30 mai 2016

THE SIDEBOTTOMS : Panic


Acquis dans un dépôt-vente probablement en Belgique dans les années 2000
Réf : 11 37 01 -- Édité par 11:37 en Angleterre en 1993
Support : CD 12 cm
9 titres

En mars, j'ai acheté en Angleterre le court récit de Jon Ronson Frank, sous-titré "L'histoire vraie qui a inspiré le film".
En effet, Jon Ronson, désormais journaliste et écrivain réputé, a joué des claviers pour Frank Sidebottom entre 1987 et 1990. En 2005, à la demande de Frank  qui préparait un comeback, il a rassemblé ses souvenirs dans un article paru dans The Guardian. C'est cet article qui a inspiré le scénario de Frank, un film de fiction de 2014 réalisé par Lenny Abramson, basé sur le personnage de Frank Sidebottom.
Je n'aime pas trop les biopics. Frank le film n'en est pas vraiment un, mais je l'ai quand même boudé à sa sortie. Mais j'ai lu d'une traite et vraiment apprécié Frank le livre (dont on peut lire un long extrait dans The Guardian).
Jon Ronson raconte qu'il était un musicien incompétent dans un groupe volontairement incompétent rassemblé autour du personnage à tête en papier mâché Frank Sidebottom, créé en 1984 par Chris Sievey des Freshies et inspiré par la contemplation les centaines de lettres de rejet reçues au fil du temps par les maisons de disques. Mais ce qui est étonnant, c'est que Chris Sievey a abandonné les Freshies pour Sidebottom au moment même où son groupe commençait à avoir un peu de notoriété.
Dans le livre, j'aime particulièrement le moment que Jon Ronson pointe comme le début de l'échec, quand, fait inédit, il a été convoqué pour une répétition chez Chris pour "passer au niveau supérieur". Des musiciens de niveau professionnel venaient d'intégrer le groupe et, pour Jon ça a été le début de la fin, comme pour le public, qui ne venait pas aux concerts de Frank Sidebottom pour voir un groupe de bal bien en place.
Jon Ronson dit à un moment que "Frank était notre Pee Wee Herman". Il me fait aussi beaucoup penser à Tiny Tim.

 

J'ai un album de Frank Sidebottom, le deuxième, 13:9:88, mais je ne l'aime pas trop. Beaucoup trop de sketches en proportion par rapport aux chansons, mais il y a des reprises de Hit the North de The Fall et Mirror man de Captain Beefheart que j'aime bien.
Ce maxi, que j'ai retrouvé la semaine dernière en rangeant des disques, j'avais complètement oublié que je l'avais. Il fait partie de la production tardive et plus professionnelle de Frank, à l'époque où il animait son émission de télé Frank Sidebottom's fantastic shed show.
Il est présenté dans un beau digipack et, comme tous les maxis dance-techno de cette époque, la liste des titres contient une litanie de différents mixages (Ace mix, Fantastic mix, Top mix, ...). Pour l'occasion de cette reprise du Panic de The Smiths, Frank s'est même rebaptisé The Sidebottoms ! Quant à la pochette, on repère tout de suite qu'elle parodie celle des Smiths (et, cerise que le gâteau, l'étiquette du dépôt-vente où j'ai acheté mon CD est presque parfaitement coordonnée au code couleur bleu et jaune de la pochette !).
Ici, la panique ne règne plus dans les rues de Londres ou Birmingham comme dans la chanson originale, mais dans celles de Timperley, le village de la banlieue de Manchester d'où Frank Sidebottom est originaire.
Heureusement, il n'y a pas de remix techno sur ce CD. Juste plusieurs versions chantées ou instrumentales, assez proches les unes des autres, entrecoupées de dialogues comme à l'habitude. J'aime bien la version "bricolée" de moins d'une minute appelée Bobbins mix. Globalement aussi j'aime bien la version chantée, peut-être parce que je n'avais trop prêté attention à la version originale des Smiths.
Chris Sievey et Frank Sidebottom sont morts en 2010. Frank a désormais sa statue dans les rues de Timperley...

Si vous voulez avoir plus que votre dose de Frank Sidebottom, vous pouvez vous procurer Fantastic show biz box set, qui contient 4 CD et 1 DVD. On y trouve notamment Panic.



29 mai 2016

THE SMITHS : This charming man


Acquis probablement chez A la Clé de Sol à Reims en 1985
Réf : 80 074 -- Édité par Rough Trade / Virgin en France en 1984
Support : 45 tours 30 cm
Titres : This charming man -- Accept yourself -/- Wonderful woman -- This charming man (US remixed)

Je viens de lire le livre de Neil Taylor de 2010 Document and eyewitness : An intimate history of Rough Trade. Après celui de Rob young en 2006, Rough Trade : Labels unlimited, c'est au moins le deuxième livre à paraître sur l'histoire de cette entreprise anglaise essentielle. Une lecture passionnante pour moi, qui me suis notamment intéressé à cette histoire en publiant en 1996 dans mon fanzine un article et une discographie pour marquer les vingt ans de Rough Trade.
Le livre de Neil Taylor est loin d'être parfait (il y a notamment des passages entiers répétés presque mot pour mot à quelques pages d'écart) mais, sur 400 pages, il y en a 250 qui couvrent la période jusqu'en 1983, celle qui m'intéresse le plus. Et, comme le titre emprunté à Wire l'indique, c'est bourré de témoignages de première main.
Ce que j'en retiens grosso modo, c'est que, ce qui a toujours intéressé le fondateur Geoff Travis, c'est de découvrir de nouvelles musiques et de nouveaux talents et de faire partager ses découvertes. A partir de là, Rough Trade s'est développé autour de trois activités, disquaire, label et distributeur, qui ont parfois grandi trop vite, ont connu de graves crises financières, se sont fait la guerre et ont mené depuis quarante ans un parcours varié sous cette image de marque unique, alors même que les sociétés évoluaient/changeaient de propriétaire. Par exemple, les boutiques sont une entité indépendante du label depuis 1982.
Pour ce qui est de la maison de disques Rough Trade, le label essentiel de la New Wave pour ce qui me concerne, qui m'a fait découvrir à l'adolescence un nombre impressionnant de groupes et de grands disques, elle a donc connu sa première grande crise en 1982 mais a rebondi assez vite avec la signature des Smiths en 1983.
Les Smiths avaient un énorme potentiel, et l'erreur commise par Rough Trade a peut-être été de vouloir les conserver à tout prix alors qu'ils n'avaient pas la structure pour gérer longtemps un succès de cette taille. A posteriori, je pense que Rough Trade aurait dû se contenter de garder les Smiths une grosse année, jusque fin 1984, de Hand in glove à Hatful of hollow, le temps de tirer le meilleur jus du groupe, avec une série impressionnante de singles, un premier album pas parfait et une compilation qui l'est.
Rough Trade s'est battu en justice avec les Smiths pour qu'ils sortent leur troisième album, The Queen is dead, chez eux, conformément à leur contrat. Mais s'ils avaient été sur une major dès Meat is murder, cela aurait donné au groupe un peu de temps pour souffler et préparer ce deuxième album et ça n'aurait pas forcé la grenouille Rough Trade a tenté de se faire plus grosse que le bœuf en commençant à embaucher des cadres administratifs et financiers pour gérer une boîte qui, jusque là, était une quasi-coopérative où tout le monde avait le même salaire. D'un autre côté, c'est bien le chiffre d'affaires généré par The Smiths ou la distribution des succès de New Order ou Depeche Mode qui a permis pendant des années à Rough Trade de rendre possible financièrement et logistiquement le développement de tout un pan du rock indépendant, à commencer par Creation.
Pour ce qui est des Smiths, d'être passé à côté d'eux reste mon grand regret de l'année 1983/1984 que j'ai passé à Londres. Par là, j'entends que je n'ai acheté aucun de leurs disques et que je n'ai pas cherché à les voir en concert. Par contre, je connaissais bien sûr leurs tubes, et c'est justement la vision de Morrissey à Top of the Pops chantant This Charming man avec ses glaïeuls qui m'a hérissé et m'a fait bêtement rejeté ce groupe, alors que j'ai quand même beaucoup apprécié What difference does it make et Heaven knows I'm miserable now.
Je n'ai donc aucun de ces superbes 45 tours anglais des Smiths, qui étaient en vente neufs partout pour une bouchée de pain, mais une fois rentré en France, j'ai quand même acheté le premier album, Hatful of hollow et ce maxi de This charming man.
Si j'ai fini par acheter ce disque emblématique, avec Jean Marais dans Orphée sur la pochette, c'est parce qu'il n'était pas très cher, et aussi parce que j'avais entendu dire que le remix de This charming man qu'on y trouve n'avait pas plu au groupe et qu'il avait été retiré du commerce.
Sur ce point, j'ai tendance à croire Geoff Travis quand il explique qu'il avait trouvé ce remix de François Kevorkian sorti chez Megadisc aux Pays-Bas assez réussi et que, bien sûr, il n'aurait pas pu l'éditer sans l'aval de Morrissey. Mais celui-ci a changé d'avis par la suite et la version anglaise du maxi avec le remix dit New York a très vite été retirée du commerce.
L'intérêt de ce pressage français du maxi, c'est de combiner les deux maxis anglais, avec la version single (Manchester) de This charming man, les deux faces B Accept yourself et Wonderful woman, plus la version remixée New York qui remplace la version Peel London, disponible par ailleurs sur Hatful of hollow.
This charming man est un classique. L'une des fois où la musique de Johnny Marr et les paroles et le chant de Morrissey se marient parfaitement, ce qui est bien sûr la formule de la potion magique des Smiths.
Comme dans les années 1960 pour les Beatles ou les Stones, ou dans les années 1970 pour les Buzzcocks ou Joy Division, j'apprécie particulièrement la vitesse à laquelle les choses s'enchaînaient pour les Smiths en 1983-1984. Une session Peel de prévue ? Allez, Marr compose trois nouveaux titres en un week-end. L'un de ces titres est l'excellent  This charming man ? Allez, comme j'ai déjà eu l'occasion de le raconter, le single prévu avec Reel around the fountain est modifié au dernier moment.
Et ainsi de suite, avec les faces B notamment.
Sur le petit 45 tours, il y avait l'excellente Jeane, qui n'est pas reprise ici tellement il y a de matière. A la place, on a droit à la tout aussi excellente Accept yourself ("Everyday, you must say, oh how do I feel about my life" et "Time is against me now and there's no one left to blame", qui deviennent ensuite "Everyday, you must say, oh how do I feel about my shoes" et "Time is against me now and there's no one but yourself to blame") et Wonderful woman, qui n'est pas mal du tout non plus, un peu dans la lignée de Back to the old house, avec Johnny Marr à l'harmonica, comme avec The The.
Quant au remix New York de This charming man, on a connu bien plus destructeur, mais il est évidemment superfétatoire.

Il y a tout plein de compilations des Smiths, mais il n'y a guère que sur la version double-CD de The Sound of The Smiths (2008), qu'on retrouvera à la fois This charming man, son remix par François Kevorkian, Wonderful woman et même Jeane. Ne manque à l'appel que Accept Yourself, facilement disponible depuis 1984, dans une version différente, sur Hatful of hollow. Pour la version originale, je crois qu'il faut se tourner vers un maxi d'époque, ou le coffret Singles box de 2009.






22 mai 2016

LEADBELLY : C'est bon, les oeufs


Écouté pour la première fois chez Uncle Gil's Rockin' Archive en avril 2016
Réf : [sans] -- Enregistré à l'Université du Texas le 15 juin 1949
Support : 1 fichier MP3
Titre : C'est bon, les oeufs [Scrambled egg song]

Je suis depuis un bon moment les publications d'Uncle Gil sur son blog Uncle Gil' Rockin' Archives. Il met en lignes plusieurs albums par jour de rock, country, blues. Je n'en télécharge probablement pas plus d'un pour cent, mais c'est un bon moyen de découvrir quelques vieilleautés.
Les billets ne sont pas titrés au nom de l'artiste ou du titre de l'album, mais au titre de l'une des chansons sélectionné par Uncle Gil. Quand un de ces titres est en français, j'y porte particulièrement attention. Ça m'a notamment permis de m'éclater sur des titres cajuns.
Quand j'ai vu, C'est bon, les oeufs associé à un album en public de Leadbelly, j'ai carrément tiqué car je ne savais pas du tout qu'il avait chanté en français.
Sur le coup, j'ai pensé que c'était justement une reprise d'une chanson cajun, mais non, il s'agit bien d'une composition de Leadbelly.
Encore une fois, je chronique juste un titre téléchargé. J'ai mis en illustration la pochette de ce que je crois être la toute première édition sur disque de ce concert, sorti en 1973, bizarrement sur le label du magazine Playboy.
Le concert, en solo, a eu lieu le 15 juin 1949 à Austin à l'Université du Texas, l’État où il a grandi. On a la chance qu'il a été enregistré par la radio étudiante KUT.
Comme c'est très bien expliqué dans la chronique d'une des éditions de ce concert chez AllMusic, ce concert a ceci de particulier que c'est le tout dernier donné par Leadbelly, qui est mort six mois plus tard. Leadbelly était déjà malade et affaibli et se doutait probablement que c'était sa dernière performance. Il profite de l'occasion pour parler beaucoup au public, le faire rire et le faire chanter. Il ouvre et ferme sa prestation avec sa chanson fétiche Goodnight Irene, en expliquant longuement la première fois son contexte.
Et alors, pourquoi est-ce que C'est bon, les oeufs est en français ? Eh bien, tout simplement parce que c'est une aventure vécue en France qui a inspiré la chanson !
Comme Leadbelly l'explique, il était en tournée en France deux semaines plus tôt, et tous les matins on lui servait des œufs brouillés. Apparemment, pour changer le menu du petit-déjeuner, il fallait s'expliquer en français, ce qui lui était difficile, jusqu'à ce quelqu'un vienne à son secours et lui apprenne comment on dit "scrambled eggs" en français.
Leadbelly en a fait cette chanson et, à son tour, il explique au public le sens de "C'est bon", "Les œufs", "Mais pas", "Brûlés". Il y a aussi "Mouillés", et là, soit il y a quelque chose que je n'ai pas saisi, soit il confond avec "Brouillés". N'empêche, il en a fait une comptine réjouissante, qu'il réussit à faire chanter au public :
"C'est bon, les œufs mouillés
C'est bon, c'est bon, c'est bon
Mais pas, c'est bon, brûlés
Mais pas, c'est bon, c'est bon"
Et, comme il a du métier, une fois que c'est bien rentré, il termine la chanson en la faisant tourner et en changeant de rythme. Impressionnant.
Pour ma part, je préfère les omelettes ou les œufs sur le plat, mais je veux bien manger tout ce qu'on me sert, même des œufs crus à gober, si en échange on m'offre des découvertes musicales aussi goûteuses.

Leadbelly : C'est bon, les oeufs.

 

21 mai 2016

ADEM : Ringing in my ear


Acquis chez Arlequin à Bruxelles le 9 avril 2016
Réf : RUG183CDP -- Édité par Domino en Angleterre en 2004 -- FOR PROMOTIONAL USE ONLY / NOT FOR SALE - This promotional CD remains the property of Domino Recording Co Ltdand must be surrendered upon request.
Support : CD 12 cm
Titres : Ringing in my ear -- Friends, beware -- Wake up lullaby -- Let me give you a reason

Quand je suis allé à Bruxelles voir Jason Lytle et Giant Sand le mois dernier, j'ai bien sûr pris le temps de faire le tour des disquaires du centre-ville. Il y a encore pas mal de boutiques, mais on trouve soit du neuf, cher par définition, soit du vieux à prix collector.
J'ai quand même passé un très bon moment chez le libraire-disquaire d'occasion Pêle Mêle, qui a beaucoup de vinyls bradés en plus de ceux à prix fort, et puis, tout à la fin, chez Arlequin, presque en face du Manneken Pis, je suis tombé au fin fond d'un réduit sur une étagère de CD soldés à 1 €. J'en ai pris une bonne vingtaine, dont ce maxi d'Adem à la pochette réussie.
J'avais déjà trois CD d'Adem, écoutés une fois et appréciés mais sans qu'ils m'aient vraiment marqué, mais pas question de laisser passer celui-ci car, de fait, au bout de quelques années et sans même le vouloir, en commençant par des Will Oldham ou James Yorkston, je me suis constitué une collection de CD promo du label Domino qui commence à être conséquente (je ne les ai pas comptés, mais on doit bien être autour de la centaine) et que je complète à chaque fois que j'en trouve de nouveaux pas chers.
Cette fois-ci, j'ai écouté le disque tranquillement, en voiture, et j'ai vraiment accroché dès les premières notes de Ringing in my ear. Une chanson calme, un côté à la fois acoustique et bricolé. Super. S'il y a un disque auquel ça m'a fait penser, c'est au Moving up country de son compère de label James Yorkston. Sur le coup, je me suis même demandé si Adem n'avait pas produit un des disques de Yorkston. Ce n'est pas le cas, mais je n'étais pas tombé loin car c'est Kieran Hebden qui a produit Just beyond the river et, dans les années 1990, Kieran Hebden et Adem étaient tous les deux membres du groupe Fridge.
Ce qu'il y a de bien avec ce maxi, c'est qu'il n'est pas rempli de remixes, de titres live ou autre fond de tiroir. On a droit avec Friends, beware, Wake up lullaby et Let me give you a reason à trois chansons complètes que j'aime beaucoup, bien enregistrées, tout à fait dans la lignée et d'aussi bonne qualité que Ringing in my ear. Let me give you a reason a même un côté rythmique marqué, comme du funk léger, lent et acoustique, avec en plus de la flûte !
C'est à se demander pourquoi ces trois bonne chansons n'ont pas été incluses avec Ringing in your ear sur Homesongs, le très beau premier album d'Adem. Si un jour cet album est réédité, elles pourront être ajoutées en bonus, avec After the storm et Let it burn, les faces B de l'autre excellent single These are your friends.

On trouve facilement et pour pas cher Homesongs. Adem a sorti l'an dernier Seconds are acorns, son quatrième album.



16 mai 2016

LES NÉGRESSES VERTES : Zobi la mouche


Acquis sur le vide-grenier d'Avize le 8 mai 2016
Réf : OTT 470 118 -- Édité par Off The Track en France en 1989
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Zobi la mouche -/- Hey Maria

Dimanche dernier, on aurait pu croire que l'été venait.  L'harmonie municipale jouait deux-trois derniers airs devant la mairie après la cérémonie du 8 mai et les vinyls risquaient de fondre sur le bitume.
Sur la place, un gars avait un bac de 45 tours et refusait d'annoncer un prix d'avance ("un euro ou un cinquante, ça dépend"). Évidemment, quand je lui ai sorti un 4 titres réédité dans les années 80 des Stones, il m'a annoncé 2 €. Pour deux 45 tours des Négresses Vertes, celui- ci et Voilà l'été, il voulait 1 € l'un et 1,50 € l'autre. Je lui ai fermement dit que je n'en paierais pas plus de deux euros, et il a accepté.
J'ai eu envie d'acheter ces 45 tours car j'ai souvent pensé chroniqué un disque des Négresses Vertes ici, mais je n'avais que l'album Mlah et, quand c'est possible, je préfère m'intéresser à un single qu'à un album entier.
J'avais vu que les deux faces B étaient Paulo et Hey Maria, deux titres que je connaissais, et j'étais persuadé qu'ils étaient tous les deux sur mon 33 tours Mlah. J'ai été tout étonné de découvrir à mon retour que ce n'était pas le cas, et j'étais d'autant plus content de mon achat. Pour Paulo, qui est aussi le nom du bassiste du groupe, c'est une chanson que j'ai dû connaître à l'époque sur ce single ou sur scène car elle n'est pas sortie ailleurs. Pour Hey Maria, l'explication est plus simple : le 33 tours compte 12 titres, tandis que le CD en a 14, les deux en plus étant Hey Maria et Le Père Magloire. C'était assez courant de mettre un bonus sur les CD, ne serait-ce que pour justifier la différence de prix conséquente avec les 33 tours, mais de mon côté, je n'ai acheté mon premier lecteur CD que courant 1989 et, dans un premier temps, j'achetais très peu de CD. Je ne me suis donc pas posé de question au moment d'acquérir Mlah, même si je perdais deux titres au passage.
Mon premier souvenir des Négresses Vertes, c'est d'avoir eu l'impression que leur maison de disques Off The Track menait une campagne de promotion très appuyée pour les lancer. Chez Radio Primitive, on avait reçu l'album en multiples formats, moult dossiers de presses, des disques à faire gagner aux auditeurs, des singles hors commerce ou remixés... On avait même appris que le groupe faisait une tournée promo dans un bus à ses couleurs.
Il faut dire qu'il y avait de quoi. Mlah est un album excellent, l'un des quelques classiques à avoir émergé de la mouvance rock alternatif et le groupe était une vraie tribu, façon Pogues ou Specials, avec comme figure de proue le chanteur Helno qui, dentition comprise, aurait pu passer pour le petit frère de Shane McGowan.
J'ai eu la chance de voir Les Négresses Vertes en concert au cours de la tournée qui a suivi la parution de leur premier album, à L'Usine de Reims le 1er avril 1989, avec les locaux d'Aldo Magic Band en première partie, un groupe qui comprenait un flûtiste, mais aussi les amis et futurs Combinaisons Le Vieux Thorax et DJ Gamover. Un excellent concert !
Zobi la mouche est la première chanson publiée par Les Négresses Vertes, en 1988 sur la compilation Nos amis les bêtes, qui regroupait la fine faune de l'alternatif, des Endimanchés aux Satellites. C'est aussi la chanson qui ouvre leur premier album et le titre principal du premier 45 tours qui en a été tiré. L'écho a été bon en Angleterre et le label branché Rhythm King y a édité Mlah, ainsi que Zobi la mouche remixé par William Orbit.
Il y a plein de chansons sur les mouches et celle-ci est une des plus réussies. Si on ne s'intéresse qu'à celles en français, les paroles seraient à la limite à rapprocher de celles de La mouche de Michel Polnareff, mais dans l'esprit on est plus près de la Mireille de Dick Annegarn, qui elle aussi a un petit nom.
Dans la rythmique, Zobi m'a souvent rappelé 3 Mustaphas 3, un autre groupe édité par Off The Track qui mélangeait les musiques locales du monde entier, et qui est passé à L'Usine en avril 1989.
C'est heureux que Hey Maria ait été incluse sur la version CD de l'album et n'ait pas été reléguée sur une face B de 45 tours car c'est un des nombreux (presque tous) excellents titres de Mlah. C'est une chanson plutôt enjouée sur la mort, mais depuis le décès d'Helno en 1993 elle me noue toujours un peu les tripes quand je l'entends chanter "Hey Maria, tu es morte et moi je suis là, Hey Maria, tu es morte, moi je suis toujours là" ou un peu plus loin "Vrai qu'on mourra un jour ou l'autre, vu que nous ne sommes pas éternels. Alors bon comme l'a dit l'autre, pourquoi devancer l'appel. Vieillir, vieillir avant de mourir, si ce n'est pas rigolo ça me fait crever de rire, c'est aussi con que je respire.".

On trouve toujours assez facilement et pour pas trop cher, le CD de Mlah, neuf ou d'occasion et ces deux chansons sont aussi sur des compilations.





15 mai 2016

ORCHESTRE PATHÉ FRÈRES : La mousmé



Acquis sur le vide-grenier d'Avize le 8 mai 2016
Réf : 6758 et 6753-- Édité par Pathé en France  vers 1914
Support : 90 tours 21 cm
Titres : La mousmé -/- Gage d'amour

Quand j'ai débuté ce blog, je pensais que les enregistrements les plus anciens susceptibles de m'intéresser remonteraient aux années 1930, au blues de Big Bill Broonzy ou Robert Johnson. Mais au fil du temps, je me suis mis à apprécier des disques des années 1920, comme ceux de Washington Phillips ou du Memphis Jug Band. Et plus tard encore, j'ai eu le moyen d'écouter des 78 tours et je ne me suis plus contenté de rééditions, j'ai commencé à acheter des disques des années 1930, et même de 1929 pour le Blind Willie Dunn's Gin Bottle Four. Mais même à ce moment-là, je n'imaginais pas ouvrir un jour la rubrique des années 1910, que ce soit au titre d'une réédition ou d'un disque que je posséderais.
C'est pourtant bien ce qui arrive aujourd'hui, avec ce disque acheté 1 € la semaine dernière à Avize, pendant le premier week-end vraiment chaud de l'année.
Je l'ai choisi pour sa taille inhabituelle, à mi-chemin entre le 45 tours et le 33 tours 25 cm. Je trouvais aussi élégant son rond central, avec les informations directement gravées sur le disque plutôt qu'imprimées sur une étiquette. Et puis, les deux titres étaient indiquées comme étant des Mazurkas. Or, je venais de passer la semaine à me régaler de mazurkas haïtiennes... Et justement, un des titres, La mousmé, faisait un peu exotique. J'associais ce terme à l'Afrique du Nord ou à l'Orient, mais il faut en fait voyager jusqu'en Extrême Orient puisque la mousmé est une jeune japonaise.
Grosse déception une fois rentré à la maison puisque, comme pour un 80 tours de Fredo Gardoni, je n'ai pas pu du tout écouter mon disque puisque l'aiguille a ripé dessus d'un bord à l'autre.
J'aurais dû mieux lire les avis parfois un peu redondants qui jalonnent la pochette de ce disque ! On y apprend que l'audition des disques Pathé commence par le centre, qu'ils doivent être entendus à la vitesse de 90 à 100 tours à la minute, qu'ils s'écoutent avec toutes les machines parlantes à disques de bon fonctionnement qu'il suffit de munir du diaphragme Pathé spécial pour disques, que les disques Pathé sont d'un prix unique par chaque grandeur de disque, quelle que soit la notoriété de l'artiste (à 21 cm, le mien coûtait 2 francs).
Il ne me restait plus alors qu'à chercher des informations en ligne.
Chez De la belle époque aux années folles, j'ai d'abord trouvé mes deux titres dans un Répertoire 'Danses', ainsi que, parmi plein de choses intéressantes, une Histoire de Pathé Frères, dont je retiens que la production de disques à double face Pathé remonte à 1906.
Ensuite, j'ai eu la chance de trouver sur YouTube une vidéo de la face A de mon disque, La Mousmé, et j'ai eu la surprise de découvrir une autre particularité des disques Pathé de l'époque, l'annonce en début d'enregistrement du titre interprété (et souvent de l'interprète, mais pas dans ce cas). Il y aussi sur YouTube une autre version, avec clochettes, par l'Orchestre Militaire Pathé, sur un disque visiblement plus grand, qui porte pourtant le même numéro 6758. J'ai trouvé chez Phonobase une troisième version de cette danse, interprétée par la Musique de la Garde Républicaine, publiée sur cylindre.
Tout ça tend à montrer que cette Mousmé a connu un certain succès. Il faut dire que son compositeur, Louis Ganne (1862-1923), était très populaire pour ses marches militaires. Il a même présidé de 1901 à 1903 la Société des Compositeurs, un des ancêtres de la SACEM.
Autre indice de la popularité de cette composition, le fait que Gabriel Montoya, lui aussi très réputé, ait composé une poésie sur la partition, publiée en 1914.
Dernière preuve que le commerce du disque était déjà florissant, avant et après la guerre de 1914 : La Mousmé a été rééditée trois fois sur disques 80 tours Pathé, la dernière en 1929.

http://imslp.org/wiki/Special:ImagefromIndex/400835

A part l'initiale du compositeur E. Marie, j'ai trouvé très peu d'informations sur Gage d'amour, l'autre face de mon disque, si ce n'est deux enregistrements différents sur disque, par la Musique de la Garde Républicaine pour la maison de disques Eden Favorite, dont le premier remonte à 1904.

Voilà qui m'ouvre de nouveaux horizons pour mes collectes de disques. Il ne me manque plus qu'un phonographe pour écouter ces antiquités !


La Mousmé, dans la version de mon disque, a priori par l'Orchestre Pathé Frères.


La Mousmé, avec clochettes, par l'Orchestre Militaire Pathé.

07 mai 2016

JOY DIVISION : Love will tear us apart & Komakino



Acquis chez A la Clé de Sol à Châlons-sur-Marne en 1980 + Offert par Gilbert, disquaire chez A la Clé de Sol à Châlons-sur-Marne en 1980
Réf : FAC 23 + FAC 28 -- Édité par Factory en Angleterre en 1980 -- This is a free record -/- This record should not have cost you anything, wherever or however it was obtained (pour Komakino)
Support : 45 tours et 33 tours 17 cm + 33 tours 17 cm
Titres : Love will tear us apart -/- These days -- Love will tear us apart + Komakino -/- Incubation -- [As you said]

Je ne suis plus trop sûr de la séquence d'événements, mais le plus probable est que j'avais vaguement entendu parler de Joy Division avant le suicide de Ian Curtis en mai 1980 et que j'ai acheté Unknown pleasures peu de temps après.
Ce qui est sûr, c'est qu'ensuite j'ai acheté Love will tear us apart et Closer dès que j'ai pu après leur parution pendant l'été 1980, et que j'ai eu de la chance de les trouver, en import mais à prix correct, chez mon disquaire favori du moment, A La Clé De Sol à Châlons, où Gilbert tenait le rayon.
Il n'est resté qu'un temps relativement court à Châlons, avant de co-fonder le disquaire Chorus à Reims, mais nous avons entretenu de bons rapports de client à disquaire. J'achetais des disques, je lui conseillais de se procurer certaines de mes découvertes, et lui en retour savait entretenir ma fidélité en me faisant quelques cadeaux, comme une affiche d'Elvis Costello, une autre pour London calling, et il m'a même refilé un billet pour aller voir The Clash à l'Hippodrome de Paris le 8 mai 1981 ! Alors, bien sûr, quand il a reçu de son importateur un petit lot du disque souple Komakino, diffusé gratuitement par Factory à partir d'avril 1980, il m'en a réservé un exemplaire. Je ne sais pas si c'est le même jour que j'ai acheté Love will tear us apart mais en tout cas, comme le disque souple n'avait aucune pochette, je l'ai glissé dans celle de Love... et il y est toujours resté depuis.
Chez certains groupes New Wave, il y avait une façon de fonctionner proche de celles des grands groupes des années 1960 : on enregistre beaucoup et vite et on ne met pas les singles sur les albums. C'est une des choses qui est appréciable chez Joy Division et New Order (pendant une longue première période). Transmission, Love will tear us apart et Atmosphere sont trois grands 45 tours qui ne sont pas sur les grands albums que sont Unknown pleasures et Closer. Et le même mois de mars 1980, ils enquillent la deuxième session d'enregistrement de Love will tear us apart et celles pour Closer.
Love will tear us apart (L'amour nous déchirera) est devenu un classique, souvent repris. Je crois que je n'avais pas pensé à l'époque que le titre avait été voulu comme l'antithèse de Love will keep us together de Captain & Tennille, même si je connaissais bien ce tube.
C'est une chanson que j'aime beaucoup. J'ai longtemps eu du mal à décider quelle version je préférais, celle de la face A ou celle de la face B, enregistrée quelques semaines plus tôt. Aujourd'hui, je crois que je penche pour la face A. La deuxième est à peine plus rapide il me semble et il lui manque la guitare douze cordes. Le seul reproche que j'ai à faire aux deux versions, c'est le son de synthétiseur qui s'intègre assez mal avec le reste. J'aime bien le synthé mais là, comme aussi parfois sur Closer, il me gêne un peu. J'adore l'écho subliminal de Be my baby qu'il me semble discerner à la toute fin de la face A.
Évidemment, je tentais d'accompagner Ian Curtis au chant. Et avant de faire l'acquisition d'un livret de paroles chez New Rose, je commettais pas mal d'erreurs : par exemple, je chantais "It's my timing that flowed" et "All my feelings exposed".
These days, l'autre face B, est aussi une très bonne chanson que d'autres groupes auraient conservée pour une face A ou un album. Elle est plus rock et rappelle le son que le groupe avait encore peu de temps auparavant quand il s'appelait Warsaw. Il y a en accompagnement tout au long une sorte de boucle au son bizarre (de guitare plutôt que de synthé je crois) et globalement une production excellente de Martin Hannett.
Les trois titres du disque souple ont été rejetés des sessions de Closer.
Komakino, à la guitare presque funky (relativement), est quand même pas mal pour un rejet, avec la basse et la batterie qui font un grand numéro comme d'habitude. Le chant, ça va presque sans dire, est excellent et quant aux paroles, il est difficile de ne pas les interpréter à la lumière de ce qui s'est passé ensuite ("How can I find the right way to control all the conflicts inside, all the problems beside, as the questions are right and the answers don't fit into my way of paying".
Les deux autres titres sont instrumentaux. Incubation est plutôt rock et électrique. J'avais commencé à échafauder une théorie sur les titres en "ion" de Joy Division (Auto-suggestion,Transmission, Isolation, Atrocity exhibition,...) mais ça fait bien longtemps que je l'ai oubliée. Le morceau dont on a su plus tard qu'il s'appelait As you said est une sorte de courte expérimentation à base de boite à rythmes et de synthé, qui nous montre bien que le son de New Order n'est pas sorti de nulle part.
Jusqu'à aujourd'hui, je n'avais jamais prêté attention au message gravé sur le 45 tours principal, "Don't disillusion me / I've only got record shops left". Il me parle pourtant. On pourrait l'actualiser, et ce serait encore plus désespéré : "Ne me faites pas perdre mes dernières illusions, je n'ai même plus de disquaires pour me raccrocher"...
J'ai vu cette semaine pour la première fois la vidéo que le groupe a tournée le 28 avril 1980 dans son ancien studio de répétition :

05 mai 2016

CAPTAIN & TENNILLE : Love will keep us together


Acquis d'occasion dans la Marne dans les années 2000
Réf : 625 040 -- Édité par A & M en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Love will keep us together -/- Gentle stranger

Voilà un vrai souvenir d'enfance. J'avais 12 ans, entre la cinquième et la quatrième, quand ce 45 tours est sorti. Je me souviens qu'on l'entendait partout, que je l'aimais bien et qu'on le chantait.
La pochette donne le ton et est très directe : ça parle d'amour, ça vient des Etats-Unis où ça se vend comme des petits pains (meilleure vente de 45 tours de l'année 1975)... ? Allez, une pochette jaune bien claquante avec deux cœurs dessinés en "stars and stripes". Faut le vouloir pour ne pas comprendre le message et même moi, qui commençait à peine les cours d'anglais, j'ai dû le saisir, même si je ne crois pas qu'on ait acheté le 45 tours à l'époque.
La mention "N° 1 USA Disco-Super hit" colle à peu près, sauf pour le côté Disco. Je ne vois pas où ils ont été pêché ça. C'est de la pop, de la pop 24 carats, au niveau de Abba. Ce n'est qu'aujourd'hui que je me rends compte qu'il y a plein de synthés et d'autres claviers là-dedans, mais même avec une basse-clavier au son trafiqué, je n'entends pas de disco là-dedans.
Mais c'est accrocheur, avec une construction bizarre de couplets qui se terminent en refrain, des répétitions et des "Stop" et "I will" qui accrochent. C'est excellent et c'est toujours aussi efficace après quarante ans, ça ne vieillit pas, comme tout bijou pop qui se respecte.
Je me souviens à l'époque j'ai essayé de retenir le nom du groupe et de comprendre le titre, mais je n'étais pas allé jusqu'à essayer de déchiffrer les paroles moins évidentes car elles n'étaient nulle part.
Je ne savais absolument rien de Captain & Tennille à l'époque. Je ne savais pas que le duo était un couple, que le Captain s'appelait Daryl Dragon, que le prénom de Tennille était Toni, qu'elle avait une coupe de cheveux à la Mireille Mathieu et que trois de ses soeurs les accompagnaient aux chœurs.
Je ne savais pas non plus que Love will keep us together était une reprise d'une chanson créée deux ans plus tôt par Neil Sedaka.
Et puis, je ne connaissais pas la connexion avec les Beach Boys, que le Captain et Tennille ont tous les deux accompagnés sur scène aux claviers. Mais ça va plus loin que ça, puisque leur premier album, également intitulé Love will keep us together, contient deux reprises de God only knows et Disney girls (1957) (de Surf's up écrit par Buce Johnston et ici co-crédité à Dennis Wilson) ainsi que la version originale de I write the songs, une chanson de Bruce Johnston rendue célèbre par Barry Manilow quelques mois plus tard.
Mais tout ça c'est pour les rats de discothèque. Ce qui compte, c'est la joie pop de Love will keep us together.
Et pour le capitaine et Toni, est-ce que ça a marché ? Est-ce que l'amour leur a permis de rester ensemble ? Eh bien oui pendant très longtemps, mais l'histoire se termine quand même mal puisqu'ils ont fini par divorcer en 2014.


01 mai 2016

PHILO KOLA : Elle fait semblant


Ecouté pour la première fois chez British Library Sounds le 28 avril 2016
Réf : Syliphone 4-637-01 et CEAP608/8278 -- Issu des archives Syliphone de la Radio Télévision Guinéenne et diffusé par la British Library en 2016
Support : 1 fichier
Titre : Elle fait semblant

Malheureusement, je n'ai pas le disque dont la pochette est ci-dessus, mais c'est quand même plus sympa avec une illustration, et, de toute façon, il va bien falloir que je continue à faire évoluer mes modes d'écoute de la musique.
Cette année, peut-être pour de bon, ça devient vraiment difficile de trouver de bonnes affaires sur les vide-greniers par chez moi. La météo n'y met pas du sien, certes, mais surtout l'offre semble vraiment s'appauvrir (ou les prix augmenter exponentiellement). Cela fait plusieurs années que je suis content de viser des disques insolites, obscurs ou "exotiques" mais, depuis l'automne 2015, je ne trouve quasiment rien d'intéressant et si ça dure je ne continuerai pas à passer une partie de mes dimanches matin à naviguer entre capsules de bouteilles de Champagne et vêtements et jouets d'enfant.
Donc, on ne compte plus seulement sur les disques pour découvrir de la musique et, avec Internet notamment, on a de toute façon de quoi s'occuper pendant plusieurs vies.
Par exemple, sur le site de la bibliothèque nationale britannique, on trouve des collections d'enregistrements sonores.
Là, je me suis seulement intéressé aux musiques du monde et traditionnelles et, pour l'Afrique, à la collection du label Syliphone.
Ça faisait encore beaucoup (7781 enregistrements), alors j'ai sélectionné les titres en français, j'ai commencé à écouter et je me suis régalé.
Notons que tous les titres des collections sonores sont en écoute intégrale gratuite sur le site de la British Library (avec parfois des limitations pour certains pays pour des raisons des droits).
Je ne sais pas comment la numérisation est financée en Angleterre, mais en France, où la musique n'a jamais été prioritaire par rapport au livre (et ne bénéficie pas des mêmes aides), la Bibliothèque Nationale, très en retard sur la question, en a été réduite à se lancer dans un horrible partenariat public-privé à la Sarkozy : 5 M € d'argent public sur un budget de 15 M € pour numériser des disques et des livres anciens, plus le travail des agents de la BnF pour la sélection des documents, leur mise en ligne et l'archivage pérenne. Si, au bout du compte, les documents avaient été librement accessibles pour tous en ligne, ça m'aurait moins énervé. Mais non, seuls des extraits sont pour l'heure disponibles sur la bibliothèque numérique Gallica. Certes, il y a de nombreux documents intégralement en écoute, sur YouTube par exemple, mais la société privée partenaire bénéficie d'une exclusivité de commercialisation pendant dix ans. Alors, jusqu'en 2022, pour écouter des disques de collections publiques numérisés en grande partie sur fonds publics, il faut payer, par exemple 5,99 € pour un récital de 1961 de Charles Trenet sur Amazon. Grrrr !
Bref, calmons-nous, restons en Angleterre, et apprécions ce que nous propose la British Library.
Sa collection Syliphone n'est pas le résultat de la numérisation de disques, mais rentre dans le cadre d'un programme de sauvetage d'archives en danger. Le label Syliphone de Guinée est très particulier : c'est un label d’État, créé dans les années 1960 dans le cadre de la politique culturelle d' "Authenticité" du Président Sékou Touré. On ne s'attend pas à ce que, dans un tel cadre, une création artistique de qualité soit produite, mais c'est pourtant le cas avec Syliphone.
C'est à l'australien Graeme Counsel que l'on doit ce travail. Dans le chapitre Music for a revolution: the sound archives of Radio Télévision Guinée du livre From Dust to Digital: Ten Years of the Endangered Archives Programm, il explique comment, de collectionneur de disques du label, il est devenu archiviste-sauveteur des archives de Télé Radio Guinée, après avoir appris que la collection nationale des disques Syliphone avait été bombardée lors d'une tentative de coup d'état en 1985. En trois campagnes, entre coups d’État et attentats, il a pu sauvegarder des centaines de bandes magnétiques et c'est le résultat de son travail qui est disponible depuis janvier 2016.
Parmi les quelques titres en français de cette immense archive que j'ai écoutés, j'ai sélectionné Elle fait semblant de Philo-Kola.
Philippe Kola Ntalulu, dit Philo-Kola, est mort à La Verrière dans les Yvelines en mai 2012. Il est surtout réputé pour avoir été le bassiste des orchestres African Fiesta National et Afrisa International de Tabu Ley Rochereau, mais il a sorti au moins deux albums sous son nom, Elle fait semblant à la fin des années 1970 et Elle me rend fou en 1984.
La chanson Elle fait semblant m'a plu, notamment parce qu'elle m'a fait penser à Jeannot de Lolo Lolitta et Tchico : c'est presque un sketch, ou une mini-pièce de théâtre, avec un dragueur qui interpelle "Bonjour ma soeur" et qui se plaint ensuite de la réaction de la fille : "La femme africaine, où est ta gentillesse ?". Il la salue en différentes langues, et à chaque fois elle ne répond pas et les chœurs interviennent : "Elle me répond toujours pas, Hey, en me disant, Hey, est-ce que tu me connais ?".
Ce document vient donc des archives de RTG et a été inclus dans la collection des archives Syliphone, mais je ne pense pas que ce titre a jamais été publié par ce label. D'abord, il ne figure pas dans le catalogue exhaustif de Graeme Counsel. Ensuite, Discogs ne mentionne à ce jour qu'une édition de l'album, chez Appolo Musique en Côte d'Ivoire.

Elle fait semblant

Parmi tous les titres en français de l'archive que j'ai écoutés, il y a de très bonnes choses, et quelques horreurs, surtout datées des années 1980 et 1990, avec une production "moderne" déjà très datée. Mais même dans ces années-là, il y a de grandes réussites.
Voici, sans ordre particulier, ma sélection de l'archive :