27 septembre 2019

JEFFREY LEWIS & THE VOLTAGE : LPs


Acquis par correspondance via Bandcamp le 15 septembre 2019
Réf : [sans] -- Édité par Jeffrey Lewis aux États-Unis en 2019
Support : 1 fichier MP3
Titres : LPs

C'est l'ami Papy Bam de l'émission Bam Balam sur RCV à Lille qui m'a mis sur la piste de ce nouveau titre de Jeffrey Lewis.
Cela fait un moment que je ne suis plus de très près son activité discographique. Il faut dire que, alors que j'en attendais beaucoup (et sûrement trop) après le récit enflammé de concert que m'avait fait Philippe R., j'avais été un peu déçu par la prestation très sympathique mais pas renversante de Jeffrey Lewis and the Junkyard pour laquelle je m'étais déplacé à Nancy en septembre 2010.
Ces jours-ci, Jeffrey Lewis est accompagné par The Voltage, mais les ingrédients musicaux n'ont pas changé pour cette excellente chanson qu'est LPs : un son garage sixties léger avec notamment de l'orgue et un chant omniprésent avec autant de paroles et un débit aussi rapide que sur les disques de Dylan de 1964-1965.
Le thème de la chanson m'est évidemment très cher, ainsi qu'à la plupart des mes potes. Jeffrey raconte comment, adolescent dans les années 1990, il a découvert le rock et s'est constitué une collection en achetant des 33 tours pas chers à une époque où personne n'en voulait. Il a attrapé la vinylite en quelque sorte et il compare ça à une drogue à laquelle il est resté accroché pendant les années 2000.
C'est très sympathique, dans la lignée de High fidelity, avec une vidéo parfaitement dans le ton, mais j'aime encore plus le dernier couplet, dans lequel je me reconnais parfaitement, au contraire de la plupart de mes amis :
"De nos jours, ce produit est si cher que je ne prends même pas la peine d'y goûter. Tout est réédité et bien sûr tout est à un prix très élevé. Le terrain est encombré c'est impossible d'avoir une bonne dose, alors je passe devant les vinyls et je vais fouiller dans les CDs d'occasion. Oui de nos jours c'est surtout des CDs. Personne ne veut les garder alors il y en a plein."
Ah ah. Oui les amis, achetez des vinyls réédités à 20 €, des auto-productions en édition limitée encore plus chères, moi j'achèterai les CD d'occasion pas chers que je trouve, les CD neufs auto-produits à prix correct, et sinon je me contenterai des MP3 !

LPs est extrait de l'album Bad wiring,  enregistré à Nashville et produit par Roger Moutenot, à paraître le 1er novembre chez Moshi Moshi. 



22 septembre 2019

GILIA GIRASOLE ET RAY BORNEO : Stregata stragato


Acquis par correspondance via Bandcamp en septembre 2019
Réf : [54002] -- Édité par Petrol Chips en France en 2019
Support : CD 12 cm
14 titres

Depuis que l'ami Gontard ! m'a parlé de lui et de son projet Lomostatic, je surveille d'assez près la production effrénée de Ray Borneo et de son label Petrol Chips. J'ai notamment apprécié ses collaborations avec les chanteuses Brisa Roché pour le projet 8 et Vestale Vestale pour l'album Pour adultes et adolescents.
Alors, quand s'est annoncé cet album de Gilia Girasole et Ray Borneo, avec en plus la participation de l'ami Noël Belmondo (alias Henri Bingo, de Bingo Bill Orchestra, des Chicken Belmondos, des Frères Nubuck et de Gontard !), je l'ai commandé les oreilles fermées et mon exemplaire est arrivé très vite.
En plus, je trouve très réussie la pochette, avec son lettrage art déco et ses visuels dérivés d’œuvres de Martine Bey.
Ça n'a rien à voir je sais, mais la connexion italienne m'a évidemment fait penser, pour rester dans la galaxie Nubuck, à l'album instrumental Le Rital et la gamine de Rémy Chante (alias Chevalrex).
Je ne connais pas l'italien, mais je n'ai pas eu besoin d'un dictionnaire pour établir que "Girasole" signifie "Tournesol". Par contre, même en en consultant un, je ne suis pas sûr d'avoir trouvé une traduction adéquate pour le titre de l'album. Peut-être Ensorcelée ensorcelé ?
Il y a du beau monde pour accompagner Gilia sur ce disque : pas juste les claviers de Ray Borneo, comme sur d'autres productions du label, mais aussi basses, guitares, batteries et percussions, des cuivres, des chœurs et des claquements de mains.
L'album est court et c'est très bien ainsi, avec 14 titres dont 2 instrumentaux plus une virgule musicale insérée à la fin de deux titres, le tout bouclé en juste 30 minutes.
C'est généralement bon signe : j'avais quelques titres préférés à la première écoute, pas parmi les tous premiers de l'album, et je me suis aperçu aux écoutes suivantes que j'en avais d'autres, ou que ceux qui me plaisaient un peu moins la première fois me plaisaient bien quand même. Au bout du compte, c'est un disque que j'apprécie vraiment beaucoup, et dans son ensemble.
Le premier titre est une bonne introduction à l'album. L'instrumentation est des plus dépouillées, mais j'ai remarqué particulièrement la ligne de basse, ce qui ne m'arrive pas souvent. Le chant parlé en italien (sur un texte de Pier Paolo Pasolini de 1957, Les pleurs de l'excavatrice) et l'accent m'ont fait penser aux enregistrements de Pascal Comelade avec le poète Enric Casasses.
Après ça, s'enchaînent toutes une série de chansons réjouissantes avec des textes frais, signés en collaboration par Ray Borneo, Noël Belmondo, Gilia Girasole et Nicolas Burtin, qui nous content les aventures de Gilia. On commence avec Oublie-moi ("Écoute, je suis têtue, alors tais-toi ! Toi, qui es-tu pour me parler comme ça ?") et Quelle élégance ! ("Voilà que je monte sur mon vélo. J'aurais dû m'y prendre plus tôt. A cette heure il n'y a que des pélos. En plus j'ai mis une mini-jupe. Vont encore m'insulter de pute".).
Après, Dimmi chi sono m'a rappelé Les Frères Nubuck à leur plus pop. Et ça continue comme ça : j'aime aussi beaucoup Brindille, La réclame et Les gens sont dégoûtants, avec son orgue. A plusieurs reprises, certaines ambiances m'ont évoqué Melody Nelson mais, à l'écoute de Trois fois rien, c'est aux expériences pop d’Étienne Charry que j'ai pensé, notamment les groupes virtuels de son projet Catalogue, dont fait partie Ernie Motka.
Ceci n'est pas une chanson en est une, bien sûre, et très réussie. L'album ne faiblit pas sur la fin, avec encore notamment Proche et Terrifique.

Après un premier concert en juillet à Valence, Gilia et sa bande seront à Lyon le 10 octobre. J'espère qu'ils auront un jour l'occasion de venir jusqu'au nord de la Loire.







15 septembre 2019

JHO ARCHER : Voodou time


Offert par Christophe S. à Mareuil sur Ay le 10 août 2019
Réf : 3472 -- Édité par CBS en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ibo lele -/- Anita

Christophe avait trouvé ce disque sur une broc quelques temps plus tôt et il l'avait amené à la maison pour me le faire écouter. Quand il a vu ma réaction fortement enthousiaste, il a gentiment décidé de me l'offrir.
Je crois que je n'avais jamais vu passer avant le nom de Jho Archer. Il est né à Haïti et est mort à 62 ans à Paris en 2005. Danseur et même professeur de danse à New York, artiste de music-hall, il était aussi chanteur, avec une discographie conséquente, américaine et surtout française.
Chez Haïti Liberté, on trouve une bonne description de son style spécifique : "un vrai innovateur des classiques locaux ainsi que des pièces traditionnelles qu’il a épurées de leur folklorisme, en les imbibant de modernité sous sa signature. Spécialement accompagné de musiciens chevronnés, il a prouvé qu’il était le pourvoyeur d’un genre inexploré; pratiquant le métissage entre le jazz et les rythmes du vodou imprégnés de multiples fusions. Apportant dans la foulée une approche planétaire aux paramètres haïtiens; leur évitant toute extinction. Il s’est imposé en ce sens comme un super innovateur des traditions négligées du terroir natal. Cependant, au delà de tout, Archer était un superbe show-man, un monstre indomptable de la scène, un danseur extraordinaire, un chorégraphe qualifié."
Cette présentation s'applique parfaitement à mon 45 tours, un disque de 1968 extrait de son deuxième album, The many talents of Jho Archer. Sur cet album, la face B porte le titre générique Voodoo-Jazz suite, et on en retrouve deux des six titres sur ce 45 tours, qu'on a titré dans le même esprit Voodou time, avec un choix bizarre mélangeant l'orthographe anglaise et française de Vaudou.
Les deux titres sont crédités à Jho Archer, mais il est clair que ce sont des titres traditionnels d'Haiti. Dans les notes de pochette de l'album, Ibo lele est présenté comme une "Danse traditionnelle des guerriers, en l'honneur du dieu Ibo, le dieu du fer". On trouve par exemple une version d'Ibo lélé sur l'album
Voices of Haiti enregistré en 1953 par Maya Daren (la femme sur la pochette de Crystal crescent de Primal Scream) et, dans la discographie de Rodolphe Legros, on trouve Ibo lele ainsi qu'une chanson intitulée Anita.
La version d'Ibo lele de Jho Archer est excellente. Le rythme est très enlevé, la production de très bonen qualité. Sa voix assez "propre" rappelle un peu celle d'Harry Belafonte. Il y a à un moment un solo de saxophone (je crois) et je suppose qu'il est dû à Hubert Rostaing. En effet, cet enregistrement est une production française et c'est l'orchestre qu'il dirige qui officie ici.
Avec une tentative aussi réussie de "moderniser" et d'"électrifier" la musique traditionnelle d'Haïti, je ne pouvais que penser à Mélissa Laveaux, dont l'album Radyo siwèl est l'un de mes préférés de l'année 2018. Eh bien, j'ai dû voir juste puisque, dans un entretien en espagnol chez World Groove, à la question de savoir quels groupes haïtiens l'ont influencée, elle répond Martha Jean-Claude, Boukman Experyans et Jho Archer (ce qui me fait dire que je devrais essayer d'écouter des disques de Boukman Experyans !). Mélissa Laveaux et Jho Archer ont au moins un titre en commun dans leur répertoire, Nan fond bwa de Frantz Casséus.
Sur la face B, on trouve Anita, et c'est presque aussi bon qu'Ibo lele. Dans les notes de pochette de l'album, il est indiqué que "Anita, la fille du port dansera toute la nuit car les marins sont de retour". Ce n'est pas la même chanson, mais là je ne pouvais que penser à la Anita  de l'Île Maurice de Ti Frère.
Après l'introduction au piano, qui joue un motif de quelques notes qui revient à plusieurs reprises, le rythme est à nouveau rapide, et les chœurs sont plus présents que sur la face A. Excellent.
Après avoir été marqué par ces deux excellentes chansons, j'ai essayé de voir si l'album The many talents of Jho Archer était entièrement de la même trempe. Ce n'est malheureusement pas le cas. Sur la face A, on trouve de la variété internationale de qualité (Ooh la la, avec des cordes), avec une version française de What a wonderful world et des reprises de Peanut vendor et de Le condamné de Bécaud.
Même la Voodoo-Jazz suite de la face B m'a un peu déçu. Il n'y a qu'un seul autre titre rapide, Sky boat song, mais il est en anglais pas aussi bon que les deux du 45 tours. Il y a de très bonnes choses parmi les titres lents de la face, notamment Mam'zelle Zizi et Monsieur Ministre, mais je me demande si, tout bonnement, on ne trouve pas sur ce 45 tours les deux meilleurs titres enregistrés par Jho Archer. 

L'album The many talents of Jho Archer est intégralement en écoute sur YouTube.

07 septembre 2019

POL : Live at Pol's


Acquis chez Depostorage à Couvin le 13 août 2019
Réf : AG.Special.007 -- Édité par Smoke en Belgique probablement dans les années 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ice cream -/- T.V.A. blues

Quand on fait une virée en Belgique, il faut s'attendre à trouver des disques belges. On peut même l'espérer !
C'est en tout cas la bonne aventure qui m'est arrivé à Couvin, où je suis ressorti d'un dépôt-vente avec la célèbre parodie de parodie Ca gaze pour moi de Plastichke et avec cet autre 45 tours.
Celui-là, avant même de voir le nom de l'artiste je me suis arrêté dessus à cause de la trogne du gars en gros plan sur la pochette. Et puis j'ai vu que j'avais affaire à un disque de Pol enregistré "Live et Pol's". Sur l'étiquette du rond central, il est précisé que c'est Pol du Pol's Jazz Club.
Fait exceptionnel, voici donc une chronique par Pol d'un disque de Pol enregistré chez Pol !
Pol, c'est Léopold Enders, une figure des nuits et du jazz bruxellois, qui est mort en 2000 à 83 ans. Dans les années 1960, il a été portier de plusieurs boites branchées de Bruxelles avant d'ouvrir ses propres clubs, successivement le Carton Club, le Victory Club, le Pol's, le Pol's Jazz Club (rue de  Stassart à Ixelles, celui où ce 45 tours a été enregistré) et le Bierodrome.
Dans l'article du journal Le Soir qui annonçait son décès, on trouve le témoignage de Marc Danval, archiviste belge du jazz, à propos de ce personnage : "Pol était une grande gueule, il traitait les musiciens durement. Mais sa drôlerie sauvait toujours la situation. Au fond, c'était un tendre. Il s'est emporté avec tous ses amis sans jamais se brouiller avec personne." Et aussi : "Il a été le premier à proposer des concerts de jazz moderne, alors qu'il n'aimait pas ça du tout !". D'où peut-être l'anecdote contée dans l'article d'un Pol excédé par la toucher énergique de Burton Greene, qui saute sur la scène, outil en main, pour lui proposer son marteau pour casser plus vite son piano.
Grande gueule et fan de jazz, Pol n'était pas un artiste ni un chanteur. On n'est donc pas surpris de l'entendre ici plutôt mettre l'ambiance, accompagné par Paul Closset and his Dixieland Gamblers. Paul, dont le prénom est souvent par ailleurs orthographié Pol (c'est une épidémie !), était trompettiste et chef d'orchestre. Il est mort en 1989 à 52 ans.
On a de la chance, les deux faces de ce 45 tours sont en écoute sur le site Hu(moeurs) Bruxelloises, avec les paroles en plus, ce qui n'est pas inutile car le Brusseleir (je pense) domine les quelques phrases en français.
Je l'avais un peu espéré et, effectivement, Ice cream, la chanson de la face A, est une version de Ice cream (I scream, you scream, we all scream for ice cream), une chanson populaire devenue un standard de jazz que, pour ma part, j'ai découverte dans une scène du film Down by law de Jim Jarmusch, avec Roberto Benigni, John Lurie et Tom Waits.
C'est très sympa dans un style Jazz Nouvelle Orléans, mais j'ai préféré la face B, T.V.A. blues, notamment le passage de cette "ode" à cette taxe où il dit "J'espère que mon contrôleur des contributions n'est pas ici" avant de chanter "Tout de moi, pourquoi tu prends tout de moi ? T.V.A.".
Les commerçants sont souvent un peu obsédés par la poids des charges. Ça devait être le cas de Pol puisque je n'ai trouvé la trace que d'un seul autre disque sous son nom, paru en 1978, et en face A on y trouve Scheil zat, qui est justement un autre blues contre la TVA : "Allez tous au bistrot, c'est le seul endroit qu'est rigolo. On y oublie la taxation, la TVA et l'inflation". Je n'ai malheureusement pas trouvé en ligne la face B de ce 45 tours, Les bordels de Bruxelles. Je tomberai peut-être dessus lors d'un prochain passage en Belgique...
Notons qu'une rue de Saint-Josse-ten-Noode, commune de la région de Bruxelles, porte le nom de Léopold Lenders : en 1985, il avait aidé à y créer le festival Saint-Jazz-ten-Noode.

01 septembre 2019

ARTISTE INCONNU : Titres inconnus (Tepnimit 333-336)


Acquis chez Récup'R à Dizy le 14 août 2019
Réf : Tepnimit 333-336 -- Édité par Tepnimit au Cambodge sûrement dans les années 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Inconnu (Déception ?) (Tepnimit 333) -- Inconnu (Bonne nuit ?) (Tepnimit 334) -/- Inconnu (Sans fil, Lever du soleil ?) (Tepnimit 335) -- Inconnu (Annonce ?) (Tepnimit 336)

A le ressourcerie le 6 août, outre les deux disques de Hong Kong, j'avais trouvé deux disques du Cambodge, l'un avec pochette de Mao-Sareth et l'autre sans pochette sur le label Tepnimit, mystérieux parce que, ne lisant pas et ne comprenant pas le khmer, la seule indication sur les étiquettes que je suis en mesure de comprendre est celle en français, pas très utile dans ce contexte puisqu'elle prévient que "L'utilisation de ce disque pour les auditions radiophoniques est interdite".
Les jours suivants, j'ai commencé à avoir des regrets : j'avais certes parcouru toutes les boites où il y semblait y avoir des nouveaux arrivages, mais de façon très rapide. J'avais certes trouvé un bon paquet de disques, mais j'avais le sentiment d'en avoir peut-être laissé passé quelques autres, tout aussi intéressants.
Alors, dès que possible, la semaine suivante, on y est retourné, et j'ai passé systématiquement en revue tous les 45 tours. Il n'y avait visiblement pas eu de disques ajoutés entre-temps, mais mon intuition était bonne : entre quelques 45 tours folkloriques allemands, j'ai fini par trouver un EP de Tahiti que j'ai cru ne pas avoir (en fait, je l'avais, mais avec une pochette différente...) et juste à côté trois autres 45 tours du Cambodge, deux de la très grande vedette Sinn Sisamouth (Fleur de vientiane, avec pochette, et Aurevoir Hong Kong, sans) et un autre du label Tipnimit, que je vous présente aujourd'hui.
Il y a un évidemment quelque chose de poignant lié à tous ces disques, qu'il est impossible d'évacuer à leur écoute : la plupart de ces artistes ont disparu et ont été tués entre 1975 et 1979 pendant le régime des Khmers Rouges, dont ils figuraient parmi les cibles privilégiés, en tant qu'acteurs d'une culture occidentalisée.
De nombreux enregistrements ont également été détruits ou ont disparu dans cette période ou depuis. Le monde du rock au sens large a commencé à les redécouvrir au fil des années, depuis notamment la parution en 1996 de Cambodian rocks, une compilation de titres de la fin des années 1960 et du début des années 1970 influencés par le son psychédélique et garage de l'époque. Mais mes disques sont plus anciens que ça et sont presque tous plutôt influencés par la variété internationale.
Tepnimit est un label qui doit exister au moins depuis les années 1950. J'imagine qu'il a édité des dizaines et plutôt même des centaines de disques, mais on n'en trouve actuellement que trois sur Discogs, dont deux crédités à l'orchestre maison Tepnimit Orchestra. Ailleurs en ligne on trouve juste quelques autres références éparses. Je n'ai vu aucune discographie du label digne de ce nom.
Pour en savoir un peu plus sur mes disques Tepnimit, j'ai lancé un appel sur Twitter à des gens qui s'intéressent à la musique cambodgienne. J'ai même interrogé un collectionneur sur Discogs, mais je n'ai eu aucune réponse.
J'ai donc essayé de me débrouiller tout seul comme un grand et, à partir des étiquettes scannées, j'ai fait de la reconnaissance de caractères, puis je suis allé chez Google Translate pour essayer d'en tirer quelque chose.
Dans le lettrage en haut du label il y a peut-être les mots "Lundi", "Res" et "Frère". J'ai bien l'impression qu'il n'y a pas de nom d'artiste, mais juste la mention "Artistes kmers" ou "Danse khmère" ($ចារំក្បាច់ខ្មែរ transcrit en cha rom kbach khmer).
Je préfère de toute façon indiquer jusqu'à plus ample informé que l'artiste et les titres de ce disque sont inconnus, mais j'ai peut-être quelque chose d'un peu plus tangible pour les quatre titres :
ça pourrait donner, par ordre d'apparition :
  • Matrice 333 : Déception (ុះគបញាំក់ transcrit en oh k b nhoam k)
  • Matrice 334 : Bonne nuit (រាត្រីត្រហំ transcrit en reatrei tr ham)
  • Matrice 335 : Sans fil, Lever du soleil (ស័្មវ៉ៃហ្ម័, ឃំន្ទើថ្ងែស្រំ transcrit en sa m vai hm, khom nteu thnge srom)
  • Matrice 336 : Annonce (ររំគែន transcrit en r rom ken)
A défaut d'informations fiables, le mieux dans ce cas est de laisser la musique parler pour elle-même et de l'écouter "à la sourde". C'est ce que j'ai fait, et j'ai pris une énorme claque à l'écoute du premier titre de ce disque.
Comme je l'ai dit, mes autres disques cambodgiens sonnent plutôt variétés, avec un aspect sentimental fort marqué, que la chanson soit en solo ou en duo. Là, la tonalité est plus acoustique et n'a rien à voir avec la variété. Le disque s'ouvre avec ce qui sonne comme... de l'accordéon ! Puis arrive une basse, mais c'est une basse sur deux notes, acoustique, qui sonne surtout comme ces basses à bassine (Wahstub bass) des jug bands américains.
Il y a à un moment une longue partie instrumentale, avec deux instruments solo qui se succèdent, l'un à cordes frottées façon violon (un tro, j'imagine), puis l'accordéon. Quant au chant, c'est celui d'une femme en solo (elle chante sur les quatre titres), et là il est déchiré. On a l'impression d'avoir à faire à une hurleuse de blues, et le titre Déception correspondrait bien à ce genre de sentiment. Au final, il y a bien des tonalités asiatiques, mais on pourrait tout autant se croire sur les rives du Mississippi que sur celles du Mekong.
C'était tellement surprenant que j'ai sollicité sans lui donner d'indications l'avis de Philippe R. pour vérifier que je ne délirais pas complètement. Et lui aussi a évoqué les cajuns de Louisiane et le Québec...
Le deuxième titre est plus lent, avec la même basse et aussi un son de cloche et des instruments à cordes, plutôt dans la famille du luth il me semble. C'est très bien également. Je ne sais pas s'il est vraiment intitulé Bonne nuit, mais en tout cas ce n'est pas une berceuse.
Le troisième titre m'a presque autant marqué que le premier, la surprise en moins. Il y a plus de percussions, avec une sorte de gong, et le début sonne presque comme de la musique russe au balalaïka ! La basse minimale est toujours présente. Le refrain en "La la la la, la la" avec des chœurs en fait presque une chanson pop.
Pour le quatrième titre, on retrouve l'instrument à cordes frottées avec des percussions minimales, peut-être juste des claquements de main. Le chant est une sorte de mélopée ou une incantation, à rapprocher du possible titre Annonce. C'est le titre qui sonne le plus comme de la musique traditionnelle, même si j'imagine que tous en sont.
J'espère que les informations sur ce disque pourront être complétées par les lecteurs de cette chronique. En tout cas, ce mystérieux 45 tours de folk-blues cambodgien est une très belle découverte.

A écouter :
Tepnimit 333
Tepnimit 334
Tepnimit 335
Tepnimit 336