30 novembre 2019

LES HARICOTS ROUGES : Tu as calé le moteur


Acquis à la Broc' Livres-BD-CD-DVD du 111 à Châlons-en-Champagne le 24 novembre 2019
Réf : MS 59 -- Édité par Milan en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Tu as calé le moteur -/- Caravan

Jamais je n'aurais imaginé être aussi content de trouver un disque des Haricots Rouges ! Ce n'est pas que je ne les aime pas (j'ai même un de leurs EP des années 1960), mais c'est juste que je les associe surtout à une adaptation à la sauce française du gumbo du jazz Nouvelle-Orléans, un style de musique que je me suis mis à apprécier au fil du temps (la preuve ou par exemple), mais je n'en suis pas à en rechercher avidement toutes ses expressions discographiques.
Comme je devais passer par Châlons ce jour-là, je me suis arrêté à cette petite bourse organisée avenue de Paris. Une petite douzaine de stands, dont un seul m'a vraiment intéressé : on y trouvait des 45 tours, 33 tours, 78 tours et CD à prix modique.
Il n'y avait pas des quantités astronomiques de disques, mais j'ai fait vite quand même, et parfois dans ces cas-là mes doigts vont plus vite que mes yeux quand je fais défiler des disques. Là, le temps que vienne à mon cerveau le fait que j'avais repéré le nom "Les Haricots Rouges", j'étais déjà trois ou quatre disques plus loin.
Je m'étonne encore d'avoir pris la peine de revenir en arrière pour examiner ce disque. Ce qui m'a décidé est très ténu, simplement le fait que ce n'est pas très courant de tomber sur un 45 tours deux titres de ce groupe. Mais je n'ai pas regretté ma décision quand j'ai vu indiqué au recto le titre Tu as calé le moteur. J'ai tout de suite retourné la pochette et j'ai eu la confirmation immédiate que la chanson est créditée à Henri Debs et que j'avais donc bien affaire à une reprise de Tu as calé le moteur par Henri Debs et son Combo International, chanté par Serge Christophe et Claude Tranchot, un 45 tours sorti en 1971, que j'ai découvert cet été quand on s'est éclaté dessus avec Philippe R. à Nantes. J'en avais parlé ici, et j'ai inclus ce titre dans mon excellente compilation Parfois c'est compliqué, toujours disponible à l'écoute en ligne pour votre plus grand plaisir.




Certes, en quelques clics je pourrais aller sur Discogs et m'offrir le disque original ci-dessus pour une trentaine d'euros port compris, mais c'est presque trop facile et je n'en tirerais pas grand plaisir, sachant que j'ai déjà pu écouter et télécharger ce morceau.
Non, je suis très content, pour 50 centimes essence non comprise, d'avoir appris qu'il existait cette reprise de Tu as calé le moteur par Les Haricots Rouges.
Si on m'avait posé la question, j'aurais dit que la musique des Haricots Rouges était intégralement instrumentale. C'était vrai à leurs tous débuts en 1963 mais, dès 1965, avec Maman n''veut pas, ils ont inclus des titres chantés à leur répertoire. Et déjà à cette époque, ils ne limitaient pas au jazz Nouvelle-Orléans, puisqu'on trouve sur le même EP une version de Le barbu sans barbe d'Adamo, qui enregistrait comme eux chez Pathé Marconi.
La reprise de Tu as calé le moteur est donc chantée. Heureusement, car les paroles gentiment à double sens (pas besoin d'avoir l'esprit mal placé pour le saisir...) sont essentielles. L'arrangement qui en est donné, avec beaucoup de percussions et de cuivres, sonne à mes oreilles plus Samba/Brésil qu'Antilles ou Nouvelle-Orléans. Au bout du compte, on est dans un territoire commun à Zanini et Henri Salvador.
Caravan, de Duke Ellington, doit être l'un des thèmes les plus populaires du jazz. Il y en a des centaines de reprises et, sans l'avoir cherché, j'en ai déjà plusieurs versions sur disque, par des artistes très différents. La version des Haricots Rouges n'est pas mal du tout, surtout pour moi dans ses parties les plus orientalisantes.
Ces deux titres sont extraits de l'album Les Haricots Rouges, enregistré à Genève et sorti en 1980. On y trouve des versions de Freight train, Hé là-bas, Love me tender, ou Shake, rattle and roll, ainsi qu'un original au titre intrigant, Tu peux pas étrangler ta femme.
La pochette de l'album présente six dessins illustrant des chansons, dus à Boss, alias Michel Quéraud, l'un des membres du groupe. Pour la pochette du 45 tours, c'est le dessin illustrant Caravan qui a été préféré à celui de Tu as calé le moteur.
Une formation des Haricots Rouges existe et tourne encore. Le dernier album, French melodies, est sorti en 2013 chez Frémeaux & Associés. Actuellement, il y a un membre fondateur dans la formation, Pierre Jean (piano). Si j'en crois les infos trouvées chez Fleurs de Vinyl, il n'y avait aussi qu'un membre fondateur au moment de l'enregistrement de l'album de 1980, mais c'était Gérard Tarquin (clarinette).
Bon, maintenant, il ne me reste plus qu'à mettre la main sur le 45 tours d'Henri Debs...

23 novembre 2019

RUSS HENDERSON AND HIS CARIBBEAN BOYS : Caribbean carnival


Acquis chez Demelza Bookshop à Hythe le 15 octobre 2019
Réf : ALL 817 -- Édité par Allegro en Angleterre en 1966
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

Depuis 2014, j'ai eu quatre fois l'occasion de visiter cette boutique Demelza, et à chaque fois j'y ai fait de bonnes affaires. La première fois, j'avais trouvé un paquet de 45 tours et pas moins de quatre 33 tours Greatest Hits d'artistes Motown à 1 £,  d'époque et brillants comme s'ils étaient neufs.
Plus tôt cette année, c'est plutôt des CD que j'avais trouvés, mais là j'ai à nouveau trouvé quelques vinyls, un peu plus chers mais toujours à un prix très correct, avec deux albums de Bobby Bare, un album et quatre 45 tours sans pochette illustrée des années 1970 de Johnny Cash, et cet album de Russ Henderson, qui vient compléter une bonne série de trouvailles de disques antillais cette année.
Allegro, qui a édité cet album, est une filiale de Pickwick International, un label spécialisé dans le disque "pas cher". Je ne sais pas lequel a réédité l'autre, mais il y a une autre édition de ce disque sur un label du même genre, Embassy, avec un autre titre, West Indian nights, crédité à "Russ Henderson et un groupe des meilleurs artistes antillais de Londres" :



Dans la même veine que ce nom d'artiste, les notes de pochette de mon édition sont aussi candides que maladroites, et en disent beaucoup sur la raison d'être de ce disque :
"Avec la population toujours croissante d'antillais en Grande-Bretagne et la demande pour la musique qu'ils préfèrent, on a fait appel à Russ Henderson, qui vient de Port-d'Espagne à La Trinité, pour faire cet album.
Russ, qui est depuis de nombreuses années un musicien actif à Londres, n'a eu aucune difficulté à réunir les meilleurs artistes de son pays, avec le bon feeling et le rythme nécessaire pour produire un enregistrement authentique."
La promesse sur la pochette de "rythmes magiques du calypso, du blue beat et de steel band" confirme cette volonté de faire dans l'attrape-tout de la musique antillaise.
J'avais en fait déjà un des titres de cet album, le tout dernier, West Indian drums, sur la compilation London is the place for me 2 d'Honest Jon's (2005) et ce titre a aussi été repris en 2013 sur la compilation Mirror to the soul de Soul Jazz. Cet instrumental qui associe les deux spécialités d'Henderson, le jazz et le steel band, est pourtant loin d'être un de mes titres préférés de l'album.
Non, mes titres préférés sont les deux chantés par un certain Ray Blair, choisis, ce n'est pas un hasard, pour ouvrir chacune des faces : le ska Sammy dead Oh ! (reprise d'un titre de 1964 de Byron Lee and the Dragonaires) et, plus surprenant, la version de Walking the dog de Rufus Thomas.
Les cinq autres titres chantés le sont par Vernon Neptune. Comme pour Ray Blair, je trouve peu de mentions le concernant, sinon qu'il a chanté deux chansons du film Terminus en 1961. Il y a deux titres assez convenus, Marianne et Jamaica farewell, mais Coconut woman et Stone cold dead in de market sont deux calypsos bien enlevés. Le chant sur la version de Yellow bird (alias Choucoune) est moins prenant que celui d'Emy de Pradines ou Martha Jean Claude, mais la mélodie reste imparable.
Des deux titres de steel band proposés, je n'aime pas trop la version de Peanut vendor, mais j'ai bien apprécié celle de Non ho l'eta' per amarti.
Russ Henderson n'est pas très connu du grand public et a publié peu de disques sous son nom, mais il a joué un rôle important pour la musique antillaise à Londres. Mort en 2015 à 91 ans, il était avec Sterling Betancourt, qu'on entend aussi sur ce disque, l'un des onze musiciens du Trinidad All Steel Percussion Orchestra, qui a fait sensation en faisant découvrir le steel band en Grande Bretagne en 1951. Resté sur place, il a fait ensuite une double carrière, comme pianiste de jazz (son premier instrument) et musicien de steel band. Outre de multiples sessions, il a joué en résidence pendant des décennies au Coleherne et au 606 Club à Londres.
Il est également réputé (et décoré) pour avoir été l'un des fondateurs du Notting Hill Carnival. Invité à animer une fête de rue avec son groupe en 1965, le steel pan avait fini par peser lourd sur ses épaules et ils se sont mis à défiler dans le quartier. Les gens les ont suivis, et les années suivantes les foules ont grossi, jusqu'à arriver à la folie de dizaines de milliers de personnes qu'on connaît maintenant. L'émergence de cette fête est sûrement l'une des raisons qui a poussé Allegro à publier ce Carribean carnival.
Et pour les fans de The Jam, signalons pour finir qu'on entend Russ Henderson sur The planner's dream goes wrong de l'album The gift.

Les deux faces de l'album sont en écoute sur YouTube :




17 novembre 2019

SAINT ETIENNE : Nothing can stop us / Speedwell


Acquis peut-être à Paris peut-être chez Danceteria sûrement le 8 juin 1991, sinon chez A la Clé de Sol à Reims en juin 1991
Réf : HVN9 CD -- Édité par Heavenly en Angleterre en 1991
Support : CD 12 cm
Titres : Nothing can stop us -- Speedwell -- Nothing can stop us (instrumental)

Dans mon agenda de 1991, j'ai noté que j'étais à Paris le 8 juin pour une réunion Férarock, et dans les conducteurs de mon émission Vivonzeureux! (en attendant la mort...), je vois que j'ai commencé à passer ce single de Saint Etienne le 10 juin. De là à penser que j'ai ramené ce single de ma virée parisienne, il n'y a pas loin. Sauf que, quand on allait comme ça à Paris, on avait rarement le temps de faire les boutiques, alors peut-être que, plus prosaïquement, je l'ai acheté dès sa sortie chez A la Clé de Sol.
Toujours est-il que, après m'être fait offert en avant-première le premier disque du groupe, Only love can break your heart, j'ai acheté neufs tous les disques de Saint Etienne jusque Hobart paving / Who do you think you are, et je les ai souvent passés à la radio : à l'automne 1991, j'ai passé des extraits du premier album Foxbase Alpha quasiment toutes les semaines pendant deux mois.
Je me suis récemment procuré l'édition "deluxe" double CD de Foxbase Alpha, ainsi que le livre Higher than the sun : The story of Screamadelica, Foxbase Alpha, Bandwagonesque and Loveless de Tim Worthington, c'est ce qui m'a donné l'envie de ressortir ce disque, qui a toujours été l'un de mes préférés de Saint Etienne, y compris pour sa pochette très sobre, qui prolonge la référence française du nom du groupe en reproduisant la maquette des paquets de cigarette Celtique.



Nothing can stop us est le troisième disque sorti par Saint Etienne, mais c'est aussi une grande première, à deux titres : c'est la toute première chanson composée par les deux fondateurs Pete Wiggs et Bob Stanley, et c'est la première apparition au chant de Sarah Cracknell. Au départ, elle qui ne devait être qu'une chanteuse invitée, comme auparavant Moira Lambert et Donna Savage, mais la collaboration a tellement bien fonctionné que, très vite, le groupe est passé d'un duo à un trio.
J'ai toujours apprécié le fait que, à l'origine, Wiggs et Stanley sont des passionnés de musique bourrés de bonnes idées, mais pas des musiciens. A leurs débuts, ils se sont beaucoup appuyés sur leur ingénieur du son Ian Catt et leurs amis musiciens pour réaliser leurs idées, et petit à petit ils se sont mis à composer.
La première fois, c'était donc avec Nothing can stop us, après avoir entendu sur la route du studio I can't wait until I see my baby's face, une chanson de Dusty Springfield parue en 1967 sur l'album Where am I going. Ils ont pensé que c'était une bonne idée de sample, et ont construit leur titre à partir de cette base (j'ai toujours su que cette chanson sonnait très sixties, sans savoir à l'époque d'où venait l'échantillon). Un peu comme Eye know de De La Soul parait-il, la chanson est construite principalement comme un refrain instrumental. Elle fonctionne bien toute seule, comme le prouve l'instrumental qu'on trouve ici en troisième titre, mais elle convient aussi parfaitement à la voix de Sarah Cracknell. J'apprécie particulièrement l'envolée instrumentale (avec des flûtes je crois) à chaque fois après que Sarah chante "Nothing can stop us now".
Ce single est en fait une double face A, qui couple Nothing can stop us avec Speedwell, un titre plus dans la veine un peu indie dance pour laquelle le groupe commençait à être réputé. C'est d'ailleurs Speedwell qui sera choisi comme titre principal pour l'édition américaine. Dans les notes de pochette de Foxbase Alpha deluxe, Ian Catt remarque que Speedwell, c'est Pete Wiggs qui fait du Moby huit ans avant la sortie de l'album Play, en posant une voix d'un vieux titre gospel sur du piano façon italo-house. C'est vrai, mais pour le coup c'est moins accrocheur que les tubes de Moby et, même si au bout de plusieurs minutes je finis par être pris par le rythme, c'est un titre que j'ai très rarement envie d'écouter.
Ce single a eu un certain succès à sa sortie. En 1994, Pete Wiggs, Bob Stanley et Ian Catt ont tenté d'en faire un tube global en en produisant une reprise pour Kylie Minogue. Au bout du compte, cette version n'est sortie qu'en face B de Confide in me. Elle n'est pas mauvaise du tout, mais elle reste très proche, et sûrement même trop proche, de la version originale largement diffusée trois ans plus tôt, ce qui explique sûrement pourquoi elle n'a pas eu une diffusion plus large.
En 2019, Saint Etienne continue son bonhomme de chemin. La semaine dernière encore, ils étaient en concert à la Philharmonie de Paris, en première partie d’Étienne Daho. Ce qui a donné à out ce beau monde l'occasion de raviver pou un soir leur projet commun St Etienne Daho.




Une des versions remixées de Nothing can stop us. La chanson y perd tout son charme.

10 novembre 2019

THE FALL : Why are people grudgeful ?


Acquis par correspondance via Discogs en octobre 2019
Réf : CDS PERM 9-- Édité par Permanent en Angleterre en 1993
Support : CD 12 cm
Titres : Why are people grudgeful ? -- Glam-racket - The re-mixer - Lost in music

"Pourquoi les gens sont-ils rancuniers ?", c'est le titre générique de ce maxi de The Fall et on se dit que Mark E. Smith était bien placé pour répondre à cette question, lui qui semble avoir passé sa vie plein de colère à en vouloir au monde entier, à commencer par les membres de son groupe et les journalistes. En y regardant bien, il semble que ce soit l'industrie du spectacle à laquelle il se frottait alors depuis déjà une quinzaine d'années qui est plus précisément la cible de sa bile sur ce disque.
Ce single est sorti en avril 1993. Les trois précédents albums avaient été publiés par Fontana, une filiale du gros conglomérat Phonogram. Mais, comme souvent dans ces boites, un changement de direction avait tout gelé et de nombreux contrats d'artistes allaient être rendus. La rumeur indiquait que The Fall ferait partie de ceux qui échapperaient à la purge, mais ça signifiait des mois d'attente et d'incertitude, des réunions à n'en plus finir. Smith a préféré tout simplement claquer la porte, enregistrer à ses frais l'album suivant, The infotainment scan, et signer sur un nouveau label, Permanent, fondé par l'un des ex-managers du groupe, un indépendant bénéficiant d'un contrat de distribution avec la major BMG.
Le premier fruit de ce contrat, c'est donc ce maxi qui, selon un coup marketing assez difficile à saisir, est sorti en édition limitée et n'a été commercialisé que pendant une semaine. L'album est sorti trois semaines plus tard.
Pour moi, le titre essentiel du disque, c'est le dernier, Lost in music. D'un son synthétique digne d'un film de science-fiction émerge une voix féminine, qui débite sur un ton neutre, en français :
"L'argent est sur la table
Pris au piège
Inutile de regarder en arrière
Perdu dans la musique
Crétin, va te faire foutre !"
Ces paroles sont répétées à plusieurs moments dans la chanson, mais très vite, Mark E. Smith intervient. Lui aussi en français, en tout cas autant qu'il peut, sachant qu'il ne supportait guère non plus ni la France ni les français. Il n'essaie pas de prononcer argent et se contente d'énoncer "Le money il sur la table" avant de continuer en anglais.
J'avais bien noté que, musicalement, surtout sur le refrain, on était quasiment sur un territoire disco ce qui, venant de The Fall, est surprenant, même à une époque où leur son s'était professionnalisé et doté de synthés et autres séquenceurs.
Il m'a fallu bien deux ans après avoir découvert ce titre pour apprendre qu'il s'agit en fait d'une reprise.
La version originale par Sister Slegde, a été écrit et produit par Chic en 1979. Smith a remis les paroles à sa sauce, mais en a gardé l'esprit général, quelqu'un qui plaque tout, à commencer par son boulot, pour se lancer dans la musique : "Avez-vous déjà vu quelqu'un perdre tout. C'est la tête qui part d'abord. La responsabilité pour moi c'est une tragédie, je trouverais un boulot une autre fois.". Le refrain a aussi été conservé, plus ou moins, mais sinon la "reprise" est du pur Fall, tandis que l'original, même si c'est du Chic et même si ça a été un gros succès, est à peu près inécoutable pour moi.
Pour le titre principal, Why are people grudgeful ?, Mark E. Smith fait à nouveau preuve de l'étendue et de la versatilité de sa culture musicale et nous donne des pistes sur la façon dont il trouvait l'inspiration pour ses paroles. Là, il s'est basé sur deux chansons, People funny boy, l'un des premiers succès de Lee Perry en 1968, qui lui donnait l'occasion de s'en prendre à son ancien producteur, Joe Gibbs, et la réponse publiée presque aussitôt sur le même rythme par Sir Gibbs, People grudgeful. Sans rythme reggae, mais avec une basse énorme quand même, Smith arrange les paroles originales à sa sauce pour en faire une diatribe, peut-être adressée à l'un des anciens membre du groupe ("When you were down and out I always helped you out, and when you go out you just chat and shop"). C'est excellent.
Pour The re-mixer, c'est l'un de ses propres titres que Smith retravaille. L'original s'appelait The mixer et était sorti deux ans plus tôt sur l'album Shift-work. Là, ce n'est pas un remix (trop évident), mais une nouvelle version, plus techno, avec des paroles revues. Difficile de savoir qui est le mixeur en question (les exégètes penchent pour l'ingénieur du son de l'album), mais on peut penser que, dans un coin de son esprit, Smith avait en tête les DJ vedettes de l'époque, dont les remixes étaient devenus un passage obligé pour les titres sortis en single.
Le quatrième et dernier titre de cet excellent et très consistant maxi, c'est Glam-racket (Boucan glam), et c'est exactement ça qu'on entend : un riff bien crade à la Slade, un rythme à la Gary Glitter,... C'est apparent le riff trouvé par le groupe qui a inspiré Smith pour les paroles. Comme ces paroles mentionnent "suede", certains y ont vu une attaque contre le groupe vedette de la Brit pop, mais ce n'est apparemment pas le cas, pour une fois, Smith ayant expliqué qu'il faisait référence à la matière, le suède (le daim).
Sur le 33 tours original The infotainment scan, on retrouve Lost in music et Glam-racket. Sur le CD original, il y a deux titres en plus, dont Why are people grudgeful ?. Comme souvent chez The Fall, les versions album sont (légèrement) retravaillées et donc (légèrement) différentes de celles du maxi.
Si vous voulez vous procurer les quatre titres de ce disque, je vous conseille d'opter pour la réédition en double CD de The infotainment scan (2006), qui contient l'album, le maxi, des sessions radio et même des mixages inédits.
Mon homonyme JC The Vinyl Villain a chroniqué ce maxi au moment même où je l'achetais. Chez lui, on peut télélcharger les quatre titres, ainsi que ceux de Lee Perry et Joe Gibbs.


The Fall, Lost in music et Why are people grudgeful ? dans l'émission The Beat, en 1993.


The Fall, The mixer, en direct dans une émission de télévision.

01 novembre 2019

THE CURE : The Peel sessions


Acquis chez New Rose à Paris en 1992
Réf : SFPS 050 -- Édité par Strange Fruit en Angleterre en 1988
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Killing an Arab -- 10:15 Saturday night -/- Fire in Cairo -- Boys don't cry

En cette année 2019, The Cure a choisi de célébrer son 40e anniversaire. Un choix de date qui se tient, même s'il ne correspond pas à la date de création du groupe, ni tout à fait, si on chipote, à celle de la sortie de son premier disque, puisqu'à l'origine Killing an Arab est sorti chez Small Wonder fin décembre 1978. Mais le disque a fait le plus gros de sa "carrière" en 1979 (il a vite été réédité chez Fiction) et, au cours de cette même année, le groupe aura sorti l'album Three imaginary boys et les singles Boys don't cry et Jumping someone else's train. Excusez du peu !
Pour fêter ça, The Cure a fait une tournée cet été et vient de sortir 40 live, un coffret CD-DVD de concerts rétrospectifs. Il parait que les concerts étaient très bien; c'est sûrement vrai, mais je ne ressens aucune envie de prendre le temps d'aller en écouter/voir des extraits. De même que je ne trépigne pas à l'annonce de la sortie quasi-imminente d'un nouvel album studio, le premier depuis 2011. Pourtant, j'ai eu l'occasion d'acheter au fil du temps les trois albums parus ces vingt dernières années et ils n'ont rien d'infamant (j'ai même vraiment apprécié Bloodflowers). Mais, quitte à ressasser mon intérêt jamais démenti pour la musique de ce groupe, je préfère ressortir mes disques d'époque et les réécouter.
Parmi ceux-ci, il y a ce maxi de la collection Peel sessions de Strange Fruit. Je ne sais plus quel jour précisément c'était, mais je me souviens précisément des circonstances de mon achat: c'était lors de ma toute dernière visite dans le magasin New Rose. J'y étais allé comme d'habitude à l'occasion d'une journée passée à Paris, et j'étais tombé sur un magasin presque vide de clients, et surtout presque vide tout court car il allait prochainement fermer définitivement ses portes. J'avais acheté quelques disques soldés ce jour-là, dont celui-ci.
Cette session a été enregistrée le 4 décembre 1978 et diffusée pour la première fois le 11. J'imagine le choc que ça a dû être pour les fidèles auditeurs de Peel de découvrir ce soir-là ces quatre chansons d'un groupe inconnu n'ayant alors sorti aucun disque (je pense que c'était la première grande diffusion publique à l'échelle nationale pour le groupe).
Et quelles quatre chansons ! Killing an Arab est un classique parmi les classiques. 10:15 Saturday night, à la fois la face B du 45 tours et le titre d'ouverture, est un titre complètement original. C'est ce qui continue de m'impressionner avec les meilleurs groupes New Wave (Young Marble Giants, Wire,...) : même en cherchant bien, je suis parfois incapable de citer des gens qui ont pu influencer leurs meilleures compositions.
Le titre qui suit, Fire in Cairo, est pour le coup une chanson d'une facture plus traditionnelle mais, dans ce style c'est l'une des grandes réussites du premier album, avec Accuracy et la chanson Three imaginary boys.
Boys don't cry est la seule des quatre chansons qui me parait un peu différente de la version disque, un peu plus lente notamment. Mais ça s'explique sûrement par le fait que la version studio n'était pas encore enregistrée, contrairement à celle des trois autres.
Il faut se pincer pour se souvenir que le groupe qui produit tout ça est un trio des plus classiques, avec juste une guitare, une basse, la batterie et le chant. Et on sait que l'enregistrement des sessions Peel se faisait en quelques heures... Selon All Music, le bassiste Michael Dempsey estime que ces versions plus énergiques et un peu plus brutes sont les meilleures et présentent le son définitif du Cure des débuts.
Même si bien sûr je n'étais pas à l'écoute quand ces titres ont été diffusés en décembre 1978, je suis capable de l'imaginer, ce choc que les auditeurs ont ressenti. Tout simplement parce que, un an plus tard, en décembre 1979, j'ai vécu une expérience similaire en découvrant The Cure un dimanche midi à la télévision dans l'émission Chorus d'Antoine de Caunes. Je ne m'en suis toujours par remis.
Après cette première session, Peel a continué à soutenir The Cure : le groupe a enregistré une session par an de 1979 à 1982, et encore une sixième en 1985.


Les quatre titres de la Peel session de 1978, avec le commentaire de John Peel lors de leur diffusion (ou rediffusion pour certains des titres).


The Cure, en concert pour l'émission Chorus le 8 décembre 1979 (début à 1'15), en quatuor : A forest (et pas At night), Three imaginary boys et Killing an Arab.