31 août 2013
LOUIS-RENÉ FRANCONY ET YVES MARSILE : En jouant guitar en moin
Acquis d'occasion dans la Marne vers le début des années 2010
Réf : DD 7 -- Edité par Disques Debs en France vers 1963
Support : 45 tours 17 cm
Titres : En jouant guitar en moin -- Epi le temps -/- Moin inmé la pointe -- Solei en Guadeloupe
Henri Debs est mort le 19 août, à 80 ans. La ministre de la culture a publié un communiqué très lapidaire, insistant sur son rôle dans la production et le développement du zouk, et soulignant involontairement l'éloignement des départements français des Antilles ("Il a mis son fameux label Debs Music au service des artistes des Antilles, pour que leur talent enchanteur parvienne jusqu'à nous"). Le communiqué du ministre des Outre-Mer, Victorin Lurel, qui a perdu un ami, est un peu plus chaleureux mais reste cantonné à l'exercice de style dans l'emploi du superlatif. L'article du Monde se contente de reprendre les informations des communiqués en y ajoutant deux vidéos piochées sur Youtube, mais il a au moins le mérite de m'avoir appris la nouvelle.
Sur place à Pointe-à-Pitre, un hommage lui a été rendu place du Marché aux Epices le 21 août (voir le reportage d'ATV) et ses obsèques ont eu lieu le 27.
Pour ma part, c'est après avoir acheté Désordre musical des Maxel's il y a cinq ans que j'ai commencé à m'intéresser aux productions antillaises. Depuis, j'ai acheté de nombreux disques sortis par Aux Ondes/Célini et par Debs. Un seul avait été chroniqué ici jusqu'à maintenant, un autre 45 tours des Maxel's, mais dans les lots de 33 tours antillais que j'ai achetés cette année, il y en avait beaucoup édités par Debs, l'auto-proclamé "Sauveur de la musique Antillaise" ("Si on la défend de nos jours c'est que DEBS l'a sauvée jadis.").
Pour l'occasion, j'ai ressorti de mes étagères ce disque crédité à Yves Marsile et Louis-René Francony, parce que c'est le plus ancien des disques du label que je possède, mais aussi parce qu'ils y sont accompagnés par le Quintet d'Henri Debs. En effet, avant d'être un commerçant (disquaire à partir de la fin des années 1950), producteur et éditeur de disques (avec un studio à l'arrière de la boutique, comme ce fut le cas pour de nombreux producteurs de reggae à la même époque en Jamaïque), Henri Debs était un musicien et chef d'orchestre. Il est au piano sur ce disque, qu'il a enregistré et dont il signe les arrangements (Il a aussi pris de nombreuses photos de pochette des disques qu'il a édités).
Les quatre titres sont apparemment signés par deux personnes nommées Gentille et prénommées Andoche Firmin pour le premier et J. pour les trois suivants.
En jouant guitar en moin est un "boléro cha" (un croisement entre boléro et cha cha cha ?), qui décolle vraiment dans les passage où Yves Marsile laisse chaque instrument décrire, très brièvement, le son qu'il produit. Epi le temps est dans l'un des styles cubains à la mode de l'époque, la pachanga, mais je lui préfère les deux biguines de la face B, Soleil en Guadeloupe, et surtout Moin inmé la Pointe, avec son refrain "Si tu n'as pas de femme, disons tu es un chien sur la terre" (je n'arrive pas à en comprendre toute la deuxième moitié de ce refrain, qui se termine par "comme des canards qui se promènent"), suivi d'un beau solo de saxo de Louis-René Francony.
Yves Marsile a visiblement eu une longue carrière de chanteur par la suite. Louis-René Francony a sûrement également poursuivi son parcours musical, mais il ne semble pas avoir sorti beaucoup de disques sous son nom.
Au 20 rue Lamartine à Pointe-à-Pitre, là où se trouvaient les Disques Debs au moment de la sortie de ce 45 tours, il semble que la boutique soit actuellement un magasin de vêtements, mais il y a toujours une enseigne Debs Music dans la ville, ainsi qu'à Paris,rue du Faubourg Poissonnière. Je ne l'ai pas encore lu (ça ne saurait tarder), mais on peut y trouver le livre sorti par Henri Debs fin 2011, Mémoires et vérités sur la musique aux Antilles, avec en bonus pour l'occasion le CD de 2009 A Rose-marie, amour éternel (la même offre est proposée chez Antilles-Mizik).
Le verso de la pochette. Henri Debs est en haut à gauche.
24 août 2013
MY LIFE STORY : Strumpet
Acquis dans une boutique de charité de Saint Sampson le 29 mai 2013
Réf : CDRS 6464 -- Edité par Parlophone en Angleterre en 1997
Support : CD 12 cm
Titres : Strumpet -- Waiting to explode -- I faced the music -- March 9th
Il y avait une assez grande quantité de CD dans cette boutique sur l'île de Guernesey. Rien de folichon non plus puisque j'en suis ressorti avec trois disques en tout et pour tout : le 1er volume de la série Pebbles, une énième édition de Sit down de James (un remix de 1998 dont je ne soupçonnais même pas l'existence) et ce single de My Life Story, que j'ai fortement hésité à prendre. En effet, j'ai acheté au moment de sa sortie en 1994 leur single You don't sparkle, en partie parce que j'avais dû voir de bonnes chroniques dans Les Inrockuptibles, et aussi parce que le CD 4 titres en pochette cartonnée était "au prix d'un CD 2 titres". J'ai souvent du mal à résister aux fausses bonnes affaires...
En tout cas, je n'avais pas aimé du tout ce disque, et après écoute aujourd'hui je ne l'aime toujours pas. J'avais très vite classé cette pop orchestrale aux rayons des sous-produits, de The Band of Holy Joy ou de Divine Comedy par exemple.
C'est dire si j'ai été très agréablement surpris à l'écoute de Strumpet, et ce dès la première seconde : ça commence par deux coups secs de batterie, avant l'arrivée d'une guitare saturée puis d'un synthé décalé ! Les autres éléments caractéristiques de leur son, les cuivres (surtout) et les cordes (un peu moins), sont présents sur le disque, mais la tonalité est plus celle d'une Britpop échevelée, dans la lignée du Pulp de Different class ou même de Denim.
Encore plus étonnant, les deux morceaux suivants, Waiting to explode et I faced the music, sont strictement dans la même veine et auraient tout autant mérité d'être en titre principal du single. Le dernier titre, March 9th, est plus calme et plus dans le style de You don't sparkle, mais il est très bien quand même. Je suppose qu'il est à mettre en rapport avec les deux autres portant des dates, April 1st et November 5th, qu'on trouve à la fin de l'album The golden mile, dont Strumpet est extrait.
Il y a deux CD pour Strumpet, comme cela se faisait beaucoup en Angleterre à l'époque. Celui-ci est le numéro deux et le premier contenait aussi trois titres hors album. S'ils sont aussi bons, ça tendrait à prouver que My Life Story était dans une très bonne veine créatrice au moment d'enregistrer The golden mile.
Si vous avez eu l'occasion de visiter Londres au cours de ces trente dernières années, vous aurez tout de suite su à quoi fait référence l'illustration de la pochette. C'est dans le style des publicités pour services sexuels qui ont envahi les célèbres cabines téléphoniques rouges de Londres à partir des années 1980. Je pense que, avec le développement du téléphone mobile, les cabines et leur utilisation diminuent, elles doivent donc être un support de publicité moins efficace, mais au début du siècle les autorités en étaient encore à chercher des moyens de contenir et réprimer cette pratique. Le choix de l'illustration s'explique quand on sait que "Strumpet" est un mot ancien remontant au XIVe siècle qui désigne une prostituée. Et si ce mot vous fait penser à "Trumpet", eh bien il suffit de regarder la vidéo ci-dessous pour constater que le groupe a aussi fait le lien.
My Life Story s'était séparé fin 2000 après la sortie de son troisième album, mais le groupe s'est réuni en 2006 et rejoue régulièrement depuis.
23 août 2013
DONNA HIGHTOWER : This world today is a mess
Acquis d'occasion dans la Marne vers la fin des années 2000
Réf : 84.115 -- Edité par Decca en France en 1972
Support : 45 tours 17 cm
Titres : This world today is a mess -/- Dreams like mine
Je me suis fais surprendre par cette chanson dimanche pour la deuxième fois, ce qui est rare et n'est pas près de se reproduire !
En effet, on entend This world today is a mess à un moment dans le film Palais royal de Valérie Lemercier et la chanson repasse pendant le générique de fin. Tout de suite, mon oreille a été accrochée et j'ai su que je connaissais et appréciais cette chanson, sans être capable de retrouver le titre ou l'interprète. Paulette a suggéré que ça pourrait bien être Gloria Gaynor, et pour la voix et le débit elle avait tout à fait raison, mais la chanson elle-même n'était sûrement pas assez disco.
Evidemment, en quelques secondes à l'ordinateur j'ai retrouvé les références de ce disque, et c'est là que je me suis traité d'imbécile, puisqu'une scène similaire s'est déjà produite il y a quatre ou cinq ans : j'avais entendu à l'auto-radio une chanson qui m'avait plu et j'avais fait des recherches pour l'identifier. J'avais alors tout de suite reconnu la pochette du 45 tours : cette maquette sobre et assez classique, qui pourrait être celle d'un disque soul/rhythm and blues des années 1960, est en effet omniprésente dans les Emmaüs et les vide-greniers : impossible d'en fréquenter un sans tomber dessus ! Jusqu'alors je n'avais jamais acheté ce disque car la production était non pas américaine des années 1960 mais espagnole des années 1970, mais j'ai très vite réparé cette erreur et j'avais alors hésité à chroniquer ce disque ici.
Dimanche soir, la décision était prise et, c'est une malheureuse coïncidence, en préparant ce billet ce matin, j'ai appris, via la page espagnole de Wikipedia qui lui est dédiée, qu'elle est justement décédée ce lundi 19 août, à 86 ans (l'information a depuis été ajoutée sur l'ébauche de page française). On trouve des articles assez complets en anglais chez KVUE et en espagnol dans El Pais.
Donna Hightower est née dans le Missouri et a vécu plus tard à Chicago. Elle sort son premier disque, I ain't in the mood (Je ne suis pas d'humeur) dès 1951, déjà chez Decca. Elle tourne en Europe vers 1959-1960 et accompagne notamment Quincy Jones à l'Olympia. Elle reste en Europe et s'installe en Espagne à la fin des années 1960, où elle forme le duo Danny y Donna avec Danny Daniel. Ils connaissent un grand succès, ensemble ou individuellement, principalement avec This world today is a mess (paroles de Donna, musique de Danny), vendu à huit millions d'exemplaires en Europe, dont trois rien que pour la France ( ce qui explique que le disque court les rues encore aujourd'hui !). L'enregistrement a été produit en Espagne par Columbia, qui n'a pas souhaité l'éditer aux Etats-Unis, où du coup Donna Hightower est à peu près inconnue. Pareil en France, je suppose, puisque c'est Decca qui l'a sorti.
Le succès de This world today is a mess semble mérité mérité car la chanson est une réussite, parfaitement de son époque, le début des années 1970, puisqu'elle se situe parfaitement dans une transition entre la soul des années 1960 et le disco, qui n'allait pas tarder à se développer. On ne s'en doute pas à l'écoute où quand on voit Donna Hightower l'interpréter, mais les paroles sont surprenantes. Elles sont particulièrement acerbes et, comme le titre l'annonce un peu, elles témoignent d'une vision des relations humaines particulièrement cynique et pessimiste ("Essaie de tendre une main secourable à quelqu'un, il prendra ta gentillesse pour un signe de faiblesse"...).
En face B, Dreams like mine est une ballade de facture très classique, mais de bonne tenue.
Ne payez surtout pas plus de 50 centimes ou 1 € pour un exemplaire en bon état, tellement ce disque est courant, mais, si vous ne l'avez pas, n'hésitez pas à prendre ce disque la prochaine fois que vous le verrez...
C'est une série involontaire mais, après Evelyn Freeman et Sylvia Robinson, je viens en une semaine de retracer le parcours remarquable de trois femmes dans le monde de la musique.
18 août 2013
GRANDMASTER FLASH & THE FURIOUS FIVE : The message
Acquis probablement à La Clé de Sol (sinon à Carrefour) à Châlons-sur-Marne en 1982
Réf : 310953 -- Edité par Sugar Hill / Vogue en France en 1982 -- Tirage limité
Support : 33 tours 30 cm
Titres : The message (Vocal) -/- The message (Instrumental)
Comme pour beaucoup de gens, le tout premier titre de rap que j'ai entendu, c'est le Rapper's delight du Sugarhill Gang en 1979. Je l'avais apprécié, mais pas au point d'acheter le disque à l'époque. En 1982 par contre, j'ai vraiment aimé The message de Grandmaster Flash & the Furious Five, qui passait en radio et dont on a pu voir la vidéo dans quelques émissions comme Sex machine de Dionnet et Manoeuvre. Je tentais à longueur de journées de chanter/rapper les deux phrases clé du morceau, "It's like a jungle sometimes, it makes me wonder jow I keep from going under" et "Don't push me 'cause I'm close to the edge, I'm trying not to lose my head". La vidéo illustrait assez directement les paroles et semblait décrire la vie dans les quartiers ghetto de New York de la fin des années 1970.
Comme je n'aime pas faire les choses à moitié en matière de disques, j'ai acheté la version maxi, celle qui contient les sept minutes du titre au complet, celle qui est soi-disant en tirage limité (à mon avis, il était uniquement limité au nombre d'acheteurs du disque), celle qui contient au dos les paroles en anglais accompagnées d'une traduction en français. Une bonne idée, sauf que dans la première phrase il y un contresens complet : on nous propose "C'est comme une jungle parfois et j'me demande pourquoi j'me laisse aller" alors que la phrase anglaise exprime plutôt l'inverse "C'est une vraie jungle parfois et je me demande comment je fais pour ne pas couler." (apparemment, certains exemplaires de cette édition française n'ont pas les paroles au verso).
La mauvaise habitude de Vogue par contre à l'époque, c'était de sortir ses maxi singles en 33 tours, alors que la seule explication autre qu'économique que j'ai jamais entendue pour justifier l'aberration qu'était ce format, c'est qu'une face de 30 cm pour un seul titre en 45 tours permettait d'avoir des sillons plus larges et une meilleure qualité de son, notamment pour la diffusion en discothèque.
Ça fait longtemps que j'avais prévu de chroniquer ici ce disque important dans l'histoire du hip hop, un très grand succès et l'un des premiers à avoir ouvert la voie vers un rap plus social et politique que festif et frimeur. Ce qui m'a décidé de le faire maintenant, c'est un article de Damien Love dans la rubrique The making of... d'Uncut, dans le numéro daté d'août 2013. Trois pages fascinantes sur la fabrique d'un tube.
Je me souvenais que, très vite après The message, il y avait eu des dissensions au sein de Grandmaster Flash (un DJ qui a joué un rôle essentiel dans le développement du rap) & the Furious Five (ses danseurs et rappeurs) et qu'un des singles suivants, White lines, était crédité à l'un des Five, Melle Mel (voire même plutôt Grandmaster + Melle Mel ou Grandmaster Melle Mel, alors que Grandmaster Flash n'était pas présent sur le disque et avait quitté le label).
De toute façon, c'est la principale information que j'ai apprise à la lecture de l'article, même si le fait était depuis longtemps largement connu et répandu : Grandmaster Flash n'a pas du tout participé à l'écriture et à l'enregistrement de The message, quant aux Furious Five, un seul d'entre eux, Melle Mel, est présent sur le disque, qui est un exemple parfait de production de A à Z d'un tube par un label, Sugar Hill, fondé par Sylvia Robinson, morte en 2011, qui sous son nom de naissance Sylvia Vanderpool avait eu une première carrière comme chanteuse dans les années 1950, se produisant notamment avec Mickey Baker sous la bannière Mickey et Sylvia, qui ont eu un énorme tube en 1956 avec Love is strange.
Robinson avait déjà fait le coup avec Rapper's delight en 1979 en sélectionnant elle-même les trois gars qui allaient constituer le Sugarhill Gang et chanter le titre enregistré avec le groupe maison du label. Là, tout est parti d'Ed Fletcher, alias Duke Bootee, un percussionniste de session que son copain producteur Jiggs Chase avait fait embaucher par Sugar Hill. Comme tous les batteurs, il ne doit pas savoir s'arrêter de taper. Un jour, lors d'une pause, il s'est mis à tapoter sur une bouteille en plastique. Sylvia Robinson l'a entendu et lui a dit qu'elle trouvait ce rythme intéressant et voulait l'enregistrer. Quelques temps plus tard, alors que Chase et Fletcher cherchaient comment exploiter ce rythme, Ed a trouvé les premières paroles, celles que j'ai citées plus haut. La suite de la composition et de l'enregistrement du morceau se sont fait sous la houlette de Sylvia Robinson, avec juste Ed Fletcher et le guitariste Skip McDonald comme musiciens. Ed Fletcher a enregistré la voix comme guide pour qu'un rappeur vienne l'interpréter, mais la plupart n'étaient pas intéressés, trouvant The message trop sérieux. Seul Melle Mel a participé et il chante la moitié des couplets. En plus de Fletcher, il est le seul aussi à avoir contribué directement à la création du morceau en utilisant un couplet (celui qui commence par "A child is born...") qui figurait déjà en 1979 sur Superrappin, un précédent single de Grandmaster Flash & the Furious Five. Au bout du compte, la mention "Featuring : Melle Mel & Duke Bootee" qui figure au verso de la pochette et sur les étiquettes est éclairante, même si elle est très incomplète et imprécise.
Ensuite, quand il a fallu publier le titre, c'est Sugar Hill (Sylvia Robinson en l'espèce, probablement) qui a décidé de l'attribuer à Grandmaster Flash & the Furious Five. Au début du projet, ça devait être un disque de Sugarhill Gang, mais il fallait une nouvelle chanson pour Grandmaster Flash et sa popularité et sa réputation dans le monde du rap étaient un atout. C'est donc eux qui se retrouvent sur la pochette et dans la vidéo (le rappeur Rahieem "remplace" Duke Bootee à l'écran), alors que, à l'exception de Melle Mel, ils ne sont pas sur le disque. Je ne sais pas vous, mais moi ça me parait toujours incroyable qu'un gars puisse avoir son nom et sa photo sur un disque sans avoir du tout participé à l'enregistrement !
A lire chez The Foundation, un long entretien de Duke Bootee avec JayQuan, en février 2007.
16 août 2013
LA MAISON DE TOUTOU
Acquis sur le vide-grenier de Damery le 16 juin 2013
Réf : EP 1082 -- Edité par Disc'AZ en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
6 titres
Allez, une petite séquence nostalgie.
J'ai déjà depuis quelques années l'album La maison de Toutou avec huit histoires complètes dessus, mais sur la longueur c'est un peu pénible quand on a plus de cinq-six ans et j'ai failli plusieurs fois en parler ici avant de renoncer au dernier moment. Et puis, il y a quelques semaines, dans un lot de disques à 20 centimes, j'ai trouvé ce 45 tours, en bon état, avec six courtes chansons et celui-là est parfait.
La maison de Toutou est une série télévisée d'une autre époque, diffusée à partir de 1967 sur la première chaîne de télévision (il y en avait alors deux en tout et pour tout et la première était en noir et blanc). Le mode de production et la fréquence de diffusion étaient d'une autre époque également. Clairement, ce devait être à la limite de l'artisanat pour produire un épisode de cinq minutes diffusé chaque... mois ! En tout cas, à ce rythme, ça a permis à la série d'être diffusée pendant plus de six ans (sans compter les rediffusions) et de bien s'imprégner dans la mémoire collective (la version anglaise Hector's house, a aussi été très populaire dans les années 1970).
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, La maison de Toutou était une émission mettant en scène trois marionnettes, le chien Toutou, qui partage sa maison avec la chatte Zouzou, et leur voisine la grenouille Kiki. Avec Bonne nuit les petits, Le manège enchanté, Kiri le clown et Titus le petit lion, c'est un de mes premiers souvenirs de télévision. Il n'est pas impossible qu'il m'ait marqué plus que d'autres : j'en suis à me demander si, avec d'autres (celle de mes grands-parents et d'une de mes tantes), la maison de Toutou n'a pas créé en moi, qui vivait en H.L.M., l'image d'une maison idéale, en fin de compte pas si différente de celle que j'habite depuis une quinzaine d'années.
Comme beaucoup de productions pour la jeunesse de l'époque, La maison de Toutou suinte du début à la fin la bien pensance et les bons sentiments. Tout pour la reproduction de la norme et surtout pas un grain de folie, comme dans Le manège enchanté, par exemple. A la fin d'un épisode, Toutou pourrait presque dire "Je suis un bon gros Toutou limite réac"...
Comme c'était courant, il y a eu un grand nombre de produits dérivés de la série : livres, journal (plus de 150 numéros parus !), figurines, jouets... Ce disque en fait bien sûr partie. Il y avait de la matière car il y avait une chanson systématiquement dans chaque épisode.
La musique est de Francis Lai et les paroles de Régine Artarit, l'une des créatrices de la série, avec Georges Croses. Les voix sont bien sûr celles des acteurs qui interprétaient les personnages, Jacques Morel (qui faisait aussi Obélix, ça se téléscope un peu parfois), Lucie Dolène et Agnès Vanier.
L'escarpolette et Le jardin de l'oiseau moqueur sur la face A sont sympathiques, tout comme Berceuse pour une grenouille, mais j'ai une préférence pour la face B. Attention, on a beau être en 1967, il ne faut surtout pas espérer ici une production psychédélique ou une pépite freakbeat. Simplement, j'apprécie plus particulièrement C'est ainsi sur cette terre et Au trot, au trot. Quant à La marche des fox terriers, il se trouve que c'était le générique de l'émission, mais cette version qu'on dira longue fait 45 secondes, alors que celle diffusée dans l'émission n'en faisait que 15.
Ci-dessous, les trois premiers épisodes de la série. je vous laisse les regarder, moi je vais voir s'il existe un DVD pas cher de la série originale de Kiri le clown...
14 août 2013
EVELYN FREEMAN : Didn't it rain
Acquis chez Emmaüs à Reims le 8 août 2013
Réf : 36041 -- Edité par United Artists en France en 1964
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Didn't it rain -- Fare thee well -/- All God's chillum --You got to believe
La pochette du disque est minimale et vraiment quelconque. Evidemment, je n'avais absolument jamais entendu parler d'Evelyn Freeman. Je savais par contre que Didn't it rain était un gospel et, après un temps d'hésitation, si j'ai pris ce disque c'est surtout en souvenir de la performance mémorable de Sister Rosetta Tharpe sous la pluie sur le quai d'une gare du nord de l'Angleterre en 1964, avec notamment Cousin Joe qui l'observe depuis son rocking chair. Un grand moment de musique et de télévision, très émouvant, même.
Je n'espérais surtout pas que la performance d'Evelyn Freeman sur ce disque soit ne serait-ce que pour une fraction aussi intéressante que celle de Soeur Rosette. J'avais tort d'être pour une fois aussi pessimiste. Certes, le style est tout autre, la guitare notamment est très discrète, mais la version de Didn't it rain proposée ici, à base de contrebasse, batterie, choeurs, claquements de mains et d'un chant qui emporte tout, est percutante au possible, sur un un rythme casse-cou. A tomber de sa chaise.
Je pensais que la suite serait plus sage et plus classique dans le style gospel. Que nenni, pour mon plus grand bonheur. On enchaîne avec Fare thee well avec les mêmes ingrédients, plus une apparition des cuivres. Si la chanson dure trente secondes de moins que la première, c'est tout simplement parce qu'elle est encore plus haletante, sur un tempo bien plus rapide que la moyenne des titres de rock !
Sur l'autre face, All God's chillum continue dans la même veine, sur un rythme à peine moins casse-cou, avec un saxophone un peu plus en avant. Tout en restant très rapide et rythmé, You got to believe est juste un peu moins sauvage que les trois autres titres.
Essoufflé à la fin du disque, je me fais la réflexion que, s'agissant de gospel, si tout l'office était sur le même rythme, les paroissiens devaient se retrouver tous à genoux, et pas seulement pour prier... Vraiment, en payant ce disque je ne pensais pas avoir fait une trouvaille de cette qualité !
Ce 45 tours est en fait une réédition d'un single crédité Evelyn Freeman conducts the Exciting Voices and Orchestra, sorti en 1958 par un label indépendant, Bel Canto, un disque qui n'a pas connu un grand succès à l'époque. Suite à divers péripéties commerciales, United Artists s'est retrouvé propriétaire du catalogue Bel Canto et a réédité le single vers 1962. Il s'est alors beaucoup plus vendu et s'est même retrouvé en compétition avec une autre version de la chanson par Evelyn Freeman, Didn't it rock, (instrumentale, avec de l'orgue en plus, mais moins sauvage que la première, malgré son titre), probablement une tentative opportuniste du label Imperial de ramasser les miettes.
Avant ça, Bel Canto avait sorti un album, également intitulé Didn't it rain, qui compte treize titres, dont les quatre de cet EP, mais pas Water boy, la face B du 45 tours United Artists américain. Ce disque a dû être peu diffusé et doit être rare : je n'en ai trouvé qu'un exemplaire, en vinyl bleu, en vente en ligne (beaucoup trop cher pour moi).
En fait, il s'avère que Didn't it rain a encore une histoire plus particulière. Comme l'ont raconté Evelyn Freeman et Tommy Roberts à William Cleveland dans son livre de 1992 Art in other places (p. 228), le gars du label voulait quelque chose pour présenter techniquement la stéréo lors d'une convention à Chicago. Les choristes et quelques musiciens présents ont été rassemblés et ont enregistré ce chef d'oeuvre au pied levé, qui a effectivement été inclus sur le Bel Canto stereophonic demonstration record.
Mais qui donc est cette Evelyn Freeman, qui a produit cet enregistrement surprenant ? Eh bien, quelqu'un qui a eu un sacré parcours, comme le détaillent The HistoryMakers (qui l'ont rencontrée en 2006) et Joe Mosbrook pour Jazzed in Cleveland dans un article de 2001.
Née en 1919, elle s'est intéressée à la musique classique et au jazz, d'abord au sein d'un groupe familial avec son père et son frère Ernie Freeman (qui a lui-même eu une carrière tout à fait remarquable comme arrangeur, producteur, auteur et interprète), puis au sein de son propre orchestre, The Evelyn Freeman Ensemble, fondé dès 1938 (vite devenu The Evelyn Freeman Swing band), auquel elle s'est consacrée quand, un peu à la manière de Nina Simone, elle s'est rendue compte qu'en tant que noire il lui serait impossible de faire carrière dans la musique classique. De nombreux musiciens du groupe, tous des jeunes de Cleveland, ont fait carrière dans la musique par la suite. Appelés sous les drapeaux (à l'exception d'Evelyn), les musiciens ont accepté pour rester ensemble de jouer pour la marine. Rebaptisés The Gobs of Swing, ils furent le premier orchestre militaire américain entièrement composé de musiciens noirs.
Après guerre, Evelyn s'est mariée avec Tommy Roberts, également musicien (ils signent tous les deux les quatre titres du EP, qui sont pourtant des traditionnels gospel), et lui et Ernie ont fait partie de The Evelyn Freeman Orchestra, qu'elle a reformé à la fin des années 1950 et qui a notamment enregistré ce disque. Elle a aussi créé le groupe The Young Saints à la fin des années 1960 et a co-fondé la Young Saints Scholarship Foundation.
A part sur des CD-R gravés et vendus à prix prohibitifs, il semble bien que l'album Didn't it rain n'est pas disponible actuellement et n'a jamais été édité en CD. C'est bien dommage.
12 août 2013
PASCAL COMELADE - GENERAL ALCAZAR : Contribution sonore au musée international des arts modestes
Offert par Pascal C. à Céret le 30 juillet 2013
Réf : MIAM 01 -- Edité par le MIAM en France en 2000
Support : CD 12 cm
Titres : Hymne au MIAM -- Welcome to Maudits Waters -- L'ascenseur
J'ai eu l'occasion de visiter cet été le Musée International des Arts Modestes à Sète. Il n'est pas toujours facile de surmonter la contradiction essentielle qu'il y a entre les arts modestes et une institution de type musée et j'ai trouvé que la visite des collections permanentes manquait un peu d'explications et de mise en contexte. Tout le monde n'a pas l'occasion de lire les publications d'Hervé Di Rosa, l'un des fondateurs du musée, sur l'idée d'art modeste (chez Hoëbeke ou aux Presses du Réel, par exemple). Ce qui est dommage, c'est que depuis son ouverture en 2000, le MIAM dispose d'un hymne, composé par Général Alcazar et Pascal Comelade, qui réussit l'exploit de donner en quelques phrases le minimum d'explications nécessaires :
"Du grand art, faisons table rase. Soyons modestes, restons debout.
Brandissons, mais sans emphase, le fanion de l'art à deux sous.
Oui braves gens, critiques acerbes, aiguisons donc le regard.
L'humour est aux aguets dans l'herbe du champ immense des arts.
Bienvenus, visiteurs. Bienvenue, corps et âmes.
Remplissez donc tous nos yeux des trésors du MIAM."
Ce serait idéal si la chanson était diffusée à un moment ou un autre à tous les visiteurs du musée. Il n'est pas impossible en fait que cela se soit fait dans le passé, comme ce fut le cas pour les deux autres titres de ce CD, qui ont clairement été composés pour animer certains lieux du musée.
Welcome to Maudits Waters est une chanson qui, de manière assez évidente, a comme fondement le Constipation blues de Screaming Jay Hawkins. J'ai bien pris soin lors de ma visite de me rendre aux toilettes, où j'ai repéré une paire de hauts-parleurs, qui malheureusement n'émettaient aucun son ce jour-là.
Si j'avais eu en tête le titre du troisième morceau, j'aurais pris L'ascenseur lors de ma visite plutôt que l'escalier, pour vérifier qu'on y entendait ce petit bijou téléphonico-ferroviaire qu'est le troisième titre du CD !
Je n'ai pas précisé que les deux compères Comelade (musique) et Alcazar (textes et animation sonore) sont ici au sommet de la forme. Vous pouvez le vérifier par vous même en vous rendant sur la page Inédits MP3 du site de Général Alcazar où les trois titres sont en écoute (cliquer sur le titre des chansons pour faire apparaître le lecteur).
09 août 2013
LES KELTON : Mr le Facteur
Offert par Philippe R. à Reims le 7 juillet 2013
Réf : EP. 947 -- Edité par Disc'AZ en France en 1964
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mr le facteur -- Pour ton retour -/- Mes vieux copains -- Le diable dans le coeur
Philippe a trouvé ce disque, en parfait état, sur un vide-grenier au printemps. Il l'a choisi à cause du titre principal, Mr le Facteur, une reprise bien sûr de Please Mr Postman, le premier single des Marvelettes en 1961. Il aurait pu aussi le sélectionner à cause du nom du groupe. C'est un peu ballot, il ne semble pas y avoir de parrainage commercial mais toute une génération de français associe immédiatement "Kelton" à une célèbre marque de montres. Ils auraient tout aussi bien pu s'appeler les Timex...
Toujours est-il que, à l'écoute, Philippe a trouvé ça dans une honnête moyenne yéyé, mais il a décidé de m'offrir le disque en pensant que je pourrais peut-être en faire quelque chose. Effectivement, il y a de la matière...
La principale bizarrerie, c'est que ce disque est visiblement un pur produit de la Beatlemania, mais là où d'autres n'hésitaient pas à exploiter le nom des Beatles en gros sur la couverture, ici c'est un peu plus subtil et même un peu maladroit.
Certes, il est clair que la photo des membres du groupe, insérée dans un miroir tout moche, est un reflet direct de la pochette de With the Beatles, le deuxième album du groupe, mais le reste de la maquette est très différent. Surtout, si on retourne le disque, on constate que, visiblement, les quatre titres sont des adaptations en français de chansons anglo-saxonnes. Aucune des quatre n'est signée Lennon ou McCartney, mais en creusant un peu on finit par découvrir que trois des chansons sont des adaptations de titres figurant au répertoire des Beatles, tous extraits de With the Beatles ! La maladresse, c'est de ne pas avoir indiqué les titres originaux des chansons, comme Les Gaëlic, par exemple, l'ont fait.
L'album With the Beatles a tout pile cinquante ans. Cela a donné l'occasion à Mojo, dans son édition datée d'août 2013, de faire sa énième couverture sur les Beatles, en proposant un CD de reprise intégrale de l'album par des groupes contemporains et en nous expliquant l'importance essentielle de ce disque dans la carrière du groupe. Alors certes, With the Beatles a été une étape importante dans le succès et la carrière commerciale du groupe, mais avec le recul, si on regarde la liste des 14 titres de l'album, on constate qu'il y a 8 compositions originales, dont les 5 premiers titres du disque, mais, sachant que les chansons les plus fortes étaient à l'époque sorties en single, et pas incluses sur les albums en Angleterre, seuls 2 originaux ont passé la rampe du temps, All my loving (le seul à avoir été choisi pour figurer sur la double-compilation "album rouge" 1962-1966) et I wanna be your man, mais c'est la version des Stones qui a le plus marqué.
Mais il y a aussi plein de bonnes reprises sur With the Beatles. Parmi celles-ci, les Kelton ont donc picoré Please Mr Postman, et leur Mr le Facteur est l'une des réussites de ce disque, très enlevée, avec du chant à plusieurs et plein de choeurs et de "Oh yeah".
Le diable dans le coeur (Devil in her heart), l'autre titre rapide, une reprise des Donays avec solo de guitare, passe très bien la rampe également.
Par contre, Till there was you (Pour ton retour), une chanson de la comédie musicale The Music Man, n'a rien de rock et était déjà nase dans sa version Beatles. La version des Kelton n'est pas mieux, même si elle a la particularité de faire la part belle à la flûte. Parmi les autres reprises de With the Beatles, les Kelton auraient mieux fait de jeter leur dévolu sur Money, Roll over Beethoven de Chuck Berry ou You really got a hold on me...
Le titre qui, à ma connaissance, ne figure pas au répertoire des Beatles, est Mon vieux copain. Il s'agit d'une adaptation de The old crowd, une face B de 1963 de Lesley Gore, surtout connue pour It's my party. C'est du yéyé typique. S'ils avaient eu dix ans de moins, Les Compagnons de la Chanson auraient aussi repris ce genre de chose (eux, ils attendront quelques années avant de se mettre aux Beatles).
Je n'ai trouvé de référence que pour un seul autre disque des Kelton, un autre EP qui ne semble pas contenir de titres du répertoire des Beatles. Cependant, on trouve aussi une reprise de When I get home (Oui je reviens) sur le premier volume de la compilation La France et les Beatles, et j'ai vu en référence une version de Money (tiens, justement) sous le titre Pas de chance, mais je ne sais pas si ces titres ont été publiés à l'époque.
Je me pose aussi une question à propos de Pierre Fanen, mort en 2000, un guitariste qui a été brièvement membre de Triangle puis de Zoo, qui a accompagné plein de gens d'Eddy Mitchell à Joan Pau Verdier, en passant par Ronnie Bird. De très nombreuses sources le présentent comme l'ex-guitariste des Kelton, sauf qu'en dos de pochette on nous présente les quatre membres du groupe, avec un Philippe, un Jean-Claude, un Bob et un Raymond, mais pas de Pierre (ni de guitariste non plus, si on arrive à lire entre les lignes, tellement c'est clairement présenté : ceci explique peut-être cela).
06 août 2013
JONATHAN RICHMAN : I, Jonathan
Acquis probablement à La Clé de Sol à Reims en 1992
Réf : ZENSOR CD 129 -- Edité par Zensor en Allemagne en 1992
Support : CD 12 cm
10 titres
Quand Jonathan Richman a joué à Reims le 19 mars 1992, seul avec sa guitare électrique, le son et l'ambiance étaient proches de ce qui était alors son dernier album en date, Having a party with Jonathan Richman, mais le disque suivant, I, Jonathan devait déjà être en boite depuis l'été précédent (il est sorti quelques semaines après le concert). Et la différence principale avec ce précédent disque et le concert, c'est que Jonathan est ici largement accompagné par un groupe de potes, et ça change pas mal de choses question ambiance. Les notes de pochette, signées par trois des participants à l'enregistrement du disque (et une fois de plus hilarantes, notamment pour les précisions techniques - "Jonathan chantait et jouait et, tous les trois jours environ, il accordait sa guitare" et, visiblement le plus important, gastronomiques) nous le précisent : "Les Jojologues ont fait la remarque que l'album précédent, Having a party with Jonathan Richman, n'avait pas beaucoup de discussions du public ni de tintements de verres, et qu'il est peut-être effectivement le seul disque de fête à être presque solo. Jonathan a depuis remarqué qu'on pouvait se sentir seul dans son repaire de la Sierra. «C'était plutôt moi qui rêvait d'une fête», a-t-il dit. Eh bien, voilà cette fête, entrez.".
Et ça commence très fort, avec justement une chanson où il est question de fêtes, Parties in the USA, et d'un autre sujet très présent sur l'album, la nostalgie. En écho à son Party in the woods tonight de 1979 et sur un motif rappelant Louie Louie ou Hang on Sloopy, Jonathan attaque : "Salut tout le monde ! Je suis des sixties, l'époque de Louie Louie et Little Latin Lupe Lou. Et je sais qu'on ne peut pas faire revenir cette époque, mais on peut faire des fêtes comme alors. Il nous faut plus de fêtes aux Etats-Unis.". Avec des choeurs qui répondent et réagissent, des claquements de mains, on est tout de suite dans l'ambiance. Le son sixties est aussi très présent sur Tandem jump (il s'agit de saut en parachute, et ça fait... peur !), sur l'instrumental twangy-surf Grunion run, et bien sûr sur Velvet Underground, l'hymne que Jonathan a composé à ses idoles de jeunesse. Sur l'album précédent, Jonathan avait pour la première fois depuis longtemps fait référence aux Modern Lovers des débuts en citant She cracked dans le Monologue about Bermuda. Ici on a droit à une imitation de Lou Reed et à une version de Sister Ray compactée en moins d'une minute.
Côté nostalgie, il y a aussi l'excellent et très dansant Rooming house on Venice Beach, où Jonathan se souvient d'un meublé qu'il louait sur la plage, Twilight in Boston, une de ses nombreuses chansons sur sa ville natale, qui clôt l'album, et surtout une nouvelle version du monument That Summer feeling. Jonathan a pris l'habitude, comme Howe Gelb depuis, de revisiter régulièrement son répertoire sur disque. On ne sait pas précisément pourquoi il a choisi à ce moment-là de réenregistrer cette très belle chanson, dans une version plus longue de deux minutes, avec un couplet en plus, mais on ne se plaindra d'en avoir deux interprétations studio à la fois différentes et toutes les deux excellentes.
Tout ça, et je n'ai pas encore évoqué les deux chansons originales qui ont fait partie du répertoire de Jonathan sur scène pendant toutes les années 1990 et même encore maintenant. You can't talk to the dude, d'abord, où Jonathan joue au conseiller matrimonial pour une amie. J'associe souvent cette chanson avec Let her go into the darkness, apparue en 1995 sur l'album de chansons originales suivant, You must ask the heart, qui aborde globalement le même thème, sauf qu'il s'y adresse à un gars. L'autre est devenue de fait un classique. Il s'agit de I was dancing in the lesbian bar. Il y est encore question de faire la fête et surtout de danser (avec l'épisode Bee Gees de Give Paris one more chance, ça doit être le titre le plus disco de Jonathan), et Jonathan sort une de ses rimes qui tuent : "Well the first bar things were stop and stare but in this bar things were laissez faire". Une autre version, au son plus lourd, sera publiée en 1996 sur Surrender to Jonathan, et je me souviens particulièrement de Jonathan, en solo, tirant sur les cordes de sa guitare acoustique pour imiter remarquablement une basse disco lors de son concert à Nantes le 23 octobre 2000. Il semble qu'actuellement, ça reste l'une des chansons les plus réclamées par le public lors de ses tournées.
La dixième et dernière chanson, c'est A higher power, l'une des nombreuses odes à son épouse enregistrées par Jonathan. Dès 1994, il y en aura une autre version, en espagnol sur l'album ¡Jonathan, te vas a emocionar!.
J'ai du mal à me rendre compte que cet excellent disque a déjà plus de vingt ans. Je ne me risquerai pas à me lancer dans un classement de ses albums, mais clairement il s'agit de l'un de mes préférés du Jonathan Richman post-Modern Lovers. De façon assez surprenante, c'est mon hebdo gratuit local qui a publié il y a deux mois une chronique d'I, Jonathan le classant parmi les dix meilleurs disques... du monde ! C'est exagéré, même si ça part d'une bonne intention, et je veux bien y lire des chroniques de disques de cette trempe toutes les semaines !
Grâce à Rounder, le label original américain, ce disque a toujours été disponible depuis sa sortie. Si vous ne l'avez pas, vous savez ce qui vous reste à faire...
Jonathan Richman, I was dancing in the lesbian bar, en direct et en solo dans l'émission Late night with Conan O'Brien, vers 1992.
Jonathan Richman, Velvet Underground, sur scène vers 1992.
Jonathan Richman, Parties in the USA, sur scène au Shoreline Amphitheatre à Mountain View en Californie le 18 octobre 1998.
04 août 2013
FAMILY FODDER : Savoir faire
Offert par The State51 Conspiracy par correspondance en août 2013
Réf : [sans] -- Edité par The State51 Conspiracy en Angleterre en 2013
Support : MP3
Titre : Savoir faire (Socktoucher mix)
Deux ans et demi après Classical music, Family Fodder vient de sortir un nouvel album, Variety.
Une grande partie de ses onze titres a été diffusée une première fois dans les nombreux singles sortis par le groupe depuis 2011, notamment la série des six Singularity, mais ils ont été retravaillés ou réenregistrés pour l'album. Il y a aussi pas mal d'aller-retours avec le passé, à commencer par Déjà déjà vu, sorti à la fin de l'an dernier en single pour annoncer l'album, qui est basé sur un enregistrement de 1980, resté inachevé à l'époque, qui avait été un moment envisagé comme le 45 tours qui devait succéder à Savoir faire, le "classique" de Family Fodder, chanté par Dominique Levillain, l'un de leurs disques de la première époque qui aurait pu/dû être un tube. On trouve aussi sur Variety, It's 1965, sorti en 1994 en face B d'un 45 tours crédité à Professor Zoom, et Pluperfect, publié à l'origine en Suisse sur un 45 tours si obscur que même Alig, l'âme de Family Fodder, n'arrive pas à mettre la main sur un de ses exemplaires.
D'ores et déjà, comme l'immense majorité des disques de Family Fodder depuis trente-cinq ans, je ne peux que vous conseiller d'accorder une oreille très attentive à Variety, par exemple en regardant les onze vidéos minimales diffusées pour la sortie de l'album.
Et pour fêter comme il se doit la sortie de l'album, Alig et The State Conspiracy ont décidé d'offrir aux lecteurs de Vivonzeureux! une nouvelle version de Savoir faire ! Il s'agit d'un remix de 2013 du titre de 1980, assez fidèle à l'original dans sa première partie, mais qui part en dub tout fou dans sa deuxième partie, dans un style que le groupe maîtrisait déjà bien sur certains de ses enregistrements du tournant des années 1980. Une occasion rêvée de (re)découvrir ce titre qui mériterait de figurer sur toutes les bonnes anthologies de la new wave.
Family Fodder, Savoir faire (Socktoucher mix), 2013.
Variety est en vente chez The State51 Conspiracy, comme toutes les productions de Family Fodder depuis 2010.
03 août 2013
THE MUTHA OF CREATION
Acquis probablement chez Guerlin-Martin à Reims en février 1994 avec le numéro du New Musical Express daté du 12 février 1994
Réf : NME CRE 10 -- Edité par NME/IPC Magazines en Angleterre en 1994
Support : Cassette
5 titres
Avant de faire sa connaissance à Reims, où il s'est installé il y a quelques années, je connaissais Fred Voisin pour son travail sur des pochettes de disques (de reggae ou pour On-U-Sound, entre autres) et la rétrospective des Transmusicales de Rennes, et je savais aussi en tant que lecteur qu'il avait publié de nombreuses illustrations dans le NME dans les années 1980 et 1990. Cependant, c'est presque par hasard que j'ai découvert qu'il avait illustré la pochette de cette compilation d'un label auquel je suis particulièrement attaché, Creation.
C'est bien sûr via le NME que le lien s'est fait puisqu'Albert Tupelo et Neil Burnett, qui ont réalisé la pochette de The mutha of Creation, ont sélectionné une gravure de Fred comme illustration principale, sur laquelle ils ont ajouté le logo du NME, celui de Creation et le titre général. Le style primitif de la gravure est peut-être censé faire référence à la déesse-mère du titre...
Frédéric Voisin, And the Gods made love, gravure sur bois tirée sur papier indien, 1994.
C'est la partie centrale de ce triptyque qu'il a utilisée pour Mutha of Creation.
Cette cassette de cinq titres inédits a été diffusée aux lecteurs du NME dans le cadre d'une grosse opération marquant les dix ans de Creation (pour les vingt ans, de mon côté, j'ai publié une compilation virtuelle, I believe in rock 'n' roll). Il y a eu aussi la compilation CD The patron saints of teenage, que ces mêmes lecteurs du NME pouvaient se procurer contre 2,99 £ et quatre des six coupons imprimés sur une période d'un mois et demi, plus bien sûr cette une à la gloire du label, avec en plus de cette illustration une galerie de portraits en double-page centrale façon pochette de Sergeant Pepper's, et plus de trois pages d'article retraçant la première partie de la saga du label d'Alan McGee, qui devait être complétée la semaine suivante.
Tout ça, mais cependant, absolument aucune information sur la cassette et son contenu dans le magazine lui-même. Heureusement que les crédits sont bien détaillés au dos de la pochette.
Il manque certes Primal Scream et My Bloody Valentine, mais on a ici quatre des piliers du label à cette époque.
The Boo Radleys ouvrent le bal avec un titre en studio, Blues for George Michael, dont ils enregistreront une deuxième version qui sera en 1995 l'une des nombreuses faces B du tube Wake up Boo !.
Teenage Fan Club est présent ici avec Goody goody gumdrops, reprise d'un groupe sixties bubblegum à tous les sens du terme, The 1910 Fruitgum Company, enregistrée à l'origine pour une session d'une émission de radio de la BBC.
Le titre de Sugar, JC auto, est une très bonne version live d'une très bonne chanson qu'on trouvait sur Beaster. C'est mon titre préféré du lot (il est possible que ce soit cette version qui s'est retrouvée ensuite sur la compilation Besides).
A l'inverse, la version en concert par Ride du I don't want to be a soldier de John Lennon (sur l'album Imagine) est une interprétation sans intérêt d'une chanson qui n'est peut-être pas géniale au départ. Le fait qu'elle a été enregistrée au Festival de Reading en 1992 est une indication qu'en moins de dix ans le label avait connu un succès certain. Ce qu'on ne savait pas, c'est que son apogée artistico-commerciale avait été atteinte en 1990-1993 avec une série de disques marquants et reconnus comme tels par le public et la presse.
Commercialement, Creation allait faire beaucoup mieux ensuite, avec les petits nouveaux présents sur cette cassette, les grandes gueules scouses d'Oasis dont c'est ici, sauf erreur de ma part, la toute première parution officielle. Cigarettes and alcohol, ici en version démo, allait se retrouver quelques mois plus tard sur le premier album Definitely maybe. Ce n'est pas ce qu'ils ont fait de mieux, mais leur style est déjà là, et le succès qu'allait remporter le groupe allait faire basculer Creation dans un autre monde, où je ne risquais plus guère de trouver mon bonheur, sauf dans les parutions décalées que le succès d'Oasis allait permettre de continuer à financer.
Frédéric Voisin expose en ce moment à Paris (Halle Saint-Pierre) et à Clairvaux (Hostellerie des Dames).
Il vient d'éditer un premier volume rétrospectif (1981-2013) de ses linogravures, avec notamment un poster et une version en couleur d'un superbe "ugly monster", Henriette Souslesbra. Un deuxième volume va suivre, avant le lancement d'un graphzine.
Le documentaire Upside down : The Creation Records story est toujours disponible en DVD (en anglais avec souvent un fort accent écossais, sous-titré en anglais).
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