31 juillet 2019
SLY STONE : Dance to the music
Acquis probablement chez Emmaüs à Tours-sur-Marne au début des années 2010
Réf : S EPC 13 8017 -- Édité par Epic en Angleterre en 1979
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Dance to the music -/- Sing a simple song
Parfois, il faut apprendre à se contenter de ce que l'on a. Idéalement, le disque que j'aurais aimé chroniquer ici, c'est celui-ci :
Il s'agit d'un 45 tours américain sans pochette (comme c'est souvent le cas là-bas), sorti en 1968 et crédité à The French Fries (Les Frites). Danse a la musique est en fait une version d'un tube tout récent à l'époque, le premier grand succès de Sly and the Family Stone, Dance to the music. J'ai découvert ce titre il y a quelques années sur la compilation Listen to the voices : Sly Stone in the studio 1965-1970, empruntée à la Médiathèque. En effet, c'est bien Sly and the Family Stone qui se cachent à peine derrière le pseudonyme The French Fries. Cette nouvelle version, dont on trouve une très bonne chronique par The Seth Man sur le site de Julian Cope, est complètement hallucinée, bourrée de guitare fuzz, avec moins de cuivres et de chants. En fait, si les paroles sont réduites à leur plus simple expression, le titre traduit en français, c'est peut-être, comme le mentionne The Seth Man, parce que la chanteuse Rose Stone éclate de rire quand elle essaie de chanter en français "All we need is a drummer for people who only need a beat" et se plante au bout de quelques mots incompréhensibles car elle chante "drummer" au lieu de "batteur".
Sur la face A, la voix de Sly Stone est déjà accélérée façon hélium ou Alvin and the Chipmunks, mais sur la face B c'est la seule voix qu'on entend. Le procédé est très vite pénible et la chanson, Small fries, est aussi beaucoup moins intéressante.
A défaut, du 45 tours de The Small Fries, j'aurais bien aimé chroniquer la version originale de Dance to the music, si possible avec la pochette française de ce 45 tours de 1968.
Je connais mal Sly and the Family Stone, je trouve juste que Prince lui devait énormément. Je crois que je n'ai jamais écouté un de leurs albums studio en entier depuis que j'ai entendu parler de ce groupe pour la première fois, en 1980, quand Magazine a repris Thank you (Fallettinme be mice elf again).
Au fil des années, j'ai fini par glaner quelques-uns des 45 tours français de Sly and the Family Stone. J'en ai trois, dont Thank you, mais Dance to the music n'en fait pas partie.
Dance to the music, le morceau-titre du deuxième album du groupe, est vraiment un titre efficace. C'est la réaction agacée de Sly Stone à la suggestion de sa maison de disques d'écrire des chansons plus simples pour en faire des tubes. Là, c'est basique de chez basique, avec une chanson sur la danse et la musique, des "Bom bom bom bom bom" comme chœurs et les musiciens qui interviennent tour à tour. Excellent pour faire la fête. C'est l'excellente version ci-dessous, en direct et en public à la télévision en 1969, qui m'a donné envie de chercher dans mes étagères pour voir si je pouvais chroniquer cette chanson.
Dans mes étagères, je savais bien que je ne trouverais pas le 45 tours de 1968, mais je savais aussi que j'avais ce maxi-45 tours publié en 1979. Quand je l'ai acheté, je croyais que ce serait la version originale, mais non, on était en 1979 et cette version est un remix disco qui allonge la chanson à plus de 6'30 !
Ce remix est réalisé par John Luongo. Je ne le connaissais pas du tout, mais il a produit ou remixé des dizaines de succès à cette époque, notamment pour des labels affiliés à CBS.
La version originale reste bien sûr la seule qui vaille, mais sinon c'était une bonne idée de prendre ce titre pour tenter d'en faire un tube disco : tous les ingrédients utiles sont là et l'idée de danser sur la musique est l'essence même du disco.
Je croyais que ce remix était un single isolé, mais il est en fait extrait de Ten years too soon, une compilation de titres de Sly and the Family Stone tous retravaillés par John Luongo. Je pense que ce n'est pas un hasard si ce disque est sorti en 1979, pile au moment où Sly Stone tentait avec l' album Back on the right track sur un label rival (Warner) l'un de ses nombreux come-back, tous ratés.
Sur la face B, on trouve un autre titre de l'album, Sing a simple song. Là aussi, la chanson a été allongée, mais on reste plus proche de l'esprit de la version originale de 1968.
Aujourd'hui, je suis bien obligé de me contenter de mon maxi disco, puisque c'est la seule version que j'ai. Je n'espère même pas tomber ici dans la Marne sur un exemplaire du 45 tours de The French Fries, mais je pense bien qu'un jour prochain je tomberai sur un exemplaire de Dance to the music en bon état à 50 centimes ou 1 €, même si celui-ci s'est visiblement moins vendu en France que certains des suivants.
Sly and the Family Stone, Dance to the music, en direct dans l'émission Soul train, en 1974.
Thèmes :
1960s,
1970s,
rhythm and blues,
vidéo,
vinyl
25 juillet 2019
FAB FIVE FREDDY : Une sale histoire
Acquis peut-être bien chez Emmaüs à Tours-sur-Marne dans les années 2000
Réf : AZ/1 933 -- Édité par Disc'AZ International en France en 1982
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Une sale histoire (Female version) -/- Une sale histoire (Male version)
En début de semaine, j'ai vu passer un article du Guardian qui mentionne Fab Five Freddy dans son titre. Ça m'a interpellé car je connais Freddy comme un personnage des débuts du hip hop, dans la première moitié des années 1980, et je n'imaginais que cet américain puisse avoir une actualité en 2019 qui lui vaille un article complet dans un grand journal anglais. En l'espèce il s'agit d'un entretien à propos du documentaire A fresh guide to Florence, qui sera diffusé ce samedi sur BBC 2. Apparemment, Freddy se balade à cheval dans Florence (en Italie, pas en Alabama) pour retrouver et commenter les représentations des Noirs dans l'art de la Renaissance. Étonnant, mais pas tant que ça quand on connaît la variété de son parcours, et pas juste les tous débuts, comme moi. En plus d'être un artiste graffiteur et un rappeur, Fab Five Freddy a joué un rôle essentiel dans la création du film Wild style en 1983, il a réalisé des vidéos et présenté l'émission Yo ! MTV raps à partir de 1988. Récemment, il a travaillé sur l'exposition Contact high : A visual history of hip hop, présentée à Los Angeles, et réalisé son premier documentaire, Grass is greener, dans lequel il n'est pas question de gazon !
Quand j'ai lu l'article de Wikipedia sur Fab Five Freddy, j'ai trouvé intéressante l'anecdote sur son single Change the beat, qui, à cause de la phrase "Ahhhhh, this stuff is really fresh" qu'on y entend, serait le disque de hip hop le plus samplé par les DJ pour scratcher. Les disques hip hop réputés pour échantillonner d'autres disques, je connais, mais des disques de hip hop réputés comme source d'échantillons, ça m'a interpellé !
Du coup, j'ai été fouiller dans mes boites de 45 tours. Je savais que j'avais au moins un disque de Fab Five Freddy. Effectivement, il y en avait un, un seul, et ce n'était pas Change the beat mais celui-ci, avec son titre français, Une sale histoire.
Je mets la face A du disque et, après une très brève intro de boite à rythmes, une voix féminine entonne trois fois de suite "Change de bite" ! Non merci, mais ça surprend ! Ensuite, la chanson continue avec l'histoire de Fab Five Freddy en détective privé à la Marlowe (Toutes les femmes qu'il suit elles lui courent après...). Il y a une basse énorme (celle de Bill Laswell de Material). Un peu plus loin, on a la phrase complète "Le DJ change de beat" et la face se termine avec le fameux "Ahhhhh, this stuff is really fresh". A ce moment, j'avais compris que Une sale histoire est tout simplement l'édition française de Change the beat. Sur la face B, on a cette fois-ci Fab Five Freddy qui rappe en anglais dans une version raccourcie et remixée par Jean-Marie Salaün et Gérard Chiron du maxi américain Change the beat. Mine de rien, c'est confirmé par David Dufresne dans son livre Yo! Révolution Rap de 1991, Une sale histoire est tout bonnement le premier disque de Rap francophone, enregistré à New York et rappé par une américaine. Il est à noter que Beside, la rappeuse en question, n'est créditée absolument nulle part sur l'édition française, sauf sous son vrai nom Ann Boyle pour son travail sur la production de la pochette.
La face A du maxi original Change the beat, avec Fab Five Freddy qui rappe en français (plus ou moins) et en anglais.
L'histoire de la création de Change the beat (on va s'en tenir au titre original, ce sera plus simple) est intéressante. Elle est bien documentée par Bernard Zekri, l'homme qui est à l'origine du projet (il est aussi l'auteur des paroles, la musique étant de Material), dans son livre Le plein emploi de soi-même (Éditions Kero, 2013, co-écrit avec Michel-Antoine Burnier) ou par exemple dans l'article “Change The Beat” raconté par Bernard Zekri chez Red Bull Music Academy.
Ce qui s'est passé c'est que Bernard Zekri, qui naviguait pas mal entre New York et Paris à l'époque, avait obtenu de Disc'AZ de produire une série de cinq 45 tours de rap (les dos des pochettes des cinq disques se mettent bout à bout pour représenter une œuvre de Futura 2000; J'ai quatre de ces disques, il ne me manque que celui que j'ai dû voir passer le plus souvent, sans jamais l'acheter, celui de Futura 2000).
L'un de ces disques devait être le premier enregistrement en studio de Fab Five Freddy, plutôt réputé comme graffiteur à ce moment, avec le petit plus que Bernard Zekri avait eu dans l'idée de le faire rapper en français, langue qu'il ne parlait pas du tout. Ann Boyle, la compagne de Bernard Zekri, s'était chargée de lui faire apprendre phonétiquement le texte, mais Freddy n'avait pas vraiment travaillé et, arrivé en studio, c'était la catastrophe car son rap était carrément incompréhensible et il n'y avait que les moments où il improvisait en anglais qui étaient vraiment intéressants. Pour sauver l'affaire, Bill Laswell a même proposé à Zekri d'enregistrer lui-même, mais c'est finalement Ann Boyle qui, en une prise, a enregistré la version française.
Le maxi est sorti aux États-Unis en 1982 chez Celluloid, avec en face A la version Fab Five Freddy, où ses tentatives en français puis son rap en anglais s'enchaînent, et en face B la version Ann Boyle, devenue en édition française La belle histoire (Female version). Ann Boyle n'avait absolument pas prévu de se lancer dans le disque. Il a fallu lui trouver un pseudonyme. Initialement, c'était apparemment Fab Five Betty (je n'ai trouvé aucune reproduction de pochette avec ce nom). Puis, comme elle était sur la face B, ce fut Beside (ou B-Side ou Beeside suivant les cas), mais en tout cas elle est bien créditée sur l'édition américaine. Ann Boyle a fait quelques apparitions vocales sur d'autres productions Celluloid de l'époque. Sous son nom, elle a notamment publié le single Odéon en 1984, enregistré avec Bernard Fowler
En France, Le succès escompté par Bernard Zekri pour Une sale histoire n'a jamais été au rendez-vous. Il a suffi d'un passage radio sur Europe 1 pour que des auditeurs, ayant compris comme moi les premiers mots, se plaignent de cette chanson obscène et c'était fini !
Peu de temps après l'enregistrement de Change the beat, les gens de Material ont produit l'album Future shock de Herbie Hancock sur lequel on trouve le tube Rock it. C'est là que le DJ Grand Mixer D. ST a eu l'idée de scratcher la fameuse petite phrase "Ahhhhh, this stuff is really fresh", enregistrée à l'origine au vocoder par Roger Trilling, le manager de Material : pour trouver une fin à Change the beat, il s'est amusé à imiter un ponte d'une maison de disques qui sortait toujours cette exclamation quand un titre lui plaisait. C'était le premier d'une longue liste d'échantillonnages de Change the beat.
Voici donc la belle histoire du premier disque de rap francophone, tube raté en France, mais légende du hip hop. Pour ma part, son écoute m'évoque toujours Chernobyl baby de Baby Amphetamine, enregistré cinq ans plus tard mais musicalement dans le même esprit, dont j'avais enregistré une version française restée inédite, Bébé Tchernobyl.
Fab Five Freddy, Change the beat, en public à Tokyo à 1983 dans le cadre du Wild Style Japan Tour, avec DJ Charlie Chase.
La pochette du maxi américain Change the beat.
18 juillet 2019
ADOLPHO GUZMAN Y SU ORQUESTRA TIPICA : En Arabia se baila Cha Cha Cha
Acquis d'occasion dans la Marne vers 2010
Réf : DLS 005 -- Édité par Lido en France en 1959
Support : 45 tours 17 cm
Titres : ADOLPHO GUZMAN Y SU ORQUESTRA TIPICA : En Arabia se baila Cha Cha Cha -- Cosquillita deliciosa -/- S. LOVE ET SON ORCHESTRE : Rock Calypso Mambo Cha -- Moon glide
Après les excellentes compilations de musiques antillaises Disque la rayé et Antilles méchant bateau, Born Bad a publié il y a quelques semaines Voulez-vous Cha-Cha ?, qui s'intéresse cette fois-ci aux musiques de genre. J'ai écouté et apprécié, et j'ai examiné la liste des titres pour voir si j'avais dans ma discothèque certains des titres compilés. Je n'en ai trouvé qu'un seul, Ne nous fâchons pas de Spartaco-Sax, associé à une campagne de France-Soir contre la violence entre automobilistes, un 45 tours que j'ai failli plusieurs fois chroniquer ici.
Du coup, je me suis plongé dans mon rayon Cha Cha Cha, un rayon pas très développé car, si j'apprécie un titre de Cha Cha Cha de temps en temps, je n'en raffole pas non plus et je n'achète pas systématiquement tous les disques de ce genre que je vois passer.
Mais, du coup, je suis retombé sur le disque qui nous intéresse aujourd'hui, et celui-là il était carrément immanquable.
L'illustration de pochette en met plein les yeux et, même si je ne parle pas l'espagnol, les rudiments dont je dispose me permettent d'avancer que le titre principal se traduit par En Arabie on danse le Cha Cha Cha ! Autrement dit, il était impossible de ne pas faire d'emblée un parallèle entre ce disque précurseur des années 1950 nous promettant un Cha Cha Cha arabe et le fameux succès de Jonathan Richman and the Modern Lovers s'attaquant au reggae égyptien !
A l'écoute, En Arabia se baila Cha Cha Cha se révèle être très agréable, mais pas tout à fait à la hauteur des espérances. Il y a certes des "citations" orientales dans la musique, notamment dans l'introduction, mais ce n'est pas l'hybride parfait dont on pouvait rêver, même si c'est d'excellente tenue.
Mes rudiments d'espagnol ne m'ont pas permis de traduire tout seul Cosquillita deliciosa. J'aurais parié pour Coquillettes délicieuses, mais c'est plus coquin puisque ça signifie en fait Délicieuses chatouilles ! Plus rien d'orientalisant dans cette chanson, logique, mais pas de ricanements bébêtes non plus, juste un autre Cha Cha Cha de qualité.
J'ai appris chez Gladys Palmera que ces deux titres d'Adolpho Guzman et son Orchestre Typique étaient sortis à l'origine en 1957 à Cuba sur un 45 tours du label Fama. Guzman, qui est mort à 56 ans en 1976, était suffisamment réputé pour que, depuis 1978, un concours national de la chanson porte son nom.
Comme souvent, pour remplir un EP 4 titres, le label français Lido a associé sur un même disque deux 45 tours deux titres différents. Mais, cette fois-ci, les deux disques choisis ont très peu de rapports entre eux, à part la référence au Cha Cha Cha dans l'un des titres de chanson. En effet, sur la face B, on trouve ici les deux faces d'un 45 tours américain de Sammy Lowe et son Orchestre (Lowe et non pas Love comme indiqué sur la pochette). Lowe (1918-1993) était un trompettiste, arrangeur et chef d'orchestre.
Le 45 tours original est sorti aux États-Unis en 1958 sur le label Newport. La très bonne nouvelle c'est que, alors que j'ai décidé d'acheter ce disque uniquement pour son titre principal, on se retrouve avec deux excellents morceaux sur la face B.
Je ne sais pas si Rock Calypso Mambo Cha essaie d'associer ces quatre styles musicaux alors en vogue au sein d'une même composition, mais en tout cas le résultat est une réussite. Les seules paroles sont les quatre mots du titre, mais on a droit à d'excellentes parties de guitare, avec un très beau son, et des solos de trompette et de saxophone. Moon glide est un instrumental avec un rythme assez rigolo et des cuivres et l'orgue qui se répondent, avec là encore quelques bonnes interventions à la guitare. Très bien.
Chez Amour du Rock 'n' Roll, j'ai appris que Ben (avec sa Tumba et son Orchestre) avait repris les deux titres de ce 45 tours sur son EP Silvando El Cha Cha Cha : Rock, Calypso, Mambo, Cha a gardé son titre original, tandis que Moon glide y a gagné un nouveau titre, Porque no, et des paroles (les deux mots du titre), par la grâce de Boris Vian, selon Amour du Rock 'n' roll.
A quelques années près (1963), Lido aurait pu associer En arabia se baila Cha Cha avec le Cleopatra rock de Sammy Lowe, et là l'association aurait été parfaite, et on aurait encore plus pensé à l'ami Jonathan, d'autant qu'il existe une version de Cleopatra rock par The Skatalites !
14 juillet 2019
ORCHESTRE BAYA BAYA : Mama ndangi
Acquis sur le vide-grenier de la F.C.P.E. à Ay le 30 juin 2019
Réf : 91 085 (Mabele 08) -- Édité par African en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mama ndangi 1 -/- Mama ndangi 2
Je fréquente la brocante de la F.C.P.E. sur le parking du collège à Ay depuis une bonne vingtaine d'années maintenant et, au fil du temps, j'y ai trouvé quelques disques très intéressants, parmi lesquels Indépendance cha cha d'African Jazz et le 78 tours de Blind Willie Dunn's Gin Bottle Four.
Cette année, j'ai bien cru que j'allais devoir me contenter (et c'est déjà pas si mal) de CD à 1 € d'albums de CocoRosie, Les Rita Mitsouko et IAM que je n'avais pas. Mais à un moment, au milieu d'une petite pile d'une dizaine de disques de variété posée sur une table, je suis tombé sur ce 45 tours, dont la pochette est en très bon état. Le disque lui-même aurait aussi pu être en très bon état, les sillons sont propres, mais en le sortant de sa pochette je me suis rendu compte qu'il était ébréché, chose assez rare pour un vinyl.
J'ai montré le disque à la vendeuse, qui s'est confondue en excuses en expliquant qu'elle n'avait pas contrôlé tous les disques. Elle voulait le mettre à la poubelle, mais c'est là que je suis intervenu en lui disant que, même dans cet état, le disque et sa pochette m'intéressaient pour ma collection, et que je lui en proposais 10 centimes. Elle a été interloquée, mais on a fait affaire et je suis reparti avec ma trouvaille, bien content, même si je ne peux écouter qu'environ 80% de mon disque (il manque un peu plus d'une minute sur les 5 minutes et quelques que dure chacune des faces).
Ce disque fait partie des centaines de disques édités en France par African, dont la plupart des exemplaires ont dû être distribués au Congo et dans d'autres pays d'Afrique.
On en a déjà parlé à propos du disque de l'Orchestre Tembo, African avait un dédain particulier pour les photos de pochette de ses 45 tours : un même disque pouvait sortir avec plusieurs illustrations différentes, choisies dans des catalogues d'agences et n'ayant rien à voir avec la musique concernée, et la même illustration pouvait servir pour plusieurs disques différents. Par exemple, si vous allez chez Dial Africa télécharger Bumba, un autre 45 tours de l'Orchestre Baya Baya, vous remarquerez que c'est la même pochette à part le titre et les références !
Une fois rentré à la maison, je n'ai pas regretté mon achat, même si je préférerais bien sûr avoir les chansons en entier.
Il s'avère en effet que Mama ndangi est de l'excellente rumba congolaise (aussi bien la partie 1 que la 2, mais je préfère la 1). On a droit à un patchwork de percussions, de guitares et de voix, un entrelacs parfaitement réussi, un résultat superbe. Ça a l'air tout simple et naturel, mais ça doit demander un travail de fou d'arrangement et de coordination. Cerise sur la gâteau, on entend même sur les deux faces quelques interpellations en français ("Oh, Johnny !", "Mais pourquoi Jeannot ?", "C'est la faute à qui, Jeannot ?", "Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible !") qui, on le verra, s'adressent au propriétaire du studio et à l'un des musiciens, mais la mention de "Jeannot" m'a évidemment fait penser au Jeannot, où est le sérieux ? de Lolo Lolitta et Tchico.
La concurrence était tellement rude au Congo dans ces années-là que de nombreuses formations, dont l'Orchestre Baya Baya apparemment, se sont installées en Tanzanie pour y faire carrière. Dans la page Congo in Tanzania de Muzikifan, on trouve la discographie complète de l'Orchestre Bay Baya, soit un album, Nakozonga, en 1977 et dix 45 tours entre 1975 et 1977. Le mien n'est même pas encore référencé sur Discogs et je ne l'ai trouvé nulle part en écoute en ligne... Même ébréché, mon disque reste donc intéressant.
African précisait généralement le nom du label original avec lequel un accord de licence avait été signé. En l'espèce ici, il s'agit de Mabele Productions, fondé à Kinshasa par Mbuta Nsuka.
Comme c'est expliqué en détails dans l'article de Matt Lavoie Orchestre Kiam, an oral history, Mabele avait débauché début 1975 plusieurs musiciens de l'Orchestre Kiam, propriété de Verckys de l'Orchestre Vévé, pour enregistrer sous pseudonyme un 45 tours hors contrat. Côté discrétion, ça ne risquait pas de fonctionner car le disque est sorti sous le nom d'Orchestre Baya Baya, d'après Baya baya, l'un des succès de l'Orchestre Kiam !
Verckys a aussitôt suspendu les musiciens coupables, et du coup une bonne partie de l'Orchestre Kiam a quitté le groupe pour vraiment lancer l'Orchestre Baya : les chanteurs Bakolo Keta, Boyo Mbola, et Jeannot Botuli Ilonge, les guitaristes Lélé Nsundi et Souza Vangu, le bassiste Ndolo Matthews et le batteur Suké Ngonge sont alors entrés dans le studio de Johnny Bokelo pour y enregistrer. On peut penser qu'ils sont allés en Tanzanie aussi pour échapper à l'ire du puissant Verckys.
Peu de temps plus tard, Lélé, puis Bakolo Keta et Suké Ngonge sont retournés à la niche de l'Orchestre Kiam, ce qui a signé la fin de Baya Baya. Jeannot Botuli Ilonge a arrêté la musique et le guitariste Souza Vangu (alias Jacques Bazizila, qui est mort en 2012), a créé son propre groupe, l'Orchestre Mabatalai.
S'il y a une leçon à retenir de tout ça, c'est que, même cassé un disque peut conserver de l'intérêt et il ne faut pas le jeter trop précipitamment !
A écouter :
Orchestre Baya Baya : Mama ndangi 1
Orchestre Baya Baya : Mama ndangi 2
Ajout du 15 juillet 2019 :
Celle-là, si j'avais voulu l'inventer, personne ne l'aurait crue, à commencer par moi...!
Donc, après avoir écouté mon disque ébréché pendant deux semaines et avoir préparé et publié sa chronique, j'entreprends ce matin de le ranger dans la boite où se trouvent mes 45 tours d'artistes d'Afrique.
Et puis, comme c'est les vacances et que j'ai un peu de temps, je me suis dit que j'allais classer ensemble mes quelques disques du label African. Oh, il n'y en a pas beaucoup, par rapport aux plus de 1000 référencés sur Discogs (et ils n'y sont pas tous).
J'ai donc trouvé quatre autres disques avec pochette, puis un disque sans pochette avec une étiquette jaune. Quand j'ai vu la mention "Mabele 08", le ciel m'est tombé sur la tête !
Eh oui, ce disque que j'ai écouté en partie seulement, que je me suis embêté à transférer en MP3 en visant juste après la cassure pour en avoir le plus long possible, je l'avais déjà acheté ! C'était le 6 avril 2015 à la brocante de Condé-sur-Marne et j'ai payé 20 centimes pour ce disque sans pochette. La face A passe bien, la B est un peu rayée. A l'époque, je l'ai écouté. Sans la pochette, sans la cassure, je n'avais pas grand chose à en dire, alors je l'ai rangé et aussitôt oublié !
Ça confirme ce que dit souvent l'ami Dorian Feller, qui avait complété ma pochette de Pere Ubu en me fournissant le disque qui allait avec : il faut systématiquement prendre une pochette vide ou un disque sans pochette, on peut toujours espérer rassembler les deux.
J'ai donc un exemplaire complet de Mama ndangi, disque et pochette, qui m'a en tout coûté 30 centimes en quatre ans... Et quand la vendeuse s'est étonnée que je m'intéresse à ce disque pour sa pochette, j'aurais pu lui répondre que j'avais le disque qui allait avec. Mais pour cela, il aurait fallu que je connaisse un peu mieux le contenu de ma propre discothèque !
06 juillet 2019
BARRACUDAS : His last Summer
Acquis à Paris le 13 avril 2019
Réf : Z8 -- Édité par Wipe Out en Angleterre en 1980 -- Demo record - Not for resale
Support : 45 tours 17 cm
Titres : His last Summer -/- Barracuda waver -- Surfers are back !
Après le printemps la semaine dernière, voilà l'été, et on va essayer de faire tout pour que, contrairement au héros de cette chanson, victime d'un "surfer suicide", ce ne soit pas notre toute dernière saison de canicule.
Ce disque fait partie du lot que j'ai acheté à Paris au printemps, dans lequel on trouvait aussi les 45 tours de Radiah et de Thee Stash.
Mon exemplaire est un promo mais, même si je l'avais eu à temps, je ne sais pas si je l'aurais inclus dans Vente interdite car la pochette et la musique gravée dans les sillons sont identiques à l'édition mise en vente. La seule petite différence tient à la mention "Demo record - Not for resale" imprimée sur l'étiquette d'un rond central dont la maquette évoque des labels sixties, comme les singles promos de Chess par exemple. Et du coup, je n'ai pas eu droit à la planche de décalcomanies incluse dans le 45 tours du commerce, dont l'un a un slogan bien vu, "Surf & destroy").
Je ne me suis pas intéressé du tout aux Barracudas au moment de la sortie de leur premier album Drop out with The Barracudas en 1980. Il y avait alors pour moi un côté rétro bien trop marqué qui ne m'attirait pas du tout, symbolisé par le titre d'une de leurs autres chansons, (I wish it could be) 1965 again. Je n'ai pas creusé les choses suffisamment à l'époque pour me rendre compte qu'il y avait de la distance et de l'humour dans leur nostalgie, qui se manifestait par exemple dans leur parti-pris de se présenter comme un groupe de surf music alors qu'ils étaient basés à Londres.
His last Summer est leur troisième 45 tours, le deuxième extrait de Drop out..., juste après le succès, sur la même thématique, de Summer fun. La pochette est signée Assorted Images, mais elle est créditée à Rikki, pas à Malcolm Garrett. La chanson est dédiée à Jan Berry, de Jan and Dean, et, dès les bruitages en intro, les références (volontaires) se multiplient, à Spector, à Leader of the pack avec la voix parlée, au rock garage avec l'orgue, aux Beach Boys avec les chœurs,... C'est léger, même si les paroles ne le sont pas.
On a droit à deux titres hors album sur la face B (mais l'album américain, sorti en 1982, a intégré Surfers are back à la place de Campus tramp).
Barracuda waver, est un instrumental à guitare qui s'inscrit dans la longue lignée des instrumentaux surf, une valeur sûre. Un de ses cousins éloignés pourrait être The whole world's turning Brouchard ! de Biff, Bang, Pow !.
Surfers are back est sans doute mon titre préféré des trois. Malgré le titre, le son est plus punk que surf (Surf and destroy !) et le chant et la musique évoquent irrésistiblement le Clash façon I'm so bored with the USA.
Au final, voici un excellent 45 tours de surf rock !
De nos jours, les Barracudas donnent encore régulièrement quelques concerts. Robin Wills partage sa passion pour la musique sur son blog Purepop et Jeremy Gluck produit des œuvres graphiques.
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