25 septembre 2022

SONAR SENGHOR ET LES SICCOS : Musique et danses de l'Afrique noire


Acquis sur le vide-grenier de Juvigny le 14 mai 2022
Réf : M.C.20.015 -- Édité par Contrepoint en France vers 1954
Support : 33 tours 30 cm
18 titres

C'est une pratique qui se développe par chez nous, sûrement pour déjouer la concurrence : le vide-grenier organisé le samedi après-midi et en soirée plutôt que le dimanche.
Il faisait très beau ce jour-là à Juvigny et l'ambiance était sereine et familiale. J'ai bien cru que j'allais en repartir avec uniquement un pied de tomate à la main, mais à l'un de des derniers stands que j'ai visité, posée parmi un assortiment de pure brocante, avec outils rouillés et tout le tintouin, il y avait une toute petite pile de 33 tours. Je n'ai pris la peine de la regarder que parce que le disque du dessus était un album de rock qui aurait pu être intéressant. Et c'est là que je suis tombé sur cette pièce, que j'ai été très content d'emporter pour 2 €.

La pochette est en carton épais et le graphisme est une réussite. Il est signé Pierre Merlin (1918-2000), qui est désormais réputé pour les nombreuses pochettes qu'il a réalisées, notamment pour Vogue.

Quand on voit le nom Sonar Senghor sur la pochette, on pense aussitôt au poète et homme d’État Léopold Sédar Senghor. Et dans ce cas précis on a raison puisqu'il se trouve que Maurice Sonar Senghor (1926-2007) était le neveu de Léopold. Un autre de ses oncles, Féral Benga, était un danseur et musicien réputé. C'est lui qui fait débuter Sonar Senghor et sa troupe dans son restaurant/cabaret La Rose Rouge, comme le mentionne la biographie au dos de l'album, dont voici un extrait :

"C'est à la "Rose Rouge" qu'ils révélèrent pour la première fois au public parisien la danse du feu. Leur répertoire constitue une véritable anthologie de l'authentique folklore africain : danses rituelles, sacrifices et chants...
Le choix des membres de la troupe est des plus éclectiques, tant celui des chanteurs que celui des danseurs ou des batteurs, qui utilisent des tam-tams et des instruments authentiques de leur pays.
A chaque séjour dans leur pays natal, ils complètent leur documentation auprès des "anciens" et des "griots" africains, maintenant toujours vivantes les traditions du folklore le plus pur.
Souvent sollicités par les chefs d'orchestres typiques, les musiciens ont toujours refusé de quitter leur troupe, répugnant à trahir les traditions de leur patrimoine africain, bien que celui-ci soit à l'origine de la musique noire, nord et sud-américaine, voire des Calypsos de la Jamaïque.
Remarqués par les dirigeants de la Télévision Américaine, "Les Siccos" de Sonar Senghor préparent actuellement une longue tournée de concerts à travers les États-Unis, qui consacrera définitivement la réputation mondiale de la troupe.
"

Sur le rond central, il est précisé "Enregistrement septembre 1952" et "Recorded by Jerry Newman for Esoteric Records, New York U.S.A.".
Jerry Newman (1918-1970) a créé Esoteric Records en 1949 dans le but un peu fou, annoncé sur le ton de la blague, de "sortir des disques que personne n'aurait envie d'acheter".
Je me demandais comment Sonar et les Siccos s'étaient retrouvés à enregistrer à New York, mais la formulation sur l'étiquette peut prêter à confusion et, comme l'indiquent les documents rassemblés sur le site Recording Pioneers, ce n'est pas le groupe qui est allé enregistrer chez Esoteric à New York, mais Jerry Newman qui a fait un séjour en Europe de mai à octobre 1952, au cours duquel il a fait une série très éclectique d'enregistrements : du Satie à Paris, du flamenco en Espagne, de la musique arabe à Alger, des chœurs flamands à Lille et donc de la musique africaine ! Apparemment, la demande aux États-Unis était si forte pour des enregistrements de musique française que ça valait le déplacement...
C'est à cette occasion que Jerry Newman a conclu un contrat avec Vogue pour que les disques Esoteric sortent en France sous l'étiquette Contrepoint. Aux États-Unis, Esoteric a publié cet album sous le titre African tribal music and dances, avec une pochette très moche.

Jerry Newman était un ingénieur du son expérimenté et talentueux et la qualité de cet enregistrement le prouve.
Les instrumentaux avec des percussions sont très bons, mais ne me parlent pas trop. Par contre, la plupart des titres chantés me plaisent beaucoup, comme Toffi, Gnoubi gnibi, Dianka bi, Sindhio, Bonomiollo et Changoo.
Mais mon titre préféré du lot, c'est Sougnou mbtaye (Il y a une erreur de titre sur YouTube). C'est "une chanson à boire Wolof qu'on chante au cours des festins et à laquelle participent gaiement tous les convives. C'est la version originale d'une chanson dont les mots sont souvent assez "crus", et qui se chante exclusivement entre hommes". En l'écoutant, j'ai pensé à Drums of passion de Babatunde Olatunji, un album qui a eu un très grand succès et qui est considéré comme le premier à avoir popularisé la musique africaine aux États-Unis (un album honteusement plagié par Gainsbourg et Alain Goraguer pour Gainsbourg percussions en 1964). Si Esoteric avait eu en 1954 les mêmes moyens promotionnels et industriels que Columbia en 1960 avec Drums of passion, c'est peut-être le disque de Sonar Senghor qui aurait eu cet honneur.

Je n'ai trouvé la trace que d'un seul autre disque de Sonar Senghor, un 78 tours intitulé Samcee. Il faut dire que le premier amour de Maurice Sonar Senghor était le théâtre (Il avait rompu avec ses parents pour se lancer, notamment en s'inscrivant au Conservatoire National d'Art Dramatique à Paris). En 1955, il a été sollicité par son oncle Léopold Sedar Senghor pour prendre la direction du Théâtre du Palais à Dakar. Par la suite, il a dirigé à la fois trois structures indépendantes, la Troupe Nationale Dramatique, l’Ensemble National de Ballet et, on revient à la musique, l’Ensemble Lyrique Traditionnel.
En 2004, il a publié ses souvenirs de théâtre d'Afrique et d'Outre-Afrique sous le titre Pour que lève la semence.


Une playlist YouTube avec l'ensemble des titres de l'album.


17 septembre 2022

EMF : Unbelievable


Acquis par correspondance chez Momox en avril 2022
Réf : 560-20 4098 2 -- Édité par Parlophone/EMI en Europe en 1990
Support : CD 12 cm
Titres : Unbelievable (Cin City sex mix) -- Unbelievable (E.M.F.) -- E.M.F. (Live at the Bilson)

Ce printemps, j'ai lu un article du Guardian sur la genèse d'Unvelievable, le premier single et plus grand tube d'E.M.F.. L'occasion en était la sortie 27 ans après le précédent de Go go sapiens, leur quatrième album, ce qui m'a permis d'apprendre que, comme Altered Images et comme beaucoup d'autres groupes des années 1980 et 1990, EMF est à nouveau actif.
En lisant l'article et en réécoutant la chanson, je me suis dit que j'avais sûrement fait preuve d'un peu de snobisme vis-à-vis d'Unbelievable à l'époque de sa sortie : la chanson avait beaucoup de succès (n°3 en Angleterre, n°1 aux États-Unis), donc c'était commercial et je ne m'y suis pas intéressé, alors que ce titre coche toutes les cases de la musique dans laquelle je baignais alors, que j'avais synthétisée dans un style unique, la hip-pop optimiste.
Bon, en revérifiant mes cahiers j'ai constaté que, même si je n'ai pas acheté le disque, j'ai programmé une fois EMF dans mon émission de radio Vivonzeureux! en attendant la mort, en avril 1991.
Avec plus de trente ans de retard, je me suis procuré le disque quand je l'ai trouvé pour pas trop cher en ligne. Et comme ce CD s'est vendu à des centaines de milliers d'exemplaires, je suis évidemment tombé dessus quelques semaines plus tard à la ressourcerie à 50 centimes...!

EMF est s'est formé au sein d'une scène qui s'est développée dans la forêt d'Epsom en Angleterre, où l'on dansait et où on devait gober pas mal de pilules. Comme l'explique au Guardian le chanteur James Atkin (qui a songé un temps vivre de ses droits d'auteur mais qui s'est finalement reconverti en enseignant), c'est le guitariste Ian Dench qui avait musicalement le plus de talent dans le groupe. C'est lui qui a eu l'idée d'Unbelievable un jour en se baladant à vélo (Depuis, il a composé des titres notamment pour Beyoncé, Shakira, The Prodigy, Florence and the Machine,...).
Pour la production, on a fait appel à un certain Ralph Jezzard, qui venait de produire l'excellent rap/hip hop 20 seconds to comply de Silver Bullet. Et ils sont arrivés à très bon équilibre entre des éléments rock (principalement le riff de guitare et la ligne de basse) et des éléments hip hop (samples, scratches). Le chant lui sonne très pop.
Au bout du compte, on a l'un des meilleurs exemples du mélange indie-dance qui faisait fureur au début des années 1990. Les critiques rock leur préféraient des groupes comme The Happy Mondays ou The Farm, mais j'ai beau réfléchir, je ne trouve dans le répertoire de ces deux groupes aucun titre aussi bon qu'Unbelievable.
La version originale d'Unbelievable se suffit parfaitement à elle-même. Ce qui agréable et presque étonnant, c'est que, pour une fois, le remix Cin City qui ouvre ce CD réussit à allonger un peu la sauce sans délayer l'impact de la chanson, en mettant l'accent sur des sons électroniques.

Le groupe s'est bien amusé à faire jaser sur la signification des trois lettres de son nom. A l'origine, elles font référence à Epsom Mad Funkers, une expression utilisée dans un article du NME par le journaliste David Quantick pour désigner un groupe de fans de New Order. Mais ils ont toujours laissé dire quand certains supputaient qu'il fallait plutôt entendre Ecstasy Mother Fuckers. Et plus probablement, c'est eux-mêmes qui ont dû lancer l'expression, puisqu'ils l'utilisent sur la face B E.M.F. (Live at the Bilson), un titre qui marie bien lui aussi les ambiances rock et danse.

Plus de trente après, Unbelievable reste une bonne pépite pop, dont le refrain "You're unbelievable" reste en tête des heures après l'avoir écoutée. J'ai eu tort de la snober à sa sortie.




E.M.F., Unbelievable, en direct dans l'émission The word diffusée le 19 octobre 1990.

10 septembre 2022

JOSÉ SALCY ET SES JAM'S : Barbara


Acquis à la Salle des Ventes Aulnette à Saint-Nazaire le 25 férier 2022
Réf : EPL. 7966 -- Édité par Vogue en France en 1962
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Barbara -- Par le bout du nez -/- Ray Charles -- Le temps de l'amour (Fort Chabrol)

La Salle des Ventes Aulnette est une institution locale à Saint-Nazaire, où elle a été fondée en 1912. C'est un antiquaire-brocanteur installé sur deux niveaux, chez qui on a trouvé quelques disques. Le propriétaire nous a annoncé un prix de 2 € pour des 45 tours en bon état. J'en ai pris deux, celui-ci et un d’Érick Vincent.

Je ne connaissais pas vraiment José Salcy, mais j'avais déjà un 45 tours deux titres sans pochette de lui, où l'on trouve deux des titres de cet EP, Barbara et celui qui m'avait décidé à l'acheter, Le temps de l'amour.

Il s'agit de son premier disque et il y a plusieurs choses intéressantes à noter, outre le fait que la pochette est assez réussie : Trois chansons sur quatre sont signées (paroles et musique) par Salcy lui-même; il est accompagné par son propre groupe, les Jam's, pas par un orchestre fourni par la maison de disques; et c'est lui-même qui signe les notes de pochette, en décrivant son travail ("J'essaie de faire des chansons qui ont du "punch", une musique qui swingue, en essayant d'y coller des paroles qui veulent dire quelque chose."), en proclamant sa passion pour le métier de musicien-chanteur, tout en faisant référence à ses difficultés pour percer.

Barbara est effectivement une bonne chanson. Ce qui est étonnant, c'est que visiblement l'instrument de José Salcy est le clavier, mais il n'est pas particulièrement en avant sur les enregistrements. Là, c'est la partie solo de guitare qui donne tout son éclat à la chanson. Buck Clayton a publié en 1962 une reprise instrumentale de Barbara.
Ce premier titre est présenté comme un slow. les trois autres sont annoncés comme des twist-madison, ce qui dénote bien qu'on est en 1962, en pleine époque yéyés-copains, juste avant la révolution Beatles.
Par le bout du nez, que je n'ai pas trouvé en ligne, est un rock and roll des plus classiques, assez réussi.
Quant à Ray Charles, c'est bien sûr un hommage chaleureux, avec une musique qui fait écho aux compositions du maître américain. Là aussi, c'est la partie instrumentale qui fait décoller la chanson, mais cette fois-ci on y entend les notes aigrelettes de l'orgue.

Arrive ensuite Le temps de l'amour.
C'est une chanson que j'ai découverte avec la version synthétique de Jacques Dutronc en 1980 sur l'album Guerre et pets. Puis j'ai entendu la version de 1962 de Françoise Hardy, parue en face B de son deuxième EP, qui reste ma préférée.
Quelques temps plus tard, j'en ai appris un peu plus sur l'histoire de cette chanson, notamment l'explication du crédit pour la musique à Dutronc, qui fait penser a posteriori à une collaboration précoce entre les membres du futur couple. Sauf que ce que Dutronc a écrit (co-écrit en fait, avec Thomas Davidson Noton, si on en croit les crédits du 45 tours original), c'est un instrumental à la Shadows intitulé Fort Chabrol, publié par Les Fantômes en 1962 (Il a fallu une bonne vingtaine d'années après cette révélation pour que j'ai l'occasion d'écouter Fort Chabrol...).
Peu de temps plus tard, l'air a été repris et des paroles ont été ajoutées par André Salvet et Lucien Morisse pour créer Le temps de l'amour. Comme beaucoup, j'étais persuadé que la version de Françoise Hardy était la première et que celle de José Salcy en était une reprise.
Sauf que encore une fois non. Comme l'indiquent plusieurs sources (commentaire YouTube d'un guitariste des Jam's, Wikipedia) et comme le corroborent les numéros de catalogue du EP de Salcy et de celui d'Hardy, c'est bien, à quelques semaines près, José Salcy qui a été le premier à publier Le temps de l'amour sur disque. C'est évidemment une excellente chanson, mais la version de José est un peu pâle à côté de celle de Françoise.

José Salcy a sorti de nombreux 45 tours sur plusieurs labels dans les années 1960, puis plus sporadiquement jusqu'à la fin des années 1980. Il a aussi notamment co-signé un titre pour Claude Channes en 1966. Il semble que son dernier disque publié, en 1989, est une nouvelle version de Barbara, ce qui est une façon parfaite de boucler la boucle.
Mais quoi que Salcy fît, le grand succès l'a fui. Selon plusieurs témoignages, José Salcy a en parallèle et pendant longtemps tenu un commerce situé non loin des studios de RTL à Paris.

En 1988, Magic Records a publié un CD compilant les EP sortis par José Salcy entre 1962 et 1964.


José Salcy, Barbara, dans l'émission Toute la chanson diffusée le 8 octobre 1962.


Ce disque est un bon prétexte pour regarder Françoise Hardy et sa version de Le temps de l'amour, dans l'émission Douce France, diffusée le 28 septembre 1964.


Et pour être complet, voici Jacques Dutronc et Françoise Hardy qui interpètent en duo Le temps de l'amour à la télévision, visiblement vers 1980, au moment de Guerre et pets.

03 septembre 2022

DISCO REGGAE BAND : Sticks man


Acquis chez Récup'R à Dizy le 5 août 2022
Réf : 60038 -- Édité par Elver / Ibach en France en 1977
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Sticks man -/- Robber man in dub

L'intérêt d'avoir des 45 tours à 10 centimes à la ressourcerie, c'est que ça permet de prendre des paris sans risquer trop gros.
La seule mention de "Disco reggae" n'a pas suffi à me décider à prendre celui-ci, d'autant que je sais qu'Ibach est vraiment un label de variété (leur plus grande vedette était Carène Cheryl), mais elle m'a suffisamment intrigué pour que je sorte le disque de sa pochette. Et c'est quand j'ai vu que la face B était un dub, comme sur la plupart des 45 tours de vrai reggae, que j'ai été suffisamment intrigué pour mettre le disque dans ma pile d'achats. Je me demandais bien comment ça pouvait sonner du reggae à la sauce disco trafiqué en dub !

J'ai vraiment été bien avisé de me lancer car, une fois rentré à la maison, quand j'ai cherché ce disque dans Discogs, j'ai eu la surprise de voir que, d'une manière générale, il est attribué non pas au Disco Reggae Band mais à Black Slate, un groupe de reggae britannique de bonne réputation. Par chez nous, ils sont plutôt connus pour un mini-tube qui date de 1980, Amigo, et je ne pensais pas qu'ils avaient fait beaucoup de disques avant ça. C'est effectivement en 1980 qu'ils ont sorti leur premier album, mais ils ont accompagné d'autres artistes sur des 45 tours dès 1975 et sorti les premiers singles sous leur nom seul, dont celui-ci, en 1976.

Sticks man est un excellent reggae roots. Rien à voir avec du disco. Dans le style, je préfère ce titre à la plupart des chansons que j'ai entendues d'autres groupes de reggae britannique de l'époque comme Steel Pulse ou Matumbi. Initialement, je pensais que le "sticks" faisait référence à la fumette, mais non, il est question de "stick up", des "hold up" en bon français, des agressions par des voleurs qui s'attaquent aux habitants du quartier pour les dépouiller du peu qu'ils ont.
La face B, Robber man in dub, est une version largement instrumentale de la face A. Un peu sage pour un dub, mais très bien quand même.

Ce disque de Black Slate a eu un certain succès chez lui en Angleterre. Mais, vous demandez-vous, comment se fait-ce que, une fois arrivé en France, il soit crédité au Disco Reggae Band, sans qu'il y ait aucune mention du groupe original, si ce n'est que la chanson est bien attribuée à ses deux auteurs, Anthony Brightly et Elroy Bailey ?
Ce qui est sûr, c'est que le 45 tours original anglais ne fait aucune référence à du "Disco reggae". Pour la suite, c'est assez mystérieux, mais je pense que la transition s'est faite par le Bénélux, où le disque a pour le coup été un grand succès. Or, l'édition belge, comme l'hollandaise, mentionnent toutes les deux "Disco Reggae Band & Black Slate" sur la pochette et "Disco Reggae Band Black Slate" sur la rondelle.
Pourquoi ça ? Eh bien, l'époque étant au disco, j'ai bien l'impression que le distributeur Music Master Disco Service a pris l'habitude de mentionner "Disco reggae" ou "reggay" sur ses parutions, comme ce fut le cas aussi sur un disque de Tommy McCook.
L'autre mystère, c'est l'apparition d'un crédit de production pour Eddie de Gucht, alors qu'il s'agit bien de la version originale produite par Brightly et Bailey.

Pour l'étape suivante, je pense que le contrat pour l'édition française du 45 tours a été passé entre Ibach et le label du Bénélux. Et là, seule la mention de Disco Reggae Band a été conservée, Black Slate étant carrément passé à la trappe. Pour une fois, la seule mention correcte sur la pochette en-dehors du titre est celle, par ailleurs souvent trompeuse, de "Version originale" !!
La photo de pochette n'a rien à voir avec le contenu de disque et, pour la promotion en France, le "groupe" a même été remplacé par deux danseurs. J'imagine bien que Black Slate n'a rien su à l'époque de ce qui se tramait en France avec son disque.
Ibach a même poussé le bouchon jusqu'à sortir un album de Disco Reggae, avec la même pochette que le 45 tours. Il s'ouvre avec Sticks man, mais c'est le seul titre de Black Slate qu'on y trouve. Il y a aussi African woman de Winston Fergus, un autre single de reggae britannique de 1977, et les six autres titres sont dus à un groupe maison français composé de Charles Algarra, Edilda, H. Goldera (alias Humbert Ibach, alias Humbert Petruci) et Slimane Abdeladim.

C'est une histoire bien mouvementée pour un simple 45 tours.
La chanson Sticks man elle-même a continué à vivre sa vie depuis sa sortie initiale en 1976.
En 1980, Black Slate en a publié une nouvelle version, Sticks man '80, sur la deuxième édition de son album Amigo. Je n'aime pas cette version.
Il y a aussi eu des rééditions de la version originale en 1980 et en 1982.
En 1986, peut-être inspiré par le fait d'avoir côtoyé Black Slate sur l'album de Disco Reggae, Slimane Abdeladim a publié aux Pays-Bas une reprise de Sticks man sous le nom de Slim.
Et, démonstration supplémentaire de l'impact de Sticks man au Bénélux, il y a eu en 1993 en Belgique un remix techno/house de Sticks man crédité à K.E. Black Slate. Autant dire qu'une vraie version disco d'époque aurait presque été préférable !

Enfin, Sticks man est revenu sur le devant de la scène l'an dernier, puisqu' Anthony Brightly a raconté les débuts de Black Slate, et notamment l'enregistrement de Sticks man, dans un moyen métrage réalisé par Daniel Glenn-Barbour et intitulé The sticksman record.

Pour ma part, je veux bien trouver des bizarreries discographiques comme celle-ci toutes les semaines, surtout à 10 centimes !

Le Disco Reggae Band, tel qu'il est apparu à la télévision française, soit deux danseurs avec le disque en fond sonore...!


Un reportage sur le reggae britannique de The London Weekend Show diffusé en novembre 1977. On n'y voit pas et on n'y entend pas Black Slate, mais il y est question du succès de Sticks man à partir d'ici (25'24).


La bande annonce du film The sticksman record (2021), qui raconte les débuts de Black Slate.


Black Slate, Sticks man, en session studio en 2012.