18 octobre 2024

FORTUNEL : Au balèti de mon quartier


Acquis chez Happy Cash à Dizy le 13 septembre 2024
Réf : N° 114 -- Édité par Astroson en France en 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Au balèti de mon quartier (Au bal) -/- La polka des fadas

J'ai trouvé ce disque le même jour que le T.H.X.. Initialement, j'allais le laisser sans même le regarder : il n'y a qu'une pochette générique, en mauvais état, chiffonnée, avec un coin en moins là où l'humidité qui l'a tachée l'a le plus atteinte.
Mais même une pochette générique ça peut être intéressant. Là, ce  qui a retenu mon attention c'est l'ensemble rond central/pochette, avec le logo spatial et le slogan Le disque Astroson "Séduit par le son".
Après, j'ai regardé le disque, et j'ai vu le mot "balèti" sur la face A, avant de le retourner pour découvrir que la face B s'intitule La polka des fadas. L'affaire était faite sans plus barguigner ! D'autant que, pour moi qui suis largement du nord de la Loire et qui ai très peu de culture provençale, j'ai vu là une double évocation de Massilia Sound System, avec son Commando fada et l'album promo de leur label Ragga balèti (l'article de Wikipedia pour Balèti précise même qu'ils ont contribué au retour en vogue de ce terme).

Il n'y pas beaucoup d'informations en ligne à propos d'Astroson. Vingt disques sont répertoriés à ce jour sur Discogs. Celui-ci n'y est pas, mais il y en a un que j'ai par ailleurs, un EP de rock and roll de Sammy Frank qui contient une adaptation en français de Baby I don't care d'Elvis Presley.
Astroson était visiblement l'une de ces maisons de disques touche à tout de la fin des années cinquante et du début des années soixante. Ils fonctionnaient par collection. Le Sammy Frank est dans la collection Princes de la chanson. Il y avait aussi une collection Internationale, une Collection de la Constellation, une Collection des Troubadours, mais ma préférée c'est la collection Vedettes et Camping qui a accueilli le Mademoiselle Rock and Roll d'André Fandrex !

Avant de me procurer les albums Opérette et Opérette volume 2 de Moussu T e lei Jovents (Un groupe qui comprend plusieurs ex-Massilia; je vous conseille pour découvrir C'est marseillais), qui contiennent des reprises de chansons des années 1930 et 1940, je ne connaissais rien du tout de l'opérette marseillaise. Mon 45 tours est plus tardif (la Bibliothèque Nationale de France, qui a numérisé son exemplaire, indique que le dépôt légal date de 1960), mais ce disque est strictement dans la même veine.

Je pensais trouver sur un site rétro ou local une biographie de Fortunel, le chanteur de ce disque. Eh bien, rien, nada ! Aucun disque de lui sur Discogs, et rien ailleurs.
On trouve un peu plus d'infos sur les autres personnes mentionnées sur les étiquettes : Gaston Jean, le chef d'orchestre, est crédité sur un bon paquet de disques. La Houppa et Christian Dupriez, qui co-signent la face A avec lui, ont aussi une fiche Discogs. Mais rien sur Gina Lore, la parolière de la face B.

On est tout de suite dans l'ambiance avec Au balèti de mon quartier, dont les premières paroles sont "A Marseille et à Toulon". La chanson est sans surprise vue la thématique, mais c'est une réussite des plus agréables.

La vraie perle du disque, c'est comme je l'espérais La polka des fadas. Ça commence assez sagement, mais le chanteur s'échauffe  au fil des couplets au fur et à mesure que la folie gagne. On se retrouve quand même avec une belle-mère qui gigote dans son peignoir. La danse est contagieuse !

J'ai essayé de transcrire une bonne partie des paroles :

Sur la Canebière avec Tétin, l'autre jour nous faisions la causette
Lorsque d'un hôtel sortit soudain un jeune couple en maillot de bain
Aussitôt ils firent sensation dans cette tenue bien trop simplette
En dansant avec passion, ils ont fredonné cette chanson
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Cette danse est une vraie merveille que l'on a composée à Marseille
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
... qu'on se réveille ... d'oublier tous ses tracas
Et patati et patata, vive l'amour et la musique
Et patati et patata, vive la polka des fadas
Ma belle-mère l'autre matin en se levant pour faire sa toilette
Est allée dans la salle de bain en bousculant tout sur son chemin
Quand elle est sortie fallait la voir, les deux yeux lui sortaient de la tête
Tout en gigotant dans son peignoir, elle a fredonné sans s'émouvoir
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Qui m'a redonné mon caractère, le regard câlin et la peau claire
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Qui a fait de votre belle-mère une poupée qui ... dans ses bras
Et patati et patata, vive l'amour et la musique
Et patati et patata, vive la polka des fadas
Pétalude le grand guérisseur ne fait plus de passes magnétiques
Pour vous faire passer vos douleurs, il emploie un truc qui est meilleur
A tous ses malades jeunes et vieux, il leur fait entendre une musique
Aussitôt ils se sentent bien mieux et en sautillant chantent joyeux
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
Grâce à elle plus de sciatique, de torticolis et de colique
C'est la polka des fadas, des fadas, des fadas
C'est bien mieux que la bombe atomique pour vous guérir sans faire de dégâts
Et patati et patata, vive l'amour et la musique
Et patati et patata, vive la polka des fadas
...


Et voilà comment à partir d'un disque en sale état on se retrouve à danser comme un fada !

12 octobre 2024

PRETENDERS : Stop your sobbing


Acquis neuf à Châlons-sur-Marne en 1979
Réf : 2C 008 62718 -- Édité par Sire en France en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Stop your sobbing -/- The wait

J'ai regardé récemment le documentaire The Pretenders - Chrissie Hynde ou la vie en rock. Je n'ai pas appris grand chose, mais il y avait pas mal d'extraits d'archives intéressants.
De coup, je me suis demandé comment j'en étais venu, à 16 ans, à investir 11 francs dans ce premier 45 tours du groupe, à un moment où mon budget était très limité (l'étiquette est restée au dos, elle ne porte aucune autre indication que le prix, mais clairement ce n'est pas celle de Carrefour ni celle d'A la Clé de Sol, le plus probable est donc que j'ai acheté ce disque au Grand Bazar de la Marne ou chez Prisunic).
Je crois me souvenir que ce 45 tours des Pretenders a dû être chroniqué comme disque du mois dans Best et/ou Rock & Folk. Il devait y être fait mention du producteur Nick Lowe, et j'étais entré depuis quelques mois dans une intense phase Elvis Costello. Et puis, le disque a dû passer un peu en radio (rien à voir avec le raz-de-marée Brass in pocket l'année suivante, cependant) et surtout je pense que je n'ai pas raté la prestation du groupe dans l'émission Chorus en juin 1979.
En tout cas, une chose est sûre, ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une reprise des Kinks que je me suis intéressé à Stop your sobbing. A l'époque, je ne connaissais à peu près rien aux Kinks, à part You really got me par Van Halen ou David Watts par The Jam, et il a fallu des années avant que j'écoute la version originale de 1964. Je crois même que je n'avais toujours pas écouté cette version originale en 2002 quand Jonathan Richman a publié sa version de cette chanson qui lui va comme un gant sur l'album hommage This is where I belong.

Débuter son parcours discographique par une reprise, ça sonne un peu comme une défaite. Ça n'a pas empêché Chrissie Hynde et les Pretenders de faire preuve de leur talent par la suite, mais comment en est-on arrivé là ? On a l'explication pages 180-182 du livre de Will Birch, Cruel to be kind : The life & music of Nick Lowe : Le groupe, qui n'avait pas encore de nom, a enregistré une démo de six titres le 12 août 1978, parmi lesquels Stop your sobbing et The wait. La formation était composée de Chrissie Hynde, Pete Farndon à la basse, Gerry Mackleduff à la batterie et James Honeyman-Scott à la guitare. Mais ce dernier hésitait encore à rejoindre le groupe pour de bon. Pour le convaincre, sachant qu'il était un grand fan de Nick Lowe, avec qui Chrissie était amie, Chrissie et Pete ont déposé la démo chez Nick, qui a notamment été emballé par Stop your sobbing, au point d'accepter de produire leur premier disque. C'est donc ainsi que le choix de la face A s'est fait. L'enregistrement du 45 tours a duré une journée, mais Nick s'est enregistré aux chœurs par la suite.

La version démo de 1978 était plus lente que la version de Stop your sobbing en face A du 45 tours des Pretenders. Tout en la musclant un peu, cette reprise rend parfaitement justice à la chanson des Kinks, publiée sur leur premier album Kinks, celui où on trouvait You really got me. C'est l'un des premiers exemples des grandes chansons que Ray Davies allait écrire au cours des années 1960, de Sunny afternoon à Waterloo sunset ou l'album The village green preservation society. Mon seul reproche concerne les paroles, qui manquent particulièrement d'empathie puisque le narrateur menace en quelque sorte son amour : "Tu n'as qu'une chose à faire si tu veux que je continue à t'aimer, il faut que tu arrête de chialer" !
On connaît la suite de l'histoire : Chrissie Hynde et Ray Davies ont eu une relation amoureuse au début des années 1980. Ils ont failli se marier en 1982 et ont eu une fille en 1983.
The Pretenders ont joué Stop your sobbing pour des millions de personnes pour Live Aid en 1985.

Avec Precious et Tatooed love boys, The wait fait partie des grandes chansons rock originales du premier album des Pretenders. La version Nick Lowe en face B du 45 tours est pour le coup assez proche de la version démo mais, contrairement à Stop your sobbing, qui a été inclus tel quel sur The Pretenders, The wait a été réenregistrée pour l'album dans une version produite par Chris Thomas.

La première phase des Pretenders s'est terminée en juin 1982, quand Pete Farndon a été viré du groupe et que James Honeyman-Scott est mort deux jours plus tard. Depuis, le groupe continue sous la houlette de Chrissie Hynde dans diverses incarnations. Un album, Relentless, est sorti l'an passé. Une tournée est en cours, mais malheureusement les deux concerts prévus à Lyon et Paris au début de ce mois d'octobre ont dû être annulés pour maladie.


The Pretenders, Stop your sobbing, mimé pour l'émission Kenny Everett Video Show diffusée le 19 mars 1979.


The Pretenders, Stop your sobbing, Tatooed love boys et Mystery achievement, en public au Théâtre de l'Empire en 1979, prestation diffusée dans l'émission Chorus du 24 juin 1979.


The Pretenders, Stop your sobbing, en concert à Londres le 4 mars 1980.


The Pretenders, The wait, en direct dans l'émission Alright now, en 1980.


The Pretenders, The wait, en concert au Capitol Theatre dans le New Jersey le 27 septembre 1980.


The Pretenders, The wait, en public dans l'émission Rockpalast du 17 juillet 1981.

05 octobre 2024

113 : Jackpotes 2000


Acquis par correspondance via Ebay en septembre 2024
Réf : CHR019/37000784002 2 -- Édité par Chronowax/Small en France en 2000
Support : 33 tours 30 cm
7 titres

Récemment, quelqu'un demandait sur Twitter, "Qui n'a pas encore fait son éloge du documentaire sur DJ Mehdi ?". Et ce matin-même, alors que je m'apprêtais à rejoindre le gros de la troupe avec cette chronique, Le Monde a publié un article entièrement dédié à l'analyse de la réaction des plus de 50 ans à ce documentaire ! Je me suis connu moins prévisible dans mes choix musicaux, mais ce n'est pas ça qui va m'empêcher de les assumer.

Je me souviens de l'annonce dans la presse de la mort de DJ Mehdi en 2011. Je m'étais fait la réflexion que je ne connaissais pas du tout ce producteur/metteur en sons qui venait de mourir accidentellement à 34 ans. Et les choses n'avaient pas évolué cet été quand est arrivée en ligne la série documentaire DJ Mehdi - Made in France. Ma première réaction quand j'ai fini par m'y intéresser, ce fut de m'étonner qu'on puisse remplir six épisodes sur le parcours de celui qui restait pour moi un inconnu. Et après chacun de ces épisodes, je me suis dit que je venais sûrement de voir la partie qui m'intéresserait le plus, mais à chaque fois la suivante réussissait à capter mon attention, avec de nouvelles collaborations, de nouvelles aventures, depuis les débuts à 12 ans à bricoler un sampler dans son HLM jusqu'au concert complet de son groupe Idéal J à l’Élysée Montmartre, puis le grand succès (double-disque de platine) avec l'album Les princes de la ville de 113 et les aventures électro avec la bande d'Ed Banger Records.

Quand j'ai commencé à chercher un disque lié à DJ Mehdi je me suis rendu compte que plein de gens étaient en train d'acheter ces disques après avoir vu le documentaire.
Et puis, il y a le cas particulier de l'album de 113. Autant j'ai suivi de très près par exemple IAM au moment de leur premier album, autant dix ans plus tard je m'intéressais tellement peu à l'actualité du hip hop français que je ne connaissais pas du tout ce groupe produit par DJ Mehdi qui, c'est l'un des grands moments du documentaire, a raflé deux Victoires de la Musique en 2000 (en partie grâce au vote du public), s'est pointé sur la scène du Zénith en Peugeot 504 et a fait se pincer le nez à une bonne partie du monde du spectacle présent dans la salle, qui a eu l'impression d'être envahi par la banlieue.
Je me serais bien acheté un CD de Les Princes de la Ville, qui contient deux chansons qui me plaisent énormément, Ouais gros (qui sample Kraftwerk, même si ce n'est pas aussi révolutionnaire que le docu le laisse entendre, puisque la fusion rap/Trans Europe Express ça remonte au moins à 1982 avec Planet rock d'Afrika Bambaattaa) et le tube Tonton du bled. Oui mais voilà, Tonton du bled contenait un sample non déclaré qui a valu au groupe un procès. C'est étonnant, mais ce n'était sûrement pas le seul échantillon non négocié sur l'album, ce qui explique pourquoi il n'a pas été réédité depuis. Et on se retrouve dans une situation paradoxale où un disque qui s'est vendu il y a 20 ans à 350 000 exemplaires vendus est devenu très rare et très cher sur le marché de l'occasion.
Pour ma part, comme à mon habitude, je me suis refusé à payer un prix "collector" et je ne suis pas mécontent d'avoir réussi à dénicher sur Ebay un exemplaire en état tout à fait correct de ce maxi extrait de l'album, pour la somme royale de 3,99 € port compris, alors qu'il m'en coûterait plus de 6 pour envoyer moi-même ce disque par la poste, et alors que ce disque s'est vendu quatre fois entre 44 et 59 € sur Discogs depuis la mi-septembre.

La chanson principale s'appelle Jackpotes 2000, parce qu'elle est parue à la veille de l'an 2000, et aussi sûrement pour la distinguer d'une première version, Jack-potes, sortie en 1998 sur le mini-album Ni barreaux ni barrières ni frontières. J'aime assez bien le sample principal d'un titre de Rene and Angela. La chanson raconte une soirée en boîte et en ça on ne peut que la rapprocher d'un immense tube, Je danse le mia.
Comme pour les maxis de rap américains, on a droit aussi à l'instrumental et à l'a'cappella.

Les deux titres de la face B ne figurent pas sur l'édition originale de l'album de 1999. Ils ont été ajoutés en bonus sur une deuxième édition parue en 2000.

Tonton d'Afrique vient compléter une série débutée sur l'album avec Tonton du bled et Tonton des îles. Ce n'est pas DJ Medhi qui a réalisé la piste instrumentale ni produit ce titre, mais Clément Chassaing/Curtis. Entre la basse, le sample de Sékouka Bambino Diabaté, le rap et les chœurs, c'est excellent.

Pour On l'a pas mérité, l'un des samples est de Bobbi Humphrey (connais pas, comme pour les précédents), mais les éléments les plus intéressants, dont la basse énorme, n'en proviennent pas. Les rappers de 113 y reviennent sur leur parcours. C'est peut-être bien mon titre préféré des trois.

Vous n'aviez sûrement pas besoin de moi pour vous décider, mais j'imagine que si ce n'était pas déjà fait vous allez peut-être maintenant aller voir DJ Mehdi - Made in France.



Le prince de la ville, le quatrième épisode de la série documentaire de Thibaut de Longeville DJ Mehdi - Made in France. Les six épisodes sont disponibles ici.

29 septembre 2024

T.H.X. : Telstar


Acquis chez Happy Cash à Dizy le 13 septembre 2024
Réf : COB 47008 -- Édité par Cobra en France en 1978
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Telstar -/- Rhizosphère suite

Ces temps-ci, la ressourcerie ne reçoit presque plus de disques en don. Il reste la même trentaine de 45 tours depuis plusieurs semaines (il y en avait plusieurs centaines il y a encore quelques mois), parfois il n'y a même plus de 33 tours et le rayon CD a été réduit au moins des deux tiers et ne se renouvelle presque plus.
Heureusement, le Cash à côté met de temps en temps en vente des lots de 45 tours à 30 centimes. La fois précédente c'était en mai. Là, ils avaient surtout l'air d'être de variétés et pas en super état, mais au final je suis reparti avec une dizaine de disques, dont un Gainsbourg, Lady Heroine, que je n'avais pas, Ali be good de Topaloff aussi, et celui-ci.

Je ne connaissais pas ce disque. Si je l'ai sorti du rayon pour l'examiner de plus près, c'est bien sûr parce que je me demandais si le Telstar en question était bien une reprise du tube des Tornados, sommet des productions de Joe Meek. J'ai noté au passage que ce disque est édité par Cobra, label éclectique qui a notamment accueilli Métal Urbain et Castelhemis. J'ai eu confirmation par le rond central qu'on avait bien affaire à une reprise du tube de 1962, et en retournant le disque, j'ai eu la grande surprise de découvrir que la face B est créditée à "R. Pinhas - F. Auger". Autrement dit, je venais de trouver un disque lié à Heldon !

Heldon et Richard Pinhas, ce n'est pas particulièrement ma tasse de thé. Je me souviens des publicités dans la presse en 1979/80 pour Stand by et East/West. J'ai acheté plusieurs albums d'occasion un jour dans les années 1980, parce qu'ils étaient pas chers, certains avec des pochettes marquantes. Je ne l'ai pas écouté récemment, mais j'avais apprécié à ce moment-là le premier album, Electronique guerilla. Mais depuis, je n'ai suivi les activités de Richard Pinhas que par le biais de ces collaborations régulières avec Pascal Comelade.

Quelqu'un indique en commentaire sur Bide & Musique que l'enregistrement de cette reprise est une réponse au label qui réclamait un single plus commercial. En tout cas, le disque enregistré avec le batteur d'Heldon François Auger a été sorti prudemment sous le pseudonyme T.H.X. (il n'y a pas eu d'autre sortie sous ce nom). Il semble clair à l'écoute de Telstar que cette version synthétique n'existerait pas si Jean-Michel Jarre n'avait pas eu un tel succès avec Oxygène.

En face B, Rhizosphère suite reste accessible, avec pas mal de zigouigouis au synthé. C'est sauf erreur de ma part la troisième version publiée de cette composition, après Rhizosphère et Rhizosphère sequent en 1977 sur le premier album de Richard Pinhas sous son nom, Rhizosphère. La version Suite est assez logiquement plus proche de la version Sequent que de l'autre, qui dure 17 minutes. Cette version, comme la face A, a été enregistrée en février 1978 au studio Davout. Les deux faces du 45 tours ont été incluses en 2006 sur la compilation Singles collection 1972-1980 (mais attention, sur Bandcamp la compilation s'appelle Singles collection 1972-1981, comporte moins de titres, et par erreur la Suite y est titrée Sequent !).

Un 45 tours d'Heldon/Richard Pinhas chez Cash, je ne l'avais pas vue venir celle-là ! Si seulement je pouvais faire quelques autres trouvailles de cet acabit d'ici la fin de l'année...

21 septembre 2024

PIERRE MALAR : Boléro flamenco


Acquis sur le vide-grenier de Sarry le 8 septembre 2024
Réf : 282.047 -- Édité par Odéon en France en 1949
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Boléro flamenco -/- Sérénade argentine

Ces temps-ci, je repars bredouille des brocantes plus d'une fois sur deux. Et quand ce n'est pas le cas, ce n'est pas pour autant que j'y trouve des disques intéressants en nombre. La plupart du temps, c'est juste un ou deux disques "de consolation".
A Sarry, par un beau temps frais, j'ai commencé par assurer le minimum en voyant à l'avant d'un carton de 33 tours à 3 € (j'ai ignoré les autres cartons à 5, 10 et 15 €) le troisième album de George Thorogood and the Destroyers. Je l'ai pris de bon cœur, d'autant que je ne le connaissais pas du tout.
Pas grand chose sur les autres stands. J'ai examiné une première petite pile de 78 tours sur une table, sans succès. Puis une deuxième un peu plus tard, avec quelques disques de chansons, dont deux des Soeurs Etienne, que j'ai pris. Je suis déjà tombé sur des disques de Pierre Malar, j'en ai même déjà un, mais là, quand j'ai eu en mains celui-ci, il m'a fallu un instant quand j'ai vu inscrit Sérénade argentine sur la rondelle pour réaliser que je venais de boucler une quête entamée il y a des années : trouver la version originale de Si vous passez par là.

J'ai déjà raconté cette histoire ici en deux étapes, en 2006 avec la chronique de Si vous passez par là de 3 Mustaphas 3, disque acheté en 1986 qui m'a fait découvrir cette chanson, puis en 2015 avec un autre 78 tours, une version instrumentale à l'accordéon de Sérénade argentine par Tony Murena.
Je me suis demandé quel pouvait être l'original de la reprise des Mustaphas dès 1986. Il m'aura fallu 29 ans pour avoir les références de ce titre (Sérénade argentine par Pierre Malar, donc) et 9 ans de plus pour l'acquérir.

Je vais essayer de profiter de l'occasion de ce nouvel achat pour tenter de retracer, peut-être une bonne fois pour toute, l'historique de cette chanson, connue sous les titres Amparito, Sérénade argentine et Si vous passez par là.

Les auteurs

Ce serait presque le plus simple, s'il n'y avait pas des pseudonymes dans tous les sens.
Ils sont trois.

Pueca signe la musique.
C'est le pseudonyme de quelqu'un appelé Puech, mais qui ? Par le passé, j'avais repris des informations signalant qu'il s'agissait d'Yves Puech, dont l'un des pseudonymes serait Enrico Cueca. La BnF donne cette information. Mais Discogs indique plutôt un certain Henri Puech et la BnFne fait pas de lien entre la fiche de Pueca et les fiches des deux Puech, tout en donnant la même année de décès, 1951, pour Henri et pour Pueca. Et les deux Puech ont des titres au catalogue des Editions Universelles, l'éditeur de la chanson qui nous intéresse.
Alors je ne me prononcerai pas aujourd'hui. D'ici à ce qu'on apprenne qu'Yves et Henri sont une seule et même personne, ou qu'ils étaient deux frères qui utilisaient le pseudonyme Pueca il n'y a pas loin...!

J. Teruel signe les paroles espagnoles sous le titre Amparito. C'est un pseudonyme de José Sentis (1888-1983). Né en Espagne et installé en France, il aurait contribué à l'introduction du tango dans notre pays.

Max François signe les paroles françaises sous le titre Sérénade argentine. C'est le pseudonyme de Max Raio de San Lazaro (1914-1995). Il est notamment le co-auteur des paroles de Si toi aussi tu m'abandonnes, du film Le train sifflera trois fois.

Tous les auteurs et le label étant basés en France, je ne m'explique toujours pas pourquoi, sur une partition d'époque, il est fait mention d'une maison d'édition A. Teruel à La Havane à Cuba. La seule explication que je vois, c'est que ce serait bidon pour faire authentiquement afro-cubain, mais ça parait vraiment tordu.



Les versions de la chanson

Sur le site Musée SACEM, on trouve une partition Ⓒ 1948 tirée d'un recueil postérieur. Sous le titre Sérénade argentine (Amparito), on y trouve à la fois les paroles françaises et espagnoles. C'est la seule trace concrète que j'ai trouvée d'Amparito. Autant que je sache, aucun enregistrement de ces paroles n'a été publié. Et les paroles françaises ne sont visiblement pas une traduction de l'espagnol.

En 1949, Pierre Malar crée la chanson sur disque chez Odéon.

Assez vite, deux versions chantées par des femmes sont publiées, celle  de Jacques Hélian et son Orchestre et celle de Rina Ketty.

A la même époque, plusieurs versions instrumentales sortent, à l'accordéon surtout, par Tony Muréna, donc, mais aussi Edouard Duleu et René Sudre. Mais ma préférence irait presque à celle au piano d'Emil Stern, accompagné par les Careno Cuban Boys, qui devaient être aussi cubains que moi !

Vers 1966, sort Si vous passez par là par l'Orchestre O.K. Jazz de Franco. C'est là que le titre alternatif apparaît. Cette version, chantée à deux voix, est fortement ralentie et épurée. C'est un chef d’œuvre.

En 1986, sort donc la version de 3 Mustaphas 3 de Si vous passez par là, clairement basée sur celle d'O.K. Jazz, pas seulement pour le titre, et excellente également.

Je vous déconseille de cliquer sur ce lien pour écouter une version instrumentale très tardive par André Verchuren !

Pierre Malar

Pierre Malar est né il y a 100 ans à huit jours près, le 29 septembre 1924 à Montréjeau en Haute-Garonne, sous le nom de Louis Azum. On l'a vu avec les auteurs de la chanson, la musique et les pseudonymes hispanisants étaient en vogue à l'époque. Mais ce n'était pas qu'une question de mode pour Pierre Malar, puisque sa mère était d'origine espagnole et son père, tiens tiens, était né en Argentine.
Présenté à Piaf lors d'une émission de radio à Toulouse, il monte à Paris à son invitation et fait ses débuts au Théâtre de l’Étoile en février 1945. Sérénade argentine est l'un de ses plus grands succès. Sa carrière de chanteur décline à partir de la fin des années 1950 et il se reconvertit avec succès en 1968 comme professeur de chant. Il est mort à 89 ans le 13 décembre 2013.

Ce qui m'a surpris initialement dans la version de Sérénade argentine de Pierre Malar, c'est sa voix placée assez haut, celle d'un chanteur de charme un peu à la Tino Rossi. L'accompagnement d'orchestre de Jean Faustin, avec beaucoup de cordes, est moins "typique" que pour certaines des reprises. Pour les paroles, comme pour toutes les versions, il y a toujours quelque chose qui me gêne : dans un premier temps, le narrateur se lamente, "Pourtant je suis parti", avant d'expliquer à la fin "que j'attends son retour". A chaque fois je me dis que si c'est lui qui est parti, c'est peut-être plutôt à lui de revenir.

Même si ce fût le succès du disque, Sérénade argentine n'en est que la face B. Le titre principal, Boléro flamenco, s'annonce cette fois doublement hispanisant, boléro comme la Sérénade, et flamenco en plus. On est strictement dans la même veine, musicalement et thématiquement ("Puis elle est partie à son tour, alors loin d'elle tout mon ciel est devenu lourd, la vie cruelle, sans espoir j'attends son retour et je l'appelle, car sans ma belle, mon cœur meurt d'amour").

Ce coup-ci je pense avoir fait le tour du sujet Sérénade argentine, à un ou deux questionnements près. Je ne compte plus y revenir, sauf peut-être dans neuf ans, pour garder le rythme, si je réussis d'ici là à me procurer un exemplaire en 45 tours de Si vous passez par là par O.K. Jazz.



14 septembre 2024

DAOUDA : Gbakas


Acquis par correspondance via Ebay en septembre 2024
Réf : MOY.451 -- Édité par Moya en France en 1976
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Gbaka -/- Lola

Parmi toutes les chaînes accessibles sur la box télé de mon fournisseur internet, il n'y en a guère que deux susceptibles de m'intéresser, BBC News et Melody d'Afrique, un robinet à musique nostalgique entièrement dédié à la musique africaine des années 1960 à 1990.
L'autre jour, en allumant l'appareil resté réglé sur Melody d'Afrique la fois précédente, j'ai entendu quelques notes de musique qui m'ont tout de suite accroché l'oreille. Je me suis donc mis à regarder l'émission et j'ai passé un excellent moment.
J'ai vite compris que l'artiste s'appelle Daouda. Dans cette émission Pour une fête, enregistrée en public en 1986, il interprétait à la guitare acoustique ses plus grands succès, avec des paroles principalement en français, accompagné uniquement par un percussionniste au jeu léger et inventif. Ce style de "chanson africaine", douce et acoustique, m'a instantanément fait penser à G.G. Vikey, et je suis loin d'être le premier à faire ce rapprochement.
Après l'émission, j'ai voulu en savoir plus sur Daouda, et surtout j'ai cherché à commander un disque pour pouvoir en parler ici. J'en ai trouvé un assez vite, en bon état et pas cher, même avec le port. Ce n'est qu'après l'avoir reçu que j'ai su qu'il s'agit en fait du premier disque publié par Daouda, dont il avait joué les deux faces lors de l'émission.

Tout dans ce 45 tours indique que c'est une édition "française" : il y a le tampon SACEM, l'imprimeur est français. Mais comme souvent avec les disques d'Afrique ou des Antilles, je suis à peu près persuadé que l'essentiel du tirage a été distribué hors de l'hexagone, en Côte d'Ivoire dans ce cas précis. L'enregistrement, lui, s'est fait au Nigeria avec un orchestre de Lagos.

Daouda Koné
est né en 1951. On l'a surnommé "Le sentimental" d'après le titre de l'un de ses succès. Parmi ses autres titres de référence, on trouve La femme de mon patron, Le villageois, Le margouillat et Match nul. Contrôleur technique à la Radio Télévision Ivoirienne, sa carrière a été lancée quand ses collègues qui l'entendaient souvent chanter ont alerté les animateurs de la station. C'est le directeur des programmes Georges T. Benson, un grand nom de l'audiovisuel ivoirien, qui l'a mis à l'antenne et lui a proposé d'enregistrer ce premier 45 tours.

Comme l'explique Soro Solo chez #AuxSons, Gbaka est une chanson d'actualité. Les gbakas (ainsi nommés en raison du bruit qu'il font en brinquebalant) sont les minibus privés et pirates qui assurent une bonne partie des transports en commun à Abidjan, dont la SOTRA, Société des Transports Abidjanais, est censée avoir l'exclusivité. L'insécurité routière étant forte, le ministère des transports a publié en 1976 une proposition de loi pour interdire les transports informels, pourtant très utiles à la population, dont Daouda, qui en a fait une chanson/tranche de vie qui met en scène un trajet en gbaka. La popularité de la chanson a alimenté la contestation contre cette mesure. Au bout du compte, la présidence l'a suspendue et les gbakas ont simplement été soumis à un contrôle technique.

La pochette est très réussie. On note que le gbaka est nommé "Petit SOTRA", en référence à la SOTRA officielle, et qu'il vient de Blokosso, un village de la commune de Cocody, celle dont Daouda est originaire; ça ne peut pas être un hasard.
Le dessin est signé G. Ferrant, qui a fait au moins une autre pochette, celle d'un album du Conjunto Estrellas Africanas. Il s'agit en fait de Gilles Ferrant, qui s'y connaît en dessin de transport puisqu'il est l'auteur en 1971 de la première série non-publicitaire publiée en Cote d'Ivoire, Yapi, Yapo et Pipo, dont l'un des héros, Yapi, est chauffeur de taxi.

Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive (la fois précédente c'était avec les Chambers Brothers je crois) : il m'a fallu un bon moment pour me rendre compte que les versions des chansons qui sont en ligne, même quand elles reprennent la pochette en illustration, ne sont pas celles de mon 45 tours. Je les ai donc numérisées pour que vous puissiez faire la différence.

Sur le 45 tours, l'Orchestre Melodia est une formation électrique. Gbaka dure 5'15, sur un tempo assez lent, avec des arrangements délicats. Il y a des chœurs et, à partir de 2'45, une partie instrumentale à la guitare de plus d'une minute.
Daouda a enregistré plusieurs autres version de Gbaka. La plus courante en ligne est celle qui dure 4'45, qui doit être tirée de l'album Le sentimental de 1978 et reprise sur la compilation Le margouillat. Elle est plus acoustique et sans chœurs.
Il y a aussi une version sur un album en 1986 et une autre en 2009 sur un album qui a connu deux éditions, La misère et la mer et C'est pas ma faute.

Pour la face B, Lola, une autre excellente chanson, dont je n'ai trouvé que deux versions. Je ne veux pas dire de bêtises, mais celle du 45 tours sonne un peu rumba congolaise à mes oreilles. Et là encore, celle de 1978 et de Le Margouillat fait trente secondes de moins et est plus dépouillée et acoustique.

Au final, vous vous en doutez, je ne regrette pas du tout d'avoir allumé la télé ce soir-là !

A écouter :
Daouda : Gbaka
Daouda : Lola



Daouda et son orchestre interprètent Gbaka en direct dans une émission de la RTI vers 1977-78. Une excellente version, dans la veine de celle du 45 tours.


Daouda, Le sentimental, bande annonce de l'émission Pour une fête, rediffusée par Melody d'Afrique.


Survol du parcours de Daouda en trois minutes de morceaux choisis, dont des extraits de l'émission Pour une fête.


Emission spéciale Daouda de C'Midi du 15 février 2019. Il y raconte notamment ses débuts et fait une explication de texte de certaines paroles de Gbaka.