31 décembre 2009
REMY CHANTE : Disque lazer
Offert par Rémy Chante par correspondance le 27 décembre 2009
Réf : [sans] -- Edité par Les Déserteurs en Europe en 2009
Support : 1 application flash
13 titres
Rémy Chante a envoyé son cadeau de Noël deux jours après la date officielle. Il est tellement réjouissant qu'on ne comptera pas sur nous pour lui reprocher ce léger décalage par rapport à la date traditionnelle.
Ce cadeau, c'est Disque lazer, un album virtuel du plus jeune des Frères Nubuck. Un rapide coup d'oeil à la liste des titres nous apprend immédiatement qu'il s'agit d'une collection de reprises et que le fil rouge qui relie les titres sélectionnés, c'est la topographie : chacune des chansons sélectionnées comporte dans son titre un nom de ville, de Paris à Issy-les-Moulineaux en passant par Tunis et Quimper.
L'autre bonne nouvelle, c'est que ce sont bien des chansons qui nous sont proposées. Contrairement aux précédentes livraisons solo de Rémy Chante (Le Rital et la gamine, Music from Rémy Chante et Géographie des plaines belges) qui étaient instrumentales, Disque lazer est chanté, et excellemment chanté, par Rémy Chante, qui met à profit l'expérience acquise aves les Frères Nubuck, épaulé magistralement à plusieurs reprises par dÕRIS dÕris pour une deuxième voix, des choeurs et même le chant principal sur l'excellent Un clair de lune à Maubeuge. C'est d'ailleurs la seule intervention extérieure sur cet enregistrement en solo intégral de Rémy Chante.
En fait, il s'avère que ce disque n'est pas virtuel pour tout le monde, et pas nouveau non plus. En effet, il a été diffusé sous forme de CD en mars dernier aux souscripteurs du projet Les déserteurs, de Benjamin Demeyere et Rémy Chante, qui ont reçu chaque trimestre pendant un an une collection d'objets en édition limitée des plus hétéroclites, de la boite d'allumettes à la carte géographique en passant par le pantin articulé et les badges.
La livraison n° 2 de mars 2009 contenait donc notamment un calendrier du déserteur sur 13 mois (le 13e mois étant un supplément gratuit), l'illustration de chaque page mensuelle se rapportant aux titres des chansons du Disque lazer également inclus dans l'envoi.
Aujourd'hui, l'abonnement étant échu, les non-abonnés peuvent écouter ces chansons. Heureusement, car il aurait été dommage que la diffusion de ces excellentes reprises soit limitée à quelques dizaines de personnes car Rémy réussit là un exploit : proposer pour chacun des titres choisis un arrangement inventif et lumineux et le chanter excellemment. Et il en faut du talent pour ne pas se planter, qu'on tape dans la variété (Dalida et Love in Portofino, Petula Clark et (Allons donc) A London) ou qu'on s'attaque à une scie comme Syracuse ou un tube comme Week-end à Rome. Par exemple, New-York USA est loin d'être mon titre préféré de Gainsbourg, mais Rémy Chante s'en tire mieux que bien en gardant l'arrangement vocal avec une deuxième vois féminine mais en proposant un arrangement musical beaucoup plus rapide et très pop. Idem avec Barcelone, une excellente chanson de Boris Vian, mais que je ne connaissais jusqu'à présent que dans une version restée inédite à l'époque sur laquelle Vian chante comme une casserole. Là, c'est parfait.
Parmi les autres réussites, il y a Acapulco, reprise des copains de label les Chicken Belmondos et Moulineaux, un titre de Fred Poulet, et c'est une preuve du talent des Frères Nubuck si, parmi toutes ces bonnes chansons, ma préférée est peut-être Quimper, un titre des Nubuck paru sur l'album Chez les nudistes ("Tu ressembles aux rideaux dans le séjour et tu sors comme ça tous les jours"). J'aime beaucoup la version originale, mais je crois que maintenant je lui préfère cette nouvelle version, qui témoigne des progrès réalisés par les Nubuck ces cinq dernières années.
Je n'écoute pas souvent l'émission Le fou du roi sur France Inter, mais il m'arrive de zapper dessus pour écouter les groupes invités. Par le plus grand des hasards, j'ai donc eu l'occasion par deux fois (en direct il y a quelques semaines et lors de la rediffusion hier) d'y entendre François and the Atlas Mountains massacrer, en anglais et complètement faux, Suzanne de Leonard Cohen. Pour 2010, je n'ai qu'un message à faire passer aux programmateurs de l'émission : Invitez Rémy Chante, mais pendant une semaine entière, vous ne serez pas déçus !
Et puis, si jamais Katerine, Dick Rivers, Etienne Daho, Petula Clark, Fred Poulet ou Holden ont un projet d'album, ils devraient peut-être penser à Rémy Chante pour produire et même interpréter leurs enregistrements !
Ceux qui n'étaient pas abonnés au projet Les déserteurs peuvent en savoir plus en se procurant le livre Le déserteur / Les déserteurs de Rémy Chante et Benjamin Demeyere qui retrace cette aventure (22 € port compris).
Sur la page MySpace de dÕRIS dÕris on peut écouter deux excellents titres produits par Rémy Chante, une version de la chanson de Belle et Sébastien et une reprise de l'un de mes titres préférés du Bingo Bill Orchestra, On a tous des défauts (Je me demande bien pourquoi ce dernier titre ne figure pas sur Home/Fame...).
29 décembre 2009
VIC CHESNUTT : Skitter on take-off
Acquis par correspondance chez Amazon en France en novembre 2009
Réf : 2-521680 -- Edité par Vapor aux Etats-Unis en 2009
Support : CD 12 cm
9 titres
Jeudi dernier, la veille de Noël, Philippe R. était à la maison. Evidemment, on a passé une bonne partie de l'après-midi à écouter certains des disques que j'ai acquis depuis la dernière fois qu'on s'était vus.
Parmi ceux-ci, il y avait Skitter on take-off, le dernier album en date de Vic Chesnutt, produit par Jonathan Richman et son batteur Tommy Larkins. On en a écouté plusieurs titres, on en a discuté et pour conclure j'ai annoncé à Philippe mon intention de parler de ce disque ici avant la fin de mes vacances de fin d'année.
Cette écoute et cette discussion étaient encore si fraîches dans ma mémoire que j'ai été d'autant plus surpris d'apprendre le lendemain matin que, quasiment même au moment où nous parlions de lui avec Philippe, Vic Chesnutt tombait dans le coma suite à une tentative de suicide, à laquelle il a succombé plus tard dans la journée du 25 décembre.
Vu les circonstances, la période de l'année et surtout la qualité et la quantité récente de la production et des prestations de Vic, l'annonce de sa mort a suscité un grand nombre de réactions pleines d'émotions, que je partage pour la plupart. Pour l'heure, me refusant aux chroniques nécrologiques, je vais tenter de parler de cet album comme j'avais l'intention de le faire de toute façon, "comme si" ou bien évidemment plutôt "presque comme si", Vic Chesnutt ne venait pas de mourir entre-temps.
J'ai eu l'occasion de voir Vic Chesnutt trois fois en concert. La première fois en décembre 1994 et en trio aux Transmusicales de Rennes, puis en octobre 1998 au New Morning, accompagné par Lambchop dans la tournée qui a suivi la sortie de The salesman and Bernadette, et enfin à Reims, à La Cartonnerie, le 26 février 2008. C'est ce jour-là que j'ai eu l'occasion d'échanger très brièvement quelques mots avec lui, sur la scène après le concert alors qu'il rangeait ses affaires. Je lui avais dit combien j'avais apprécié le concert et je lui avais demandé de transmettre mon bonjour à Jonathan Richman, avec qui il allait entamer une tournée aux Etats-Unis quatre jours et deux concerts plus tard.
Ce concert du premier mars 2008, il l'a entamé par une chanson de circonstance, Opening for Jonathan Richman ! Lorsque les deux compères ont à nouveau tourné ensemble en juin 2009, Vic a récidivé en ouvrant son concert de Cleveland par une Ode to Jonathan, dans laquelle il déclare, "Jonathan Richman, he's my mentor".
Car ce que l'on ne savait pas spécialement jusqu'aux interviews que Vic a données cet automne, c'est que Jonathan et lui se connaissaient bien et s'épaulaient depuis très longtemps.
Entre les deux tournées, probablement à l'automne 2008, Vic Chesnutt a rejoint Jonathan et Tommy à San Francisco et ils ont donc enregistré ensemble cet album, sorti quelques semaines seulement après At the cut, le deuxième album de Vic chez Constellation (entre-temps, Vic avait aussi sorti Dark developments, enregistré avec Elf Power and the Amorphous Strums !).
Le contraste entre les deux derniers albums est saisissant : les orchestrations riches et travaillées des nombreux musiciens qui accompagnent Vic sur At the cut font place sur Skitter on take-off à un disque quasiment en solo intégral où Vic est accompagné - ou non suivant les titres - uniquement par la batterie de Tommy Larkins et l'harmonium ou la guitare de Jonathan Richman, qui de toute façon se font très discrets même quand ils sont présents. Poussant encore plus loin dans la direction prise pour ses albums les plus récents, Jonathan Richman a également tenu à ce que le disque soit enregistré live en studio, sans overdubs. On a donc sans surprise un album dépouillé, "à l'os", où l'on s'accroche à la voix de Vic et à la beauté de ses chansons. Un album exigeant, mais les efforts pour l'apprivoiser se réveillent vite payants, dès le titre d'entrée en fait, où Vic chante (très bien) ce festin en période de peste ("You were a beautiful pig"...).
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les chansons de Skitter on take-off sont moins "personnelles" que celle d'At the cut, comme Vic l'a précisé dans plusieurs interviews, notamment celle, excellente et détaillée sur les deux derniers albums, pour Prefix et celle pour l'Arizona Daily Star (accessible après s'être enregistré gratuitement) : les chansons ici sont peuplées de personnages, fictifs ou non, alors que celles d'At the cut concerneraient plus directement Vic lui-même.
Outre ce premier titre, les grands moments du disque sont nombreux, notamment Rips in the fabric, My new life (qui commence avec Vic, qui chante sur un ton aigu "I am so lonely"...) et Worst friend, le titre le plus long, à près de huit minutes ("I am the worst friend in the world").
Society Sue figure également parmi mes chansons préférées du disque. C'est d'ailleurs l'un des titres les plus "orchestrés" de l'album, avec un petit break instrumental au début, où il me semble bien reconnaître un riff de guitare typique de Jonathan Richman, et ensuite un rock acoustique proto-velvétien à pas plus d'un accord qui ressemblent aux interprétations que Tommy et Jonathan donnent actuellement de Pablo Picasso. Oui mais voilà, j'ai du mal à apprécier pleinement Society Sue car, grâce au Jojoblog, j'en connais une autre version, enregistrée en concert, toujours ce 1er mars 2008 à Athens, la ville de Vic Chesnutt, au 40 Watt Club, une salle qui a joué un rôle important dans sa carrière. Cette version d'une chanson à peine composée, alors provisoirement intitulée Robert Wyatt, comporte un couplet qui ne figure pas sur la version publiée, peut-être parce qu'il était justement très personnel :
Defenestration,
like Robert Wyatt.
Checked into my options,
at the Brussels Hyatt,
but the windows were bolted
so I couldn't try it.
Mesmerized by the light show
and my agitation slowly subsided
on its own accord.
Tout cela chanté en regardant le désespoir en face, avec un ton qui, tout naturellement, alors que ça pourrait choquer, fait rire le public. Sur scène en tout cas, Vic Chesnutt avait un humour sombre qui le quittait rarement.
Vapor, le label fondé par Neil Young, propose un emballage pour ce CD à peu près aussi spartiate que l'enregistrement gravé dessus : des dessins de Vic sur un carton brut. Seule concession évidente au "commerce", un petit autocollant sur le cellophane indiquant "9 new songs". Neuf nouveaux enregistrements, effectivement, mais huit nouvelles chansons seulement, car la dernière chanson du disque, Sewing machine, avait été enregistrée préalablement en 1995 par Vic Chesnutt sur le premier album de Brute, dans une version beaucoup plus électrique, comme l'a fait remarqué Solitary Man.
Dans l'interview pour Prefix, alors qu'on l'interrogeait sur ses futures collaborations, avant de mentionner Sparklehorse et un deuxième album avec Bill Frisell, Vic disait : "I’ve got to make a record with Giant Sand since they’re such good buddies of mine. We’ve toured together, but we’ve never made a record."
Vic n'aura pas eu le temps de faire ce disque avec Howe Gelb. Pour nous consoler, on peut écouter ce concert qui les a réunis au Danemark en 2003, mis en ligne par Lars Dideriksen.
A lire également, la Chambre Verte consacrée à Vic Chesnutt par Philippe L sur Ordet Blog, qui propose notamment un long entretien de Vic avec Emmanuel Tellier, intialement publié dans Les Inrockuptibles en décembre 1995. Les Inrocks qui, sur leur propre site, donnent accès à plusieurs articles et chroniques consacrés à Vic Chesnutt.
27 décembre 2009
ORCHESTRE PETIOT : Ahoe te vaa
Acquis sur le vide-grenier d'Ecriennes le 18 octobre 2009
Réf : P 510 -- Edité par Petiot en France en 1979
Support : 33 tours 30 cm
12 titres
Comme le monsieur, dans une boite qui n'en contenait en tout qu'une quinzaine, avait rien moins que trois albums de musique tahitienne (les deux autres, des musiques de fêtes datant des années 80 ne m'intéressaient pas), je lui ai demandé si c'est lui-même qui les avait ramenés de là-bas. Il me l'a confirmé, en me montrant des coquillages qu'il vendait aussi sur son stand. C'était sûrement un fonctionnaire qui avait été un temps en poste en Polynésie.
Les coquillages m'intéressaient encore moins que les autres disques, mais par contre je savais que Petiot, dans la lignée des Gaston Guilbert et Yves Roché, était un musicien et producteur important de Tahiti, c'est pourquoi je me suis emparé immédiatement de cet album, bien qu'il me paraisse un peu tardif par rapport à mes goûts. 1979, c'est limite limite et très tard par rapport aux enregistrements de Tiare Tahiti de la fin des années 50 et des années 60 qui me font fondre comme neige au soleil de Tahiti.
Au bout du compte, j'ai été agréablement surpris à l'écoute du disque. Certes, le son est un peu plus "moderne", avec une basse électrique au lieu d'une contrebasse, quelques apparitions discrètes d'un orgue et d'autres, surprenantes et bienvenues, d'un harmonica, mais il reste fidèle à une certaine tradition tahitienne.
Petiot étant un guitariste, il fait appel à des chanteurs au sein de son orchestre. Sur ce disque, il semble bien que les deux chanteurs sont John Gabilou et Esther Tefana.
Outre le chant de marins et le tamouré à la fin des deux faces, les titres de l'album se répartissent en deux groupes : les chansons en français, destinées avant tout on l'imagine aux touristes clients des hôtels où l'Orchestre Petiot devait se produire le plus souvent, et celles en tahitien, plus traditionnelles, qui valent largement les enregistrements plus anciens du genre. Ce sont ces dernières que je préfère, bien sûr, comme A hoe te vaa, Kaute e mura, Te mata o te vahine, Motu one et A rutu aue te navenave. Les premières, comme Tahiti, Tahiti, Sabrina ou Île de Tahiti, flirtent trop avec la variété pour mon goût, mais j'ai un gros faible cependant pour La fille des îles, suffisamment légère et délurée pour me faire craquer.
Petiot a édité des dizaines de 33 tours. Les chansons de celui-ci, dans d'autres éditions, semblent provenir des volumes n° 25 et 26 principalement. Il y a visiblement eu des rééditions en CD (Le catalogue de la médiathèque du centre culturel Tjibaou en Nouvelle Calédonie en liste près de cinquante !), mais leur distribution doit être très locale car elles ne sont très peu référencées sur internet.
En octobre, juste après avoir acheté ce disque, j'ai d'ailleurs peu trouvé d'informations sur Petiot. En préparant ce billet ces derniers jours, j'ai eu la bonne surprise de tomber sur un article tout récent (21 décembre 2009) de La Dépêche de Tahiti, qui nous apprend plusieurs choses : Petiot a bon pied bon oeil; Après 1984, il s'est surtout consacré à la musique religieuse; Il vient d'éditer une compilation de 13 de ses meilleurs titres intitulée Ma guitare et moi.
Orchestre Petiot avec Esther Tefana au chant : Te mate o te vahine.
Orchestre Petiot avec Gabilou au chant : La fille des îles.
23 décembre 2009
THE RESIDENTS : Duck stab !
Acquis au Festival des Musiques de Traverses à Reims vers 1983
Réf : RR1177-STK/A -- Edité par Ralph aux Etats-Unis en 1978
Support : 33 tours 17 cm
7 titres
C'est sûrement Dorian Feller qui le premier m'a donné l'occasion d'écouter les Residents. Il m'avait d'ailleurs aussi donné une pochette vide de l'album Not available, héritée de ses activités de distributeur en France de Recommended Records, qui a longtemps orné le manteau de cheminée de ma chambre à coucher. (C'est pourquoi j'avais ce titre bien en tête quand j'ai nommé l'une des collections de Vivonzeureux! Records).
Dans ce que Dorian m'avait prêté ou fait écouter, il y avait probablement l'album Duck stab/Buster & Glen, présenté comme la compilation de deux EP, Duck stab !, c'est celui-ci, qui était effectivement sorti, et Buster & Glen, donc, qui est censé avoir été un projet de EP, jamais effectivement diffusé. Parait-il que c'est la mauvaise qualité de son du EP (17 minutes de musique sur un petit disque à la vitesse de 33 tours par minute) qui a précipité la décision de le rééditer, remixé et remasterisé au passage. Par la même occasion, l'ordre des titres a été modifié, et le "tube" du disque, Constantinople, s'est retrouvé en premier.
Constantinople, c'est d'ailleurs l'une des deux raisons qui m'ont décidé à acheter cet EP sur l'un des stands de disquaires qu'on trouvait chaque année à la Maison de la Culture André Malraux de Reims pendant les quatre jours que durait le Festival de Musiques de Traverses. J'avais été très surpris qu'un vendeur propose ce disque, neuf (il était encore sous cellophane) et à un prix tout à fait correct. Inutile de préciser que j'ai rarement vu ce disque en vente ailleurs depuis.
L'autre raison, c'est l'objet lui-même. J'ai toujours beaucoup aimé les EP 17 cm, et celui-ci, avec sa pochette ouvrante et les paroles au dos, en est un très beau spécimen.
Ce disque est généralement présenté comme l'un des plus faciles d'accès des Residents. Et c'est vrai que les titres sont courts, plutôt mélodiques et avec un chant assez compréhensible. Bref, c'est presque de la pop ! Mais c'est du Residents quand même et, comme il s'agit de l'un de leurs disques sur lesquels il est invité, on est en fait assez proche dans l'esprit de la réussite qu'est Chewing hides the sound, le premier album de Snakefinger, paru l'année suivante.
Je ne sais pas vous, mais moi je ne connais que deux chansons qui ont Constantinople dans leur titre. Alors quand j'entends celle des Residents ("Here I come Constantinople, I am coming Constantinople, Here I come"), je ne peux que penser à celle de They Might Be Giants, Istanbul (Not Constantinople), sortie seulement en 1990 mais qui est une reprise d'un titre des Four Lads de 1953. Les deux chansons ne se ressemblent pas vraiment mais il n'est pas impossible que les Residents aient eu la plus ancienne en tête quand ils ont fait la leur.
Trois des quatre morceaux de la face B ont d'ailleurs des titres avec des références explicites à la musique : Bach is dead, Elvis and his boss et The booker tease. Ce dernier est bien sûr un instrumental, mais on n'y entend pas le son d'orgue caractéristique de Booker T, ce serait trop facile pour les Residents, mais la rythmique me rappelle quand même celle de tubes des MGs comme Green onions.
Avec Constantinople et The booker tease, mon titre préféré est Laughing song, qui ouvre cette édition originale de Duck stab !. On a l'impression d'entendre des échantillons de musique orientale et la bande-son d'un dessin animé du début des années 30, sans parler du rire qui donne son titre au morceau. Là encore, on est très proche dans le son et dans l'esprit des enregistrements sortis sous le nom de Snakefinger, produits et interprétés avec les Residents.
Duck stab est actuellement disponible en CD, augmenté des 7 titres de Buster & Glen qui figuraient sur le 33 tours de 1978 et de 4 bonus.
21 décembre 2009
HOWE GELB & HIS MELTED WIRES : Holiday eyes
Acquis par correspondance chez Amazon en France le 19 décembre 2009
Réf : B0031DIST8 -- Edité par Ow Om aux Etats-Unis en 2009
Support : 1 fichier MP3
Titre : Holiday eyes
J'ai beau me moquer de l'industrie musicale, qui ne sait plus où elle habite (ou plutôt, qui ne sait plus trop quoi vendre ni comment le vendre), ce n'est pas pour autant qu'on risque de m'entendre me plaindre des évolutions technologiques. Au contraire, je me réjouis chaque jour d'avoir accès à une technologie qui, pendant longtemps, pour ma génération et les précédentes, a relevé purement et simplement de la science-fiction : fabriquer son propre disque, transporter presque instantanément de la musique d'un bout à l'autre de la planète...
Samedi soir, à 23h05, j'apprends en consultant la page des Commentaires du site de Giant Sand (le point de rencontre indispensable des fans de Howe Gelb depuis 1998) que Howe Gelb vient de diffuser chez Amazon un nouveau titre, Holiday eyes. A peine cinq minutes plus tard, délesté de la somme de 89 centimes (dont une bonne partie ira dans la poche de Howe, j'espère, étant donné que c'est de l'auto-édition), j'avais le casque sur les oreilles et j'écoutais cette chanson.
On sait que j'évite les disques de Noël en période de fêtes (j'ai pris grand soin ces deux dernières années de chroniquer les disques de Noël de Low et d'Aamok le 25 juin, la date la plus éloignée possible du 25 décembre), mais pour Howe Gelb je suis tout prêt à faire une exception. Après tout, depuis une bonne quinzaine d'années maintenant je le suis dans les tours et détours de son parcours musical. Il n'y a guère que sur l'un de ses deux albums de piano solo que j'ai fait l'impasse.
Cette toute nouvelle chanson ne m'était pas complètement inconnue. Toujours grâce aux Giant Sand Comments, j'avais appris que Howe avait donné une interview pour Radio Eins en Allemagne le 1er décembre, au cours de laquelle il avait joué deux titres en solo. Une de ses plus vieilles chansons publiées, Artists, qu'on trouvait en 1985 sur Valley of rain, le premier album de Giant Sand. Et une toute nouvelle, d'ailleurs pas encore finie puisque Howe l'a interrompue brutalement en expliquant : "C'est tout ce que j'ai pour l'instant, il m'aurait fallu un trajet en train plus long." (Ces deux titres peuvent être téléchargés ici).
Depuis le 1er décembre, Howe est visiblement revenu à Tucson et il a pris le temps de finir cette chanson, provisoirement intitulée Christmas lights, qui est devenue Holiday eyes, enregistrée, mixée et masterisée sur deux semaines, en famille (les plus jeunes enfants de la famille font les choeurs) et avec les amis (Thoger Lund, le bassiste de Giant Sand, John Convertino et Jacob Valenzuela de Calexico).
Le propos de la chanson est simple : mon vol a été annulé pour cause de neige, le temps joue pour nous; quand ils vont se lever demain matin et découvrir que leur père est à la maison, les yeux des enfants vont s'allumer comme un jour de fête.
Il y a sûrement eu une expérience récente qui a inspiré cette chanson au Danemark (la seconde maison des Gelb : ce n'est pas demain qu'on verra de la neige à Tucson !), mais on peut en retracer le sentiment au moins à octobre 2008,quand Howe a annulé un concert à Phoenix car il n'a pas pu se résoudre à quitter la maison.
Il le racontait ainsi dans ses carnets de tournée :
"today we were meant to play a sweet place with a wonderful vibe and i could not even muster the get up and go to go and get up there. (...) they said they had 40 pre sales tickets, and i began to just stare off at my kids in the room and figured them into an evening of snuggle instead. i suppose i had simply gotten about 12 minutes too old for heading up there like this now. something felt wrong about it and i would never know why until it would be too late. (...) i only have so many gigs left in me. it’s not a morbid thought, its just more precise then any younger guestimater. (...) had the sadness this morning after my canceling fever."
Guitare, basse, batterie, les choeurs appliqués des enfants Gelb, Holiday eyes n'est certainement pas le chef d'oeuvre de Howe Gelb, mais c'est bien plus que ça, un bon moment que la famille Gelb partage avec nous.
Dans le même esprit, sans prétendre évidemment mesurer Les Petits Sablés à l'aune du Sable Géant, je ne saurais trop conseiller à ceux qui ne la connaitraient pas d'écouter Nulle part, la reprise du Nowhere de The Band of Blacky Ranchette/Giant Sand, que j'ai eu le plaisir d'enregistrer en 2003 pour un hommage à Giant Sand, en famille aussi, mais avec les Roger, pas les Gelb !
Holiday eyes est en vente en MP3 chez Amazon.
20 décembre 2009
LANGHORNE SLIM : Rebel side of heaven
Acquis au Record and Tape Exchange de Notting Hill Gate le 24 septembre 2009
Réf : KEM 077 -- Edité par Kemado aux Etats-Unis en 2008 -- Not for sale. Promotion record.
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Rebel side of heaven -/- Sometimes
Ce disque est un objet paradoxal. Je dirais même qu'il pourrait incarner à lui tout seul le paradoxe qui paralyse l'industrie musicale ces derniers temps.
Une industrie qui vend de la musique numérique si cher que le prix de quelques titres achetés isolément est très vite supérieur à celui d'un album en CD, alors qu'il est évident pour tout le monde que les coûts de fabrication et de distribution d'un CD et de son livret n'ont rien à voir avec ceux de la musique en ligne (Pour le label Kemado, dans ce cas précis, l'album Langhorne Slim dont ce 45 tours est tiré est vendu en CD, pas cher, à 10 $ mais la version en MP3 ne bénéficie que de 20% de réduction à 8 $. Il y a aussi pour les nostalgiques du vinyl un 33 tours à 15 $).
Le paradoxe donc, c'est que pour pour faire la promotion de cette musique auprès des professionnels, en espérant qu'ils relaieront positivement l'information auprès du public, même un label indépendant comme Kemado ne se contente pas de faire parvenir aux journalistes un MP3 et un dossier de presse, ou même un CD. Non, ils font presser spécialement pour l'occasion, à un coût évidemment prohibitif, un 45 tours sur un vinyl plus épais que les 45 tours des sixties, sans pochette mais avec une étiquette centrale très travaillée au design des plus rétros. Si ce qu'ils souhaitent vendre c'est uniquement de la nostalgie pour un pseudo-âge d'or passé, ils devraient aller jusqu'au bout de la démarche et ne distribuer que du vinyl, il me semble.
En tout cas, contrairement à d'autres, cet objet promotionnel ne semble pas avoir été distribué à des centaines d'exemplaires. En cherchant des informations, je n'en ai trouvé aucun en vente sur Internet et il n'est même carrément référencé nulle part.
Au prix de départ de 3 £, personne n'en a voulu à Londres, chez Music and Video Exchange. Il n'a pas trouvé preneur non plus aux prix intermédiaires et, quand je suis arrivé, il avait atteint le prix plancher de 10 pence, celui du fond de la cave, juste avant la poubelle. Même à 50 pence je l'aurais pris sans hésiter même si je n'en attendais pas grand chose car, sur le coup, j'ai confondu Langhorne Slim avec Watermelon Slim, dont j'avais emprunté un album l'an dernier à la Médiathèque auquel je n'avais pas trop accroché.
Langhorne Slim, en fait, je ne le connaissais pas du tout. Il est rattaché à la mouvance [insérez ici l'étiquette de votre choix]-folk new-yorkaise, mais son excellent Rebel side of heaven ("We ain't going to hell, we're going to the rebel side of heaven") n'est jamais qu'une excellente chanson pop-rock, à l'instrumentation en partie acoustique (contrebasse, cuivres) mais aussi avec de la guitare et de l'orgue. La face B Sometimes, également extraite de son troisième album Langhorne Slim, avec juste une guitare et de la voix, est plus dans une certaine tradition folk. A l'écoute, cette chanson me rappelle quelqu'un, mais je n'arrive pas à retrouver qui ! Mais dans l'ensemble, je trouve qu'on est assez proche dans l'esprit de G. Love and Special Sauce.
Langhorne Slim a sorti en 2009 un quatrième album, Be set free. Il a déjà joué plusieurs fois en France, encore récemment à Paris au début de ce mois de décembre.
13 décembre 2009
LES COMPAGNONS DE LA CHANSON : A Bobino vol. 2
Acquis sur le vide-grenier de Magenta le 11 octobre 2009
Réf : S 63494 -- Edité par CBS en France en 1968
Support : 33 tours 30 cm
10 titres
En tout cas, juste avant le grand changement, en juin dernier, en route pour le boulot, j'écoutais une de mes vieilles compilations cassette des années 1980 et j'ai rééentendu Le petit oiseau joli. Ça m'a mis de bonne humeur pour la journée, mais je ne me souvenais plus du tout qui étaient les interprètes. Vérification faite, c'était Les Compagnons de la Chanson.
Je me souviens comment cette chanson s'est retrouvée sur ma cassette. C'est Jef et Sylvie qui m'ont fait écouter l'album, je ne sais plus à quelle occasion mais ils m'avaient sûrement invité à manger. Le disque,lui, provenait sûrement de la collection de la maman de Jef.
Absolument rien ne m'a accroché sur l'album, sauf cette pochade, qui m'a bien entendu rappeler Le vilain petit zoziau d'Odeurs, puisque qu'il question d'oiseau et que c'est chanté en chorale, même si Le petit oiseau joli, due au poète-chansonnier Charles Monelly, est en fait bien plus ancienne que la chanson d'Odeurs puisque Les Compagnons indiquent qu'elle date de vers 1930.
On retrouve Le petit oiseau joli dans nombre d'anthologies de chansons paillardes ou de salles de garde. C'est surprenant : c'est sûrement la plus sage du lot, la preuve étant que Les Compagnons l'ont chantée à Bobino ! Je vous laisse la découvrir dans le radio-blog ci-contre, dans la colonne de droite, mais retenez-en surtout la morale : "Quand on a bouffé d' la merde, faut pas l' gueuler sur les toits".
Le reste du disque m'est à peu près insupportable, surtout des trucs comme Le clown et l'enfant triste, Jérusalemen en or ou Quand la mer monte. Pour Si j'avais des millions, la chanson d'Un violon sur le toit, je la connais surtout et la préfère dans la version Ah! si j'étais riche par Ivan Rebroff. Leur version de L'amour est bleu passe quand même à peu près pour moi, mais c'est parce que je suis trop sensible à cette scie.
Un seul titre m'a vraiment fait lever l'oreille. Ça tombe bien, on trouve l'enregistrement filmé à Bobino de cette chanson sur Dailymotion :
"Sur des paroles de Jean Broussolle", mon oeil ! Il y a vingt ans on aurait pu me la faire, mais aujourd'hui il ne me faut pas plus de quinze secondes pour savoir que Jean Broussolle n'a signé que l'adaptation en français des paroles. On a bel et bien à faire ici à une reprise de The unicorn, chanson dont les paroles et la musique sont de Shel Silverstein. Il n'est pas étonnant que Les Compagnons l'aient reprise, car les Irish Rovers en avaient justement fait un énorme tube en 1968 (8 millions d'exemplaires vendus dans le monde).
Si on peut comprendre à la limite qu'en plein concert on fasse une annonce imprécise sur l'auteur de la chanson, il est plus surprenant et inadmissible (même si c'était très courant dans les années 50-60) que les crédits indiqués sur le disque soient faux. On nous donne Jean Broussolle (des Compagnons) comme parolier et Ch. Bud Dant comme compositeur. Vérification faite Charles Bud Dant est... le producteur de l'enregistrement des Irish Rovers ! Jean Broussolle doit être lui l'adaptateur des paroles en français. L'éditeur et le label n'ont pas fait leur boulot et si ça se trouve Silverstein n'a jamais touché un centime de ses droits d'auteur sur cette reprise...
Ce disque a autre chose de remarquable : l'étalage de pulls sur la pochette ! 14 pulls pour 9 Compagnons, avec des variations : pull à col roulé, sous-pull à col roulé avec pull à col ras ou rond, sous-pull avec col en V. Impressionnant. C'était la mode à l'époque, mais je me demande si Les Compagnons n'ont quand même pas aussi emprunté des sous-pulls aux Irish Rovers :
12 décembre 2009
ODEURS : Ramon Pipin's Odeurs
Acquis d'occasion dans la Marne dans les années 1990
Réf : 2393 222 -- Edité par Polydor en France en 1979
Support : 33 tours 30 cm
12 titres
Je ne me souviens absolument plus du passage d'Odeurs dans l'émission Chorus d'Antoine de Caunes à Pâques 1979, tel que Ramon Pipin le relate dans le magazine Juke-Box, avec Shitty Telaouine en Jésus sur une croix en mousse, mais c'est obligatoirement à cette occasion que j'ai découvert Odeurs.
Odeurs, c'est le groupe de copains qu'a fondé Ramon Pipin pour déconner dans son studio Ramses après son départ d'Au Bonheur des Dames. Le passage à Chorus, c'est d'ailleurs complètement une affaire de copinage, de Caunes étant un pote de tout ce beau monde, Shitty Telaouine (ex-ABDD lui aussi) ayant été son premier comparse dans Chorus avant d'être remplacé par Jacky, que l'on reconnait sur la pochette de cet album (Il y a aussi un gars à la moustache fine qui ressemble furieusement à Fred Chichin au recto, mais moins au verso).
Il n'y a aucun crédit détaillé sur l'album original, il faudrait donc consulter le livret de la réédition CD pour avoir une liste au moins partielle des participants à cet enregistrement, mais il y a selon Ramon Pipin plein de beau monde.
Dans la lignée d'Au Bonheur des Dames, Odeurs est un groupe parodique, sauf qu'au lieu de se concentrer sur le rock'n'roll des années 50 et 60, Odeurs s'attaque à une palette musicale plus large, de la chanson au rock, en passant même par le classique.
Je n'ai pas acheté ce 33 tours à l'époque, mais il est certain que j'y ai eu accès, par un copain ou la discothèque de Châlons, et que je l'ai enregistré sur cassette car j'en connaissais certaines chansons par coeur. Je pense notamment à Je suis mou, du rock mou, donc, que je chantais à tue-tête pendant des journées entières pendant ma (première) terminale (rétrospectivement, je plains mes camarades de classe !). Il suffisait d'un cours de sciences naturelles avec Mme Jacquet pour que je ressorte ma science, avec ces paroles que je n'ai jamais oubliées : "Je suis une amibe gélatineuse, entre la méduse et le pied de veau. Ma mère crut accoucher d'un plat de tripes au vin blanc, je suis flasque, gluant, visqueux, dégoulinant. Je suis mou, j'en suis fier, faible, dégonflé mais sincè-è-è-è-ère". Je reproduisais même la parodie de Johnny tout à la fin, quand il n'y a plus que le chanteur ("Oh me laissez pas tout seul. Je suis seul, seul. Désespéré. Ah, tu es sans moi et je suis sans toi").
Mon autre chanson préférée reste la toute dernière, Le vilain petit zoziau, joliment interprétée par une chorale d'enfants : "Le vilain petit zoziau, perché sur sa bran-branche, il a fait son caca, sur mon duffle-co-coat". Je vous laisse découvrir la suite.
Pour le reste, ça référence dans tous les sens, des Michel (Delpech et Sardou) avec Youpi la France (chanson extrêmement d'actualité, malheureusement) à Jane et Serge (Douce crème) en passant par Dominique de Soeur Sourire en version disco (chanté par Sapho, apprend-on en lisant l'article de Juke-Boxe). Il y a des choses qui ont été faites dans le même esprit avant (La version marche militaire d'I want to hold your hand fait évidemment penser au Third reich'n'roll des Residents) ou après Odeurs, mais quand ce disque est sorti en 1979, les Bidochons ou les VRP étaient loin d'être formés, et à part ABDD, peu de groupes faisaient dans le rock parodique aussi abouti.
Ramon Pipin's Odeurs a été réédité dans le coffret Odeurs : L'intégrale saison 1 (1979-1983).
L'album est en écoute sur Deezer.
06 décembre 2009
THE GIST : Fool for a valentine
Acquis dans l'un des Record & Tape Exchange de Notting Hill Gate en 1984
Réf : RT125 -- Edité par Rough Trade en Angleterre en 1983
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Fool for a valentine -/- Fool for a version
J'étais dans la cave de l'un des Record & Tape Exchange, probablement l'un de ceux qui n'existent plus, sur Pembridge Road, à fouiller dans les 45 tours à 10 pence, les maxis à 20 pence et les albums à une livre. D'un seul coup, je tombe sur plusieurs exemplaires de ce 45 tours sorti de nulle part, un disque de The Gist dont je n'avais jamais entendu parler avec des titres que je ne connaissais pas ! Et, comme ils étaient sans étiquette, ça voulait dire que ces disques avaient été directement mis à la cave, sans passer par les étages au-dessus et la baisse du prix au fil du temps.
Comment ce disque a-t-il pu sortir sans que je sois au courant ? Pourtant, je suivais The Gist de près : j'avais acheté le premier 45 tours This is love à sa sortie, puis Love at first sight. Après, comme tout le monde, j'ai attendu pendant des mois la sortie de l'unique album du groupe, Embrace the herd, annoncé pendant tout 1982 mais qui n'est sorti qu'en 1983 parce qu'entre-temps Stuart Moxham avait eu un accident de moto, mais ça on l'a su plus tard.
Et donc, ce que je n'ai appris qu'en mettant la main sur le disque (très sympathique surprise, quand même !), c'est qu'il existait un troisième et dernier 45 tours de The Gist sorti juste quelques semaines avant Embrace the herd, si j'en crois les dates d'entrée dans les charts indépendants (source bien plus fiable que les numéros de catalogue Rough Trade ou que les discographies en ligne, dans ce cas précis, à l'exception de la quasi-définitive discographie complète de Rough Trade de Perfect Sound Forever).
Fool for a valentine est resté cinq semaines dans les charts indépendants, mais n'a pas dépassé la 30e place. Comme de juste avec les labels indés de l'époque, aucun titre du single n'est repris sur l'album.
Je ne veux pas trop me répéter car j'ai déjà eu l'occasion de ronchonner à ce sujet, mais c'est vraiment dommage que la réédition CD d'Embrace the herd en 1999 n'ait pas été, à cinq titres près, une réédition de l'intégrale de la discographie de The Gist, même si on ne se plaindra qu'elle ait inclus deux démos inédites. N'empêche, ce CD ne contient pas les deux faces de This is love, et il n'y a pas non plus les deux faces de ce Fool for a valentine (le 5e titre manquant étant Greener grass, paru sur la compilation C81 du NME). Et, comme les erreurs de l'histoire se répètent autant que les ronchons, la réédition de la réédition chez Cherry Red a repris exactement la même liste de titres.
Fool for a valentine est joué intégralement en solo par Stuart Moxham, et c'est incontestablement un reggae : la basse, la batterie, la guitare jouent un reggae cool. Derrière, l'orgue rappelle discrètement une musique de manège. Entre deux couplets, on a droit à un solo de guitare léger qui m'évoque un peu le Monochrome Set. Stuart, lui, chante doucement, à propos d'une amoureuse sûrement perdue :
Looking back on my life again
Losing you don't seem right but then
Left alone in my home town
I'm a fool for a valentine.
All my life I have wanted you
I didn't care what you put me through you
Travelled miles just to say goodbye
and came away without knowing why.
I'm gonna try but I don't know how
to love you more than I do right now
cos left alone in my home town
I'm a fool for a valentine.
La face A a été enregistrée, comme Embrace the herd, à Cold Storage, l'ancienne chambre frigorifique transformée en studio située à Brixton, ce qui explique en partie peut-être l'influence reggae très marquée de la communauté de groupes qui le fréquentaient : The Flying Lizards, Family Fodder, Essential Logic, etc.
Ce sont des membres de ces groupes, et notamment du collectif People In Control, que l'on retrouve sur la face B qui, dans la grande tradition des singles de reggae est une "version" instrumentale. Cet enregistrement a dû coûter énormément plus cher que celui de la face A car, outre que c'est un groupe qui joue, il a eu lieu avec le même producteur, Phil Legg, mais aux studios Abbey Road, dont le tarif horaire devait s'approcher du tarif hebdomadaire de Cold Storage, j'imagine.
Fool for a valentine est disponible en téléchargement chez Consolation Prizes.
05 décembre 2009
PETE SEEGER : American favorite ballads, Vol. 1
Acquis sur le vide-grenier de Moslins le 26 juillet 2009
Réf : FWX 52320 --
Edité par Folkways/Le Chant du Monde en France vers 1968
Support : 33 tours 30 cm
17 titres
C'est un paradoxe dû au privilège de la vieillesse : Pete Seeger qui, depuis les années 1930, agit pour garder vivantes les chansons et musiques du passé est lui-même devenu, à plus de 90 ans, un monument vivant de la musique, celui qui nous relie directement au travail d'Alan Lomax, à Leadbelly, Elisabeth Cotten (la vision dans les années 80 de ce passage télé des deux ensemble dans un documentaire m'avait beaucoup marqué) mais aussi à Woody Guthrie (avec qui il a joué dans les Almanac Singers) et à tout le mouvement néo-folk des années 1960.
Militant de la musique folk à la discographie impressionnante (ne serait-ce que parce qu'elle commence en 1941 !), Pete Seeger a toujours été un militant politique sincère et très actif. Le chapitre que consacre Howard Fast dans ses Mémoires d'un rouge aux émeutes de Peekskill en 1949 (le chapitre en VO est ici), à l'occasion d'un concert organisé entre autres par Pete Seeger et avec son groupe les Weavers, en est une excellente illustration. Cette année ou l'an dernier, il y a eu aussi dans Mojo un excellent reportage sur le Clearwater Festival que Pete Seeger organise depuis des années au bénéfice de l'association écologiste qu'il a fondée il y a plus de 40 ans pour dépolluer l'Hudson.
Vulgarisateur de la musique folk traditionnelle, musicien (au banjo) et interprète, Pete Seeger a alimenté au fil du temps la mémoire collective mondiale de chansons qu'il a diffusées ou créées, de Goodnight Irene à If I had a hammer/Si j'avais un marteau, en passant par Wimoweh/Le lion est mort ce soir, We shall overcome, Little boxes/Petites boites et Turn, turn, turn.
Je présume que les éloges et nécrologies vont foisonner le jour où la vie de Pete Seeger se terminera, mais en attendant, même en cherchant bien, j'ai trouvé en ligne peu de biographies détaillées en français le concernant, la meilleure étant celle de la Médiathèque de la Communauté Française de Belgique.
J'ai laissé passer pendant très très longtemps les disques comme celui-ci, même si ponctuellement j'ai choisi d'acheter certains des ces disques Folkways/Le Chant du Monde avec les pochettes ouvrantes à trois volets comportant les paroles en anglais et en traduction française. Mais Pete Seeger, les quelques fois où je l'ai vu en vidéo, il avait tendance à me porter un peu sur les nerfs, et surtout sa musique ne correspondait pas à ce qui m'intéressait et que j'écoutais. Mais mes goûts ont évolué et ce disque en parfait état dans une caisse d'albums à 20 centimes au premier vide-grenier de Moslins, en 2009 il n'était plus du tout question que je le laisse passer !
Pete Seeger a enregistré cinq volumes de ces American favorite ballads de 1957 à 1962. Il les interprète seul au banjo et les chante de sa voix claire. C'est juste, net et sans chichis, calme et relaxant. Ça manque peut-être bien sûr de quelques grains de folie, mais on sent bien que le but est avant tout de se faire le passeur de chansons et, ce qui m'a le plus surpris ici, c'est combien il y en a un grand nombre qui font désormais partie de ma culture musicale, qu'elles aient été interprétées par Johnny Cash (The Wabash Cannon Ball et The wreck of the old '97), Solomon Burke (Down in the valley), Les Pinsons (Yankee doodle) ou Vic Chesnutt (Home on the range). En plus de toutes celles-ci, mes titres préférés du disque sont The blue tail fly, Cielita lindo, Frankie and Johnny, Mary don't you weep et la seule chanson créditée à un auteur quasi-contemporain, So long, it's been good to know you, de Woody Guthrie. Pas mal pour quelqu'un qui n'était pas fan de folk et pour un disque de seulement 17 titres !
La pochette américaine originale de cet album (Folkways, 1957). Le livret de l'édition originale américaine (avec les paroles). L'édition CD 28 titres d'American favorite ballads vol. 1 chez Folkways. Le livret de ce CD (avec l'historique des chansons). Mais pourquoi se contenter du volume 1 ? Pour pas cher, préférez-lui le coffret des volumes 1 à 5 chez Folkways (139 titres, près de 6h de musique).