28 avril 2024

PAÜL ABRAHAM : La paix et l'amour



Acquis chez Emmaüs à Saint Nazaire le 3 mars 2023
Acquis chez Récup'R à Dizy le 8 mars 2023
Réf : B.C. 601 -- Édité par Blue Cat en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : La paix et l'amour -/- I don't understand (Je ne comprends pas)

Chez Emmaüs à Saint Nazaire l'an dernier, le jour où j'ai acheté le disque d'Hugo Blanco j'avais aussi pris le 45 tours de Paül Abraham avec la pochette sur fond orange. Je ne connaissais pas du tout ce chanteur et le titre La paix et l'amour ne m'attirait pas particulièrement, mais les paroles de la face B sur les difficultés de communication des français en Angleterre m'ont paru suffisamment prometteuses pour que je tente le coup.
De retour à la maison, je vais à la ressourcerie quelques jours plus tard et, coïncidence, je tombe sur un autre 45 tours de Paül Abraham ! Un autre, enfin, pas tout à fait, plutôt une autre édition du premier, avec les mêmes titres et la même référence catalogue, mais avec une pochette et un rond central différents. L'artiste semble être coutumier du fait : son single Emmanuella  est sorti en deux version sous quatre pochettes différentes !
Mes deux exemplaires sont autographiés par Paül Abraham, comme le sont la plupart de ceux que l'on peut trouver en ligne. Cela signifie une chose : ces disques étaient vendus directement par l'artiste, lors des concerts par exemple, plutôt que chez les disquaires. Il s'agit peut-être d'une auto-production (en tout cas, le label Blue Cat n'a sorti que des disques d'Abraham), mais en tout cas il y a des moyens : l'enregistrement s'est fait au studio Ferber, avec un orchestre comprenant une section de cordes.

Paül Abraham a une discographie assez conséquente. Né Gérard Vernick, il a sorti un premier EP en 1960 sous le nom de Gérard Patrick. Il a ensuite plutôt composé pour d'autres dans les années 1960, avant de sortir toute une série de disques à partir de 1970, dont quatre albums jusqu'en 2002.

Avec son apparence et la thématique hippie/baba cool de la face A, j'ai immédiatement pensé en voyant la pochette à Gérard Palaprat et son Svasti. C'est bien dans cet esprit-là qu'on est avec La paix et l'amour. La fin me plaît un petit peu mieux, mais sinon ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.

Comme espéré, I don't understand (Je ne comprends pas) est plus intéressante. Il y a une ambiance rétro sur un rythme enlevé et l'ensemble est sympathique. Parmi plein d'autres choses, on peut penser à l'époque par exemple à Mungo Jerry.

Je crois bien que j'ai revu passer depuis au moins un autre 45 tours de Paül Abraham, mais cette fois-là j'ai laissé passer mon tour.


19 avril 2024

AU PAIRS : Equally different


Acquis chez New Rose à Paris vers 1982
Réf : SP 27 -- Édité par Sufragette Production en France en 1982
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

C'est une erreur de débutant : en 2006, dans la première année de ce blog, j'ai chroniqué Stepping out of line - The anthology, une compilation double-CD reprenant l'intégralité de la discographie d'Au-Pairs, agrémentée de quelques inédits. Erreur de débutant car j'ai ainsi grillé toutes mes cartouches Au-Pairs, alors que j'aurais pu distiller au fil du temps cette discographie en quelques chroniques, de l'indispensable Playing with a different sex à Sense and sensuality, en passant par les singles You, Diet et Inconvenience.
Toutes mes cartouches ? Presque, mais pas tout à fait, puisque je possède cet album live du groupe, qui ne figurait pas sur la compilation. Et pour cause, c'est un disque pirate.

Avec un disque pirate, il y avait toujours un risque. Ils se vendaient cher, avec aucune garantie de qualité. Si on se lançait, c'est qu'on était très fan de l'artiste en question et qu'on en voulait plus que ce qui était officiellement disponible. Pour ma part, j'ai rarement tenté l'aventure (je n'avais déjà pas assez d'argent pour acheter tous les disques officiels qui me faisaient envie...), mais la liste des quelques achats que j'ai faits est significative : The Cure, Elvis Costello, XTC, plus quelques cassettes achetées au Camden Market, de  Peel sessions de Magazine ou The Jesus and Mary Chain par exemple.

Et il y a aussi ce bel album live d'Au Pairs, vu chez New Rose un jour que j'étais de passage à Paris et que je n'ai pas pu laisser passer.
La pochette est réussie, elle marie le rose très présent dans le graphisme de Playing with a different sex avec des photos repiquées de la pochette du 45 tours You.
Il s'agit d'une édition française, sûrement pompée d'une édition allemande originale, peut-être cette cassette 16 titres.
Comme c'est un pirate, mon disque a les défauts d'un pirate : le son est tout à fait correct, mais il y a plusieurs erreurs dans la liste des titres, la présence de Diet juste avant It's obvious n'est mentionnée nulle part, et surtout il manque une bonne moitié de la longue, certes, et excellente Headache (for Michelle).
Destinée peu courante pour un pirate, ce disque a été "officialisé" par le groupe avec la sortie en 1983 de Live in Berlin sur A.K.A. Records. La pochette est moche, mais Headache y est complet. Par contre, il y manque le classique It's obvious, signe que les douze titres ne pouvaient clairement pas tenir au complet sur un 33 tours. Pas grave puisque de nos jours, voir ci-dessous, on peut même voir l'enregistrement télé de cette chanson !

Ce n'est pas précisé sur le disque, mais le concert a eu lieu au Venus Weltklang Tempodrom de Berlin le 20 juin 1981. C'était dans le cadre de l'International Women's Rock Festival qui a rassemblé 18 groupes du 19 au 21 juin. Un événement à une telle échelle qui met en avant les femmes du rock, c'était peut-être bien une première en 1981. A l'affiche, on trouvait les Slits, Malaria, Liliput, The Mo-Dettes, Die Hausfrauen, Gianna Nannini pour les noms que je connais, plus aussi les seuls français du lot, Lili Drop. Un album-souvenir de l'événement a été publié en 1982, qui s'ouvre avec Headache (for Michelle). On peut le télécharger ici.


Un article annonçant le festival publié par Peter E. Müller dans le Berliner Morgenpost du 17 juin 1981.

Playing with a different sex était sorti quelques semaines plus tôt, en mai. Sans surprise, le groupe le joue quasiment en intégralité (il ne manque ici qu'Unfinished business, même si ce titre a sûrement été joué lui aussi le soir du concert), dans des versions assez proches de celles de l'album. Ça ne fait confirmer qu'une chose, que cet album est un grand classique de la New Wave.
Il y a en plus l'excellent single Diet, et le public de Berlin a eu droit ce soir-là à deux titres inédits, Inconvenience, qui allait sortir en single fin juillet, et en rappel Piece of my heart, reprise du single de 1967  d'Erma Franklin, la sœur d'Aretha, une chanson plus connue par sa version de 1968 par Big Brother and the Holding Company (Lesley Woods l'introduit comme une reprise de Janis Joplin au micro). Avec Repetition de Bowie, ça fait deux reprises au répertoire d'Au Pairs, toutes deux parfaitement choisies, c'est la marque d'un grand groupe, puisqu'elles font parfaitement écho aux thématiques des chansons originales.

L'album officiel Live in Berlin est intégralement en écoute ici.




13 avril 2024

BOBO YÉYÉ : BELLE ÉPOQUE IN UPPER VOLTA


Offert par Fabienne M. à Mareuil sur Ay en mars 2024
Réf : 055 -- Édité par Numero Group aux États-Unis en 2016
Support : 3 x CD 12 cm + 120 p. 13,5 cm
37 titres

Je ne sais plus comment ça s'est fait, mais je suis tombé il y a quelques semaines sur la chanson Bi kaméléou de Volta Jazz et c'est le titre qui m'a le plus enthousiasmé depuis le début de l'année :



C'est de la musique d'Afrique, qui incorpore une énergie électrique digne du rock and roll, particulièrement après deux minutes, quand le chanteur galvanise l'orchestre de ses cris pendant une longue partie instrumentale.

J'étais décidé à me procurer cette chanson en disque. Trois possibilités s'offraient à moi :
  • Le 45 tours original publié par Disques France Afrique, mais il y en a peu d'exemplaires en vente, et il sont chers (une cinquantaine d'euros) et parfois en piteux état.
  • La compilation Air Volta publiée en 2022 par Numéro Group, mais elle n'existe qu'en 33 tours et je ne suis pas partisan des rééditions en vinyl.
  • Le coffret Bobo Yéyé publié en 2016, également par Numero Group. Trois disques, dont un de 16 titres de Volta Jazz qui comprend les 9 d'Air Volta. Il a été publié en 33 tours, mais également en CD, avec plus de titres, et j'avais repéré des exemplaires en vente à une trentaine d'euros port compris.
Le choix a été vite fait et je me suis retrouvé avec une très bonne idée à proposer pour mon cadeau d'anniversaire !

Comme décidément j'ai la mémoire qui flanche, ce n'est qu'en préparant cette chronique et grâce à l'excellente béquille que constitue ce blog qu'il a été rappelé à mon souvenir que j'avais déjà écouté ce coffret, en 2017 quand je l'avais emprunté à la médiathèque. J'en avais sélectionné un titre de chacun des trois CD pour ma compilation Prouve-le moi et, ouf !, je reste logique avec moi-même, Bi kaméléou faisait bien partie du lot.

J'ai toujours un peu de regrets quand je pense à la musique de Bobo Dioulasso. En effet, ma ville natale Châlons sur Marne s'est jumelée avec Bobo en 1970, une ville de l'ouest de la Haute-Volta (devenue le Burkina Faso en 1984). Il y avait aussi un jumelage avec Ilkeston en Angleterre, mais j'ai fait allemand première langue alors c'est avec des collégiens d'une autre ville jumelée, Neuss Am Rhein, que j'ai fait un échange scolaire vers 1976-1977. Pendant toutes ces années, qui correspondent à celles pendant lesquelles les musiques du coffret ont été enregistrées, il y a eu des échanges, des fêtes et des manifestations culturelles avec Bobo Dioulasso et je parierais bien qu'au moins un des orchestres du coffret a fait le voyage de Châlons. Je regrette de ne pas y avoir participé. Mais le pire, c'est que j'ai peut-être vu un de ces concerts et que je l'ai aussi complètement oublié !

Numero Group est un label de Chicago, mais c'est bel et bien Florent Mazzoleni, de Bordeaux, qui a compilé les titres de Bobo yéyé.

Volta Jazz a été fondé en 1964 par Idrissa Koné, un véritable entrepreneur, qui a notamment créé Bobo Auto-Ecole, la première auto-école de Bobo Dioulasso. Il a également épaulé son neveu Sanlé Sory dans les années 1960 pour le lancement de son studio Volta Photo. Cela nous vaut en plus de la musique un superbe livre qui complète le coffret. Certaines de ces photos ont été exposées en 2020 à Toulouse.

Au plus fort de son succès, dans les années 1970, Volta Jazz a compté jusqu'à trois formations différentes, la A, je suppose que c'est elle qui enregistrait les disques, la B et une troisième nommée Les Anges Noirs.
Il n'y a rien à jeter dans les 16 titres du CD de Volta Jazz. Tout n'est pas aussi énergique que Bi kaméléou, mais il y a quand même Mama soukous et Mousso koroba tike, avec de la guitare bien crade tout au long et un groove quasiment psyché.
Dans un registre plus calme, il y a notamment la chanson en français Ma douce ledy et B. B. Peyrissac. Peyrissac, c'est le nom d'une commune de Corrèze, mais c'est aussi le nom d'entreprises coloniales installées à Bobo Dioulasso.

Au faîte de la gloire de Volta Jazz, le chanteur, principal compositeur et chef d'orchestre était Tidiane Coulibaly. Il a quitté le Volta Jazz en 1975 pour créer sa propre formation, l'Authentique Orchestre Dafra Star. Le deuxième CD du coffret lui est entièrement dédié.
Une chanson comme Yafamma est très proche du son électrique de Volta Jazz, mais sur d'autres titres, comme Dounian et Si koumgolo, le balafon et les percussions sont plus en avant. La chanson que j'avais sélectionnée pour ma compilation est le slow en français Si tu m'aime, avec des paroles qui à chaque fois me font rire : dans un premier temps, le chanteur implore "Si tu m'aimes, prouve-le moi". On pense qu'il espère vraiment des preuves d'amour, mais non, ce qu'il attend de sa dulcinée, c'est qu'elle lui "laisse sa liberté", qu'elle le "laisse aller s'amuser" car son "cœur frivole" nécessite qu'elle lui laisse sa "liberté d'artiste" !

On retrouve sur le dernier CD plusieurs autre formations de Bobo, notamment Les Imbattables Léopards et Echo Del Africa. Le titre d'ouverture de ces derniers, Gentlemen doromina, est très funky, avec lui aussi de la guitare saturée et quelques paroles en français.
L'ensemble est de très haute tenue et mes préférés sont He ya wannan par Ouedraogo Youssef, très sixties avec sa guitare et son orgue, et un slow encore, Milaoba par Les Imbattables Léopards.

Des heures de musique à savourer, en contemplant de superbes photos, on en redemande. J'ai peut-être raté un concert de Volta Jazz sur le parvis de l'hôtel de ville à Châlons, mais j'ai de quoi me rattraper !




Drissa Kone, le conducteur, un portrait du fondateur du Volta Jazz filmé par Alain Hema.


Présentation de l'Orchestre Volta Jazz diffusée par la chaîne BF1. On entend en fond l'orchestre reformé interpréter Bi kaméléou.


Le 45 tours original avec Bi kaméléou en face B.

01 avril 2024

FOREST FOR THE TREES : The sound of wet paint


Acquis je ne sais plus où ni comment dans les années 2000
Réf : DRMD-50120 -- Édité par DreamWorks aux États-Unis en 1999
Support : CD 12 cm
Titres : Wet paint (Radio version) -- Jet engine -- The sound of music -- Primordial soup -- Wet paint (Dance remix) + fichiers multimédia

La collaboration entre Karl Stephenson et Beck n'a peut-être pas duré longtemps mais elle a été fructueuse, ne serait-ce que parce qu'il en est sorti Loser ! Karl a co-produit Mellow gold, dont il co-signe quatre titres et il fait une brève apparition sur A western harvest field by moonlight.
Avec une telle carte de visite, toutes les portes lui étaient ouvertes, mais il avait aussi certaines fragilités et il s'est écoulé quatre ans entre l'écriture des titres de l'album de son projet Forest For The Trees (le nom fait référence à l'expression anglaise pour dire "L'arbre qui cache la forêt") et la sortie de l'album en 1997.
L'album est d'excellente tenue, tout à fait au niveau de l'Odelay de Beck ou du premier Eels, un groupe également signé par DreamWorks : après avoir enrôlé Beck sur le label qui porte son nom, David Geffen, l'un des associés de DreamWorks, ne voulait visiblement pas rater la suite...
Au moment de la sortie de l'album, l'excellent Dream en a été extrait en single en Europe, mais c'est seulement en 1999 que cet EP a été publié aux États-Unis, sûrement pour relancer un peu le buzz autour de Forest For The Trees, l'album ayant eu un succès mitigé.

Le titre principal, Wet paint, est lui aussi extrait de l'album et il a comme point commun de mettre en avant un instrument assez inhabituel dans ce contexte, la cornemuse (ce n'est pas un échantillon, l'instrument est joué par Aaron Shaw). La Radio version, un peu raccourcie par rapport à la version album, est parfaite. C'est de la pure hip pop optimiste, entraînante et joyeuse. Si c'est l'effet que ça fait d'être une peinture, comme le refrain l'annonce, je veux bien me transformer. Le Dance remix rajoute du rythme et des claviers, mais surtout met la cornemuse largement en retrait. C'est un grand non !

Les fans de Beck seront sûrement intéressés principalement par Jet engine, puisque sa voix est présente sur ce titre (la vidéo a été supprimée de YouTube, mais on peut l'entendre à 57' sur celle-ci, trouvée sur un site japonais). Le titre est lent et visiblement bien enfumé, avec des paroles où il question d'avoir la tête coincée dans le moteur d'un avion supersonique, un peu comme à un concert de My Bloody Valentine, quoi. On n'est pas loin dans l'esprit des Feelings, même si leur Blowing my mind like a summer breeze était bien plus sauvage.

Avec Wet paint, mon titre préféré du disque est The sound of music. Nominalement, c'est une reprise de la chanson-titre de la comédie musicale de Rodgers et Hammerstein (La mélodie du bonheur en version française). Franchement, c'est gâcher ses droits d'auteur pour rien de déclarer ça comme une reprise. J'ai pris la peine d'écouter l'original et, à part les paroles, je n'entends aucun point commun avec ce titre légèrement funky.

Les deux précédentes faces B ne sont sorties que sur cet EP, mais Primordial soup était déjà en face B de Dream. Ca démarre avec un groove sympathique, mais c'est surtout un collage sonore.

Forest For The Trees a continué encore pendant quelques années. Ils se sont même produits en bas de l'affiche au festival Coachella en 2002. Mais ils se sont séparés cette année-là et, autant que je sache, ni Forest For The Trees ni Karl Stephenson n'ont sorti de disque depuis.