30 décembre 2017
MORTIMER SHUMAN : Le lac majeur
Acquis d'occasion dans la Marne sûrement au 21e siècle
Réf : 6837 534 -- Édité par Philips en France vers 1978 -- Disque hors commerce - Vente interdite -- Offert par la Fromagerie des Chaumes
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le lac majeur -/- Shami-sha
J'ai acheté ce disque en pensant que c'était l'édition la plus courante, celle qui s'est énormément vendue en France en 1972. Le recto de la pochette est strictement identique, mais il est précisé au dos que le disque est "Offert par la Fromagerie des Chaumes", dans le cadre d'une opération commerciale dont j'ignore tout si ce n'est qu'elle piochait dans le catalogue Philips. Quelqu'un chez Discogs a daté ce disque de 1978, sûrement à partir du numéro de catalogue, qui est différent de l'original.
Cette semaine, en plein réveillon, on s'est lancé dans un blind test familial, évidemment très nostalgique. Dès les premières notes de Le lac majeur, on a tous reconnu la chanson et on s'est mis à la chanter même si, comme c'était mon cas, on ne l'avait pas écoutée depuis des années. Il faut dire que nous avions à la maison l'album Amerika, dont ce 45 tours est extrait, et, contrairement à d'autres disques, il plaisait à toute la famille !
Je m'étais plongé à l'époque dans les notes de pochette de Jean-François Vallée au dos de l'album. Il y était question du parcours de Mort Shuman comme compositeur de tubes rock, notamment pour Elvis Presley. J'avais enregistré l'information, mais sans me rendre compte de l'importance de cette œuvre.
Aujourd'hui, avec le recul et en connaissant mieux l'histoire du genre, c'est plus clair, et on sait que Mort Shuman a bien mérité sa place au Songwriters Hall of Fame et au Rock & Roll Hall of Fame. Avec et parfois sans son compère Doc Pomus, Mort Shuman c'est quinze chansons pour Elvis Presley (dont Marie's the name (His latest flame), Viva Las Vegas et Surrender), c'est Save the last dance for me, et je pourrai m'arrêter là, ça suffit à inscrire nom dans l'histoire, mais c'est aussi Cant' get used to losing you, Sweets for my sweet, A teenager in love pour Dion et, alors que Shuman avait quitté les Etats-Unis pour s'installer à Londres, Sha la la la lee pour les Small Faces,...
Fasciné par Brel, il signe en 1968 les adaptations de ses chansons en anglais pour la comédie musicale Jacques Brel is alive and well and living in Paris. Son succès contribuera à le faire connaître aux anglo-saxons. Les versions par Scott Walker ou David Bowie reprendront le plus souvent les adaptations de Shuman. Pas mal tout ça, sachant que Mort Shuman n'avait encore que trente ans en 1968 !
Mais si vous parlez de Mort Shuman à un français (son prénom complet Mortimer figure sur la pochette de ce 45 tours et sur celle d'Amerika, mais c'est Mort qui est utilisé sur les rondelles et partout ailleurs), c'est sa seconde carrière, celle de compositeur-interprète qu'il connaîtra, celle lancée magistralement avec Le lac majeur, qui va se poursuivre tout au long des années 1970 et 1980, avec notamment Papa Tango Charly, Un été de porcelaine et Sorrow, la chanson du film A nous les petites anglaises.
Mais revenons au disque. Le lac majeur, c'est certes de la variété un peu grandiloquente, tant dans les arrangements de cordes que dans les paroles (d’Étienne Roda-Gil, la référence à Michel Bakounine me passait alors et me passe toujours au-dessus, même si on peut entendre des influences russes dans la musique), mais c'est avant tout une très belle chanson, lente, avec un refrain ("J'ai tout oublié du bonheur, il neige sur le lac Majeur"), qui revient et reste en tête dès qu'on entend les premières notes.
D'avoir mis Shami-sha en face B, c'est presque du gâchis. Si cet autre titre de l'album était sorti séparément en 45 tours, il se serait aussi sans doute très bien vendu. Je crois d'ailleurs qu'il passait beaucoup dans les radios, et l'étiquette de promotion rouge ajoutée sur l'album mentionnait ces deux titres.
J'aime beaucoup cette chanson, qui est très poppy, et en la réécoutant je me disais qu'elle n'était pas si éloignée que ça des tubes américains signés Pomus-Shuman. Je ne croyais pas si bien dire ! Un gars sur YouTube m'a mis sur la piste en indiquant que la base musicale de Shami-sha est la même que celle de Suspicion, enregistrée par Elvis Presley pour son album Pot luck en 1962, mais c'est Terry Stafford qui en a fait un tube en 1964. Les Chats Sauvages, avec Mike Shannon au chant, en ont fait, aussi en 1964, une adaptation en français, Obsession, qui est une réussite. Ce n'est que l'une des nombreuses versions françaises de chansons de Doc Pomus et Mort Shuman.
Jean-François Vallée y faisait allusion, et c'est aussi mentionné dans Lonely avenue, le livre d'Alex Halberstadt sur la vie de Doc Pomus : Mort Shuman a fait pas mal d'excès en tous genres dans sa jeunesse. Ça explique peut-être en partie son décès précoce à 53 ans en 1991, quelques mois seulement après Doc Pomus.
Mort Shuman, Le lac majeur, en direct dans l'émission Tour de chant, le 18 décembre 1972.
Mort Shuman, Le lac majeur.
Témoignage de Mort Shuman après la mort d'Elvis Presley dans le journal de 20h d'Antenne 2, le 17 août 1977.
28 décembre 2017
LINTON KWESI JOHNSON : Liesense fi kill
Acquis à la Bourse aux disques de la Cartonnerie à Reims le 15 décembre 2012
Réf : LKJ T4 -- Édité par LKJ en Angleterre en 1998
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Liesense fi kill -/- License fi dub
J'ai l'air bien ! Quand j'ai chroniqué Politik kills de Manu Chao, je me suis échiné à essayer de reconstituer la généalogie complexe de cette chanson. Mais, quand il s'est agi de parler du Dennis Bovell remix, sur lequel Linton Kwesi Johnson intervient en chantant quelque chose comme "Some politics kill, them got license to kill",je n'ai même pas été capable de faire le lien avec cette chanson de 1998 de LKJ !
Certes, More time, l'album sur lequel on trouve cette chanson, est le seul des disques studio de LKJ que je n'ai pas, mais j'ai ce maxi depuis cinq ans et j'aurais dû penser à le ressortir au moment où j'ai épluché le CD de Manu Chao.
J'ai acheté ce disque à l'une des bourses aux disques organisées par La Cartonnerie, le même jour que le Mansfield Tya et, comme le Saddlebop, sur le stand de Radio Primitive.
Comme l'indique le communiqué de presse glissé dans la pochette, ce disque a été envoyé à la radio pour annoncer la signature de Linton Kwesi Johnson sous licence chez WEA France et l'arrivée prochaine de More time. Rien n'indique que, à l'origine, ce maxi anglais sorti sur le propre label de LKJ était destiné à la promotion.
Ce qui marque dans un premier temps à l'écoute de Lisense fi kill, c'est combien le style de poésie dub élaboré par LKJ est resté stable au fil des années, depuis Dread beat an' blood en 1978. Mais ce qui compte c'est que c'est constamment d'une très grande qualité. Là, sur ce titre assez long, il se passe quelque chose après une à deux minutes. Il y a une respiration avant le refrain, le tempo accélère il me semble et la chanson prend une autre dimension. L'autre moment important, c'est quand le violon entre dans la danse un peu plus tard.
Pas facile de comprendre toutes les paroles. En concert au Zénith à Paris en 2003, LKJ expliquait en introduction que la chanson parlait de l'augmentation importante des morts de noirs en détention. C'est comme si la conspiration du silence qui entourait ces morts pouvait s'interpréter comme un permis de tuer donné aux forces de l'ordre racistes.
Initialement, j'ai pensé que le License fi dub qu'on trouve ici en face B était identique, même s'il y a une variation orthographique sur "License", au Liesense fi dub qui a été inclus en 2002 sur l'album LKJ in dub volume 3. Mais en fait non. Mon License fi dub n'est guère plus qu'une version instrumentale de la face A, avec quelques bouts de voix et juste un peu d'écho. Liesense fi dub est plus intéressant, avec, avec un vrai mixage dub plein d'effets.
Linton Kwesi Johnson, Liesense fi kill, sans les mots d'introduction, en concert au Zénith à Paris en avril 2003, extrait du DVD Live in Paris.
26 décembre 2017
THE SHANGRI-LAS : Leader of the pack
Acquis chez Hervé L. à Épernay le 24 juillet 2017
Réf : RB10 014 -- Édité par Red Bird en Angleterre en 1964
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Leader of the pack -/- What is love
La quarantaine de 45 tours très variés rachetés à Hervé cet été m'aura finalement beaucoup donné matière à chronique, puisque c'est le cinquième disque du lot que je passe ici en revue, après Marie-Josée et Roger Clency, Michou, Goguin Houzinmé et un autre disque des années 1960, Can't take my eyes off you de Frankie Valli.
Là, il s'agit du pressage anglais original d'un classique des Shangri-Las, ce girl group produit par Shadow Morton à la manière des Ronettes et autres productions de Phil Spector.
Red Bird était le label de Leiber et Stoller, et la face A est co-signée par deux autres légendes, Jeff Barry et Ellie Greenwich. Excusez du peu !
Il n'y a jamais eu de pochette illustrée pour cette édition, mais j'aurais bien aimé avoir au moins la pochette neutre du label Red Bird.
Le succès du groupe n'a pas duré très longtemps, et on connaît moins leurs plus petits tubes comme Give him a great big kiss et I can never go home anymore, mais les Shangri-Las auront quand même gravé deux grands classiques, Remember (Walking in the sand) et surtout ce Leader of the pack.
Tous les ingrédients sont là pour marquer : la composition du groupe (deux fois deux sœurs, dont deux jumelles), la qualité de la production, effets sonores compris, et la chanson elle-même, qui réussit l'exploit de condenser une tragédie shakespearienne en moins de trois minutes :
- Dis, c'est vrai que tu sors avec le chef de la bande ?
- Oui, je l'ai rencontré à la confiserie. Il s'est retourné et il m'a souri ? Pas besoin de vous faire un dessin ?
Mais les parents désapprouvent le choix de ce mauvais garçon et lui demandent de rompre. Elle lui apprend la mauvaise nouvelle, et c'est le drame.
Il a esquissé un sourire et m'a fait un baiser d'adieu.
Les larmes commençaient à se voir quand il est reparti à moto par cette nuit pluvieuse.
Je l'ai supplié de ralentir mais jamais je ne saurai s'il m'a entendu.
Qu'il l'ait entendue ou pas, le bruit de l'accident qu'on entend ensuite nous laisse comprendre que les statistiques de la sécurité routière en ont pris un coup ce soir-là
C'est facile de se moquer gentiment, et nombreux sont ceux qui l'ont fait, dont The Detergents avec Leader of the laundromat, mais la chanson est une miniature pop parfaite, de l'accompagnement musical au chant et aux chœurs, y compris la meilleure utilisation dans le rock du son d'une Harley Davidson.
Je ne connais pas bien la discographie des Shangri-Las, mais la qualité de la face B de ce ce 45 tours en dit long sur le talent de Shadow Morton. A cette époque, peu de producteurs auraient "gâché" une production du calibre de What is love en la reléguant au dos d'un 45 tours !
The Shangri-Las dans le jeu télévisé américain I've Got A Secret.
Juste avant, les invités n'avaient pas réussi à reconnaître la chanson, à partir des paroles récitées par l'acteur-chanteur Robert Goulet et les présentateurs.
Les Shangri-Las ne sont que trois, car Elisabeth Weiss évitaient souvent les apparitions publiques. C'est la seule vidéo que j'ai trouvée, et la prestation est gâchée par le côté comique de l'apparition de Robert Goulet à moto.0
Un extrait du DVD Songmakers collection, dans lequel on voit les Shangri-las en studio.
17 décembre 2017
BILLY SWAN - SANTANA : Dialogue...
Acquis chez La Ressourcerie de l'Île à Rezé le 9 décembre 2017
Réf : ESP 12040 -- Édité par CBS Special Products en France en 1976
Support : 45 tours 17 cm
Titres : BILLY SWAN : I can help -- SANTANA : Evil ways (Extrait) -/- BILLY SWAN : Don't be cruel (Slow version) -- SANTANA : Oye como va (Extrait)
Drôle d'objet que ce disque, trouvé à la ressourcerie de Nantes la semaine dernière.
On comprend qu'il a été réalisé pour une opération commerciale de la banque Crédit Mutuel (dont le logo n'a pas changé en plus de quarante ans), mais laquelle ? Peut-être quelque chose de festif vu le dessin ? Et il y a ce titre Dialogue..., dont on serait bien incapable de dire s'il se rapporte à la relation entre la banque et ses clients où aux deux artistes présents sur le disque. Car c'est une des autres particularités de ce 45 tours d'associer dans ses sillons Santana et Billy Swan, qui n'ont a priori en commun que d'avoir été tous les deux distribués par CBS en France en 1976 ! Et puis, ce 45 tours n'est pas tout à fait un EP, car les deux titres de Swan sont complets, mais ceux de Santana ne sont que des extraits.
La pochette est signée Xavier Armange. Je pensais comme souvent avoir affaire à un inconnu, mais non ! Il a certes débuté dans la communication, mais est désormais réputé comme écrivain, illustrateur, photographe et éditeur. N'en jetez plus ! Je ne sais pas s'il y a un rapport, mais j'ai acheté mon disque dans l'agglomération nantaise et Xavier Armange est originaire de cette ville. Ce qui est sûr en tout cas, c'est que la maison d'édition D'Orbestier qu'il a fondée et sa filiale jeunesse Rêves Bleus ont actuellement leur siège dans la rue même où je logeais le week-end dernier !
Je me suis surpris moi-même en découvrant que j'avais déjà chez moi trois 45 tours de Billy Swan, mais le plus étonnant c'est qu'aucun de ces disques n'est I can help, son méga-tube, que j'ai pourtant beaucoup aimé quand on l'entendait partout par chez nous en 1975. Je ne comprends pas pourquoi je n'ai encore jamais acheté le 45 tours du commerce qui est très courant.
Certes, Billy Swan n'a jamais renouvelé ce succès, mais il serait faux de dire que c'est l'homme d'un seul tube : il a composé au début des années 1960 la chanson Lover please, dont Clyde McPhatter a fait un succès en 1962. On en trouve une version par son auteur sur son premier album de 1974, aussi intitulé I can help, mais la version définitive pour moi, même si elle a peu à voir avec les autres, restera éternellement celle, instrumentale, qu'on trouve sur l'album Back in your life de Jonathan Richman & the Modern Lovers.
Réputé comme auteur, musicien de session et producteur (il a travaillé sur Polk salad Annie de Tony Joe White), Billy Swan ne s'attendait sûrement pas à se retrouver sur le devant de la scène avec son premier album sous son nom. Il a composé I can help accompagné d'une boite à rythmes sur un petit orgue électrique offert pour son mariage par Kris Kristofferson et Rita Coolidge. Ça s'entend dans la version finale, portée par cet orgue, qui fonctionne sûrement grâce à son rythme chaloupé et son petit hoquet de refrain qu'est "I can help".
L'autre titre de Billy Swan sur ce disque est aussi extrait de l'album, une excellente version ralentie de Don't be cruel d'Elvis Presley. Billy et Elvis se connaissaient depuis que Billy Swan avait séjourné pendant plusieurs mois à Memphis en 1963 : il logeait chez Travis Smith, l'oncle d'Elvis qui était aussi le gardien de Graceland. Elvis a enregistré sa propre version d'I can help, très fidèle à l'originale, en 1975 pour son album Today.
Le seul titre de Santana qui m'a vraiment intéressé dans les années 1970, c'est son instrumental Europa. Jusqu'à ce que j'écoute mon disque cette semaine, je ne crois pas que je connaissais Evil ways. C'est une reprise d'un titre de 1967 de Willie Bobo qui est très importante pour Santana : on la trouve sur le premier album du groupe et, sortie en 45 tours, ce fut leur premier succès. Ils en ont donné une version mémorable au festival de Woodstock en 1969. Le plus étonnant, c'est que, avec l'orgue, l'enchaînement d'I can help et d'Evil ways fonctionne très bien.
J'ai connu Oye como va pas au moment de la sortie de l'album Abraxas en 1970 mais au début des années 1980 par l'intermédiaire de la version qu'en donnait sur scène un groupe de copains de Châlons dont je n'arrive pas à retrouver le nom. Mais une fois encore, l'original n'est pas de Santana : il s'agit d'un titre de 1963 écrit par Tito Puente. C'est une chanson latino-rock qui m'a toujours bien plu.
Dommage qu'il n'y ait de la place que pour des extraits de ces deux titres de Santana sur mon disque. En tout cas, en le choisissant, je ne pensais pas faire une aussi bonne affaire.
Billy Swan, I can help, en direct dans l'émission The midnight special de Burt Sugarman.
Billy Swan, Don't be cruel.
Santana, Evil ways, en concert au Tanglewood à Lenox, le 18 août 1970.
Santana en concert au Tanglewood à Lenox, le 18 août 1970 (Oye como va à 13'19 s).
16 décembre 2017
McCARTHY : Red sleeping beauty
Sûrement offert par un ami anglais, probablement Luke Chromatone, à Londres en 1986
Réf : PINKY 12 -- Édité par Pink en Angleterre en 1986
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Red sleeping beauty -/- From the damned
Je suis en train de finir de lire le gros livre tout récent de Neil Taylor, C86 & all that : The creation of indie in difficult times. Il fourmille d'informations sur la scène indépendante britannique des années 1980, avec des gros plans sur la genèse de Creation, Television Personalities, Felt et tous les groupes qui ont participé à la compilation C86 du NME. Neil Taylor est bien placé pour en parler, puisqu'il était à l'époque journaliste au NME et qu'il fait partie de ceux qui ont sélectionné les groupes et les titres pour cette compilation.
Il y a plusieurs pages sur McCarthy dans le livre, et on y a apprend notamment que le groupe pensait sincèrement que le titre fourni pour C86, Celestial city, était ce qu'ils pouvaient faire de mieux. Mais juste après ils ont enregistré Red sleeping beauty et se sont tout de suite rendus compte que c'était une classe au-dessus.
Je ne sais plus vraiment comment j'ai récupéré ce 45 tours, mais le plus probable est que c'est l'ami Luke qui me l'a donné lors d'un de mes séjours à Londres à l'époque, puisque c'est une de ses pochettes Chromatone Design, comme il en a fait beaucoup pour Creation et ce label cousin qu'était Pink. Non pas qu'il ait eu beaucoup à faire pour cette pochette, puisque le recto est entièrement occupé par la photo en noir et blanc à l'objectif en œil de poisson de Steve Double (à tel point qu'un macaron a été ajouté pour indiquer le nom du groupe), tandis qu'au dos on ne trouve que les crédits de base, dans un blanc sur fond noir des plus sobres, mais qui ne peut que m'évoquer le verso de Someone stole my wheels !
Ceci est le deuxième 45 tours de McCarthy, après In purgatory. J'ai tout de suite aimé Red sleeping beauty. Je ne crois pas m'être fait la remarque à l'époque, mais l'introduction instrumentale me fait penser aujourd'hui à celle de The instrumental d'un autre groupe Pink, The June Brides. Mais le petit truc qui me fait craquer, c'est un coup de caisse claire à contretemps du batteur Gary Baker, visiblement un excellent musicien qui fait ici une prestation digne de celle de Stephen Morris sur Atrocity exhibition de Joy Division.
La chanson dans son ensemble est tout à fait dans le style jangling/noisy de l'époque, avec même sur la fin un son qui annonce presque le bon My Bloody Valentine de 1988.
La particularité du groupe est qu'ils étaient politiquement impliqués, ce qui se reflète subtilement dans les paroles. On apprend dans le livre que le rouge de cette Belle au bois dormant rouge est bien en référence au communisme et à la révolution.
La face B, From the damned, est très bien et très énergique également.
Danceteria a sorti en France en 1988 une compilation des premiers singles de McCarthy, A la guillotine !, qui s'ouvre sur Red sleeping beauty. Elle a contribué à faire connaître le groupe par chez nous, ce qui explique sûrement que les deux seules vidéos en public qu'on trouve de Red sleeping beauty sur YouTube ont été tournées en France.
McCarthy s'est séparé en 1990 après avoir sorti trois albums. Tim Gane a fondé ensuite Stereolab avec Lætitia Sadier, qui les avait rejoints sur la fin. Le chanteur Malcolm Eden a lui sorti deux disques avec Herzfeld, un groupe qui comprenait aussi Philippe Lavergne des Freluquets !
Parmi les fans célèbres de McCarthy, on compte Manic Street Preachers, qui ont publié pas moins de trois reprises du groupe, dont une version très fidèle de Red sleeping beauty, en 2007, en face B d'Autumnsong.
On trouve en ligne assez peu d'informations détaillées sur McCarthy, mais on peut lire avec intérêt les entretiens réalisés par Tommy Gunnarsson pour Pennyblackmusic avec Malcolm Eden, Tim Gane et John Williamson.
McCarthy, Red sleeping beauty, en concert à La Locomotive, à Paris, le 21 mai 1987.
McCarthy, Red sleeping beauty et A child soon in chains, en concert à Lille et à la télévision le 19 mars 1988.
11 décembre 2017
TAMARII MATETE NO UTUROA : Un vendredi au marché d'Uturoa
Consulté la première fois sur YouTube en 2016
Réf : [sans] -- Diffusé par Lane2812 le 14 octobre 2013
Support : 1 fichier flv
Titre : Un vendredi au marché d'Uturoa
C'est Philippe R. qui m'a envoyé le lien vers cette vidéo la semaine dernière en me disant que j'allais l'aimer. Il connaît suffisamment mes goûts pour n'avoir eu aucun risque de se tromper. Et même, je connaissais déjà cette vidéo, sûrement parce qu'il avait déjà dû me la signaler l'an passé !
Le contexte est simple : nous sommes sur l'île Raietea à Uturoa, chef-lieu des Îles Sous-le-Vent, en Polynésie Française. C'est vendredi, jour de marché, et visiblement, un groupe d'amis s'y donne rendez-vous toutes les semaines jusque midi pour y jouer et chanter ensemble.
L'extrait qu'on peut voir, c'est un long morceau, tout à fait dans la veine de mes disques préférés de chansons de Tahiti, comme Oiseaux de paradis ou Tahiti : Île de Paradis. Sauf que là, ce n'est pas dans les années 1950, c'est vivant, en train de se créer devant nous.
Ils sont une dizaine à chanter et à jouer, avec basse, guitare, ukulélé, percussions et des instruments traditionnels que je ne reconnais pas. Les gens passent, s'arrêtent ou non, se déhanchent. Un moment de plaisir pur, comme on a pu en vivre lors de concerts de Jonathan Richman. Le meilleur de ce que la musique peut nous apporter.
J'ai souvent l'occasion de dire que les disques me permettent de faire des voyages immobiles. Grâce à ce genre de vidéos, désormais facilement accessibles, l'expérience s'améliore encore. Là, j'ai carrément l'impression d'être allé au marché ce matin, d'être tombé sur les Tamarii Matete no Uturuoa au coin de la rue et d'en être revenu remonté à bloc pour la semaine !
03 décembre 2017
LES AMIS DES ONDES : A la recherche du temps... des biguines
Acquis chez Récup' R à Dizy le 25 novembre 2017
Réf : CELINI 108 -- Edité par Aux Ondes/Disques Célini en France en 1970
Support : 33 tours 30 cm
10 titres
J'ai fait un petit tour à la Ressourcerie la semaine dernière. Dans un premier temps, j'ai cru qu'il n'y avait eu aucun arrivage récent de disques, puis en fouillant un peu, j'ai trouvé un bel exemplaire du Vacances-party de Georges Jouvin, et puis un album de Duffo, le premier Herman Brood and his Wild Romance... Finalement, je suis reparti avec six 33 tours, la plus belle pièce étant celui-ci, un exemplaire acquis par "Lisiane" à Fort de France en juillet-août 1976.
Quand je pense que, la veille encore, je participais à une rencontre avec l'écrivain guadeloupéen Daniel Maximin, au cours de laquelle il a insisté sur l'importance de la musique dans son écriture. Je lui avais expliqué que je voyageais souvent aux Antilles, par la musique, grâce aux disques que j'achète autour d’Épernay. A ce moment-là, je n'espérais pas ajouter un disque à ma collection dans les heures qui allaient suivre !
Le recto de la pochette fait peur, pourtant. Quand j'ai vu le haut du disque et de la photo, je m'attendais à un disque folklorique typique, genre du sud de la France continentale. Et puis, j'ai vu le mot "biguines" en bas de la pochette, et j'ai tout de suite su que ce disque allait m'intéresser. Et j'en ai été certain quand j'ai retourné la pochette et que j'ai vu que c'était un disque Célini/Aux Ondes.
Ce 33 tours est un album au sens propre, en ce sens qu'il a une pochette ouvrante, avec un feuillet supplémentaire. On y voit les musiciens en studio le 1er novembre 1969, dont Robert Mavounzy, qui m'avait déjà beaucoup plu il y a quelques temps sur le 45 tours Adieu foulard adieu madras. Là, il retrouve un autre grand saxophoniste, Émilien Antile, ainsi que Tony Faisans à la basse Fender et Philippe Dambury (pour les noms que j'arrive à déchiffrer). Et l'invitée d'honneur de ce disque, dont le but était de mettre à l'honneur la biguine d'antan, est la chanteuse, qui n'est autre que Madame Lise Mavounzy, la maman de Robert.
J'étais bien content de mon achat, mais je l'ai été encore plus dès les premières notes de Tête cantée sur le côté, qui donnent bien le ton de tout le disque : c'est rythmé, dansant, hip pop optimiste et excellent de bout en bout. La preuve sur la suite de la face avec Ban moin on lisine, Roulé la bodé et Moune dino.
Quand les titres s'allongent en fin de face, avec Mayé quand minme et le sommet du disque, En ké ba ou ça, ça donne la possibilité aux musiciens de s'en donner à cœur joie dans des parties instrumentales.
Le rythme ne faiblit pas en face B, avec Licifé, Belzébithe, Mac Mahon, Boboyotte en moin, Téléphonez la femme au galop, qui démarre avec le son d'une sirène, et Diab'la prend yo.
Toutes les chansons sont créditées comme du "Folklore", mais je m'étonne un peu car les seules références qu'on trouve aux titres de ces chansons mènent à ce disque. Soit ces chansons sont vraiment traditionnelles, mais elles sont peu référencées et enregistrées par ailleurs, soit la plupart ont des paroles au moins en partie originales.
A propos de ces paroles et de Madame Mavounzy, c'est paradoxalement dans un livre en anglais publié en 2000 aux Presses de l'Université de Chicago (Awakening spaces : French Caribbean popular songs, music and culture, de Brenda F. Berrian) que j'ai trouvé le plus d'informations.
Page 153, on apprend d'abord que Madame Mavounzy a été reine de la Fête des cuisinières. C'est grâce à ça que j'ai compris que les photos en couleurs de la pochette ont été prises pendant la parade de cette fête.
Ensuite, et surtout, on découvre que les paroles des chansons de ce disque sont truffées d'allusions sexuelles, qui sont mieux acceptées venant d'une dame âgée et donc respectable ! Ainsi, il serait question de femme adultère dans Téléphonez la femme au galop, d'une femme qui couche avec trois hommes différents dans Licifé, Belzébithe et Mac Mahon, d'une femme enceinte indifférente à sa grossesse dans Roulé la bodé et d'une femme qui apprécie les rencontres sexuelles dans En ké ba ou ça où, sans rougir, Mme Mavounzy décrit quatre positions différentes et chante sur le refrain "Je vais t'en donner jusqu'à t'épuiser, je vais t'en donner, jusqu'à ce que tu supplies pour en avoir plus" !
Cet album, ainsi que l'album de 1972 Musique folklorique d'Al Lirvat et Robert Mavounzy, a été réédité en double CD dans la collection Nostalgie Caraïbes, mais cette édition semble actuellement indisponible.
02 décembre 2017
NANCY HOLLOWAY : T'en vas pas comme ça
Acquis sur le vide-grenier de la rue de la Chaude Ruelle à Épernay le 11 novembre 2014
Réf : 70.917 -- Édité par Decca en France en 1964 -- Offert par Phildar
Support : 45 tours 17 cm
Titres : T'en vas pas comme ça (Don't make me over) -/- Tu n'es pas venu (Whirlpool)
Certains laissent parfois entendre que tous les 45 tours deux titres (en opposition aux EP quatre titres) de la première partie des années 1960 sont destinés aux juke-box. On en avait déjà parlé à propos de Satisfaction : il y avait bien des versions deux titres qui sortaient dans le commerce en parallèle des EP. La pochette n'était pas en quadrichromie, elle n'était pas pelliculée et, avec les deux titres en moins, ça faisait un disque vendu moins cher dans le commerce.
Ce 45 tours-ci de Nancy Holloway est sorti quelques mois après l'édition originale en EP. Mon exemplaire porte une étiquette dorée qui indique qu'il a été "Offert par Phildar", probablement à l'occasion d'une opération de promotion, locale ou nationale. Le petit plus avec cette édition c'est que la photo utilisée n'est pas la même que pour le EP :
La pochette du EP 4 titres, sûrement plus facile à trouver que le 45 tours simple.
De nombreux artistes américains se sont établis en France dans les années 1960. Certains sont repartis après quelques années, d'autres sont restés, comme Memphis Slim ou Mickey Baker. Nancy Holloway vit toujours par chez nous.
On trouve sur ce disque deux adaptations en français de succès américains, avec un orchestre dirigé par quelqu'un que je ne connaissais pas, Jean Leccia, qui se trouve avoir fait le chemin inverse de Nancy Holloway puisque ce français a fait par la suite carrière aux États-Unis, vivant pendant longtemps à Las Vegas.
T'en vas pas comme ça est une version de Don't make me over, le tube énorme de Dionne Warwick. Je ne suis pas particulièrement fan du style un peu grandiloquent de Bacharach et David, mais j'admets bien volontiers que cette chanson est parfaitement réussie et d'une grande efficacité. L'interprétation de Nancy Holloway, avec sa pointe d'accent, et l'arrangement musical sont de très bonne tenue.
Mais je préfère la face B, une reprise de Whirlpool, un 45 tours de Wanda Jackson de 1962. Au moment de rédiger ces lignes, je viens de tomber sur une chronique de l'an dernier de Kevin du 77 pour Requiem pour un twister et il y dit exactement ce que je pense. Certes, la chanson originale est très bien, mais Tu n'es pas venu est une chanson enthousiasmante, avec son rythme chaloupé et ses chœurs, l'accompagnement de guitare, et surtout les solos enchaînés d'orgue et de guitare.
La même année que Nancy Holloway, une certaine Peggy a également enregistré Tu n'es pas venu, dans une version moins forte, au chant qui penche un peu vers Françoise Hardy.
Sylvie Vartan a aussi interprété Whirlpool, mais en anglais, dans une version plus teintée Rhythm and Blues. L'enregistrement date de 1965, mais il n'est apparemment sorti qu'en 2010, sur un 45 tours avec Ne t'en vas pas en face B (rien à voir avec Don't make me over). Ce qui me rappelle qu'il y a quelque chose de singulier à voir l'association des deux titres de mon 45 tours de Nancy Holloway : le gars, s'il n'est pas venu, il ne risque pas de s'en aller comme ça !
Ajout du 29 août 2019 :
Nancy Holloway est morte à 86 ans le 28 août 2019. En hommage, l'INA a diffusé ce passage télé de 1963 où elle interprète T'en vas pas comme ça :
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