
Offert par Claire B. à Châlons-en-Champagne le 11 mai 2025
Réf : GKL 152 -- Édité par Comoe en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Papa Houphouët-Boigny -- Côte d'Ivoire an 7 -/- Côte d'Ivoire ya Africa -- Mbula sambo
Après le Jack Scott, Les Barbecues ou le Papoose, voici un autre 45 tours trouvé pas cher et offert par ma sœur Claire. Elle les choisit au feeling plutôt qu'au hasard : elle se doutait bien que ce disque de musique d'Afrique risquait de m'intéresser.
Et elle ne se trompait pas, ne serait-ce que parce que Jean Serge Essous est un artiste dont on a déjà eu l'occasion de parler ici, avec Congo rhythm, un disque de l'O.K. Jazz, un 45 tours des Bantous de la Capitale et un titre qu'il a signé en face B du 45 tours de Moshé.
C'est une façon de souligner le parcours musical impressionnant d'Essous (1935-2009), clarinettiste, saxophoniste, chanteur et chef d'orchestre congolais. En voici quelques étapes, par ordre :
- 1954 : Membre de l'Orchestre Négro Jazz
- 1956 : Membre fondateur de l'Orchestre O.K. Jazz
- 1957 : Membre fondateur de l'Orchestre Rock-A-Mambo
- 1959 : Membre fondateur des Bantous de la Capitale, qu'il dirige jusqu'à son départ en 1966. Il rejoindra le groupe par la suite dans diverses formations, pendant des décennies.
- Fin des années 1960 : Membre important de l'Orchestre RyCo Jazz, dans la période où le groupe est installé aux Antilles, où il diffuse la rumba congolaise.
- 1969-1970 : Membre de l'Africa Team, qui joue avec Manu Dibango.
La teneur des notes de pochette est assez surprenante :
"Ce disque, réalisé dans des conditions financières particulièrement difficiles, à la suite d'innombrables obstacles qui m'ont été dressés de toutes parts, est ma modeste contribution à l'évolution historique de mon pays.
Que la côte d'Ivoire tout entière accepte ici mon humble participation à l'accomplissement du Devoir National."
Ces notes sont signées par Germain K. Loukou. Je m'en doutais un peu à la lecture et ça semble confirmé par le fait que la référence du catalogue porte ses initiales : Germain K. Loukou devait être le patron du label Comoe. Il n'y a qu'une grosse quinzaine de disques du label référencés sur Discogs, probablement une petite partie seulement de sa production, mais trois autres disques contiennent aussi des titres en référence à Félix Houphouët Boigny, par l'Orchestre Agnéby-Jazz, Les Rythmes de la Bia et Laba Sosseh.
Il faut essayer de se replacer dans le contexte de la Côte d'Ivoire de l'époque, pays nouvellement indépendant, dirigé dès ses débuts (et pendant 33 ans) par un président autoritaire et un parti unique, un régime qui a a très vite tourné à la dictature, qui devait encourager le culte de la personnalité qui accompagne souvent un pouvoir fort.
Ce disque précisément a été publié à l'occasion du 7e anniversaire de l'indépendance du pays, proclamée le 7 août 1960. En juillet 1967, le président Félix Houphouët Boigny était en visite officielle à Paris., reçu notamment à Matignon par Georges Pompidou, qu'il avait connu lorsqu'il était Ministre d’État en France entre 1958 et 1961. En août, la Fête de l'Indépendance, la fête nationale du pays qui à cette époque tournait entre plusieurs villes, a eu lieu à Daloa.
Il y en a sûrement eu plus, mais au moins un autre disque a été publié pour célébrer cette occasion, Houphouët & Thérèse d'Amédée Pierre.
Ce 45 tours n'est donc pas simplement un produit culturel et commercial, c'est un acte politique et un signe d'allégeance au pouvoir ivoirien.
Mais que vient faire le congolais Jean Serge Essous dans cette histoire, auréolé du succès des Bantous de la Capitale qu'il venait de quitter ?
Eh bien, selon Nzolele TV, Les Bantous de la Capitale étaient le groupe préféré d'Houphouët Boigny, et ils ont été invités lors de la première Fête de l'Indépendance en 1961, mais aussi pour la sixième en 1966.
Essous et les Bantous figurent également sur un EP compilation publié à l'occasion d'un Grand Prix de la chanson ivoirienne (disque sur lequel on trouve un Merci Président Boigny...).
Quand Essous quitte les Bantous en 1966, c'est pour honorer des contrats en France métropolitaine. On sait aussi qu'il séjourne aux Antilles début 1968. Entre les deux, j'imagine que ce disque était pour lui un projet de commande et de circonstance. Mais notons qu'il s'est largement impliqué, puisqu'il signe seul les quatre titres du 45 tours.
Et le disque lui-même ? Eh bien, il n'est pas révolutionnaire, mais il est de bonne tenue. Je regrette de ne pas comprendre les paroles, qui sont dans une langue qui m'est inconnue, peut-être bantoue.
Papa Houphouët Boigny, est dans un style purement afro-cubain, qui décolle un peu dans la deuxième partie avec les cuivres.
Côte d'Ivoire an 7, emmené par le saxophone, est un titre entraînant.
D'une manière générale, je préfère la face B du disque.
Pour Côte d'Ivoire ya Africa, on est toujours dans un style afro-cubain pas hyper original, mais c'est mon titre préféré, avec un bon alliage du saxophone et des percussions, et surtout un solo de guitare électrique qui est bienvenu.
Dans une veine un peu similaire, Mbula sambo est très bien aussi, avec des percussions, des chœurs et pour finir à nouveau de la guitare électrique.
Je profite de l'occasion pour rappeler que j'accepte en cadeau tout EP de musique d'Afrique, des Antilles, de l'Océan Indien ou d'ailleurs, qu'il soit "politique" ou non...!
A voir, Qui est Essous ?, un documentaire de Denis Landa dans sa série Les artistes inoubliables.
A lire, Jean Serge Essous : Clarinettiste, saxophoniste et chanteur congolais - (1935-2009) de Joachim E. Goma-Thethet et François Roger Byhamot (2012).
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