29 juin 2024

BRENTON WOOD : Brenton Wood


Acquis au Repaire du Racoon à Épernay le 25 mai 2024
Réf : LPO 32541 -- Édité par Disc'AZ en France en 1968
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

J'allais faire un tour au centre-ville d’Épernay et je me disais que l'époque où je pouvais espérer y faire quelques achats de disques est bien révolue, surtout depuis la fermeture fin 2019 de Royer Disques où j'ai eu l'occasion de faire quelques bonnes affaires.
Révolue ? Pas tout à fait, puisque j'ai repensé à cette boutique de jeux où j'avais trouvé l'an dernier Smoke on the water. La boutique a changé de nom depuis, mais ils avaient toujours un peu de disques (une étagère de CD, deux caisses de 33 tours et une de 45 tours), mais ça sentait la fin du rayon puisque les prix étaient bradés et en plus il y avait un disque gratuit pour un acheté.
Moi ça m'allait très bien, puisque j'avais à peine commencé à regarder les 45 tours que je mettais la main sur l'EP Reach out I'll be there des Four Tops. Pas en super état, mais à 25 centimes je n'allais pas me plaindre, surtout que je n'ai jamais eu ce disque. Et surtout que je mettais la main quelques secondes plus tard sur un disque que je recherche depuis que j'ai découvert Les Maxel's, La grosse poupée par
Jacques Bracmort !!
Au final, je suis reparti avec ces deux 45 tours, un CD de Happy Mondays et quelques maxis et albums, soit, et de loin, ma meilleure séance de chine depuis le début de l'année !

Dans le lot, il y avait ce disque de Brenton Wood, une édition française de 1968. La pochette a bien morflé, le disque aussi un peu mais il est très épais pour l'époque (genre les pressages 180 grammes actuels, mais là on doit bien être à 200) et passe encore très bien.

Son heure de gloire n'a pas duré très très longtemps, mais Wood a eu trois tubes de suite en 1967 et, cette même année, le label en a encaissé les dividendes en sortant coup sur coup ses deux premiers albums, Oogum boogum et Baby you got it.
Deux albums comme ça, ça faisait beaucoup pour un jeune artiste à peine lancé, alors, dans la plusieurs pays européens, les maisons de disques se sont contentées de sortir fin 1967/début 1968 un seul disque compilant des titres des deux albums américains.
C'est ce qu'a fait Disc'AZ en France avec ce disque, qui contient 4 titres du premier album et 8 du second. Seul petit regret, la sélection nous prive de la version Brenton Wood de Psychotic reaction, une reprise qui n'existe que parce que Count Five était signé sur le même label, Double Shot, et il fallait rentabiliser le répertoire !

L'album est globalement excellent de bout en bout. Je pourrais le qualifier de rhythm and blues ligne claire, avec la voix légère et assez haute de Brenton Wood, dans la lignée d'un Curtis Mayfield, une
alternance de tempos moyens et lents avec une production assez dépouillée, où l'orgue est souvent présent. Sur certains, c'est le groupe Kent and The Candidates du batteur Kent Sprague qui accompagne le chanteur. Notons que le seul titre de cette sélection qui n'est pas écrit ou co-écrit par Alfred Smith, alias Brenton Wood, est le Trouble de Kent and the Candidates.

J'ai déjà eu l'occasion de chroniquer il y a presque 15 ans Gimme little sign, chanson que je trouve toujours excellente. C'est, de peu, ma préférée de cet album, où on retrouve aussi l'excellente face B I think you've got your fools mixed up.
Dans les tubes, j'aime aussi énormément Baby you got it et The oogum boogum song et des chansons comme Give it up, Catch you on the rebound, Goodnight baby ou Trouble sont d'une trempe équivalente.

Enfin une première vraie belle trouvaille de chine en cette année 2024, donc, mais je ne risque pas de renouveler l'expérience au même endroit : le Repaire du Racoon ferme définitivement ses portes aujourd'hui.

Quant à Brenton Wood, qui est né en 1941, il s'était lancé cette année dans une tournée d'adieu, Catch You On The Rebound, mais malheureusement sa santé était trop fragile et elle a été interrompue lorsqu'il a dû être hospitalisé.







22 juin 2024

PAPOOSE : Le grand cirque




Acquis d'occasion dans la Marne dans les années 2000
Offert par Claire B. à Châlons-en-Champagne le 1er mai 2024
Réf : 6011 046 -- Édité par Mercury en France en 1972
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le grand cirque (Hey ho) -/- Petit pois

Ma sœur Claire conserve la bonne habitude de m'offrir des 45 tours qu'elle achète pas cher "au feeling" en ressourcerie ou en brocante. Parfois, elle tombe très bien, comme avec le Jack Scott, parfois elle tombe à côté avec des disques qui m'intéressent peu. Parfois, elle tombe tout simplement bien, la meilleure preuve étant que j'ai déjà le disque chez moi.
C'est ce qui s'est passé avec ce 45 tours de Papoose. Je savais que je l'avais déjà, alors je l'ai rangé au grenier dans une boite de disques à donner aux copains ou à échanger. Mon erreur, ce fut de ne pas respecter ma procédure habituelle : normalement dans ce cas de figure, je sors le premier disque de mes étagères, je compare les deux exemplaires et je conserve celui en meilleur état. Ce n'est d'ailleurs pas toujours facile de décider, entre l'état de la pochette et celui du disque, la présence ou non d'une languette ou d'écritures...
Là, dans les semaines qui ont suivi, je suis retombé sur mon premier exemplaire et je me suis dit, sans faire le lien avec le récent doublon, que sa pochette était vraiment dans un sale état. Puis, en rangeant un autre double au grenier, je me suis dit que ce disque de Papoose était vraiment en bon état pour un disque que j'avais écarté. Au bout de deux ou trois aller-retour comme ça, j'ai fini par additionner deux et deux et j'ai pris un pour le comparer à l'autre et sélectionner le "meilleur" des deux.
C'est là que j'ai enfin découvert que, certes, les deux pochettes sont sur fond jaune et utilisent des typographies identiques, mais les photos qui les illustrent sont différentes !
La première pochette que j'avais, celle avec le groupe aux cheveux colorés et aux visages maquillés, c'est quelque chose ! Certes, on est en 1972 en pleine vague glam, mais j'ai dû vérifier par deux fois car je croyais que le maquillage des yeux du gars en bas à droite avait été fait au stylo par un précédent propriétaire.
L'autre photo est bien plus (ou trop) sage, presque digne de Creedence Clearwater Revival. Selon France Heavy Rock, celle-ce serait chronologiquement la première pochette. La décision d'imprimer une nouvelle pochette aurait été prise suite à un changement de formation du groupe, Philippe Cauvin ayant succédé à Jérôme B. Sedeyn.

Marche arrière toute, donc, je garde les deux exemplaires du disque et j'en profite pour le chroniquer.

La discographie de Papoose compte un album et cinq 45 tours sortis entre 1971 et 1973, ce qui n'est pas mal du tout. Il n'y a pas des centaines de groupes français de l'époque qui ont été aussi productifs.
Le groupe est classé en "glam", et la pochette au maquillage et aux cheveux colorés est parfaitement dans ce ton, mais Le grand cirque, qui est apparemment leur plus grand succès, ne s'inscrit pas dans ce style musical.
Avec la ribambelle de noms à consonance italienne qui signent la chanson, on n'est pas surpris de découvrir qu'il s'agit d'une reprise, de Jungles's mandolino (La mandoline de la jungle), l'unique 45 tours de Jungle's Men (la face B étant une version de cette chanson par la fanfare folklorique Complesso Caratteristico "La Racchia"). On trouve assez souvent ce disque italien, qui a été sorti par chez nous par Vogue. La bonne preuve : je l'ai dans ma collection.
Musicalement, la reprise de Papoose est relativement fidèle à la version originale, mais avec un côté "tribal" moins prononcé. Il faut dire que, côté paroles, je pense que Boris Bergman s'est complètement affranchi du texte italien pour nous raconter son histoire de post-apocalypse nucléaire.

En face B, Petit pois est un instrumental signé Bernard Dupré, le guitariste-chanteur du groupe. Contrairement à Le grand cirque, ce titre n'a pas été inclus dans l'album de Papoose, Les amants outangs "Moi Tarzan et toi Jane".

A la suite de la séparation du groupe en 1975, ses anciens membres ont eu des parcours musicaux très variés, des musiques de traverses au hard rock en passant par la variété ! La première fois que j'ai vu mentionné le nom de Philippe Cauvin, c'était en 1982 sur la compilation Douze pour un des amis rémois d'A l'Automne Alité. A ce moment-là, il avait déjà fait partie d'Uppsala, dont le nom était un hommage à Samla Mammas Manna. Quant au batteur Jean-Emile Hanela, il a été membre fondateur d'un petit groupe qui a pas mal marché, Trust.


Pour l'édition du 45 tours en Turquie, le label 1 Numara a pris le titre de la chanson au pied de la lettre !

15 juin 2024

THE UNDERTONES : The love parade


Acquis au Record and Tape Exchange de Notting Hill Gate à Londres vers 1984
Réf : 12 ARDS 11 -- Édité par Ardeck en Angleterre en 1982
Support : 45 tours 30 cm
Titres : The love parade -/- Like that -- You're welcome -- Crisis of mine -- Family entertainment

En 1982, ce n'était pas encore si courant d'éditer un single à la fois en 45 tours et en maxi. C'est ce qui est arrivé pour ce disque des Undertones, que j'ai trouvé en bon état, bien qu'il ait une pochette en carton fin, d'occasion et pour pas cher (60 pence) dans le magasin que je fréquentais plusieurs fois par semaine pendant l'année scolaire que j'ai passée à Londres. Je crois que c'était peu de temps après mon acquisition de l'album qui m'a vraiment fait découvrir le groupe et qui m'a emballé, Positive touch.

Ce disque est sorti à l'automne 1982. Il a dû être enregistré au début des sessions de l'album The sin of pride, le dernier avant la séparation du groupe original, qui est arrivé au printemps 1983.

Après Positive touch en 1981, le groupe n'a plus travaillé avec le producteur Roger Bechirian. Début 1982, ils ont sorti un excellent 45 tours hors album, Beautiful friend, produit par David Balfe et Hugh Jones, qui avaient notamment travaillé sur le premier album d'Echo and the Bunnymen. Là, ils ont fait appel à Mike Hedges, réputé à l'époque pour ses productions de The Cure ou Siouxsie and the Banshees. Le problème du groupe était tout simple : depuis My perfect cousin et Wednesday week en 1980, leurs disques se vendaient de moins en moins.

The sin of pride est considéré comme l'album "soul" du groupe. En tout cas, l'influence de Motown est revendiquée puisque, sur les douze titres, il y a deux reprises du catalogue du label de Detroit, Save me, sorti à l'origine par The Miracles en 1966, et Got to have you back (Isley Brothers, 1967), qui ouvre l'album et qui est même sorti en single (ce qui en dit sûrement assez long sur la confiance que le label avait dans le groupe à ce moment-là de son parcours). L'influence de ce son était dans l'air à l'époque, après Get happy !! d'Elvis Costello, Searching for the young soul rebels de Dexys Midnight Runners, et surtout Paul Weller, qui venait de boucler The Jam avec l'ultime album The gift et s'apprêtait à fonder The Style Council.

Avec The love parade, on est dans cette veine et on s'éloigne des perles pop de deux minutes qui étaient la spécialité du groupe. La plupart des éléments étaient déjà en place dans une démo enregistrée un peu plus tôt en 1982. La version enregistrée le 8 novembre 1982 pour une Peel session sonne plus "live", mais est très proche également.
La construction de la chanson est relativement complexe, avec un break marqué vers le milieu. L'orgue de Damian O'Neill y est en bonne place. C'est à mon sens l'instrument phare de l'album.
Il y a un gros travail sur les voix. Outre le chant principal impeccable de Feargal Sharkey, il y a trois sortes de chœurs par le groupe et The Chanter Sisters des "Ouh ouh ouh ouh love" sur le refrain, des phrases en "What's the point" sur les couplets et des "Love love love" pendant le break. Sur le pont, c'est même le bassiste Michael Bradley qui chante.
Cette version maxi est un peu plus longue que la version du 45 tours et de l'album, mais la différence est très légère : 15 secondes d'intro à l'orgue en plus et 45 secondes à la fin avec les chœurs.

La face B, Like that, est excellente. Elle est plus proche dans l'esprit de Positive touch. Elle n'est pas été retenue pour The sin of pride alors qu'il y a sur l'album des chansons que je trouve plus faibles.

Le bonus pour ce maxi, ce sont trois chansons qui sont présentées comme "live". Il y en a deux de Positive touch, You're welcome et Crisis of mine, et une du premier album, Family entertainment. Il n'y a aucune précision sur la date et le lieu d'enregistrement, mais c'était peut-être au Japon : les chansons sont reliées par des montages sonores qui y font penser.

Ce maxi a eu droit pour le Record Store Day 2022 à une réédition pour ses 40 ans, avec la même pochette mais en vinyl vert. Mais le contenu n'est pas identique : il y a les deux faces du petit 45 tours (pas la version maxi de Love parade, donc) et deux démos, de Love parade et d'un autre titre de l'album, Soul seven, qui prennent la place des trois titres live.

Au cours de la tournée qui a suivi la sortie de The sin of pride, Feargal Sharkey a annoncé sa décision de quitter The Undertones, qui s'est séparé mi-1983. Le groupe s'est reformé en 1999 avec un nouveau chanteur. Certes, Sharkey n'écrivait aucune chanson, mais The Undertones sans lui, c'est comme Ultravox! sans John Foxx ou The Stranglers sans Hugh Cornwell, ça n'a aucun sens.




The Undertones, The love parade, en direct dans l'émission Oxford Road Show le 28 janvier 1983.

08 juin 2024

COCO BRIAVAL QUARTET : Coco Briaval Quartet


Acquis par correspondance via Ebay en mai 2024
Réf : 658 089 -- Édité par Polydor en France en 1967
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

C'est Philippe R. qui m'a aiguillé vers un reportage de fin 2023 de l'INA qui a retrouvé la trace des frères Briaval qui avaient fait l'objet d'un reportage de l'ORTF en 1967.
A l'époque, les trois frères (Henri/Coco, guitariste soliste, René, guitariste rythmique, et Gilbert, batteur), accompagnés par le contrebassiste Diego, impressionnaient par leur fougue et leur talent.
Pour le reportage de 2023 il y a l'émotion en plus, ne serait-ce que parce que les frères sont toujours là, qu'ils jouent toujours de la musique et qu'ils ont eu pendant toutes ces années un parcours remarquable.


Le reportage original de Central Variétés pour l'ORTF diffusé le 30 juillet 1967 (C'est l'information donnée sur la page YouTube par l'INA, mais l'INA elle-même se contredit par ailleurs sur la date du reportage initial...).


Le reportage des retrouvailles de l'INA en 2023.

Pour marquer le coup, j'ai décidé de me procurer un de leurs disques. Je n'ai pas trouvé d'exemplaire en vente pas trop cher de leur premier album, Les Briaval (Philips, 1966), ni des 45 tours qu'ils ont ensuite sorti chez Ducretet-Thomson (Entrée libre et Amusez-vous), alors je me suis rabattu sur cet album sorti probablement fin 1967 chez Polydor, et ça tombe bien parce que c'était pile au moment du reportage de l'ORTF.

La pochette est réussie. Si quelqu'un reconnaît le bâtiment très particulier sur le perron duquel ils sont assis, ça m'intéresse.

L'album compte douze pistes instrumentales. La moitié sont des reprises de succès du moment, ce qui ne surprend pas à l'époque. L'autre moitié, et ça c'est plus remarquable pour un groupe si jeune, sont des compositions originales de Coco Briaval.
Le tout est dans le style jazz manouche, avec une rythmique jazzy, donc, une guitare solo qui, dans un premier temps, joue la mélodie principale (dans ces passages, on n'est pas si loin de Santo & Johnny), avant, à un moment ou un autre même si les titres sont courts, un passage de "tricotage" à la guitare où Coco fait preuve de sa virtuosité.

Parmi les reprises, mes préférés sont celles que je connaissais et appréciais déjà, Des ronds dans l'eau (que je connais dans la version Françoise Hardy), What now my love / Et maintenant de Gilbert Bécaud et Love is blue / L'amour est bleu. Comme quoi Jeff Beck n'est pas le seul guitariste à s'être amouraché de cette bluette !
Les compositions originales sont largement au niveau des reprises et, dans le lot, ma préférée est Easy going four.

Dans le reportage des retrouvailles, les frères mentionnent le tour international qu'a pris leur parcours musical. Cela avait déjà commencé en 1967, puisque cet album a été édité en Angleterre sous le titre Lazy night in Paris, avec une pochette toute moche pour le coup !

La belle histoire n'est pas terminée et les frères Briaval, avec certains de leurs enfants, se répartissent actuellement dans deux formations, le Groupe Coco Briaval et René et Alexandre Briaval Père et Fils.

A écouter :
Coco Briaval Quartet : Easy going four
Coco Briaval Quartet : Des ronds dans l'eau


02 juin 2024

ENO : Another green world


Offert par Dorian Feller à Hautvillers le 3 novembre 2013
Réf : 6396 048 -- Édité par Island en France en 1975
Support : 33 tours 30 cm
14 titres

Je me suis toujours tenu à l'écart de ses travaux de "musique ambiante", mais malgré tout, Brian Eno tient une place importante dans ma cartographie musicale. Pour ses collaborations et productions, d'abord : il a travaillé avec Bowie, notamment pour Heroes, il a co-produit le premier album d'Ultravox!, produit Q: Are we not men ? A ! We are Devo ! ainsi que les albums deux, trois et quatre de Talking Heads, dont Remain in light, et aussi plus tard James. Pas mal...! Et surtout, il a sorti entre 1973 et 1977 quatre albums sous son nom seul qui sont excellents. Mon préféré, c'est toujours Taking tiger mountain (by strategy) et jusqu'à récemment je mettais plusieurs crans en-dessous Another green world, trop "expérimental" pour moi.
Au fil des années, j'avais commencé à évoluer au sujet de cet album, trouvant I'll come running excellente, puis Golden hours pas mal du tout. Et il y a quelques semaines, chez Philippe R., on a écouté l'album ensemble parce qu'il trouvait que j'avais tort à son sujet. Et ce fut une révélation : effectivement, le disque me plaisait désormais dans son ensemble, y compris ses nombreuses pistes courtes instrumentales.
En rentrant chez moi, j'étais décidé à finalement me procurer cet album, le seul qui me manquait dans la série de quatre, pendant des années. Mais j'ai eu la bonne surprise de le trouver dans mes étagères ! J'avais oublié que, à la bourse BD Disques d'Hautvillers de 2013, voyant que je m'intéressais à l'exemplaire qu'il avait en vente, Dorian Feller me l'avait gentiment offert. C'est l'édition originale française, en très bon état, sauf la tranche de la pochette qui était abîmée et qui a été réparée.

Au recto de cette pochette, on trouve un détail d'After Raphael (?), une sérigraphie de 1973 de Tom Phillips. Phillips avait été le professeur d'Eno au début des années 1960. Ils ont souvent collaboré. Eno a enregistré Irma, un opéra écrit par Phillips, qui de son côté a tenté de tirer le portrait d'Eno, mais il n'est jamais resté suffisamment en place pour que les toiles soient terminées.

Les cinq titres chantés sont habilement répartis tout au long de album, et il y a un bon équilibre avec les pistes instrumentales, la plupart du temps assez courtes.

On ouvre avec Sky saw, avec une longue introduction instrumentale. J'ai encore un peu de mal avec la basse fretless de Percy Jones, mais c'est très rythmé et ça annonce bien le son de l'album, avec des sons bien bizarres. Comme l'indique apparemment Richard Poynor dans son livre More dark than shark, les quatre vers qui constituent les paroles ("Tous les nuages se changent en mots, tous les mots flottent à la suite. Personne ne connaît leur sens, tout le monde se contente de les ignorer") sont comme un manifeste, puisque par la suite Eno privilégiera le son des paroles à leur sens, ce qui ne l'empêchera pas bien sûr d'en produire d'excellentes !
Dans une conférence en 1979, Brian Eno a expliqué avoir recyclé des éléments de Sky saw dans au moins deux autres compositions. Malheureusement, il cite le mauvais titre pour l'extrait de Music for films où la musique a été considérablement ralentie et bidouillée, mais c'est en fait Patrolling wire borders. Il ne précise pas non plus le titre d'Ultravox! qui reprend des éléments de cette chanson, mais ce serait bien My sex. Et là, j'ai eu un choc en réécoutant cette chanson juste après Another green world. C'est précisément avec ce titre que j'ai découvert Ultravox! en 1979-80, sous le soleil dans un camp militaire marnais, alors que je dégageais à la truelle un silo gaulois creusé dans la craie. A l'époque, je ne connaissais pas du tout Eno. Aujourd'hui, je trouve que ce n'est pas seulement la batterie de Phil Collins sur Sky saw, qui aurait été échantillonnée pour cet enregistrement, qui rappelle Eno, mais bel et bien tout l'accompagnement, du piano à la Taking tiger mountain au violon.

Ce n'est pas souvent que j'ai eu l'occasion de mentionner des précurseurs aux Young Marble Giants, tellement leur musique est à la fois originale et intemporelle. Et pourtant, c'est bien la réflexion que je me suis faite en écoutant les introductions de St. Elmo's fire
et de Golden hours. Pas seulement à cause de l'utilisation de la boite à rythmes, mais aussi pour l'orgue et la rythmique et comment tout ça s'arrange. Les deux chansons bénéficient d'excellents solos de guitare de Robert Fripp, avec en plus John Cale au viola sur Golden hours.

Everything merges with the night, plus calme, est très bien, comme les trois chansons précédentes, avec plus d'émotion peut-être.
Je garde quand même une affection plus particulière pour I'll come running, sa musique et ses paroles folles ("J'accourrai pour lacer tes chaussures"). Le 26 février 1974, dix-huit mois plus tôt, Eno et son groupe les Winkies avaient enregistré pour une Peel session une version plus rock de cette chanson sous le titre Totalled. Les paroles sont différentes également.
Notons pour l'anecdote que, pour la face B du 45 tours hors album The lion sleeps tonight (Wimoweh), la version album d'I'll come running a été accélérée !

Le premier titre de cet album que j'ai connu, c'est Sombre reptiles, mais c'était dans sa version de 1976 enregistrée avec Phil Manzanera pour 801 live. Avec encore la boite à rythmes, entre autres, ce titre comme d'autres instrumentaux de l'album, me fait penser aux enregistrements postérieurs de Wall of Voodoo, quand ils essayaient d'évoquer des musiques de films de série B ou Z.

Over fire island est un autre titre de l'album qui a connu une autre vie, mais cette fois à l'insu de Brian Eno. En effet, Phil Collins et Percy Jones ont réutilisé pour l'occasion la rythmique d'Unorthodox behaviour, un titre de Brand X qu'ils avaient déjà enregistré mais qui n'était pas encore sorti. Ils ont juste oublié d'en avertir Eno... Je n'aime aucune des deux versions et je n'ai pas écouté jusqu'au bout le titre de Brand X !

Brian Eno a eu l'occasion de se revendiquer comme "non-musicien", mais par exemple The big ship est très bien, pourtant ce titre est joué par Eno seul, au synthé plus boite à rythmes.

J'aime bien aussi le morceau-titre Another green world. Eno y est crédité aux "Desert guitars". Ailleurs dans l'album, ses guitares sont Serpent ou Castagnettes...! Quelle imagination... Ce titre aurait bien convenu il me semble à Pascal Comelade, mais j'ai vérifié et il me semble que d'Eno il n'a repris que Taking tiger mountain.
Par contre, pour Becalmed, ce sont les Pascals qui s'y sont collés pour la reprise, en 2005 avec une excellente version allongée.

Voilà, j'ai réhabilité cet album qui intègre désormais mon panthéon personnel. Il ne me reste plus maintenant qu'à aller réécouter Before and after science, un disque dont j'ai aussi toujours trouvé la réputation surfaite...

Si vous voulez en savoir plus sur Another green world, je vous conseille le livre de Geeta Dayal de 2009, dans l'excellente collection 33 1/3.

Le dernier projet en date qui implique Brian Eno, c'est le documentaire Eno de Gary Hustwit. Un film évidemment expérimental (il serait génératif, différent à chaque fois qu'on le regarde) dont la bande originale, qui contient Sky saw, vient de sortir.

25 mai 2024

ERIC BURDON AND THE ANIMALS : See see rider


Acquis sur le vide-grenier d'Athis le 14 septembre 2014
Réf : 071 081 -- Édité par Barclay en France en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : See see rider -- Mama told me not to come -/- Help me girl -- That ain't where it's at

J'ai vraiment fait de bonnes emplettes sur la broc d'Athis en 2014 : une vingtaine de 45 tours, un CD et même sept 78 tours. Fait exceptionnel je crois, c'est le quatrième disque des achats de ce jour-là que je chronique, après les McCoys, les Sheiks et les Four Tops. Excusez du peu !

Si je suis allé rechercher ce disque, c'est à nouveau pour Mama told me not to come. Je n'avais pas du tout prévu de me lancer dans cette aventure quand j'ai acheté J'ai bien mangé, j'ai bien bu de Patrick Topaloff, mais de toute façon je ne savais pas au moment de l'acheter qu'il y avait en face B une adaptation de la chanson de Randy Newman. Ensuite, on s'est intéressé à la première version que j'ai connue de cette chanson, celle par The Wolfgang Press en 1991. Et aujourd'hui, avec Eric Burdon, on termine le tour des versions que j'ai chez moi, et surtout on se penche sur ce qui est chronologiquement la toute première parution de cette chanson, tous territoires confondus !

Comment se fait-il qu'un titre inédit, écrit par un américain, enregistré par un anglais aux États-Unis, soit sorti d'abord sur un
45 tours en France ? Eh bien tout simplement parce que l'industrie du disque dans les années 1960 c'était parfois un beau chantier, et en plus l'année 1966 a particulièrement été chaotique pour les Animals et Eric Burdon.

On peut d'abord s'étonner que la première version n'ait pas été publiée par son auteur-compositeur, Randy Newman. Mais en fait, pendant presque toutes les années 1960 Randy Newman a surtout fourgué ses chansons à d'autres, américains ou anglais. Ce n'est qu'en 1968 qu'il a sorti son premier album comme interprète et il a attendu 1970 et 12 songs pour publier sa propre version de Mama told me not to come.

Pour Eric Burdon, la situation en 1966 c'est que le groupe The Animals se sépare officiellement en septembre. Lui continue sous le nom d'Eric Burdon and the Animals, mais le groupe qui l'accompagnera, également connu sous le nom de The New Animals, ne sera formé qu'en fin d'année. Ce qui n'empêche pas les disques de sortir, avant et après la séparation des Animals, avec des différences selon qu'ils sortent aux États-Unis chez MGM ou en Angleterre chez Decca. Sans parler des licences dans d'autres territoires comme ici avec Barclay.

Essayons de retracer l'origine des quatre titres de cet EP :
  • See see rider paraît en juin 1966 en Angleterre sur l'album des Animals Animalisms.

  • See see rider paraît en single en septembre 1966 aux États-Unis, avec She'll return it en face B. Crédité à Eric Burdon and the Animals, mais les deux titres ont été enregistrés par The Animals.

  • Decca prévoit de sortir Help me girl en single en septembre 1966 avec Mama told me not to come en face B, mais cette sortie est annulée.

  • Help me girl paraît en single en Angleterre en octobre 1966, avec See see rider en face B.

  • Help me girl paraît en single aux États-Unis en décembre 1966, avec That ain't where it's at en face B.

  • L'album Eric is here crédité à Eric Burdon and the Animals paraît aux Etats-Unis en mars 1967. Il contient Mama told me not to come, Help me girl et That ain't where it's at.

Logiquement, la première parution de Mama told me not to come aurait dû être en septembre 66 chez Decca, mais la sortie du single a été annulée, ou en mars 1967 sur l'album MGM. Mais à l'automne 1966, quand cet EP a dû paraître, Barclay avait besoin de piocher quatre titres récents dans la production d'Eric Burdon. Officiellement publiés, il y avait See see rider, She'll return it, Help me girl et That ain't where it's at. Mais Barclay avait déjà sorti She'll return it sur l'EP Outcast et l'album The Animals. C'est comme ça qu'ils ont dû sélectionner Mama told me not to come dans les bandes à leur disposition, sans savoir que ce titre était inédit.

L'écheveau étant enfin plus ou moins démêlé. On va pouvoir écouter le disque.

See see rider est une version du standard du blues parfois intitulé C.C. rider. L'arrangement est crédité au clavier des Animals Dave Rowberry et ça s'entend, car l'orgue tient une bonne place dans cette bonne version rhythm and blues, avec une batterie sèche, un riff de guitare entêtant, Burdon qui fait son truc et une partie instrumentale guitare/orgue.

Les trois autres titres sont enregistrés par Burdon avec le batteur des Animals Barry Jenkins (le seul membre du groupe à être resté avec lui) et l'orchestre d'Horace Ott. Ils sont produits par Tom Wilson, qui à cette époque a notamment travaillé avec Bob Dylan, The Mothers of Invention, Simon and Garfunkel et The Velvet Underground.

La version de Mama told me not to come, avec ses arpèges en introduction et à la fin, sonne bien 1966. Je l'aime bien, notamment l'arrangement de cuivres. Plutôt que celle de Newman, c'est sûrement à partir de cette version que Three Dog Night a travaillé, en exagérant les traits jusqu'à la parodie.

Help me girl est plus pop, c'est sûrement pour ça que les labels l'ont sortie en face A de single. Burdon y est moins à son aise. That ain't where it's at confirme que la face B est inférieure à la face A.

A 83 ans, Eric Burdon a un concert à son programme pour la suite de l'année 2024, ce qui n'est déjà pas si mal.
Je ne sais pas avec quelle autre série je vais enchaîner. Peut-être avec d'autres chansons de Randy Newman ? (après tout, sur Eric is here, Mama told me not to come est enchaînée avec I think it's going to rain today, une chanson interprétée notamment par Nina Simone ou UB40). A moins que je retourne piocher dans mes trouvailles d'Athis...


Eric Burdon and the Animals, See see rider, en direct en 1967 dans l'émission de la télévision allemande Beat-Club.


Eric Burdon and the Animals, See see rider. Un montage vidéo sur la version du disque.