30 décembre 2018

SENIOR MODEL : Praxis


Acquis par correspondance chez Bandcamp le 21 décembre 2018
Réf : [Sans] -- Édité par Senior Model via Bandcamp en 2018
Support : 8 x fichier MP3
8 titres

S'il y a une chose que je suis bien content d'avoir faite en 2018, c'est de contribuer à rendre possible la sortie en CD de l'album Easy listening (not) de Family Fodder, que j'avais apprécié tout au long de l'année 2017 après sa sortie initiale en numérique sous le nom de Senior Model. Une édition sans budget de promotion ni contrat de distribution ni contacts dans les milieux spécialisés, donc sans trop d'écho public, mais elle a au moins le mérite d'exister.
Senior Model, c'est l'identité utilisée par Alig Fodder sur Bandcamp pour diffuser tout un tas d'enregistrements les plus variés, dont certains finissent éventuellement par sortir sous le nom de Family Fodder. En mars dernier, il y avait eu  par exemple le "one man trio" jazzy rigolo de Piano bar.
Tout récemment est paru ce Praxis, un album huit titres associant chansons anciennes et nouvelles, rares ou inédites.
L'album s'ouvre avec une très belle et très calme chanson, The songlines. Cet enregistrement est paru originellement sur Unsampled en 1994, la première sortie sur Alligator Discs, un label créé par Alig qui a publié trois disques à cette époque. Sur cette compilation, une petite moitié des chansons était créditée à Vox Humana, les autres l'étant à Johnny Human (alias Alig) et à divers autres artistes. The songlines était crédité à Gail Tao, chanteuse principale et co-auteur de la chanson. Ici, c'est le même accompagnement musical discret, mais c'est Alig qui chante.
On trouve sur Praxis deux autres extraits d'Unsampled, mais dans des versions identiques : Black light, black noise de Vox Humana, chanté par l'acteur Bill Jongeneel Brand, et une reprise façon "barber shop quartet" du Sunny afternoon des Kinks par Fishermen's Friends.
Parmi les titres qui me semblent précédemment inédits, il y a Full fathom five, une de ces chansons à l'accordéon assez typique des productions d'Alig sous le nom de Johnny Human, et Whatever, le titre le plus électrique du lot, qui aurait pu être la face A d'un excellent single de n'importe laquelle des incarnations de Family Fodder ces quarante dernières années.
Les trois derniers titres sont la droite ligne de ceux d'Easy listening (not). Gramvousa est inspirée par les griffons, les vautours fauves de ces îles de Crète. On tourne et on plane dans les airs en l'écoutant.
You just gotta move se veut le thème principal d'un film de Pedro Almodovar portant ce titre. Un thème très dansant construit en partie sur des souvenirs qu'on partage tous, à base de Louie Louie, Hang on Sloopy ou de Je t'aime (moi non plus).
L'album se clôt plus calmement, avec Lady Jesus Christ, une chanson qui aurait été parfaitement d'actualité mardi dernier, puisque les paroles sont librement adaptées du poème A Christmas carol (plus connu sous le titre In the bleak midwinter) de Christina Rossetti.
Praxis est une preuve supplémentaire de la qualité et de la variété du travail d'Alig. Vous pouvez vous procurer cet album en ligne et, si ça vous dit, il reste aussi quelques exemplaires du CD d'Easy listening (not).


26 décembre 2018

HANK LOCKLIN : Please help me, I'm falling


Acquis chez Sue Ryder Care à Walthamstow le 19 janvier 2018
Réf : 45-RCA 1188 -- Édité par RCA en Angeterre en 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Please help me, I'm falling -/- My old home town

Lors d'un week-end à Londres en début d'année, j'ai acheté une poignée de 45 tours à 50 pence dans cette boutique caritative du nord de Londres. Il y avait dans le lot un Duane Eddy de la même année et un Fats Domino qui ont dû avoir précédemment le même propriétaire.
Il semble bien que j'ai un faible pour les Hank en country : Hank Williams, Hank Snow, Hank Thompson et Hank Locklin, donc. peut-être parce qu'ils sont tous plus ou moins issus de la veine honky tonk du genre, une garantie de chansons et d'arrangements basiques susceptibles de plaire aux oreilles élevées au rock 'n' roll.
Il ne faut pas se leurrer, les disques qui se retrouvent dans ce style de boutique cinquante ans plus tard ne sont pas des raretés le plus souvent. Au contraire, ce sont les disques les plus populaires et les mieux vendus. C'est bien le cas ici avec ce 45 tours de 1960 de Hank Locklin, qui est tout bonnement son plus grand succès dans une longue carrière discographique qui couvre les années 1949 à 1977.
Menée par le piano, Please help me, I'm falling est une chanson toute simple, mais efficace. "S'il te plait aide-moi, je suis en train de tomber... amoureux de toi". Mais c'est pas bien car il "appartient à une autre dont les bras sont devenus froids" mais il lui a juré fidélité alors c'est le drame :
Je ne serai jamais libre ma chérie mais quand je suis avec toi
Je sais que je perds ma volonté de rester fidèle 
S'il te plaît aide-moi je suis en train de tomber et ce serait un péché
Ferme la porte à la tentation, ne me laisse pas entrer
Aïe aïe aïe ! Je ne sais  pas si c'est en raison du nombre de maris et d'épouses torturés par la tentation de l'infidélité qui se sont retrouvés dans cette chanson, mais toujours est-il que le succès de ce 45 tours a été immense.
Quelques mois plus tard, les auteurs de la chanson, Don Robertson et Hal Blair, ont écrit avec la chanteuse Skeeter Davis une chanson en réponse, sur la même musique, qui prolonge le drame puisque la femme aimée subit les mêmes affres : (I can't help you) I'm falling too ! Joli coup en tout cas, puisque ce fut un autre succès.
La face B, My old home town, est dans la même veine, mais plus enlevée. Ce côté rétro convient bien à cette période des fêtes, il me semble, et les passages successifs de Hank et Skeeter dans l'émission Grand Ole Opry en 1962 valent leur pesant de cacahuètes :


Hank Locklin, Please help me, I'm falling, dans l'émission Pet Milk Grand Ole Opry en 1962.


Skeeter Davis, (I can't help you) I'm falling too, dans l'émission Pet Milk Grand Ole Opry le 26 février 1962.

22 décembre 2018

THE RAMBLERS DANCE BAND : The hit sound of The Ramblers Dance Band


Acquis chez Hervé L. à Épernay le 8 décembre 2018
Réf : 258.075 (WAPS 25) -- Édité par Decca en France en 1973
Support : 33 tours 30 cm
13 titres

Après le Prince Nico Mbarga et le Slim Ali, je chronique un troisième et dernier des cinq disques acquis auprès d'Hervé au début du mois. Pour information, les deux autres disques sont intéressants également et ils auraient sûrement eu droit à leur chronique si je les avais achetés isolément. Il s'agit du maxi Africa for Africa, un disque qui fait écho au grand succès "humanitaire" We are the world de USA for Africa, avec entre autres la participation de Franco, et de l'album à visée historique Regard sur le passé de Bembeya-Jazz National sur le label guinéen Syliphone.
Avant de tomber sur cet album, je crois bien que je n'avais jamais entendu parler du Ramblers Dance Band, également connu sous le nom de Ramblers International Band. Cet orchestre a été formé au Ghana en 1961 par le saxophoniste Jerry Hansen.
Musicalement, ils jouent de la spécialité locale, le Highlife, mâtiné de soul et de musique latino-américaine, avec comme particularité d'avoir un duo de chanteurs en harmonie.
Les groupes africains devaient très souvent faire des reprises de succès rhythm and blues américains dans les soirées dansantes qu'ils animaient, mais c'est assez rare de voir cette influence soulignée par l'inclusion d'une reprise sur un album, ce qui est pourtant le cas ici avec une version d'excellente tenue du Knock on wood d'Eddie Floyd. Mais c'est une preuve de la qualité de cet album, sorti en 1968 mais mon pressage français date de 1973, que la grande majorité des douze titres originaux composés par Hansen qui accompagnent cette reprise sont bien plus intéressants.
Ekombi, qui ouvre l'album, est l'une de mes chansons préférées, à la fois douce et dansante, mais là encore, la qualité des autres titres démontre amplement la valeur de l'album, comme Ama bonsu avec ses flûtes, Onua pa, due ! avec sa basse ondulante, l'excellent Meda gbefa !, Better ni, avec son introduction style musique de film ou Ima abasi, avec son association de basse, chant et clarinette.
Pour vérifier que tout est bon sur ce disque, n'hésitez pas à écouter aussi Nyame mbere, Alome, Agyanka dabre, et Nyame ne nhyehyee.
Le succès s'étiolant à partir du milieu des années 1970, Jerry Hansen a fini par s'installer à New York. Le Highlife ayant connu un fort regain de popularité et l'intérêt pour le Ramblers Dance Band ayant été ravivé par des rééditions, l'orchestre a été ressuscité en 1990, cette fois sous la houlette de Jerry Hansen Junior.

Le disque entier est actuellement en écoute ici.

15 décembre 2018

CLUB DIMA JUKE-BOX N° 6


Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 8 décembre 2018
Réf : N° 6 -- Édité par Créations D.I.M.A. en France vers 1965
Support : 33 tours 17 cm
Titres : [Paul Mattei et son Orchestre] : Kiss, kiss -- [Ron & Joe and the Crew] : Ain't love grand.

Samedi dernier, je suis allé à la "grande vente de Noël" d'Emmaüs car j'avais vu dans le communiqué de presse que, pour l'occasion, les vinyls seraient de sortie. Je suis arrivé moins d'une heure après l'ouverture et j'ai été surpris de voir que le rayon était complètement désert, alors que la dernière fois c'était la cohue. Certes, il faisait froid et l'information avait été diffusée tardivement, mais j'ai compris ce qui se passait quand j'ai fini par regarder les 33 tours : ceux absolument sans intérêt étaient à 2 €, le prix habituel, mais plus de la moitié du lot, pour la plupart aussi des disques sans intérêt, était à 4 €, 7 € ou bien plus, avec, cerise sur le gâteau, une grosse étiquette blanche collée sur le devant de la pochette. Les habituels collectionneurs-revendeurs acharnés ont vite dû fuir après avoir découvert ce carnage...
Pour ma part, je me suis contenté de regarder les 45 tours. J'en ai acheté une petite poignée, des trucs sympas mais pas renversants.
Ce petit disque souple monoface glissé dans une pochette papier, diffusé par Créations D.I.M.A. (pour "Diffusion de marques"), je l'ai pris car, visiblement, ce Club DIMA juke-box, que je ne connaissais pas, servait à faire la publicité de l'apéritif sans alcool San Pellegrino Bitter et rentre tout à fait dans la thématique de mon récent livre, Vente interdite.
Il existe au moins dix volumes de cette série. Le 1 et le 9 ont été présentés par des collègues sur leur blog.
Il n'y pas d'artiste crédité sur ce disque et je ne m'attendais à rien de particulièrement intéressant lorsque je l'ai écouté. Attente confortée par l'écoute du premier titre, Kiss-kiss, un exercice de style Letkiss, agréable mais générique au possible.
Le son est pourri car c'est un disque souple qui, en plus, a pris des jetons, mais je me suis réveillé et j'ai dressé l'oreille dès les premières notes du deuxième titre, Ain't love grand. La guitare principale en intro, le sifflement, la guitare rythmique, le chant en anglais : c'est une excellente petite chanson pop. On imagine bien un chanteur yéyé genre Claude François en chanter une adaptation française au début des années 1960.
Dès mes premières recherches sur ce disque, j'ai appris que la plupart des titres du Club DIMA sont interprétés, sans qu'il soit jamais crédité, par Paul Mattei et son Orchestre. D'accord pour le premier, mais j'étais bien sûr que le second était un original anglais ou américain.
Il ne m'a pas fallu trop longtemps pour déterminer que Ain't love grand est la face B de l'unique single de Ron & Joe and the Crew, sorti en 1959. La face A était une reprise de Riot in cell block no. 9, qui a depuis été incluse sur un bon nombre de compilations de titres de cette époque.
Mais comment cette face B, qui je crois est un titre original, a-t-elle bien pu se retrouver sur un disque souple français de publicité pour San Pellegrino Bitter ? Mystère, mais le parcours éditorial de ce titre en France, pour autant que j'ai pu en partie le reconstituer, est bien compliqué.
Déjà, Riot in cell block no. 9 semble ne jamais avoir été diffusé par chez nous. Ain't love grand l'a été, mais seulement sur Top hits vol. 3, un EP de compilation de succès américains, comme ça se faisait un peu à l'époque.
Ensuite, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais un éditeur a dû prendre cette chanson sous licence et l'a exploité sur des disques publicitaires. J'en ai identifié au moins trois en plus du Club DIMA : deux disques "durs", Twist chez le Cardinal pour les chaussures Athos à Romans et Dans le vent pour les Lunettes "Club", et un autre disque souple, pour les disques Armor des feuilles carbone Isotop !
Contrairement à la face A du 45 tours original, Ain't love grand a été très peu réédité sur des compilations (je n'en ai trouvé qu'un exemple). Alors voici du sirop pour vos étiquettes avec cette petite sucrerie pop :

Ron & Joe and the Crew : Ain't love grand.

09 décembre 2018

SLIM ALI AND THE HODI BOYS : Sweet mother


Acquis chez Hervé L. à Épernay le 1er décembre 2018
Réf : S 95003 -- Édité par Reprise en France en 1977
Support : 33 tours 30 cm
Titres : Sweet mother -- Aki special -/- Christiana -- Wayo in law

L'une de mes plus belles pioches en brocante cette année, c'est le coffret 1960/2010 : Africa - 50 years of independance - 50 ans de musique que j'ai acheté à un vendeur professionnel qui le bradait. 20 CD pour 7 €, qui dit mieux ?
Depuis, j'en écoute un CD par semaine environ, dans la voiture, en essayant d'éviter de regarder la liste des titres pendant que je conduis. Sur le premier CD que j'ai écouté, il y avait le classique Sweet mother de Prince Nico Mbarga. Quelques semaines plus tard, je repars du boulot, je mets un autre CD, et qu'est ce que j'entends ? A nouveau Sweet mother ! A l'écoute, sans point de comparaison, cette version m'a paru identique à celle que je connaissais. J'ai cru qu'il y avait eu une erreur au pressage et que le titre avait été mis par erreur à la place d'un autre, ce qui peut arriver sur un coffret de cette envergure. Mais non, une fois rentré j'ai vérifié le livret et j'ai constaté que, sur le CD 1 d'Afrique de l'Est, c'était bien une version différente de Sweet mother qui était listée, datée d'un an après la version originale et créditée à Slim Ali and the Hodi Boys.
Je n'ai pas cherché à en savoir plus sur le moment, d'autant que je n'imaginais pas que, à peine deux mois plus tard, j'allais me retrouver en possession du disque original. En effet, la semaine dernière chez Hervé, dans la même pile que le Sweet mother de Prince Nico, il y avait cet album de Slim Ali ! Je n'ai pas été complètement surpris du coup car je connaissais l'existence d'une deuxième version de la chanson, mais, tout content, j'ai bien sûr pris les deux disques.
Ce n'est qu'une fois rentré à la maison que je me suis rendu compte que, sur cet album de Slim Ali, on trouvait non seulement Sweet mother, mais aussi les trois autres titres de l'album de Prince Nico Mbarga & Rocafil Jazz !! Cerise sur le gâteau, sur l'étiquette les quatre titres sont crédités à Slim Ali et non pas à Prince Nico... Le quarté est dans le désordre, mais c'est un très bel exemple de parasitisme commercial, sorti pourtant sur un label réputé, la branche sud-africaine de Reprise. On a vu souvent ici des 45 tours tentant de cannibaliser le succès d'un disque (voir Pro Cromagnum, Big Tears and the Crocodile ou The Blocking Shoes pour quelques exemples particulièrement gratinés), mais un album entier, en-dehors des compilations en vente sur les étals des marchés par des faux Beatles, Rolling Stones ou Creedence Clearwater Revival, je crois que je n'ai jamais vu ça. D'autant qu'il s'agit d'un album studio complet qui est copié, pas juste une sélection de tubes.
En prenant bien soin de ne jamais mentionner Prince Nico, les notes de pochette au verso tentent de justifier cette appropriation en expliquant que ces chansons utilisent des rythmes originaires du Kenya et qu'il s'agissait de les ramener à la maison :
"Sweet Mother" and "Aki Special" amongst others on this album have been two of the most popular records in the history of African music. The sound that Kenya made famous, with the hard-driving Benga beat spread from Malawi to Senegal and influenced music indirectly thoughout the continent. The beat was taken and adapted in West Africa and from there it has been brought back home. The already famous Slim Ali and The Hodi Boys have now put Kenya back into this particular group of songs, have added their own distinctive sounds and present them here for your enjoyment.
Alors, qu'est-ce qu'il y a de changé par rapport au disque ?
La première chose qu'il faut noter, c'est que les Hodi Boys ont une section de cuivres, alors que les instruments à vent sont totalement absents du disque de Rocafil Jazz.
Sweet mother est très proche de la version originale, donc, mais le rythme est un peu plus rapide il me semble. D'une manière générale, sur Aki special et sur l'ensemble du disque, les rythmes sont peut-être plus dansants.
La très bonne surprise, c'est la face B. Les deux titres qui me plaisaient un peu moins sur le disque de Prince Nico sont ici de vraies réussites. Ces versions de Christiana et Wayo in law y gagnent beaucoup et constituent une face d'album vraiment prenante. Au final, je les préfère aux versions originales.
Slim Ali est donc loin d'être tout à fait un inconnu. Il a sorti en 1977 et 1978 deux albums très remarqués, You can do it et Smile, qui forment la trame de deux compilations sorties il y a quelques années chez l'excellent label Arc Music, 70s soul! et 70s pop!. Je note que le livret de 70s pop! omet complètement de mentionner l'épisode de l'album décalque de Prince Nico.
Entre les périodes où il a vécu chez lui au Kenya, Slim Ali a beaucoup exercé ses talents dans des hôtels ou des boites de nuit au Moyen Orient, à Dubai ou, aux dernières nouvelles, au Yemen. On n'a pas de nouvelles récentes de lui.
En tout cas, des copies de disques connus de cette qualité, je veux bien en trouver toutes les semaines !

L'album est intégralement en écoute chez Soul Safari.

08 décembre 2018

PRINCE NICO MBARGA & ROCAFIL JAZZ : Sweet mother


Acquis chez Hervé L. à Épernay le 1er décembre 2018
Réf : 278.159 (ASALPS 6) -- Édité par Decca en France en 1977
Support : 33 tours 30 cm
Titres : Sweet mother -- Wayo inlaw -/- Aki special -- Christiana

L'ami Hervé a eu une très bonne idée, celle d'acheter un exemplaire de mon livre Vente interdite. La semaine dernière, je suis allé chez lui pour le lui livrer et, au cours de la conversation, comme mû par un réflexe irrépressible, je me suis mis à passer en revue une petite pile de 33 tours posée contre un mur. J'y'ai vu plusieurs disques qui m'intéressaient. J'ai acheté l'an dernier à Hervé une bonne pile de disques, mais ceux-ci n'étaient pas présents alors. J'ai demandé à Hervé s'il souhaitait garder ces disques, il m'a répondu non, et la vente du livre s'est transformée en troc. Je suis reparti de chez Hervé avec cinq 33 tours africains ayant bien vécu, dont celui-ci.
Cela fait un bon paquet d'années que j'ai découvert Prince Nico Mbarga. C'était en 1982 ou 1983, chez Dorian Feller à Reims. Il avait chez lui un double album intitulé Music and rhythm que j'ai dû lui emprunter. C'était une compilation au bénéfice de World of Music, Arts and Dance, qu'on connaît surtout par son acronyme WOMAD, qui connaissait des difficultés financières au bout de deux ans d'existence. Sur ce disque, on trouvait aussi bien Peter Gabriel, David Byrne, The Beat et XTC, du domaine pop-rock-new wave qui me passionnait à l'époque, que des artistes d'un peu partout dans le monde comme Nusrat Fateh Ali Khan, Ekome, Alhaji Bai Konte and Malamini Jobate, Alhaji Ibrahim Abdulai and his Dagbamba Cultural Group et donc Prince Nico Mbarga.
J'avais enregistré mes titres préférés sur une cassette, qui doit être dans une malle au grenier mais je n'ai pas le courage d'aller la chercher, et parmi eux il y avait Sweet mother de Prince Nico. Je commençais alors tout juste à m'intéresser un peu à la musique africaine. Je m'étais laissé convaincre d'acheter les albums de King Sunny Adé and his African Beats chez Island, en partie je crois me souvenir à cause des comparaisons avec Elmore James pour la guitare slide, mais en fait je n'ai jamais beaucoup écouté ces albums. Par contre, j'ai instantanément apprécié Sweet mother, et j'ai été très déçu quand je suis tombé il y a quelques années à Épernay sur la pochette de l'album, toute seule sans disque à l'intérieur. Je me la suis fait offrir en complément d'un autre disque acheté sur le stand, mais je suis bien content, après 35 ans, d'avoir enfin mis la main sur ce disque.
Je ne m'étais jamais intéressé dans le détail au parcours de Prince Nico Mbarga. Il est né en 1950 au Nigéria d'un père camerounais et d'une mère nigériane et, entre la guerre civile au Biafra, les tracasseries administratives (musiciens De Rocafil Jazz sans papiers renvoyés au Cameroun) et une polémique quand il a dit se sentir à 70 % camerounais, cette double appartenance n'a pas été sans causer des problèmes.
Sweet mother est le premier album de Prince Nico. Il est sorti en plein milieu des années 1970 et il suffit de voir les talons des bottes de Prince Nico pour en avoir la confirmation. Ce disque a connu un succès immense grâce à sa chanson-titre. Il s'est apparemment vendu par millions d'exemplaires, sans compter les multiples copies pirates. Je ne sais pas ce qui a fait le succès de Sweet mother, l'ode d'un fils à sa mère. Le chant en anglais pidgin et le mélange de styles ont pu aider cette chanson à se diffuser dans toute l'Afrique et au-delà. Apparemment, le rythme s'apparente au Highlife de l'Afrique de l'Ouest, tandis que le jeu de guitare en picking de Prince Nico est influencé par la rumba congolaise.
Les trois autres titres de l'album sont dans la même veine. Mon préféré, et le plus connu, est Aki special. Sur la trame posée par les percussions et la basse, les guitares s'entremêlent et se répondent pendant de longues minutes et finissent par créer un effet de transe. Wayo inlaw et Christiana, peut-être un cran en-dessous, complètent l'album.
Par la suite, Prince Nico Mbarga n'a jamais eu un succès comparable. Il a pourtant exploité inlassablement le filon familial avec Good father en 1977, Le père notre pays et Family movement sur l'album du même titre en 1978 et l'album et le titre Sweet family en 1987.
Prince Nico est mort dans un accident de la circulation à 47 ans en 1997, alors qu'il s'apprêtait à repartir en tournée aux États-Unis. Alors que le moindre groupe indépendant des années 1980 se voit rééditer à tour de bras, ça en dit long sur l'état de l'industrie discographique africaine de constater que cet album important n'a, selon les informations disponibles sur Discogs, jamais été réédité officiellement en CD. Aucun coffret ni aucune compilation rétrospective n'est disponible non plus.


Une émission spéciale Prince Nico Mbarga de Black Voices sur Decibel FM, en janvier 2017.

03 décembre 2018

THIS PERFECT DAY : Simply irresistible


Acquis chez Gilda à Paris le 23 février 2017
Réf : PROMO 017-5 -- Édité par ZYX Music en Allemagne en 1996 -- For promotional use only
Support : CD 12 cm
Titres : Simply irresistible -/- It's a shame

Qu'est-ce que je peux être bête des fois !
Quand j'ai acheté ce disque, j'avais déjà bien en tête mon projet de livre Vente interdite et, assis par terre chez Gilda à regarder les CD singles bradés, j'ai dû me dire que celui-ci y aurait parfaitement sa place.
Et puis je suis rentré à la maison et, quelques temps plus tard, j'ai écouté le disque. Il ne m'a pas accroché particulièrement, alors je l'ai rangé dans une boîte et je l'ai oublié.
Le livre est paru le mois dernier et, la semaine dernière, en rangeant d'autres disques dans la même boîte, je suis retombé sur cette pochette et aussitôt j'ai su que j'avais vraiment été un imbécile de ne pas chroniquer ce disque. L'effet nigaud est parfaitement réussi, avec ce gars en tenu de fan de foot de Manchester United, bonnet compris. Avec le pansement en travers du visage et l'ovale annonçant "For promotional use only", c'est une pochette tout simplement irrésistible. C'est une honte que je ne l'ai pas reconnue d'emblée comme tel !
Mais il n'est jamais trop tard pour essayer de corriger ses erreurs, alors je chronique ce disque aujourd'hui, et il intégrera peut-être un jour une (improbable) deuxième édition du livre.
Envelopes, découvert récemment, était un groupe contenant une majorité de suédois, mais établi en Angleterre. This Perfect Day (tirent-ils leur nom de la chanson des Saints ?) était un groupe suédois établi en Suède, originaire d'une ville du nord du pays, Skelleftea. Ils ont débuté en 1987 et ont longtemps été signés sur le même label que The Wannadies. Ils ont sorti cinq albums avant de se séparer vers 2007.
Le label allemand ZYX a édité dans son pays le troisième album de This Perfect Day, Don't smile. Pour en faire la promotion, ils ont diffusé aux professionnels (sans le mettre en vente) ce CD deux titres, qui reprend les faces A des deux extraits de l'album commercialisés en single en Suède, avec une particularité intéressante, puisque la pochette est celle du single It's a shame alors que le titre mis en avant ici est Simply irresistible.
Après avoir réécouté le disque plusieurs fois, je dois bien admettre que je me suis planté non seulement en ne prenant pas en compte l'intérêt de la pochette mais aussi en dédaignant la musique après une seule écoute. Certes, il n'y a absolument rien d'exceptionnel ou d'original là-dedans, mais dans un style bien balisé de pop à guitares électriques, les deux chansons sont de bonne qualité.
Simply irrestible, avec des ingrédients similaires, est largement au niveau des meilleurs titres de Teenage Fan Club, avec une pointe d'humour bienvenue en plus. Quant à It's a shame, avec son riff accrocheur, c'est encore un cran au-dessus, un bon hymne pop qui reste en tête.
Outre l'album Don't smile, qu'on trouve encore facilement, vous pouvez vous procurer la rétrospective Setting things straight 1987-2007 si vous voulez découvrir ce groupe. Quant à moi, je vais retourner fouiller dans mes cartons, voir si je n'y découvre pas d'autres pépites négligées.




01 décembre 2018

OUI AU ROCK


Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 20 octobre 2018
Réf : 6114 -- Édité par Marie-Jeanne Godard/Polygram Produits Spéciaux en France en 1995 -- Hors commerce
Support : CD 12 cm
6 titres

Mine de rien, le disque publicitaire a survécu à l'âge du vinyl. A moins grande échelle, certes, mais ça fait quand même trois CD publicitaires que j'achète chez Emmaüs à Tours. Il y avait eu le Burning Spear d'Indesit il y a quelques années, qui du coup se retrouve dans mon recueil Vente interdite. Au mois d'août, j'y ai trouvé un disque au titre alléchant : Tahiti : Les rythmes du paradis. Sauf que le contenu était bien décevant, puisque ce disque qui faisait la promotion des produits de beauté Tahiti ne contenait pas des enregistrements faits à Tahiti par Gaston Guilbert, Yves Roché ou Eddie Lund, mais une compilation pop-rock dix titres qui commence par enchaîner Genesis, Texas, David Hallyday, Tears For Fears et Elton John !
Et deux mois plus tard, c'est sur ce CD associant la beauté et le rock que je suis tombé. Et, comme c'est le cas très souvent, j'ai bien du mal à essayer d'imaginer ce qui a bien pu passer par la tête des commerciaux et des spécialistes en communication publicitaire qui ont mis en place une telle promotion.
La beauté et le rock, pourquoi pas ? Mais les parfumeries Marie-Jeanne Godard, un partenariat avec NRJ et le rock, quel rapport ? Et quel est le gain recherché ? Que les "clientes" (c'est  ainsi qu'on s'adresse à elles dans le livret), séduites par cette "sélection des meilleurs hits" qui était offerte pendant un mois en septembre-octobre 1995 dans la chaîne de magasins, se mettent à achèter plus de produits de beauté ?
Je ne sais pas et, comme je le disais, ça reste un mystère pour moi.



Ce disque est donc un objet publicitaire assez classique, mais il est quand même surprenant par l'un de ces aspects : la sélection des titres. Je n'aurais pas été surpris si on avait été dans une veine de grands succès pop-rock à la manière du disque de Tahiti. Mais là, un seul des six titres, Good thing de Fine Young Cannibals, correspond à ce que l'on entend généralement sur ce genre de compilation. Pour le reste, il y a visiblement un employé de chez Polygram Projets Spéciaux qui s'est fait plaisir. Jugez-en :
Le disque s'ouvre avec Backwater de Meat Puppets. Certes, c'est le plus grand succès commercial de ce groupe, à une époque où le grunge et Nirvana lui ont ouvert des portes, mais les Meat Puppets ! Chez Marie-Jeanne Godard !
Il y a aussi un tube de Rod Stewart, mais pas D'ya think i'm sexy ou un de ses grands succès des années 1980, plutôt le très honnête Maggie May de 1972, pourtant devenu plutôt relativement obscur en 1995.
Il y a même sur ce CD un titre qui a déjà été chroniqué ici, Shake it baby de John Lee Hooker !
Les deux derniers titres sont pour le coup des classiques du rock, mais ils sont présentés ici non pas dans leur version la plus connue mais dans des prises plus rares, en session pour la radio anglaise en 1967 pour Hey Joe de Jimi Hendrix (extrait de la compilation Radio One), et sur scène en août 1987 à Oslo avec un chanteur qui fait participer le public pour Smoke on the water de Deep Purple (version de l'album Nobody's perfect).
Je ne sais pas quel a pu être l'impact de cette campagne publicitaire, mais en tout cas les parfumeries Marie-Jeanne Godard ne lui ont pas survécu très longtemps : la chaîne a été rachetée par LVMH en 1998, qui a fait disparaître l'enseigne quelques temps plus tard, au profit notamment d'une de ses autres marques, Sephora.