
Acquis à La Clé de Sol à Reims en 1989
Réf : ACME 024CD -- Edité par El en Angleterre en 1989
Support : CD 12 cm
10 titres
L'affiche était alléchante pour cette première soirée du 2ème Festival des Inrockuptibles à La Cigale :
Felt, les Chills, les La's et les Stone Roses !
Qu'on ne s'y trompe pas cependant. Je n'apprécie pas trop ces concerts dans des salles de mille places ou plus pleines à craquer et, si j'ai fait le déplacement à Paris ce jour-là, c'est uniquement pour
Felt, que je n'avais pas vu en concert depuis celui de Londres deux ans et demie auparavant, et dont les concerts en France étaient des plus rares : à part celui-ci et
le premier, que j'avais organisé à Reims le 21 juin 1986, je ne trouve mention, dans un article de
Libération non daté, que d'un autre concert annoncé de Felt, à Paris au Rex-Club en première partie de
Primal Scream, fin 1988 ou début 1989.
Je ne sais plus dans quel ordre sont passés les groupes. Je me souviens d'avoir un peu écouté les Chills du fond de la salle, un groupe que j'aimais pourtant bien depuis que
Creation avait sorti la compilation
Kaleidoscope world sous licence
Flying Nun en 1986.
Pour les Stone Roses, dont j'aimais beaucoup quelques titres, surtout
Made of stone, c'était tellement la folie, avec notamment les fans anglais qui avaient dû descendre de Londres, Manchester ou Liverpool, que j'ai passé une bonne partie du concert dans le hall de La Cigale, me contentant de quelques incursions dans la salle.
Pour les La's, mes souvenirs sont très flous. J'ai en tête un très bon son sixties et un John Power sautillant avec sa tête bouclée, mais j'associe ce souvenir à un concert à L'Usine de Reims ! Seul problème : je ne retrouve dans mes archives aucune mention d'un concert des La's à Reims !! Il est possible que je confonde avec l'excellent concert des Real People à L'Usine le 9 novembre 1991, un autre groupe de Liverpool dont le son ce soir-là était bien meilleur que celui de leur album.
Par contre, je n'ai pas perdu une miette du concert de Felt, et quelle déception ce fut ! Felt n'a jamais eu de jeu de scène à proprement parler (voir
le DVD A declaration pour confirmation), mais a toujours donné d'excellents concerts à chaque fois que j'ai eu l'occasion de les voir dans leurs différentes formations, sans jamais rechercher à reproduire vainement les délicates broderies de leurs enregistrements studio. Mais ce soir-là, rien ne fonctionnait. On avait l'impression que le groupe ne jouait pas ensemble, que Lawrence faisait la gueule...
Il n'est jamais facile d'accéder aux loges des groupes quand on n'a pas de pass, surtout lors des gros concerts et encore plus à Paris. Ce soir-là, alors que je prenais l'air sur le boulevard Rochechouart, j'ai hésité à me battre pour essayer d'aller voir le groupe avant de renoncer : j'aurais eu bien du mal à trouver quoi que ce soit de positif dire au groupe sur leur prestation sans leur mentir. J'avais vu un groupe en pleine décomposition, dont je voyais mal comment il pouvait survivre longtemps après ça.
Je n'ai donc pas du tout été surpris d'apprendre quelques semaines plus tard dans le
NME que Felt annonçait sa séparation fin 1989 après une dernière tournée anglaise et la sortie d'un nouvel album,
Me and and a monkey on the moon.
Après ce concert parisien, je craignais le pire en achetant ce disque, mais pour le coup j'ai été agréablement surpris : il n'est pas mauvais du tout ! Il est certes très différent du reste de la production de Felt, à des années lumières du maxi
The final resting of the ark par exemple, ou du premier mini-album
Crumbling the antiseptic beauty. C'est un disque de pop-rock presque normale, et la production discrète d'
Adrian Borland, de The Sound, y est peut-être un peu pour quelque chose. Mais pas seulement. Les paroles de Lawrence sont plus directes (
Budgie jacket relate une agression pédophile sur un ton presque journalistique) et le son a évolué : les solos de guitares sonnent très américains parfois et les claviers de Martin Duffy sont moins en avant mais plus variés, avec le petit son de synthé qu'on trouvait sur
Space blues qui revient plusieurs fois et qui, comme le disque dans son ensemble, confirme l'intérêt de Lawrence pour un retour sur les années 70 qui se cristallisera avec Denim.
L'excellente chanson d'ouverture,
I can't make love to you anymore, synthétise tous ces éléments. Au niveau du titre, on ne peut guère faire plus direct, et on est très loin du style ampoulé qui a fait la réputation de Felt, comme
Whirlpool vision of shame,
Sunlight bathed the golden glow ou
Trails of couleur dissolve ! La guitare slide et l'ambiance générale font penser au meilleur Weather Prophets ou
Peter Astor en solo, et on n'est pas surpris de découvrir dans les crédits que Peter Astor fait justement les choeurs sur ce titre, avec Rose McDowall des Strawberry Switchblade.
Avec cette seule chanson, Felt avait réussi ses adieux en beauté et aurait pu s'arrêter là, ou nous coller une demie-heure de piano solo pour boucler le disque comme sur
The Pictorial Jackson Review. Mais non, le reste du disque est d'un très bon niveau de bout en bout, avec des titres enlevés (
Mobile shack,
Get out of my mirror) et de belles chansons
Never let you go,
Cartoon sky ou
Free qui n'auraient pas déparé sur
Forever breathes the lonely word ou
Ignite the seven cannons.
New day dawning est particulièrement intéressante puisqu'elle synthétise avec un meilleur son les principales qualités de
Poem of the river : le début de la chanson ressemble beaucoup à
A declaration (surtout le rythme de basse) et commence justement par une déclaration ("
There are some things that I should say before I go and there are some things that you should know") et elle se termine dans une longue envolée de solos de guitares qui pourrait rappeler
Riding on the equator.
Avec cet album, Felt tire sa révérence de manière très élégante et, a posteriori,
Me and a monkey on the moon peut constituer un point d'entrée très accessible pour qui voudrait faire connaissance avec la musique de Felt, à la condition expresse bien sûr de faire ensuite le chemin à rebours jusqu'à
Crumbling the antiseptic beauty.