendre qu'ils aient envie d'éduquer musicalement leur enfant avec Mon premier Céline Dion, avec une pointe de nostalgie pour leur propre enfance, mais Sardou ? Qui voudrait infliger ça à la jeunesse ? Ma conclusion est qu'il ne peut s'agir que de grands-parents ou arrière-grands-parents qui, consciemment ou non, ne souhaitent pas du bien à la progéniture de leur progéniture.
Pour ce qui est de Sardou, vue mon année de naissance, j'en ai été imbibé pendant toute ma jeunesse. Avec Sheila, Cloclo, Johnny et les autres, il trustait les radios et la télé. De 1970 (7 ans) à 1977 (14 ans), j'ai vécu au rythme de ses tubes : Les bals populaires, J'habite en France, Le rire du sergent, La maladie d'amour, Le France, Un accident, La java de Broadway. A cette époque, j'appréciais ces chansons sans aucune arrière-pensée, j'en connaissais même certaines par cœur (Un accident) et évidemment je ne comprenais pas tout (qu'est-ce elle venait faire là-dedans "La folle du régiment" ?).
Courant 1977, je me suis émancipé musicalement, en commençant par les Beatles, et autant que possible j'ai éjecté Sardou de ma vie. A tel point que, si j'ai bien chez moi un disque de son père Fernand, je fais un point d'honneur de n'avoir, parmi quelques milliers de disques, aucun qui soit de Michel.
D'ailleurs, au moment où j'ai envisagé de chroniquer ce livre, ça m'emmerdait bien de payer 12 € pour une bonne blague. Jusqu'à ce que je m'aperçoive que les éléments essentiels sont disponibles sur le site de l'éditeur. C'est toujours ça de pris.
Les livres de la collection sont tous illustrés par Mélanie Grandgirard, qui se trouve être pour moi une régionale de l'étape puisqu'elle est originaire des Ardennes.
Je pense que c'est une équipe éditoriale qui choisit les artistes, sélectionne les chansons et les extraits des paroles pour les différents livres. L'idée est bien sûr est que ça soit innocent, mièvre, avec si possible une allusion à l'enfance.
Ainsi, pour Sardou, on a dans l'extrait d'En chantant la mention bien rétro de "repasser ses leçons", mais surtout pas cet autre couplet :
Idem je suppose pour Être une femme, où je parierais bien que les vers "Une maîtresse Messaline et contremaîtresse à l'usine, Faire le matin les abattoirs et dans la soirée le trottoir." ne figurent pas dans le livre pour les bambins.
Toute la collection est bâtie ainsi et, évidemment, on trouve Les copains d'abord et Les amoureux des bancs publics dans Mon premier Brassens, mais surtout pas Le gorille ni Le pornographe. Et pour Mon premier Gainsbourg, pas de Je t'aime moi non plus ni de Rock around the bunker ou Requiem pour un c... !
A écouter :
En chantant
Être une femme
La Maladie d’amour
Je viens du Sud
Les Lacs du Connemara
16 octobre 2022
GANG OF FOUR : What we all want
Acquis d'occasion à Londres en juin 1982
Réf : 12EMI 5146 -- Édité par EMI en Angleterre en 1981
Support : 45 tours 30 cm
Titres : What we all want -/- History's bunk !
Quand j'ai ressorti au printemps dernier ma vieille cassette d'une émission Feedback de Bernard Lenoir enregistrée à la radio en 1981, j'ai (re)découvert le Gamma Goochee mais j'ai aussi beaucoup apprécié le titre qui ouvrait l'émission, What we all want de Gang of Four enregistré en concert à Paris au Palais des Arts, "le lundi précédent", soit probablement au printemps 1981.
La cassette a beau avoir plus de quarante ans, l'enregistrement a beau avoir été fait sur un radio-cassette pourri, probablement en mono et à partir de la diffusion en grandes ondes (je pense que France Inter n'était pas encore diffusée en FM à cette époque), je me suis dit en réécoutant ce titre que c'était quand même vachement bien. Et ça m'a donné envie de ressortir mon disque.
Lors de mon tout premier séjour à Londres en septembre 1981, je m'étais offert en neuf le single qui venait de sortir, To hell with poverty (et j'avais même investi dans un t-shirt !). Pour le second séjour en juin 1982, alors que je possédais déjà l'album Solid gold, j'avais quand même investi 2 £ dans ce maxi d'occasion car la face B ne figurait pas sur l'album. Je ne l'ai pas trouvé chez un disquaire mais dans une caisse posée sur un trottoir du quartier de Kensington, devant une boutique qui vendait du bric à brac.
Pendant toutes ces années j'ai cru qu'il me manquait la pochette du maxi, mais même pas : un tour chez Discogs m'a appris que seul le petit 45 tours avait eu droit à une pochette illustrée.
A l'époque, Solid gold m'avait un peu déçu par rapport à Entertainment!, mais c'est très relatif : c'est un excellent album, d'une grande homogénéité, et What we all want paraissait un choix évident pour en extraire un single, même si je ne suis pas vraiment surpris qu'il n'ait eu aucun succès.
Ce qui me frappe aujourd'hui à la réécoute, c'est la puissance de ce morceau. Pas de solos, rien de spectaculaire, mais un son rock énorme, qui s'impose dès l'introduction, avec les trois instruments qui entrent en scène tour à tour, la guitare, la batterie et la basse. Ce qui surprend dans la suite, c'est que la guitare sonne par moments un peu comme un violon. Il n'y a pas l'accroche tueuse qui en ferait un classique de la trempe de Damaged goods, mais c'est une excellente chanson et l'une de mes préférées du groupe.
Et comme souvent avec les paroles des bonnes chansons, elles sonnent bien, parfois comme un slogan, mais même en les ayant eues écrites noir sur blanc devant soi, il est difficile de les interpréter de façon univoque, même si on sent bien qu'elles ont quelque chose d'existentiel. J'en ai retenu deux phrases, "You can't help being hard up" ("Tu ne peux pas t'empêcher d'être fauché") et, dans une façon de réécrire une expression populaire notamment utilisée par les Stones, le vers final, "What we want's not what we get".
Une version live de What we all want, enregistrée le 30 mars 1981 à l'Hammersmith Palais de Londres, est sortie officiellement en 1982 sur l'EP américain Another day / Another dollar. Elle me parait moins furieuse, avec une basse déjà presque "slap", et je préfère l'enregistrement crade du concert de Paris.
En 2005, notamment pour faire la nique à leur ancien label EMI, et après une tournée avec les quatre membres originaux de Gang of Four, trois d'entre eux ont ré-enregistré une bonne sélection des titres de leur première période pour l'album Return the gift. La démarche n'a pas grand intérêt, même si les nouvelles versions, y compris celle de What we all want, sont d'excellente facture.
La face B, History's bunk!, est précédemment inédite. Je pensais qu'elle datait des sessions de Solid gold, mais il n'y a pas de crédit pour le co-producteur de l'album Jimmy Douglass.
Je me suis longtemps demandé ce que signifiait le titre. En faisant quelques recherches pour cette chronique, j'ai appris qu'il s'agit d'une référence à une expression utilisée à maintes reprises par Henry Ford, "L'histoire c'est plus ou moins du bidon", qu'il utilisait pour opposer l'intérêt de l'innovation technologique à celui pour l'histoire/le passé/la tradition. Ça n'a pas empêché Ford de financer quelques temps plus tard la création de Greenfield village, un musée à ciel ouvert, en expliquant qu'il en avait surtout au fait que l'histoire écrite s'intéressait principalement aux politiciens et aux héros de guerres. C'est précisément à ça que les paroles de la chanson de Gang of Four font référence.
Peu de temps après la sortie de ce disque, le bassiste Dave Allen a quitté le groupe, entre autres pour former Shriekback. Le groupe s'est séparé une première fois en 1984, après la sortie du quatrième album, Hard. Par la suite, le parcours du groupe a été des plus chaotiques, au fil notamment (mais pas seulement) des retrouvailles et des engueulades entre le guitariste Andy Gill et le chanteur Jon King.
A partir de 2012, Gill a continué à jouer et enregistrer sous le nom de Gang of Four, contre l'avis de King. Celui-ci tient maintenant sa revanche puisque, après la mort d'Andy Gill en février 2020, une version de Gang of Four tourne actuellement, avec Jon King et le batteur original Hugo Burnham, plus la seconde bassiste Sara Lee et la guitariste Dave Pajo.
C'est quand même pathétique ! A la rigueur, on pourra s'intéresser plutôt au coffret 77-81, qui contient des démos et un concert inédits en plus de l'intégrale de la période.
En tout cas, le groupe et Solid gold restent d'actualité, même après plus de quarante ans : au verso de l'album, sous la gravure qui dépeint une décapitation, on trouve comme légende "J'espère qu'ils maîtriseront le prix de l'essence" !
Gang of Four en concert à la Music Biennale à Zagreb le 17 mai 1981. Excellente prestation, avec What we all want qui débute à 9'07.
Gang of Four, What we all want, en concert à Gateshead le 31 juillet 1982, en première partie de The Police.
Gang of Four, What we all want, en direct dans l'émission de télévision allemande Rockpalast le 10 mars 1983.
Une publicité pour l'album et le single parue dans Sounds le 21 mars 1981.
La pochette du petit 45 tours What we all want.