29 août 2020

DIONNE WARWICK : This empty place


Acquis à Paris le 13 avril 2019
Réf : ESRF 1440 -- Édité par Columbia en France en 1963
Support : 45 tours 17 cm
Titres : This empty place -- Don't make me over -/- Wishin' and hopin' -- Zip-a-dee-dooh-dah

Sur ce coup-là, j'ai vraiment manqué d'à-propos. J'ai acheté ce disque l'an dernier dans un grand lot qui comprenait le Radiah, le Thee Stash et le Barracudas (et le même jour j'avais aussi acheté des 45 tours de Brigitte Fontaine !).
Vue ma génération, j'ai surtout connu le répertoire de Dionne Warwick par des reprises : Don't make me over par Errol Dunkley et plus récemment par Nancy Holloway, Anyone who had a heart par Sandie Shaw avec British Electric Foundation, Walk on by par les Stranglers. Celui-ci était mon premier disque de Dionne Warwick. Je l'ai écouté, je l'ai apprécié et je l'ai rangé par ordre alphabétique dans la bonne boite.
Et ce n'est que tout récemment, quand j'ai voulu ranger à côté un autre EP que je viens d'acquérir, que j'ai enfin tiqué. L'autre disque a bien une photo de la chanteuse Dionne Warwick, alors que celui-ci, celui-ci, ça n'a pas de nom. Cette photo d'une femme blanche et blonde sur la pochette est scandaleuse. C'est une tromperie raciste car quand on voit une femme en photo en gros plan sur la pochette du disque d'une chanteuse on ne peut que penser que c'est celle de l'artiste qui chante, à moins que la pochette représente une affiche de film ou de spectacle. C'est une façon de dénier l'existence d'une "remarquable artiste" dont les notes de pochette précisent au dos qu'elle "a étudié la musique pendant 8 années et est devenue une chanteuse et une pianiste étonnante".
Dans les années 1950 et 1960, l'industrie du disque a usé et abusé de subterfuges de contournement plus discrets mais tout autant racistes pour éviter de mettre trop en valeur les artistes noirs sur les pochettes : dessin au lieu d'une photo, paysage ou scène de genre, jeunes en train de danser ou autres scènes d'ambiance. Mais je crois que je n'ai jamais eu jusque-là dans ma collection quelque chose d'aussi flagrant.
A titre de comparaison, voici le premier album de Dionne Warwick, publié en France également par Columbia. Le label s'est contenté d'allonger le titre en y ajoutant "in Paris", mais sinon ça correspond à la pochette américaine, avec bien sûr une photo de Dionne Warwick :


Dionne Warwick, Presenting Dionne Warwick in Paris (Columbia, France, 1963).

Je ne sais pas si la pochette du 45 tours Columbia a quelque chose à voir avec ça, mais toujours est-il que, dans les semaines ou les mois qui ont suivi, toujours, en 1963, c'est Vogue qui s'est mis à sortir en France les disques de Dionne Warwick sous licence de Scepter Records. Toujours à titre de comparaison, voici les pochettes des deux EP Vogue (EPL 8148 et EPL 8169) qui à eux deux reprennent trois des titres de mon EP Columbia. Dionne y est parfaitement en valeur :




Ce n'est évidemment pas la seule fois où Dionne Warwick a dû faire face à certaines formes de racisme dans l'industrie de la musique. Dans son autobiographie de 2010, My life, as I see it, elle prend bien soin de défendre Dusty Springfield, en expliquant qu'il nétait pas prévue qu'elle sorte elle-même Wishin' and hopin' en single et qu'il était normal que la reprise de Dusty sonne très proche de la sienne car l'arrangement était écrit de telle façon qu'il était difficile de s'en écarter. Par contre, pas naïve, elle se doute bien que ce sont des raisons un peu sinistres qui ont fait que Cilla Black ait un tube en Angleterre avec sa reprise instantanée d'Anyone who had a heart, avant même qu'elle-même ait eu l'occasion de venir défendre sa version originale à Londres.

Bon, avec tout ça, il ne faudrait pas oublier de parler de la musique gravée sur ce 45 tours. D'autant que ces quatre extraits de son album, c'est du velours, de la grande classe.
This empty place est son deuxième 45 tours américain, pas un de ses plus grands succès, mais excellent quand même. Il y a quelque chose de Stand by me dans le rythme, et ce style de production, notamment les cuivres, a pu influencer Lee Hazlewood par la suite.
Don't make me over est son premier 45 tours et ce titre est, lui, devenu instanément un classique. Il y a un certain côté dramatique dans cette grosse production, avec des arrangements avec chœurs et cordes parfaits. Le titre de la chanson a été fournie par Dionne Warwick elle-même, commme elle l'a expliqué à L'Express : "Don't make me over, man !"("Me raconte pas d'bobards, mec !"), c'est ce qu'elle avait répliqué à Burt Baccharach quand elle avait appris que Make it easy on yourself, dont elle avait enregistré la démo, ne serait pas comme elle l'avait espéré son premier single car la chanson avait été offerte à Jerry Butler. Dès le lendemain, Don't make me over était composé...
Cette version originale de Wishin' and hopin' est très bien également, avec un petit côté girl group à la Spector.
Tous les titres précédents sont signés Hal David pour les paroles et Burt Baccharach pour la musique et la production. La seule reprise du EP est Zip-a-dee-doo-dah et, dans le contexte de la pochette, c'est assez ironique, car il s'agit d'une chanson du film Mélodie du Sud, produit par les Studios Dysney en 1946. Un film considéré comme suffisamment raciste pour que sa diffusion en salles soit limitée depuis des années et son édition en DVD bloquée. Rien que cette semaine, Disneyland a annoncé qu'il ne diffuserait plus Zip-a-dee-doo-dah dans ses parcs d'attraction, suite à une pétition lancée après les manifestations Black Lives Matter. Hors du contexte du film, la chanson est légère, pleine de soleil et d'optimisme cui-cui les petits oiseaux. Cette version s'inspire sûrement de celle produite par Phil Spector qui a été un tube pour Bob B. Soxx and The Blue Jeans en 1962.

Je ne le savais pas, mais c'est en France que Dionne Warwick a lancé sa carrière internationale. Grâce à Marlene Dietrich, dont le chef d'orchestre était Burt Baccarach, elle a été  à l'affiche du spectacle Les idoles des jeunes à partir du 13 décembre 1963 à L'Olympia. C'était le début d'une longue histoire avec la salle parisienne. A la fin 1964, elle y avait été six fois à l'affiche. En 1966, elle y a enregistré Dionne Warwick in Paris. Elle s'y produisait encore en 2012.


En 1963 dans le Sacha Distel show, Dionne Warwick et Sacha Distel chantent en duo Yeah yeah yeah yeah, puis Que reste-t-il de nos amours ? / I wish you love, en imitant (plutôt mal) Maurice Chevalier et Marlene Dietrich. L'introduction par Claude Brasseur de cette dernière chanson est dans le même mauvais esprit que la pochette du 45 tours, avec une "Marlene" annoncée comme "un petit peu plus bronzée que d'habitude"...


Dionne Warwick en concert au 27 Club à Knokke-le-Zoute, première diffusion le 31 décembre 1964 sur la RTBF.
Titres : Don’t make me over, This empty place, People, A house is not a home, Any old time of day, Anyone who had a heart, Walk on by, What’d I say.





22 août 2020

THE AFROS : Kickin' afrolistics


Acquis sur le vide-grenier du Jard à Épernay le 9 août 2020
Réf : 467571 1 -- Édité par JMJ en Europe en 1990
Support : 33 tours 30 cm
16 titres

Les rares brocantes qui ont pu être maintenues dans le secteur d’Épernay cet été sont celles qui sont majoritairement organisées par et pour de professionnels. C'était presque inespéré, mais j'y ai même fait quelques bonnes affaires.
La semaine dernière au Jard, un vendeur qui avait déballé un grand stand de disques a parait-il fait sensation : il vendait du vinyl neuf, et surtout des occasions à 5, 8 ou 10 €. Trop cher pour moi, mais parait-il qu'il y en avait qui étaient largement en-dessous de la cote, il y a donc eu une ruée autour de ce stand aux petites heures de la matinée.
Aucune trace de cette ruée quand je me suis pointé tranquillement vers les 10 heures. Je me suis surtout intéressé aux deux caisses de disques à 1 €, qui avaient sûrement été délaissées par les collectionneurs/revendeurs car j'y ai trouvé quatre disques qui m'intéressaient, dont cet unique album de The Afros.
Je n'avais jamais entendu parler de ce groupe, mais avec un nom et une pochette pareils pour un disque paru en 1990, l'année d'après le Daisy Age et 3 feet high and rising, je me doutais bien que j'aurais affaire à du hip hop léger et rigolo. La mention de Rush Associated Labels dans le copyright m'a aussi fait penser qu'il devait y avoir un lien avec Run DMC.
C'est effectivement le cas, puisque The Afros, dont le nom pourrait se décliner en "A Funky Rhythmic Organization Of Sounds" est un projet qui associe deux DJs, DJ Hurricane, associé initialement à Run DMC puis aux platines des concerts des Beastie Boys de 1986 à 1997, et Jam Master Jay, pour le coup l'un des membres du trio Run DMC.
L'idée leur est venue après avoir vu le film Hollywood shuffle de Robert Townsend, qui se moque des rôles stéréotypés réservés aux noirs à Hollywood. Ils ont décidé de monter ce groupe dont tous les membres porteraient une perruque afro digne des films Blaxploitation des années 1970 et, pour se lancer, ils se sont offert un petit rôle dans Pause, l'un des titres phares de l'album Back from hell de Run DMC.
Jam Master Jay a inauguré son propre label JMJ avec la sortie de son propre album. Le label est resté actif jusqu'à sa mort, tué par balle dans son studio en 2002.
1990, c'est à peu près la dernière année où les groupes de hip hop pouvaient encore sampler à tout va leur collection de disques sans dépenser des millions en honoraires d'avocat pour obtenir toutes les autorisations ou en dommages et intérêts suite à un procès. L'album des Afros est donc plein d'échantillons, y compris de disques de Run DMC et des Beastie Boys ! (Tout se recycle...)
Il y a au moins un chroniqueur de rap qui pense que Kickin' afrolistics est un disque très moyen, mais pour ma part il m'a fait passer un très bon moment, même si bizarrement les deux singles qui en ont été extraits, Feel it et Kickin' afrolistics, me plaisent bien mais ne font pas partie de mes titres préférés.
Non, parmi les titres qui m'ont vraiment plu et qui m'ont fait bouger, il y a celui qui suit l'introduction du disque, Better luck next time, avec un échantillon de Parliament, et le très ragga This jams for you qui clôt la première face.
L'autre face dans son ensemble est très dynamique. J'y ai surtout repéré le très percussif Afros in the house et Straight from the penial.
Visiblement, il n'y aura pas beaucoup d'autres occasions de faire des trouvailles en brocante cet automne. Je suis déjà bien content d'avoir au moins trouvé cette curiosité rap.





13 août 2020

DISCOTELEX 2 - JUIN 1966


Acquis chez Bell'Occas à Auvillers-les-Forges le 4 août 2020
Réf : 6-66 -- Édité par Decca en France en 1966 -- Échantillon non commercial - Vente interdite
Support : 33 tours 17 cm
2 titres

J'ai ramené quelques disques intéressants d'une virée d'une journée en Ardenne belge et française, dont celui-ci, trouvé à la ressourcerie Bell'Occas.
J'ai publié en 2018 Vente interdite, une sélection de mes disques hors commerce. C'est dommage que je n'avais alors aucun Discotelex dans ma collection car c'est un concept publicitaire intéressant, qui cadrait parfaitement avec le sujet du livre. L'idée est que Decca envoyait ce magazine sonore à ses contacts (journalistes, disquaires, discothèques, je suppose) pour présenter les nouveautés de son catalogue. C'est assez travaillé, comme une émission de radio, avec générique de début et de fin, un présentateur dont je ne connais pas la voix mais qui est peut-être un animateur radio renommé, et des petites capsules de son de certains des artistes présentés, plus des extraits de chansons bien sûr. Au moins sept Discotelex ont été diffusés en 1966 et 1967.
Le truc, c'est que tout le catalogue Decca France est présenté, c'est à dire les français, bien sûr, et aussi les internationaux. Et tout ce beau monde est mélangé et ça fait un drôle de cocktail.
J'avais eu la même réaction il y a quelques mois avec la compilation Hit Parade Pathé Marconi 70/1, que j'avais hésité à chroniquer ici. Ceux qui l'ont conçue ont réussi l'exploit de coincer une reprise de Tim Hardin par The Nice entre des titres de Régine et Julien Clerc, et ils enchaînent allègrement Joe Cocker et Richard Anthony ainsi que Toute la pluie tombe sur moi de Sacha Distel avec Astronomy domine de Pink Floyd !
Ici, ça commence plutôt bien, dans une ambiance folk-rock, avec J.F.K. (Ce monde à l'envers) par Les Garçons, un duo constitué de deux frères, Richard et Laurent, ici accompagnés par l'orchestre de Mickey Baker. Mais après un jeu de mots foireux du présentateur, c'est la voix de Fernandel lui-même qu'on entend, qui vient présenter Quand il pleut à Saint-Tropez, qui est enchaîné abruptement avec une version, certes un peu sage mais quand même, d'I put a spell on you par l'Alan Price Set.
Je trouvais que L'avion pour Liverpool de Jean-Noël Michelet passait plutôt bien. C'est une chanson qui s'en prend sur un ton assez léger à la Pologne communiste, à grand renfort de guitare saturée. Quand j'ai appris que c'est Jean-Pax Méfret qui a sorti plusieurs disques sous ce pseudonyme, c'est tout de suite moins bien passé !
On a droit ensuite à On n'est pas prêt d'oublier, un hommage à Piaf par Mick Micheyl, puis à Dis-moi qui tu es, qui doit être le seul disque publié par Michèle Sandri. Le présentateur n'a tellement rien à en dire qu'il nous sort cette énormité : "Il est difficile d'associer le charme d'une jolie voix avec une personnalité attachante"...!
La face se conclut en beauté avec Shake de Sam Cooke repris par les Small Faces sur leur premier album, et l'annonce de leur concert à Paris au Music-Hall de France fin juin 1966.
La face B démarre très bien aussi avec la présentation du nouveau 45 tours des Rolling Stones, Paint it, black. Mais là encore, la transition est rude puisque juste après l'extrait de Paint it, black on entend la voix de Pierre Vassiliu qui présente sa chanson... La foire aux boudins ! Cette chanson et l'autre qui est présentée, Le petit maçon de Macon, sont très bien, respectivement dans un style Rhythm and Blues et Jeurk, mais quand je faisais des enchaînements aussi acrobatiques à la radio, c'était parfois considéré comme une provocation !
On m'a dit il y a un bon moment déjà qu'il y a de très bonnes choses sur les disques d'Eric Charden des années 1960. On en a la preuve ici avec le très Freakbeat/Garage Pas question.
Pour nous présenter Love is me love is you de Truly Smith et illustrer la parenté de son style vocal avec celui de Tom Jones, on nous fait écouter sa chanson ralentie de 45 à 33 tours, et je dois dire que c'est assez probant.
Le programme se termine avec deux jeunes chanteurs français, Gurd Joglou et Stéphane Varègues, qui avec son Ah! Si j'étais classé au Hit Parade fournit une conclusion facile au présentateur.
Je ne sais pas qui à l'époque prenait vingt minutes de son temps pour écouter les Discotelex, mais aujourd'hui celui-ci nous fournit un instantané de la production de l'époque qui a un intérêt documentaire.

A écouter :
Discotelex 2 - Face A
Discotelex 2 - Face B


Eric Charden, Pas question, à la télévision en 1966. Il n'étais probablement pas un grand danseur...







08 août 2020

NOURAÏ : Saoute djebel


Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 19 juin 2020
Réf : [sans] -- Édité par Nouraï Production / Frog en France en 2000
Support : CD 12 cm
7 titres

Je ne l'ai noté nulle part, mais je pense que j'ai vu le groupe de Vitry-le-François Nouraï plusieurs fois en concert dans les années 1990, peut-être à l'occasion de sélections pour les Découvertes Régionales du Printemps de Bourges.
A l'époque, qui correspond à peu de choses près à leur premier CD trois titres Houria, je n'avais pas trop accroché à leur Raï assez électrique. Mais la formation a changé, avec notamment l'arrivée de la violoniste Nathalie Mélet, qui avait un temps joué avec Look de Bouk, et la musique a évolué vers un son plus acoustique, faisant une part plus belle aux sons traditionnels du Maghreb. Pour le coup, j'ai passé un très bon moment quand j'ai vu cette version du groupe jouer le 11 juillet 2002 dans les Jardins du Château Perrier à Épernay, dans le cadre d'une série de concerts d'été organisés par la Ville.
A l'époque, je n'avais pas eu l'occasion d'écouter leur deuxième disque, Saoute djebel et je suis bien content de l'avoir trouvé l'autre jour, en même temps que Grand maquis, car il correspond je pense au répertoire de ce concert et il me plaît de bout en bout.
Sur les sept titres de ce mini-album, il y a six compositions originales, dont une nouvelle version de Houria, et une excellente version d'un titre traditionnel, Medieh.
Le titre d'ouverture, El aassima, et Liya liya font partie de mes préférés, mais j'aime aussi bien Bini binek. J'ai eu une très bonne surprise en fin de disque avec une chanson aux paroles en français, La caniche.
Nouraï, groupe régional qui plus est, avait le profil parfait pour être programmé au F'Estival des Musiques d'Ici et d'Ailleurs à Châlons. Ils l'ont été au moins une fois, le 22 juillet 2011. J'étais bien à Châlons ce soir-là mais j'ai raté leur prestation pour une bonne raison : j'étais invité à manger chez des amis et nous sommes arrivés sur la place qu'au moment du groupe suivant, l'Orchestre National de Barbès. En 2011, Nouraï a visiblement pas mal tourné, pour accompagner la sortie d'un troisième disque, Dimanche après-midi. C'est leur dernière production je pense, car le groupe a dû arrêter quelques temps plus tard, après une bonne vingtaine d'années d'existence. J'espère tomber sur ce CD un de ces jours, puisque c'est le seul des trois qui me manque.

A écouter :
Nouraï : El aasima
Nouraï : La caniche
Nouraï : Madieh 


Nouraï, Saoute djebel, en concert à Vitry-le-François pour la Fête de la Musique, le 21 juin 2010.

02 août 2020

ROSS McMANUS AND THE JOE LOSS BLUE BEATS : Patsy girl


Acquis chez Le Kirppi à Saint Memmie le 15 juillet 2020
Réf : E 23 165 -- Édité par Electrola en Allemagne en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Patsy girl -/- I'm the greatest

Avec l'annulation de quasiment tous les vide-grenier cette année, je fréquente encore plus assidûment que d'habitude les Emmaüs, ressourceries et autre dépôt-vente dans l'espoir d'alimenter quand même ma discothèque en disques d'occasion. J'ai même visité un de ces magasins qu'on a vu apparaître depuis quelque temps, qui se présentent comme un vide-grenier permanent où l'on peut louer un stand pour une ou plusieurs semaines pour y vendre son débarras.
Je ne m'attendais pas à y faire de bonnes affaires, mais sur l'un des stands il y avait une vingtaine de 45 tours à 50 centimes, tous en pressage allemand, et j'en ai choisi trois : Monday Monday des Mama's and Papa's, l'excellent grand classique Sloop John B des Beach Boys et ce disque d'un certain Ross McManus.
Tous ceux qui s'intéressent de près à la production pléthorique de Declan Patrick Aloysius MacManus savent que Ross est le père d'Elvis Costello. Dans un premier temps, en pleine période punk, Elvis et son label Stiff s'étaient bien gardé de divulguer que son père était musicien et chanteur de variétés mais, dès 1977, le journal News of the World puis le NME avaient sorti l'information, y compris le fait que Ross avait publié en Australie en 1970 une version de The long and winding road des Beatles sous le pseudonyme de Day Costello (Costello étant le nom de naissance de la mère de Ross).
Au-delà de la ressemblance filiale, Elvis a eu l'occasion d'expliquer qu'il a en partie façonné son apparence sur celle de son père.
En plus de dizaines d'articles, j'ai lu les livres Complicated shadows de Graeme Thomson et Unfaithful music & disappearing ink d'Elvis Costello lui-même. J'en avais retenu que Ross avait eu beaucoup de succès en tant que chanteur de l'Orchestre de Joe Loss, un grand ensemble de variétés qui reprenait les tubes du moment. Un orchestre fondé dans les années 1930 (premier disque publié en 1936 !), suffisamment réputé pour que Ross ait eu l'occasion de se produire à la télévision. J'ai surtout apprécié l'anecdote de son père qui travaillait à la maison avec les disques et les partitions des succès du hit-parade pour les apprendre, et qui refilait ensuite des disques à son fils.
Ce que je n'avais pas compris du tout, c'est que Ross McManus avait sorti des disques sous son propre nom, notamment trois 45 tours dans les années 1960, quand il travaillait avec Joe Loss. Trois seulement sous son nom car Joe Loss estimait que la "marque" Ross McManus lui appartenait contractuellement et il ne voulait pas que son chanteur lui fasse concurrence en enregistrant un peu partout.
D'ailleurs, sur son premier 45 tours, ce Patsy Girl paru à l'origine en Angleterre en 1964 dont le titre évoquera aux fans d'Elvis la Party girl d'Armed forces, le lien avec Joe Loss est conservé dans le nom de la formation qui accompagne Ross, les Joe Loss Blue Beats.
J'imagine que Patsy girl n'a eu aucun succès en Angleterre. Par contre, par je ne sais quel improbable enchaînement d'événements, c'est devenu en 1966 un succès dans les boîtes en Allemagne, un "grosse Diskothek-Favorit" comme l'annonce la pochette.
Il faut noter que, non seulement le disque est sorti sous son nom, mais en plus Ross signe la face A et co-signe la face B. Même avec l'expression "Blue beat" dans le nom du groupe, je n'espérais pas un disque inspiré par la Jamaïque. Et pourtant, il s'avère que Patsy girl est dans un style très caribéen, que les Piranhas n'auraient pas renié, tandis que I'm the greatest est carrément du simili-ska !
L'impact de Patsy girl a été suffisamment fort en Allemagne pour que la chanson y soit reprise deux fois, par Udo Arndt und die Safebreakers en 1966 et par The Nighthawks en 1980.
Ross Mc Manus est mort en 2011 à 84 ans.


A la télévision anglaise en 1983, on montre à Elvis Costello quelques secondes de Ross McManus interprétant Patsy girl.


Un court extrait de Ross McManus interprétant If I had a hammer à la télévision, avec l'Orchestre de Joe Loss.


L'impact de Patsy girl a aussi été suffisamment fort pour que Ross McManus soit désigné comme "Mr. Patsy Girl" sur la pochette du 45 tours suivant. Pour la photo, l'air de famille avec son fils est frappant !