31 janvier 2010

THE LEGEND


Acquis dans une boutique spécialisée reggae, à Paris ou à Londres, au tout début des années 1980
Réf : ATRA LP 1003 -- Edité par Atra en Angleterre en 1980
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

Je me suis rarement planté la poignée de fois où j'ai acheté des disques dans des boutiques spécialisées reggae au début des années 80. Il faut dire que je choisissais des noms connus, que j'ai entendu ou pas les artistes concernés au préalable. Pour Jacob Miller, je le connaissais auparavant, par contre pour Augustus Pablo il est bien possible que, quand j'ai acheté cet album ou l'une de ses collaborations avec King Tubby (Rockers meets King Tubbys in a fire house : je ne sais plus lequel des deux j'ai eu en premier) je ne le connaissais que de réputation, après avoir lu des chroniques dans Best et Rock & Folk.
A plus ou moins quelques titres près, The legend est la réédition d'une première compilation du label de Leonard Chin Atra, Jah guide - Jamaica's greatest hits, sortie en 1974. Il y a eu ensuite, en 1982 une édition française de The Legend chez Jah Live, avec une pochette différente.
Contrairement à la première compilation, celle-ci rassemble sur une face les contributions instrumentales d'Augustus Pablo, ce qui les met en valeur et permet de mieux apprécier leur excellence. C'est à la fois léger et puissant, que l'instrument solo soit le mélodica (Pablo in dub et Lover's mood), un piano électrique trafiqué avec des pédales d'effet ou un orgue (Hap ki do) ou un trombone (non crédité) sur Palace of peace, qui ne peut qu'évoquer l'esprit de Don Drummond et des Skatalites.
Sur la face B, on trouve quatre titres chantés et deux toastés, la plupart sur les thèmes instrumentaux de la face A. Cela nous donne l'occasion d'apprécier la richesse et la variété des arrangements instrumentaux et vocaux en comparant, sur le même thème musical, Lover's mood par Augustus Pablo, Problems par Horace Andy et la version toastée par Big Joe, Jah guide. L'autre DJ, c'est I Roy, qui fait très fort en commençant son Yamaha ride en espagnol de contrebande.
C'est avec ce disque que j'ai entendu pour la première fois Horace Andy. Il a droit à un autre titre, tout aussi bon, Children of Israel. Bizarrement, les deux autres chanteurs du disque ont aussi la voix claire et haute. Il s'agit de Freddy McKay, avec I'm a free man, et de Max Romeo, qui interprère Crime does not pay, un titre qu'on ne trouvait pas dans la version 1974 de la compilation,  qui a dû sortir en single et qui a rarement été repris ailleurs depuis.
Au bout du compte, on a là un disque excellent de bout en bout, une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, de la qualité de la production reggae pendant son âge d'or roots.

24 janvier 2010

DEVO 2.0 : Dev2.0


Acquis par correspondance via Amazon aux Etats-Unis en janvier 2008
Réf : 61442-7 -- Edité par Disney Sound aux Etats-Unis en 2006
Support : CD 12 cm + DVD 12 cm
12 titres + 9 titres

Ça aurait pu être un coup de génie, un chef d'oeuvre de l'entrisme situationniste (si tant est que ça existe...) : Devo, les tenants de la dé-évolution qui réussissent à vendre à Disney, entreprise reine par excellence du conservatisme, le concept d'une version rajeunie de Devo, recrutée après un casting serrée, chargée de réinterpréter les classiques du groupe pour toucher la génération ado des années 2000.
Ça aurait pu être génial, oui, à la seule condition que, l'idée une fois réalisée, Devo 2.0 ait réussi à faire entrer ne serait-ce qu'un soupçon de subversion chez Disney. Mais non, c'est juste un groupe d'ados préfabriqué interprétant des chansons de Devo aux paroles soigneusement rabotées pour que rien ne dépasse, même pas le "Pour vous, pas pour moi" à la fin de Beautiful world. L'un des deux titres précédemment inédits était à l'origine une chanson de Jihad Jerry, le projet du bassiste Gerald Casale, mais les paroles anti-Bush sont bien sûr passées à la trappe.
Finalement, ce n'est pas très surprenant. Ca fait bien longtemps il me semble que l'esprit de subversion qui animait Devo à ses débuts a disparu. Leur côté décalé et parodique n'est plus que le fond de commerce d'un groupe typiquement américain, comme le montrent les DVD live enregistrés depuis leur reformation (Devo tourne régulièrement depuis 1995. Un nouvel album, leur premier depuis 1990, est même annoncé pour cette année : je n'attends pas après).
Au bout du compte, ce qu'on a avec ce disque de Devo 2.0, c'est un réenregistrement de titres de Devo du début des années 80 (à part  les deux inédits, il y a une seule chanson, Uncontrollable urge, du premier album), joué ou pas par les jeunes eux-mêmes (en fait, il est précisé dans cet article du San Francisco Chronicle que, pour des "raisons budgétaires", c'est bien Devo qui joue sur ce disque), c'est pas le problème, mais chanté en tout cas par eux.
L'intérêt principal que j'y trouve, c'est dans la sélection des titres, qui, outre trois extraits du classique reconnu Freedom of choice, nous en propose trois aussi chacun des deux albums suivants, New traditionnalists et Oh, no ! It's Devo, qui sont loin d'être parfaits mais qui comptent toute une série de perles pop synthétiques, qu'on retrouve presque toutes ici à l'exception notable de Going under et surtout de Time out for fun, qui aurait pourtant convenu parfaitement dans ce contexte.
Le DVD nous propose neuf clips enregistrés avec le groupe, auxquels on pourra préférer les versions avec animations seules, qui permettent d'écouter les versions instrumentales des titres du CD, proches des versions originales, mais bénéficiant de vingt ans d'améliorations techniques. On a droit aussi à un reportage sur l'enregistrement et à une séance d'interviews incongrues qui voient Mark Mothersbaugh et Gerald Casale répondre aux questions de deux des membres de Devo 2.0, loin d'être nés quand Smooth noodle maps est paru en 1990.

PS :  En 1990, Devo avait plus ou moins déjà tenté le même coup, en produisant le disque des Visiting Kids, qui comprenait plusieurs de leurs enfants. C'était un disque indépendant, sorti en France chez New Rose, mais là non plus le résultat ne m'avait pas vraiment convaincu.

Re-PS : Même si le disque est loin d'être essentiel, je peste quand même contre Disney qui proposait un titre bonus (Girl U want, sur le CD on a droit à Boy U want) accessible en ligne en utilisant la piste multimédia du CD. Je n'ai pas pensé à essayer d'y accéder il y a deux ans quand j'ai acheté ce disque, et aujourd'hui le site n'existe plus !

23 janvier 2010

BIFF BANG POW ! : The girl who runs the beat hotel


Offert par Werner Truckenbrodt par correspondance en janvier 2010
Réf : VWR 08 -- Edité par Vollwert en Allemagne en 2010 -- N° X/99
Support : CD 12 cm
10 titres

C'est un hasard total, mais le premier disque édité dans cette nouvelle décennie que je reçois me concerne au plus haut point puisqu'il s'agit de la réédition du disque de ma collection dans lequel je suis personnellement le plus impliqué (Contrairement à toute logique, cet honneur n'échoit pas au single Someone stole my wheels, crédité à JC Brouchard with Biff Bang Pow!, pour lequel j'ai prêté mon nom et mes traits mais à l'enregistrement duquel je n'ai pas participé).

Depuis quelques temps, Werner Truckenbrodt a entrepris d'éditer ou de rééditer sur son label Vollwert de nombreux disques, dont beaucoup sont sortis à l'origine dans les années 1980 chez Creation Records. Il y a la collection Edition 59, qui propose des mini-CD singles 7,5 cm en édition limitée, comme le nom l'indique, à 59 exemplaires. Et il y a le label Vollwert lui-même pour les albums, des CD-R en édition limitée à 99 exemplaires.
Quand j'ai appris, grâce à Phil king, l'existence de ce label et quand j'ai découvert qu'ils avaient réédité quasiment l'intrégralité du catalogue de Biff Bang Pow!, je suis entré en contact avec Werner et j'ai passé commande, en le remerciant de m'avoir fait un prix d'ami et de m'avoir offert plusieurs disques.

The girl who runs the beat hotel est le deuxième album de Biff Bang Pow!. Il est sorti début février 1987, soit deux ans après le premier album, Pass the paintbrush, honey. C'est un disque excellent, et ce malgré sa gestation difficile : à l'origine, il aurait dû sortir un an plus tôt, début 1986, mais le groupe n'était pas suffisamment satisfait de ses sessions d'enregistrement de novembre 1985, pour un disque dont le titre potentiel oscillait alors entre Submarines et 16 velvet Fridays. Il se sont alors contenté de sortir un maxi 4 titres (l'excellent Love's going out of fashion). Le groupe a donc remis ça en septembre 1986, toujours au studio Alaska, un bouis-bouis situé sous un pont ferroviaire (!), mais qui avait deux avantages immenses pour le Creation des débuts : les prix étaient extraordinairement bas, et en plus les ingénieurs du son étaient efficaces, ce qui permettait d'aller vite et d'enregistrer pour encore moins cher. En gros, il fallait à Biff Bang pow! trois jours pour enregistrer dix titres. Le premier jour, enregistrement dans les conditions du live (basse, guitare, batterie, guide-chant). Le deuxième jour, enregistrement du chant principal, des choeurs et des overdubs (harmonica, claviers, feedback et bidouillages en tout genre). Le troisième jour était consacré au mixage.

Le format CD, même si le gros plan a été bien sélectionné, ne rend évidemment pas parfaitement hommage à la réussite qu'est la pochette originale de l'album, qui ne comportait au verso que ces fleurs roses, sans aucune mention de groupe ou de titre, à la façon des pochettes de Peter Saville pour Factory. Je ne sais plus si c'est pour celle-ci ou pour l'autre de ses pochettes d'album fleuries (la compilation I love the smell of napalm), mais Luke Hayes de Chromatone design, qui savait lui aussi réaliser de belles choses sans budget, m'a raconté qu'il était ressorti un soir pour aller cueillir ces fleurs sur un parterre qu'il avait repéré dans le quartier. Il les a étalées par terre ou sur une table dans son salon et les a mouillées avant de les mitrailler. Résultat superbe et, le 10 février 1987, j'ai eu un sacré coup au coeur en découvrant cette pochette en vitrine chez New Rose, quelques heures justement avant de retrouver Alan McGee pour le concert de Jazz Butcher.

Le disque s'ouvre avec l'enregistrement le plus ancien, Someone stole my wheels, qui date probablement de 1984. Il a été probablement réalisé par Andrew Innes et Luke Hayes, de Revolving Paint Dream, soit en vue d'un deuxième single du groupe, soit pour le sortir sous le nom des Formica Tops, groupe pour lequel ils ont été un moment en pourparlers avec Rough Trade. Au bout du compte, cette chanson est sortie, telle quelle, en octobre 1986 sur le single avec JC Brouchard, avant d'ouvrir cet album. Je suis concerné de trop près pour en parler objectivement, mais cette histoire d'un gars qui découvre, alors qu'il pleut comme vache qui pisse, qu'on lui a piqué les roues de son scooter et qui compare sa situation à celle de la reine ("Elle doit être humaine après tout"), est suffisamment bonne pour figurer sut toutes les compilations de Biff Bang Pow!. Il faut dire qu'avec les motifs de guitare, l'orgue et les chœurs en "la la la", elle a de quoi accrocher.

Ensuite, on retrouve un autre single, Love's going out of fashion. Si certains morceaux de BBP! on un côté rétro sixties très marqué, ce n'est pas le cas ici. C'est une belle chanson d'Alan, avec de l'harmonica de Joe Foster très présent et même une sorte d'espagnolade à la guitare pendant les couplets. Les deux se retrouvent pendant le pont. Le groupe a sacrément progressé avec ce troisième single .
La séquence Alan continue dans la même veine avec deux autres chansons au tempo moyen à rapide, le très beau She never understood (Ici avec de l'orgue, il s'agit donc probablement d'un enregistrement de 1986, mais cette chanson avait déjà été enregistrée lors des sessions de 1985) et He don't need that girl, suivies de deux chansons lentes, She shivers inside et The beat hotel.

Ensuite, le disque prend une autre direction, en mettant en avant l'excellente chanteuse qu'est Christine Wanless, qui a surtout enregistré par ailleurs avec The Revolving Paint Dream. Il y a d'abord le presque jazzy The happiest girl in the world, puis If I die, une chanson bizarrement construite il me semble (pas de couplets, par exemple), qui vaut surtout pour le chant de Christine et pour l'accélération du rythme au moment deuxième refrain, après que Christine a monté d'une tranche de ton. Les paroles ne sont pas courantes non plus : "If I die on the way to work tomorrow morning, would you notice there's any difference to your life ? If I'm run down by a bus on the way to see you, would you care, would you blink an eye ?".

C'est aussi sur If I die que je fais ma première apparition enregistrée sur disque. J'ai assisté à la majorité des deux séances d'enregistrement principales de l'album, en ma qualité de conseiller spirituel du groupe. Groupe qui m'aimait bien, mais pas au point d'être assez inconscient pour me faire chanter sur leur disque. J'ai bien fait des chœurs sur un titre, I need optimism, mais on était trois ou quatre à chanter ensemble et, comme par hasard, ce titre est l'un des rares à être resté complètement inédit !
Non, sagement, les amis de BBP! m'ont demandé de parler. Sur If I die, où je répète, avec suffisamment d'écho sur ma voix, les paroles que Christine venait de chanter, et sur le morceau de bravoure psychédélique qu'est Five minutes in the life of Greenwood Goulding. Là, grâce à la technique des bandes magnétiques retournées, je réussis même l'exploit de parler à l'envers (ce qui n'empêche pas, je l'ai découvert avec surprise, de reconnaître le ton de sa voix). J'imagine qu'on a fait une seule prise, deux grand maximum si je me suis planté ou si j'ai eu un fou rire. Je me souviens seulement que j'avais le casque sur la tête et que tout le monde me faisait des signes de la main pour que je parle et que je continue à parler, mais c'est pas facile d'improviser comme ça pendant plus de quatre minutes ! Je ne me souvenais que d'une chose, c'est que j'avais à dire quelque chose sur Cilla Black, chanteuse populaire et présentatrice télé, ce qui en fait grosso modo un croisement entre Sheila et Danièle Gilbert, mais maintenant que j'ai cet album en CD, et grâce aux technologies numériques, on peut réécouter ma prestation à l'endroit :

Biff Bang Pow ! : Cilla's back from India (Five minutes in the life of Greenwood Goulding - in reverse)

"Cilla's back from India", c'était pour le côté psychédélique et parce que Cilla Black a rencontré le Yogi Maharishi avec les Beatles à Bangor en 1967 (mais Bangor, c'est au Pays de Galles, pas en Inde !). "Les premiers seront les derniers", c'est bien sûr uniquement parce que je savais que mes paroles passeraient à l'envers. A un moment, j'ébauche même un générique de l'album, histoire d'occuper le terrain... Après ça, l'album se conclut avec l'excellent instrumental sixties The whole world is turning Brouchard !, ainsi nommé uniquement je pense en raison de mon enthousiasme pour ce titre exprimé lors de l'enregistrement.

Au bout du compte, voilà un album qui, en dix titres et moins de trente minutes, est d'excellente tenue de bout en bout, alors que, avec trois sessions d'enregistrement et trois chanteurs, le risque était grand qu'il soit inégal. A l'inverse, l'album suivant, Oblivion, serait marqué par une grande unité. Il est bien évident que, si la réputation d'Alan ne s'était pas faite avant tout comme le patron de Creation, le découvreur de The Jesus and Mary Chain et d'Oasis, les disques de Biff Bang Pow ! seraient réédités aujourd'hui à plus de 99 exemplaires !



Comme après plus de vingt ans, moi-même je m'y perds, alors que j'ai suivi l'affaire de près, j'ai essayé de faire le point des différents titres enregistrés lors des sessions qui ont abouti à cet album. Entre parenthèses, j'ai indiqué sur quel disque ces enregistrements ont finalement paru.


Session de 1984 pour Revolving Paint Dream ou The Formica Tops
:

  • Someone stole my wheels (Someone stole my wheels single, The girl who runs the beat hotel)
  • Sunnydays ((Someone stole my wheels single) 
Session de novembre 1985 :
  • Love's going out of fahion (Love's going out of fahion single, The girl who runs the beat hotel)
  • In the afternoon (Love's going out of fahion single, The debasement tapes)
  • Inside the mushroom (Love's going out of fahion single, The debasement tapes)
  • It happens all the time (Alan au chant) (Love's going out of fahion single, The debasement tapes)
  • It makes you scared (Someone stole my wheels single, The debasement tapes)
  • He don't need that girl (The girl who runs the beat hotel)
  • The death of England (The whole world is turning Brouchard ! single, The debasement tapes)
  • She never understood (Alternate) (The acid house album)
  • Back to the start (Pensioners on ecstasy compilation, The debasement tapes)
  • I need optimism (Inédit)       
Session de septembre 1986 :
  • She never understood (The girl who runs the beat hotel)
  • She shivers inside (The girl who runs the beat hotel)
  • The beat hotel (Alan au chant) (The girl who runs the beat hotel)
  • The happiest girl in the world (The girl who runs the beat hotel)
  • If I die (The girl who runs the beat hotel) 
  • Five minutes in the life of Greenwood Goulding (The girl who runs the beat hotel)
  • The whole world is turning Brouchard ! (The girl who runs the beat hotel, The whole world is turning Brouchard ! single)
  • The beat hotel (Alternate) (Christine au chant) (The acid house album)
  • It happens all the time (Christine au chant) (She haunts single et Mother watch me burn de The Revolving Paint Dream, sous le titre Electra's crying loaded in the basement, après enregistrements complémentaires) 
Ajout du 20 février 2010 :

Voici un super collector : le n° spécial du fanzine Laissez-vous emporter par la cité ! de Jean-Philippe Dumas, sorti à l'occasion de la tournée française de Biff, Bang, Pow ! en février 1988, qui contient notamment une interview d'Alan McGee réalisée peu de temps avant la sortie de The girl who runs the beat hotel.

Ajout du 5 août 2018
:

Trouvé chez Discogs, voici un communiqué de presse de Creation qui accompagnait l'édition originale de l'album, "Starting 1987 as they mean to go on under the psychic influence of their guru and mentor J.C. Brouchard, this is an L.P. of classic songs and manic moments to melt your heart and warp your mind.".



17 janvier 2010

HEAVEN ?! 81-96


Acquis probablement avec un abonnement aux Inrockuptibles fin 1996 ou début 1997
Réf : Promo FN 002 CD -- Edité par Flying Nun en France fin 1996 ou début
Support : CD 12 cm
16 titres

Comme celle des Pixies, voici une de ces très belles compilations siglées Inrockuptibles, destinées avant tout aux abonnés du magazine, mais qu'on pouvait aussi parfois se procurer chez son disquaire dans le cadre d'une opération promotionnelle.
La pochette est superbe et l'occasion est rêvée pour les fans de Flying Nun qu'étaient probablement les journalistes des Inrocks dans leur majorité, puisqu'il s'agit de fêter les quinze ans de Flying Nun, au moment pile où eux-mêmes sortaient un album (imprimé) pour fêter leurs dix ans. Il me semble que, pendant ces dix ans, et depuis encore, Les Inrockuptibles ont été le plus fidèle soutien en France de la pop ligne claire de Flying Nun.
Le disque a beau être sous-titré 81-96, il se concentre sur la production récente (à l'époque) du label, de 1995 et 1996. Ça avait l'avantage de limiter pour moi les doublons avec les titres que j'avais déjà sur des compilations Flying Nun, qui se limitent au bout du compte à trois, les classiques Death and the maiden des Verlaines et Point that thing somewhere else de The Clean qui étaient déjà sur ma cassette Flying Nun Sampler, et Filter, de David Kilgour, qu'on trouve aussi sur Something for the weekend.
Malgré tout, même s'il s'agit de titres que je ne connaissais pas avant, une grande partie des groupes présents ici sont des piliers du label, des 3D's, à qui il revient de l'honneur d'ouvrir le bal avec l'excellent Ben, aux Chills, qui en étaient déjà à ce moment-là à l'étape de la reformation. Les Tall Dwarfs sont bien là, mais en ordre dispersé avec des titres solo d'Alec Bathgate et de Chris Knox. Les deux sont bons et ce n'est pas un match, mais c'est Knox qui a ma préférence avec son Not given lightly.
Parmi les "petits nouveaux" de l'année, Garageland et Superette s'en sortent pas mal, ainsi que Loves Ugly Children, la preuve vivante que les Pixies et le grunge ne sont pas passés complètement inaperçus en Nouvelle-Zélande, mais mes préférés sont King Loser, avec Morning dew, un duo à la Hazlewood/Sinatra. Pas étonnant que ça me fasse tellement penser à Lee Hazlewood : après vérification il s'avère que Morning dew, une chanson qui n'a été ni écrite ni créée par lui, a été reprise par Lee Hazlewood en 1968, et par des dizaines d'autres.
En fin de disque, Country sow de Solid Gold Hell et Old & blue de Bike s'écoutent bien, mais j'ai eu beaucoup de mal à aller au bout des dix minutes plus ou moins bruitistes du Usurper de HDU.

16 janvier 2010

SURPRISE PARTY "REPUBLIQUE"


Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 28 novembre 2009
Réf : R.L.P. 6510 -- Edité par Riviera en France vers 1952
Support : 33 tours 25 cm
10 titres

Certes, il contient un titre de Marcel Bianchi, mais j'ai avant tout acheté ce disque pour sa pochette. Il s'agit pourtant d'une pochette standard pour une série de disques de variété, mais le manque de moyens (deux couleurs imprimées sur carton, sans photographie) a probablement permis d'obtenir ce sommet de sobriété en vert, blanc et rouge, quasiment art déco.
Depuis quelques années que j'ai commencé à m'intéresser aux disques des années 50, je n'avais que fugitivement (pour l'oublier aussitôt) fait le rapprochement entre cette étiquette Riviera et une autre, de la fin des années 60 (celle qui abrita, entre beaucoup d'autres, Nino Ferrer, Zanini, voire même Gonthier). Pour cette dernière, le lien avec les disques Barclay était évident : les deux logos étaient jumeaux, hormis l'intitulé du label bien sûr. Mais donc, comme j'ai mis bien longtemps à associer les deux Riviera (Il s'agit bien du même label), j'ai eu autant de mal à associer cet album aux disques Barclay, alors que, bon sang, l'association Riviera = la Côte d'Azur = Saint Tropez = Barclay, c'était facile, sans parler qu'Eddie Barclay lui-même, accompagné de son orchestre de danse, clôt ce disque avec un titre de jazz, Player's boogie.
En fait, apparemment, les trois premiers labels lancés par Eddie Barclay à partir de 1949 furent  Gold Star, Mercury, et Riviera donc, spécialisé dans la musique de danse, c'est à dire principalement à l'époque le tango, la valse,le paso doble, le boléro... Ces labels furent rassemblés à partir de 1954 au sein de la maison de disques Barclay Records.
Dans le très intéressant article biographique consacré à Eddie Barclay par le magazine Je Chante en 2005, qui raconte notamment comment il a contribué à introduire le disque microsillon sur le marché français, il y a cette phrase qui explique en partie comment le grand fan de jazz en est venu à être l'un des "découvreurs" de Dalida : "Mais le jazz ne nourrit pas. Il faut donner dans la variété." Et c'est exactement ce qu'on a ici en grande partie : des musiciens de jazz qui joue des musiques populaires (plus deux titres de musiques typiques et deux de valses de Strauss).
Le grand intérêt pour moi c'est que, pour ces enregistrements qui ont dû être faits très rapidement, ces musiciens accomplis jouent simplement, clairement, des arrangements frais. Ça donne une musique légère et agréable (plus facile à digérer que les accompagnements des versions originales chantées des titres repris ici) : Domino d'André Claveau ou Chérie sois fidèle de Tino Rossi, je ne connais pas et je ne suis pas sûr de vouloir connaître, mais je suis bien certain que ça me plairait beaucoup moins que les versions qu'en donnent ici respectivement Emil Stern et son Piano Magique et Hubert Rostaing et son Orchestre de Danse, qui sont mes deux titres préférés du disque.
Le point de comparaison évident pour ces deux morceaux est la musique de Franck Barcellini pour Mon oncle. D'ailleurs, plus j'y réfléchis, plus je me dis que cet orchestre non crédité qui interprète la musique du film de Jacques Tati doit être un orchestre de jazz, d'autant plus que, puisque j'ai revu le film depuis la semaine dernière, il y a carrément deux musiques non reprises sur le disque lors des scènes de circulation automobile qui sont carrément du jazz.
En plus des quatre titres, en tout, d'Emil Stern et Hubert Rostaing, j'aime aussi beaucoup Lover de Marcel Bianchi et son Orchestre hawaïen, édité à l'époque également sur un 45 tours et réédité sur le CD The hawaiian guitar of Marcel Bianchi et le tango Caido del Cielo de Luis Toebols et son Orchestre typique argentin.

10 janvier 2010

LEWIS FUREY : The humours of


Acquis chez Honest Jon's à Londres le 9 septembre 1981
Réf : SP-45094 -- Edité par A & M aux Etats-Unis en 1976
Support : 33 tours 30 cm
13 titres

(je conseille de lire d'abord l'histoire de mon premier exemplaire de ce disque)


Ainsi donc, mon premier exemplaire de The humours of, comme tous les pressages européens, ne possédait pas de pochette intérieure avec les paroles imprimées dessus. Le premier album, qui a largement été distribué en Europe mais n'y a jamais été pressé à ma connaissance (on trouvait le disque en "Import USA"), était, lui, fourni avec les paroles et c'est sur celles-ci que j'ai transpiré, alors que je venais juste de rentrer au lycée et que l'anglais n'était encore que ma "langue vivante 2", à essayer de les comprendre un minimum et à les recopier plusieurs fois à la machine à écrire.
Ne pas comprendre l'immense majorité des paroles de The humours of m'a longtemps dérangé et m'a empêché d'apprécier pleinement ce disque. Aussi, lorsque je suis allé pour la première fois à Londres, trouver un exemplaire de cet album avec une pochette intérieure, si tant est que ça existait, faisait parmi de mes priorités (même si la liste de mes priorités était très longue et excédait largement le budget dont je disposais).
Ce premier voyage à Londres, je l'ai fait avec Francis M, un de mes collègues de terminale, en septembre 1981, après le bac et les jobs d'été et avant d'entrer à l'université. Nous sommes partis une semaine voyage compris, et le troisième jour, nous sommes retournés dans Portobello Road (ma première visite le premier jour avait été pour la boutique Rough Trade). Chez Honest Jon's (aujourd'hui, ce nom est plus connu pour le label,dirigé notamment par Damon Albarn, qui lui est associé, mais, depuis 1974, cette boutique propose une sélection éclectique de disques, dont à l'époque, un certain nombre de disques d'occasion), je suis tombé sur un exemplaire américain de The humours of. La pochette était vide, j'ai donc demandé à voir le disque et c'est avec soulagement et une grande joie que j'ai constaté qu'il était bien inséré dans une pochette imprimée. J'ai à peine vérifié l'état du disque et, pour 2,50 £, j'avais enfin, après quatre ans, un deuxième exemplaire du disque, avec les paroles cette fois-ci.Lien
Avoir les paroles imprimées, c'est bien. Les comprendre, c'est autre chose. D'autant que, plus peut-être que celles du premier album, les paroles des chansons de The humours of ne sont pas linéraires. Je dirais qu'elles peuvent même partir dans tous les sens ou être un peu cryptiques, même si on sent bien qu'une bonne partie d'entre elles concerne les aventures amoureuses de Lewis, qui, comme avec Lewis is crazy, est même mentionné par son prénom dans Romance, sous la forme d'une lettre, comme au verso de la pochette de l'album, mais adressée à Lewis cette fois-ci : "Dear Lewis, I'm writing you this letter hoping that you're going to get yourself together. Think you've fucked around enough for one day - try romance, get carried away." Le refrain de la chanson étant justement "Romance. Take a chance", je ne peux m'empêcher de penser, c'est sûrement mon côté romantique, qu'il y a là quelque part un rapport avec la rencontre entre Lewis et Carole Laure, même si dans les paroles il est question d'une Susie.
Avoir les paroles imprimées, c'est bien. Les comprendre, c'est mieux. Ainsi, même en les lisant, en ce jour de septembre 1981, je ne comprenais toujours pas vraiment celles de Rubber gun show (Je ne savais pas à l'époque que Lewis avait écrit la musique d'un film portant quasiment le même titre, The rubber gun, et de toute façon je saisis toujours mal le rapport entre les deux), même si j'aime beaucoup le couplet "révolutionnaire" où il est question d'un roi décapité ("Ils ont trouvé sa couronne, mais ils n'arrivent toujours pas à trouver sa tête.").
Nous logions dans un dortoir à l'auberge de jeunesse de Holland Park. A peine rentrés de courses, et avant de ressortir le soir pour aller au Marquee assister à mon tout premier concert londonien (Television Under Screen et La Rox), j'ai chopé mon voisin de lit superposé, un australien qui passait par là, je lui ai mis la pochette sous le nez et je lui ai demandé ce que ça pouvait bien vouloir dire "Rubber gun show". Le pauvre. Il a regardé ça quelques secondes, il a bien vu qu'il y était assez question de sexe. Il m'a dit qu'il y avait sûrement de l'argot américain et que peut-être "Rubber" faisait référence à des capotes.
Il m'aura fallu attendre 2004 pour avoir une explication un peu plus détaillée et exacte. Interrogé par Mojo pour la rubrique Trésor enfoui consacrée à cet album (voir ci-dessous), Lewis Furey explique que le film "est à propos d'un groupe de jeunes de Montréal, avec leurs histoires d'amour et leurs trafics de drogue. La situation est prise un peu à la légère, du genre, 'On sort un pistolet en plastique', mais les flics ont de vraies armes."

Fort logiquement, ce disque est quasiment identique à son homologue européen, à quelques détails près. Côté musique, c'est strictement la même chose, sauf qu'ici le pressage est de bien meilleure qualité que le français.
La pochette intérieure a un verso illustré d'une photo en noir et blanc, où l'on retrouve l'écran de télé du recto de la pochette, avec dessus deux mains enlacées, dont l'une gantée. Là encore, c'est un peu cryptique.
Il y a quand même sur le disque lui-même une petite différence, qui concerne le dernier titre, la reprise de Cop's ballet avec un son de crin-crin, comme si le disque était joué par un phonographe. Dans les pressages européens, ce titre de trente secondes se termine par des sons répétés en à-coups, comme si le disque était rayé. Pareil pour le disque américain, sauf que le bras de la platine continue ensuite à avancer vers le rond central, sans que le son s'arrête. En observant le disque, on se rend bien compte que tout ça finit en un "lock groove" cher à JC Menu. Pour ma part, je ne peux pas en profiter et écouter cette boucle pendant des heures, vu que ma bonne vieille platine Dual s'obstine à relever automatiquement le bras avant qu'il atteigne le dernier sillon.

Après des concerts à Montreal en 2008 et Tokyo en 2009, Lewis ' sera de retour sur scène à Paris, du 4 au 7 février 2010 à l'Européen. On devrait avoir ainsi l'occasion de le voir et l'écouter interpréter son récital de Selected songs, pris parmi ses enregistrements de 1975 à 1985. Les billets pour ce spectacle sont en vente sur le site de l'Européen.
Pour fêter ça, Lewis Furey Productions va rééditer dans les prochaines semaines les deux premiers albums, Lewis Furey et The humours of, et sortir une compilation Selected songs reprenant les premières versions enregistrées des titres interprétés sur scène !




Chronique de l'album dans le NME par Fred Dellar, vers 1976 (cliquer pour agrandir).


Publicité pour "The humours of" parue dans le magazine américain After Dark en octobre 1976. (Merci à Leslie Radowill pour la copie) (cliquer pour agrandir).


The humours of, un "Buried treasure" pour Mojo, par Martin Aston en 2004 (cliquer pour agrandir).

09 janvier 2010

MON ONCLE


Offert par Philippe R. à Mareuil-sur-Ay le 24 décembre 2009
Réf : 460.565 ME -- Edité par Fontana en France en 1958
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mon oncle -- Adieu Mario -/- Le vieux quartier -- Arrangement sur les trois thèmes du film

Pour Noël, Philippe R. m'a offert plusieurs disques à chérir, chinés récemment du côté de Nantes. Avec la musique de Mon oncle, il était certain de faire mouche car il sait depuis longtemps combien je l'apprécie particulièrement, et en plus ce disque est une pièce, qui fait partie des nombreux disques édités par Boris Vian lorsqu'il était directeur artistique de label chez Fontana, Philips ou Barclay. Il vient s'ajouter à ceux dont j'ai déjà parlé ici, comme le Gabriel Dalar, le Monsieur Dupont, celui de P.A.O.L.A. et sûrement celui des Pinsons).
Outre que c'est sûrement l'un de ses plus réussis, Mon oncle occupe une place centrale dans la filmographie de Jacques Tati. A mi-chemin du village de Jour de fête et de la ville futuriste de Playtime, Mon oncle montre justement la banlieue-village en train de se faire détruire pour laisser place aux maisons modernes "tout confort".
De la musique de Mon oncle, j'aime tout particulièrement les deux compositions de Franck Barcellini qu'on trouve sur la face A de disque. Je ne connais pas la biographie de Barcellini, mais si j'en crois sa filmographie (une chanson pour Georges Guétary dans Liebe ist ja nur ein Märchen et les musiques des films Auguste, Les bidasses au pensionnat et surtout Couche-moi dans le sable et fais jaillir ton pétrole !), je pense pouvoir avancer sans trop de risque de me tromper que ces deux titres sont ce qu'il a fait de mieux !
Je n'ai pas souvent vu le film Mon oncle, et la dernière fois c'était il y a déjà quelques années, je ne me souviens donc pas pour quelles scènes en particulier sont utilisées chacun des trois morceaux, mais ce qui est évident c'est qu'ils correspondent parfaitement à l'esprit du film. Quand j'écoute le disque, je vois les chiens qui courent, les scènes de banlieue - et peut-être un peu moins la villa moderne et tous ses automatismes. Et non seulement les compositions sont excellentes et appropriées, mais surtout les arrangements sont parfaits, frais et légers, avec chacun des instruments qui se détachent bien l'un de l'autre, pas une soupe informe.
J'espère que, dans le livret de 72 pages qui accompagne le coffret Sonorama sorti en 2008, qui regroupe toutes les musiques des films de Tati, on trouve des précisions sur le nom de l'orchestre et des musiciens qui interprètent cette musique car sur ce 45 tours il n'y a strictement rien, et au générique du film non plus je pense (Je voterais pour l'orchestre d'Emil Stern et son piano magique si je devais essayer de deviner).
Dès les premières notes de piano, le morceau Mon oncle dégage un sentiment de nostalgie. Ensuite, divers instruments passent au premier plan, des flûtes (je pense), une guitare acoustique (espagnole ?), un accordéon, des percussions, un instrument à cordes qui est sûrement une balalaïka. Le tout est soutenu par une batterie très discrète, une contrebasse, et un vibraphone est présent en soutien. C'est parfait mais, si j'ai du mal à dissocier les deux morceaux, je crois que je préfère encore Adieu Mario où, avec à peu près les mêmes ingrédients musicaux, la nostalgie fait place à la gaité d'un gamin sautillant ou d'un oncle malicieux. C'est à Adieu Mario qu'il m'arrive souvent de penser quand j'écoute certains titres de Pascal Comelade, sur Un tal jazz par exemple, ou dans les musiques pour André le magnifique ou Zumzum-ka.
Le vieux quartier est une composition d'Alain Romans, qui avait déjà signé la musique des Vacances de Monsieur Hulot. Il y a un côté musette un peu plus facile et moins original, mais les musiciens sont visiblement les mêmes et c'est très bien quand même.
L'Arrangement sur les trois thèmes du film n'est pas simplement un medley fabriqué à la va-vite en collant des bandes bout à bout. Non, c'est bien un arrangement musical spécifique des trois morceaux, et surtout, si je ne suis pas sourd, il s'agit une interprétation spécifique et différente de ce qu'on a entendu auparavant sur le disque.
Boris Vian signe au dos un texte assez long (repris dans le recueil Derrière la zizique) où il dit tout le bien qu'il pense de Tati et de Mon oncle. Il précise : "En vous présentant la musique originale, naïve et gaie, de ce ravissant chef d'oeuvre, nous savons ce que nous faisons : nous vous offrons l'illustration sonore d'un film qui durera autant que les bandes immortelles de Chaplin... (...) Nous sommes heureux et fiers que le n°1 de la collection Fontana-Cinémonde porte l'effigie de ce grand bonhomme."
Car effectivement, ce disque est le premier d'une série de quelques-uns édités par Fontana proposant en EP des bandes originales de films. Vian était bien placé pour suivre de près le projet Mon oncle : selon ce site et le recueil Derrière la zizique, il avait écrit des paroles pour la chanson-titre du film qui n'ont pas été retenues. Cela ne l'a pas empêché, avec sa casquette de directeur de label, d'éditer ce disque, et au bout du compte, ce n'est peut-être pas plus mal que les paroles aient été refusées, tant ces instrumentaux se suffisent à eux-mêmes.



03 janvier 2010

LEWIS FUREY : The humours of


Acquis dans une FNAC à Paris en novembre 1977
Réf : 985 064 -- Edité par A & M en France en 1976
Support : 33 tours 30 cm
13 titres

J'ai eu l'occasion de raconter, dans Vivonzeureux!, comment je suis tombé sous le charme de Lewis Furey. Une émission de télé un mercredi après-midi à l'automne 1977, un gars sympathique, à la voix et l'accent qui me plaisent. Une panne de micro qui l'oblige à interrompre quelques instants son interprétation. J'étais accroché.
Peu de temps plus tard, j'ai eu l'occasion d'aller avec ma maman à Paris. Le but principal du voyage était d'acheter des tissus au marché Saint Pierre (Pour faire des rideaux je pense. je crois qu'à cette époque Maman avait abandonné l'idée ou manquait de temps pour nous coudre des vêtements maison), mais j'ai quand même réussi, ce qui devait être mon but à moi, à traîner Maman dans une FNAC (rue de Rennes je pense) pour y acheter un album de Lewis Furey. Je crois que c'est la toute première fois que j'allais dans une FNAC.
On a demandé à un vendeur où étaient les disques de Lewis Furey et ils nous a indiqué un présentoir, où ils étaient en hauteur. Le problème, justement, c'est qu'il y en avait deux de ces disques, deux 33 tours, et il a fallu que j'en choisisse un. Je ne sais pas quel a été mon critère, sûrement le fait que celui-ci était le plus récent (l'autre datant de 1975), toujours est-il qu'en fait je n'ai pas choisi le bon, celui qui contenait la chanson de la télé, Hustler's tango.
Ce voyage à Paris était une vraie expédition vu que le soir nous étions invités dans le quartier de la Bastille, chez une cousine de maman. Mon petit cousin Kevan, de quelques années plus vieux que moi, voyant mon sac de disques m'avait demandé ce que j'avais acheté. Je m'attendais, comme ça allait devenir une habitude pour moi, à ce qu'il me réponde qu'il ne connaissait pas Lewis Furey. Au contraire, il m'a dit que celui-ci venait juste de terminer la veille une série de concerts au Palace et qu'il aurait pu m'y emmener si nous étions venus quelques jours plus tôt. Je sais bien qu'en fait cela n'aurait certainement pas pu se faire même si nous étions effectivement venus avant la fin des concerts le 23 novembre 1977, mais quand même, ça me permet de me dire que j'ai failli voir Lewis Furey sur scène lors de son premier spectacle à Paris.
Au bout du compte, j'aurai eu à attendre quelques mois de plus pour avoir enfin le premier album de Lewis Furey, pour mes 15 ans en mars 1978, et encore un peu plus d'un an pour assister au spectacle de Lewis et Carole Laure à Bobino en avril 1979. La différence étant que cette fois-là, je suis allé tout seul à Paris.
Avant d'écouter le disque à la maison, il y avait un peu de lecture, avec une lettre au dos de la pochette adressée à ses auditeurs par Lewis. Evidemment, à l'époque je n'en comprenais pas le dixième. Aujourd'hui, contentons-nous du premier PS : "J'aimerais... Je ne peux pas vous dire à qui ces chansons s'adressent ou de qui elles parlent. Certaines de ces personnes sont encore en vie et je dois respecter leur famille. Et certaines sont pour vous. Bien sûr. Lewis."
Cet exemplaire ramené de Paris est un pressage français de The humours of. Ça a son importance. Dans la chronique de Rock & Folk de l'époque (voir ci-dessous), il était précisé que ce disque A&M était distribué par Barclay. Mais, fin 1977, la distribution venait sûrement de passer chez CBS, qui a récupéré et distribué le stock de Barclay en apposant simplement une étiquette blanche au dos du disque. Par la suite, il y aura un vrai pressage CBS, fait en Hollande comme tous leurs disques, sous la référence AMLH 64594. A part ça, les deux pressages sont identiques et ont le même grave défaut, souligné par Claude Pupin dans sa chronique : ils ne reprennent pas la pochette intérieure avec les paroles imprimées du disque américain.
The humours of est très différent du premier album, Lewis Furey, paru l'année précédente. Il y a évidemment plein de points communs, les compositions de Lewis Furey, ses paroles, son chant, son jeu de piano, mais la différence essentielle c'est que Lewis Furey a accepté pour ce disque la proposition de sa maison de disques d'aller enregistrer à Londres avec le producteur Roy Thomas Baker, qui venait juste de finir la production d'un album à très gros budget, A night at the opera de Queen. Il a donc abandonné la production et les arrangements travaillés et originaux de John Lissauer, avec qui il collaborera à nouveau pour The sky is falling et Fantastica, qui marquaient le premier album : des percussions mais pas de batterie, des instruments à cordes comme le banjo mais pas de guitare.
La transition entre les deux disques se fait pourtant le plus souplement possible avec l'instrumental de 30 secondes qui ouvre le disque, Cops ballet (Ballet de flics), qui est une sorte de tango qu'on jurerait sorti du premier album. Ce titre est repris à la fin de l'album avec un son de crin-crin façon 78 tours. Ce n'est que récemment que j'ai appris que Cops ballet reprenait en fait le thème principal de la musique du film La tête de Normande St-Onge, de Gilles Carle (1975), la première BOF composée par Lewis Furey, avec des arrangements de John Lissauer.
The humours of est d'ailleurs à placer sous le signe du cinéma puisque plusieurs de ses chansons (Je ne sais pas exactement lesquelles, n'ayant jamais vu le film) ont été écrites à l'origine pour le film The rubber gun d'Allan Moyle (1977), dans lequel jouait notamment Stephen Lack, qui a signé les pochettes des trois albums de Lewis Furey. J'ai du mal à faire le lien entre les paroles des chansons et le synopsis du film, qui se concentre sur les milieux de la drogue à Montreal, mais sans risques je peux avancer que Rubber gun show a dû être écrit pour le film, tout comme Top ten sexes (Lewis Furey l'a précisé dans une courte interview à Mojo en 2004). J'y verrai bien aussi Casting for love et peut-être Who got the bag. La musique du film Jacob Two-Two meets the hooded fang (1977), bien que produite par John Lissauer, est également proche par certains côtés de The humours of, notamment la chanson Child power.
Dès que les dernières notes de Cops ballet s'estompent pour laisser la place à Rubber gun show (les titres de l'album sont quasiment tous enchaînés), le contraste avec le premier disque est saisissant : basse électrique de Graham Preskett (également arrangeur de l'album), batterie d'Henry Spinetti, guitare électrique de Ricky Hitchcock (tous des musiciens de session réputés), on est dans une ambiance pop-rock, même si on reste chez Lewis Furey, grâce à notamment au travail sur les choeurs (non crédités), au violon et surtout au chant et au piano de Lewis lui-même. Après ça, on est quand même encore plus surpris quand arrive Top ten sexes, le premier des deux titres "disco" de l'album (avec Who got the bag). Ensuite arrive Lullaby, qui aurait pu faire un tube. Même si la rythmique est marqué et le tempo assez enlevé, c'est l'un des quelques titres qu'on arrive facilement à imaginer comme ayant pu figurer sur le premier album, avec Haunted, Clarabelle's lament, Poetic young man ou Romance. D'autres chansons, comme Legacy ou Lucky guy sont très rock, au point que certains ont fait référence à leur propos au glam rock, voire même à Meat Loaf ou Bruce Springsteen ! Un meilleur point de comparaison serait à mon sens Rocky horror picture show, même si Tim Curry n'est pas présent ici, alors qu'il faisait des choeurs sur un titre du premier album.
Ces derniers jours, j'ai réécouté intégralement cet album au moins dix fois, et plus je l'écoute, plus je le trouve bon. Il n'y a aucune faiblesse ni aucun temps mort. Evidemment, il reste à part dans l'oeuvre de Lewis Furey. Ce qu'il perd en originalité par ses choix d'arrangements et de production, il le gagne en énergie et en accessibilité et, pris isolément, c'est un excellent album pop-rock qui mériterait d'être redécouvert.

(A lire : l'histoire de mon deuxième exemplaire de cet album)


Après des concerts à Montreal en 2008 et Tokyo en 2009, Lewis Furey sera de retour sur scène à Paris, du 4 au 7 février 2010 à l'Européen. On devrait avoir ainsi l'occasion de le voir et l'écouter interpréter son récital de Selected songs, pris parmi ses enregistrements de 1975 à 1985. Les billets pour ce spectacle sont en vente sur le site de l'Européen.
Pour fêter ça, Lewis Furey Productions va rééditer dans les prochaines semaines les deux premiers albums, Lewis Furey et The humours of, et sortir une compilation Selected songs reprenant les premières versions enregistrées des titres interprétés sur scène !




Chronique de The humours of par Claude Pupin dans Rock & Folk, vers 1976 (cliquer pour agrandir).