25 mars 2007

FELT : Forever breathes the lonely word


Offert par Creation Records par correspondance à l'automne 1986
Réf : CRE LP 011 -- Edité par Creation en Angleterre en 1986
Support : 33 tours 30 cm
8 titres

Le mois dernier, on a commémoré le vingtième anniversaire de la mort d'Andy Warhol. Je me souviens précisément de l'endroit où j'étais le soir où la nouvelle de sa mort a été rendue publique. J'étais au fin fond de l'Allemagne, à Detmold, dans un club qui s'appelait le Hunky Dory (il s'appelle toujours comme ça, mais a changé d'emplacement depuis), un lieu comme il en existe peu en France, un grand café/pub, à la déco hésitant entre saloon de western et temple du rock, avec un espace réservé à la prestation des groupes surélevé de moins de dix centimères, accolé au bar et tout en longueur, séparé du public par une simple rambarde.
Le groupe qui jouait ce soir-là était Felt. J'étais présent parce que j'accompagnais pendant quelques jours le groupe de première partie, Biff, Bang, Pow !, en faisant une "performance" destinée à tenter d'intriguer le public (en résumé, je restais assis sur scène sur une chaise pendant tout le concert, en train de lire, ne me levant que pour jouer un peu de tambourin ou faire les choeurs sur un titre).
Felt était en tournée de promotion pour "Forever breathes the lonely word", son premier véritable album chez Creation, celui qui aurait pu transformer l'essai de "Ignite the seven cannons" et faire les faire passer à un niveau de succès public supérieur.
Dans l'intervalle entre deux chansons pendant le concert de Felt, un gars s'est penché par-dessus la rambarde et a glissé quelques mots dans l'oreille de Lawrence. Lawrence a écouté, puis s'est penché vers le gars pour se faire confirmer l'information. Il a alors dit quelques mots au groupe, puis a repris le micro pour nous dire qu'on venait de lui apprendre la mort d'Andy Warhol et que la prochaine chanson lui était dédiée. Ils ont alors entamé "All the people I like are those that are dead", un des sommets de "Forever breathes...", et c'était comme si cette chanson avait été écrite préciésment pour ce moment-là :
"Maybe I should entertain the very fact that I'm insane
I wasn't fooling when I said, all the people I like are those that are dead"


On ne saura jamais pourquoi cet album n'a pas permis à Felt de dépasser le stade d'un groupe culte indépendant. Il y a de toutes façons probablement un ensemble de raisons, parmi lesquelles on peut sûrement compter le fait que Lawrence n'est pas une star facilement malléable et l'inorganisation d'un label Creation Records encore débutant. Les choix éditoriaux du NME ont sûrement joué un rôle également. Le terrain ayant été préparé par le single "Rain of crystal spires", l'album est sorti en septembre 1986. Le 8 novembre 1986, le NME a consacré à Felt sa double page centrale (une photo pleine page de Lawrence et une page d'interview avec les conneries habituelles sur ses obsessions de propreté). En temps normal, Felt se serait vu également attribuer la couverture du NME, un sacré coup de pouce pour la notoriété et les ventes de disques. Manque de bol, peut-être inspiré par les paroles de "Hours of darkness have changed my mind" ("I'd like to do something that makes somebody somewhere care, playing with fire why should I mind, I'm going beyond now what will I find"), le NME fait sa une cette semaine-là avec une couverture aux trois-quarts noire et un grand titre sur un sujet de société, le suicide des jeunes.
"Forever breathes..." est un album compact d'une grand unité. Le son porte bien les caractéristiques des productions de John A. Rivers : beaucoup d'écho qui crée une ambaince ouateuse, les voix et les instruments se fondant les uns dans les autres.
A l'écoute, l'orgue de Martin Duffy semble omniprésent, et c'est vrai qu'il est bien plus proéminent que sur "Ignite...", en tant qu'instrument d'accompagnement et pour les solos. Mais, dans la masse de sons où les instruments solistes ne sont pas mis en avant, il ne faut quand même pas oublier qu'une bonne moitié des solos du disque est tenue par les guitares (celles de Lawrence et de Tony Willé, qui a fait un passage tellement bref dans le groupe qu'il n'était déjà plus là pour la tournée de février 1987).
Les choeurs sont bien utilisés aussi dans le disque, assurés qu'ils sont par Tony Willé, Mardin Duffy, John A. Rivers pour la partie masculine, Sarah (Cracknell) et Yvonne (McGee ?) pour la partie féminine. Ils sont peut-être bien aussi repassés dans un Emulateur ou un Fairlight et utilisés comme un synthé (sur "September Lady", par exemple).
Je l'ai dit, cet album montre une grande unité. C'est le premier titre, "Rain of crystal spires" qui en a été extrait en single. Avec un titre pareil, et des premières paroles qui sont "Seven brothers on their way to Avalon", on se doute bien que Felt ne visait pas le Top 50. C'est une chanson qui sonne typiquement Felt, mais elle n'est peut-être pas du niveau d'un "Ballad of the band" ou d'un "Primitive painters". On aurait peut-être pu lui préférer une des quelques chansons rapides du disque, comme "Grey streets", avec sa batterie énergique et sa bonne attaque de l'orgue. Pour parler des chansons rapides, je suis d'accord avec Lee McFadden pour m'étonner que deux perles issues de ces sessions, "I will die with my head in flames" et "Sandman's on the rise again", aient été reléguées au rang de faces B de "Rain of crystal spires".
Globalement, j'ai quand même tendance à préférer la face B de l'album. Elle s'ouvre avec "All the people I like are those that are dead" qui, musicalement, possède la même force hypnotique que "Primitive painters", mais la voix est beaucoup plus relaxée. "Gather up your wings and fly" encore un titre au rythme effréné avec des choeurs, et le disque se termine en beauté avec "A wave crashed on rocks" ("Une vague s'est écrasée sur les rochers", et effectivement les choeurs et l'orgue et le chant donnent cette impression quand Lawrence chante "You ruined it all") et "Hours of darkness have changed my mind", un titre qui suinte la tristesse et qui, musicalement, évoque toutes les périodes de la carrière de Felt.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

il est trés bien ton petit blog du coup tu est en lien sur le mien

merci a un copai du forum des 45 tours du rock français de me l'avoir fait découvrir

Anonyme a dit…

Salut,moi aussi je passe juste dire que je suis ton blog quotidiennement depuis des mois avec un grand plaisir.

Pol Dodu a dit…

Signalé par Alistair Fitchett sur son blog Unpopular, un billet d'Alan McGee sur le blog Music du Guardian où il revient sur l'attitude ambigüe de Lawrence par rapport au succès. Alan explique notamment qu'il considère Forever breathes the lonely word comme l'un des disques sortis par Creation qui aurait dû avoir un succès beaucoup plus grand.