25 septembre 2021

NINA SIMONE : Révolution !


Acquis sur le vide-grenier de Plivot le 5 septembre 2021
Réf : 49.586 -- Édité par RCA en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Revolution - Part 1 -/- Revolution - Part 2

La très grande braderie locale de Saint Imoges a été annulée cette année pour la deuxième fois consécutive. Du coup, une manifestation à taille plus humaine a été rapidement organisée à la place sur le terrain d'aviation situé tout près de chez moi.
J'y suis allé en fin de matinée et j'y ai fait quelques bons achats, de CD auprès d'une dame qui visiblement ne s'intéresse pas à la musique mais qui a récupéré un lot intéressant qui recoupe bien mes goûts, et auprès d'un collectionneur sympathique qui revendait plein de disques en double ou en état pas parfait (pas de pochette, un peu abîmés,...). J'ai dû passer plus de vingt minutes à éplucher tous ses 45 tours (j'en ai sélectionné une dizaine) et du coup j'ai bêtement oublié de jeter au moins un coup d’œil à ses 33 tours...

En tout cas, j'ai été très content de tomber sur ce 45 tours de Nina Simone. La pochette a été pliée, mais ça va, et le disque est en parfait état. Et figurez-vous que j'ai beau avoir chez moi près d'une vingtaine de disques de Nina Simone (45 tours, 33 tours, CD, dont des live et plusieurs compilations), je n'ai pas l'album To love somebody sur lequel Revolution a été publié, et en fait, par un étrange concours de circonstances, je n'avais cette chanson sur aucun de mes disques et du coup, tout simplement, il me semble bien que je ne l'avais jamais écoutée !

On trouve assez souvent un de ses 45 tours précédents de 1968, Ain't go no, I got life, l'un de ses plus grands succès, mais celui-ci semble beaucoup plus rare. Il a pourtant été édité deux fois par RCA France dans le seul mois de mars 1969 ! (le mois d'impression est indiqué au dos de la pochette).
La première édition, référence 49.586, correspond au single américain, avec une partie de la chanson sur chacune des faces. Cette pochette française est un grand témoignage de l'époque, avec ce "Révolution!" en français (il y a l'accent), bien en rouge, dessiné pour donner l'impression qu'il a été peint au pinceau sur un mur. Et des murs recouverts de slogans révolutionnaires à la peinture rouge, ça devait être encore une vision courante dans les mois qui ont suivi Mai 1968 en France...
La deuxième édition, référence 49.589, correspond au single anglais, avec les deux parties de Revolution enchaînées sur la face A et un titre d'un album précédent, Love o' love, en face B. La pochette (ci-dessous) est à peine plus sage avec l'abandon du lettrage au pinceau et le nom de l'artiste qui est mieux mis en avant, mais le rouge est toujours de mise.

Il y a six mois, j'ai chroniqué de Revolution de Tomorrow, un 45 tours de 1967, en indiquant que certains pensent que le Revolution des Beatles a pu être écrit par Lennon en réaction à cette chanson.
Ce qui est certain, c'est que l'excellent Revolution de Nina Simone, est une réaction épidermique quasiment instantanée au titre des Beatles, particulièrement à la version 45 tours (la première publiée, en face B de Hey Jude), dans laquelle Lennon chante "Oui, tu sais bien qu'on veut tous changer le monde, mais si tu parles de destruction alors il ne faut pas compter sur moi". Lennon hésitait beaucoup sur la question. Dans la version Revolution 1 sur l'album blanc The Beatles (enregistrée avant mais parue après), il chante l'inverse, "You can count me in".

Le "You can count me out" du 45 tours, Nina Simone ne pouvait pas l'entendre, elle qui s'est battue pour les droits civiques tout au long des années 1960 et qui venait de publier l'album 'Nuff said ! en réaction à l'assassinat de son ami Martin Luther King
Revolution par Nina Simone, c'est typiquement une "answer song" et, fort logiquement, la Part 1 comporte plein de références à la chanson des Beatles, dans la musique mais surtout dans les paroles ("my friend", "constitution", "evolution", "dont' you know it's gonna be alright", qu'aucun site de paroles en lignes ne mentionne, mais qui est bien le refrain). A la différence de Lennon, pour Simone il n'y a pas de révolution sans destruction :
"Je chante à propos d'une révolution parce qu'on parle d'un changement, c'est plus que de l'évolution"
"Votre constitution, mon pote, elle va devoir s'y plier, Je suis là pour vous parler de la destruction de tout le mal qui doit disparaître
"

Cette Part 1 est excellente, à la fois électrique et gospel. La Part 2, plus courte, vient directement à la suite, avec un début encore très gospel où Nina et les chœurs se répondent, avant un final bruyant, qui se veut peut-être un écho au Revolution 9 expérimental des Beatles.
Quant à la réaction de Lennon à la chanson de Nina Simone ? Plutôt positive. Dans un entretien pour Rolling Stone en 1971, il expliquait qu'il aimait bien ce décalque de Revolution et qu'il appréciait que Nina Simone ait réagi presque immédiatement pour exprimer son opinion.

Je n'aurai sûrement pas fait beaucoup de belles trouvailles en brocante à la fin de cette année, mais au moins celle-ci en est une belle !



Nina Simone, Revolution, parties 1 et 2; version filmée en couleurs ci-dessus avec des images fixes rajoutées dans les trous; version probablement telle qu'elle a été diffusée à la télévision à l'époque ci-dessous.
L'une des présentations indique qu'il s'agit peut-être de répétition pour un "Olympia concert". Je ne sais pas s'il s'agit de la ville Olympia ou bien d'un théâtre de l'Olympia, à Paris ou ailleurs.





Une publicité pour Revolution parue dans la presse aux Etats-Unis.

19 septembre 2021

TON PAT' : Memwar lamizik seselwa


Acquis par correspondance via Amazon en août 2021
Réf : TAKA 1017 -- Édité par Takamba en France en 2010
Support : CD + DVD 12 cm
17 + 3 titres

C'est Sing Sing d'Arlt qui a fait de la retape il y a quelques mois pour la chanson Je suis seul dans la vie de Ton Pat'. Visiblement, je n'ai pas été le seul à être touché au cœur.
Et touché, je l'ai été : cette chanson s'est aussitôt retrouvée est en conclusion de l'une de mes dernières compilations, Je demande ma démission.
Je suis seul dans la vie, c'est un gars seul à la guitare qui chante, et c'est déchirant. Je vois mal comment définir ça autrement que du blues à l'état pur, à se pendre :

"Je suis seul dans la vie, je suis triste dans la vie
Et je n'avais pas personne pour me consoler
Les oiseaux sur les branches qui voient tous mes martyrs
Ils vont pleurer pour moi au ciel tout près de Dieu
Au fond de mon cercueil mon martyr sera fini
Car je n'avais pas personne pour fermer ma paupière"

J'ai voulu en savoir plus et je me suis procuré l'album sur lequel cette chanson a été publiée, Memwar lamizik seselwa (Mémoire de la musique seychelloise). Je me demandais si j'y trouverais un autre titre de cet acabit, et, de façon presque étonnante, tellement Je suis seul dans la vie est exceptionnel, j'en ai trouvé un, Ma position (les deux titres sont enchaînés en fin d'album), et il y est justement question de se pendre :

"Si pour toujours je dois vivre avec elle
Je voulais dire je préférais mourir
Je peux vous dire que ma femme est à peine
Ah croyez moi que je suis mal marié
Ah mes amis que mon sort est en peine
J'aurais mieux fait de me pendre au plancher"

Les notes de pochette nous expliquent que ces deux chansons sont des romances : "Les romances que l'on retrouve aux Seychelles sont en français car elles représentent l'héritage laissé par l'ancienne population coloniale émigrée de France dans les îles de l'Océan Indien. (...) La transmission orale sur plusieurs générations nous permet également de comprendre que ces chants ont été créolisés depuis leurs origines."

Ces chansons sont les deux seules romances du disque, et heureusement le reste de l'album contient aussi des chansons légères, rythmées et pleines de joie de vivre.
Le contexte de production de l'album est un peu particulier, et je reproduis intégralement l'introduction du livret qui l'explique bien :
"Ce coffret, fruit d’un collectage de terrain qui s’est déroulé en janvier 2009, se veut être un travail de mémoire consacré aux traditions musicales des Seychelles, et plus précisément de l’île Mahé, à travers le savoir reconnu de Patrick Prospère, surnommé Ton Pat’. Multi-instrumentiste, auteur compositeur et interprète, cette mémoire vivante est aujourd’hui l’un des derniers musiciens et facteurs d’instruments de son île, porteur d’un savoir musical ancestral. Il nous fait part de sa culture à travers l’enregistrement de ses compositions et d’airs traditionnels, mais aussi d’entretiens qui font notamment l’objet d’un DVD, principalement consacré à la facture instrumentale traditionnelle et aux techniques de jeu d’instruments en voie de disparition."

"Collectage de terrain", ça peut rebuter, mais même si ces enregistrements ont été réalisés dans un but d'ethnomusicologie, ils auraient très bien pu figurer dans un contexte différent au catalogue de tout autre label.
Quelques titres sont en solo, mais la plupart sont enregistrés en groupe, avec des élèves des cours que Patrick Prospère donnait à l'école de musique de Victoria, la capitale des Seychelles, et avec Donadieu Thomas, percussionniste réunionnais et également enseignant.

Les arrangements sont légers, la production claire, et on prend plein de plaisir à l'écoute des ségas comme Mammazel sol séga, au rythme plutôt lent, dominé par le violon Sujatha Chettia, Fer le trou babilon et Fayda séga bonm, qui tous les deux me rappellent Ti Frère, celui par qui j'ai découvert le séga en 2009.
Il y a de plusieurs autres titres avec du violon, et j'ai particulièrement apprécié Zépol en Malen.
En-dehors des ségas, j'aime beaucoup les "tinge" (chants accompagnant des combats dansés), où le chœur des élèves des élèves accompagne Ton Pat' : Kapten du port, Moulayla et Don wa mon fizi.
Parmi mes autres titres préférés, il y a Kok tya pe sante, avec un air qui me semble connu par ailleurs, et Dalambwe, joué avec un arc en terre makalapo, du type de celui dont Ton Pat' explique la fabrication et la technique de jeu sur le DVD.

Patrick Prospère est mort en février 2016 à presque 70 ans. Avec ce document, il nous laisse une chanson exceptionnelle et un album excellent dans son ensemble.

L'album est en écoute sur la plupart des plate-formes en ligne. On le retrouve en widgets sur cette page, ainsi que quelques photos de Ton Pat".

Je m'en suis aperçu trop tard, mais Memwar lamizik seselwa est toujours en vente sur le site du Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion, créateur du label Takamba.

11 septembre 2021

THE SUGARCUBES : Deus


Acquis chez Bell'Occas à Auvillers-les-Forges le 29 juillet 2021
Réf : 7tp10 -- Édité par One Little Indian en Angleterre en 1988
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Deus -/- JOHNNY TRIUMPH & THE SUGARCUBES : Luftgítar (7" version)

On va clore avec ce disque une petite séquence enchaînée où on aura eu les Stranglers qui ne croient pas au paradis, les Flaming Lips avec les Chemical Brothers qui ne pensent pas que l'enfer et le paradis s'opposent vraiment, et maintenant voici les Sugarcubes qui nous annoncent tout de go que "Deus n'existe pas" !
Le message du titre et du refrain est très clair. C'est un peu moins tranché dans le reste des paroles puisque Björk se plait à imaginer à quoi Dieu ressemblerait s'il existait ("Il est plus blanc que blanc, il est plus propre que propre (...) Il veut me toucher"). Quant à l'autre chanteur Einar, il nous explique tout bonnement qu'il l'a rencontré ! ("Il m'a mis dans une baignoire et il m'a complètement nettoyé (...) Il n'était pas blanc et duveteux, il avait juste des favoris et une banane").

J'ai trouvé ce disque lors d'une rare escapade dans les Ardennes cet été. Comme souvent, je me demande bien comment cet import anglais en parfait état a bien pu atterrir en pleine campagne.
En tout cas, j'étais bien content de ma trouvaille, car Deus a toujours été mon single préféré du groupe, plus que Birthday.
Initialement, je me disais que j'aurais préféré tomber sur un disque qui contient le remix de Deus (paru en Angleterre sur un 25 cm, et aussi sur les éditions CD américaines et japonaises de l'album Life's too good), une version allongée où la musique des Sugarcubes est remplacée par des cordes et des synthés, qui était ma version préférée à l'époque. Mais je l'ai réécoutée ces jours-ci et elle me fait moins d'effet. A tout prendre, je vote aujourd'hui pour l'excellente version originale.

La face B, Luftgítar, est créditée à Johnny Triumph and the Sugarcubes. Johnny Triumph, c'est Sjón, un poète et romancier qui, en plus d'être accompagné par les Sugarcubes, a écrit des paroles pour plusieurs chansons pour Björk. Cette chanson rock était déjà sortie en 1987 sur un 45 tours crédité à Johnny Triumph & Sykurmolarnir, Sykurmolarnir étant le nom islandais des Sugarcubes. Il s'agit visiblement du même enregistrement.




Sugarcubes, Deus, en direct en 1988 dans l'émission Rockopop de TVE à Barcelone.


Sugarcubes, Deus, en concert à Auburn, en Alabama, en octobre 1988.

04 septembre 2021

THE CHEMICAL BROTHERS featuring THE FLAMING LIPS : The golden path


Acquis chez Mostly Books à Saint Peter Port le 29 mai 2013
Réf : CHEMSD18 / 7243 5 52914 2 4 -- Édité par Freestyle Dust / Virgin en Angleterre en 2003
Support : CD 12 cm
Titres : The golden path -- Nude night -- The golden path (Ewan Pearson extended vocal)

Avant de décider de chroniquer Setting sun en juin dernier, j'ai réécouté tous mes singles de Chemical Brothers, ce qui fait un bon petit paquet de disques quand même.
Quand est arrivé le tour de The golden path, j'ai eu l'oreille accrochée. Pas au point de décider de chroniquer le disque tout de suite, je m'étais déjà à peu près décidé pour Setting sun de toute façon, mais suffisamment quand même pour que je mette la chanson de côté et pour que je lui donne le privilège de figurer dans mon Désordre musical suivant, Je demande ma démission.
Et à chaque fois que j'ai écouté cette compilation, j'ai trouvé cette chanson vraiment très bonne et réjouissante et j'ai décidé de donner à ce disque un autre insigne honneur, celui de figurer dans ce blog !

J'ai acheté ce single pendant un séjour à Guernsey. Cette journée en particulier avait été bien productive, puisque je m'étais aussi procuré la compilation A strange kind of love et le Strumpet de My Life Story.

Comme souvent quand je reviens à la maison avec un gros paquet de disques, j'avais écouté celui-ci une seule fois avant de le ranger. En général, c'est suffisant pour en repérer le potentiel, et éventuellement le mettre de côté pour approfondir un peu, mais là je suis passé complètement à côté et j'avais oublié jusqu'à l'existence de cette collaboration avec les Flaming Lips.

Ce single hors album a été publié en 2003 pour agrémenter/compléter le premier best of du groupe, Singles 93-03. Les Chemical Brothers, qui sont des DJ/musiciens, pas des chanteurs, apprécient les collaborations. Outre Noel Gallagher, ils ont fait appel à Beth Orton, Bernard Sumner, Beck, Tim Burgess des Charlatans, et aussi Mercury Rev, pour The private psychedelic reel et pour remixer leur Delta sun bottleneck stomp.
Mercury Rev et les Flaming Lips étant très proches, il n'est pas très étonnant que la jonction ait fini par se faire.
Visiblement, la collaboration s'est faite à distance : Wayne Coyne et Steven Drozd des Flaming Lips ont enregistré les voix et les ont envoyées, sans être trop sûr d'eux, mais Ed et Tom des Chemical Brothers ont tout de suite été très enthousiastes.

La grande qualité de The Golden path, c'est de réussir l'assemblage du meilleur des Chemical Brothers et du meilleur des Flaming Lips. Toutes les collaborations ne fonctionnent pas aussi bien.
Côté musique, la production est électro, mais pas Big Beat. Côté paroles et chant, c'est du pur Flaming Lips, avec un narrateur qui se retrouve sur la voie dorée, confronté des forces maléfiques, à se demander pourquoi et comment il a bien pu mourir !
La semaine dernière, les Stranglers nous expliquaient qu'il ne croyait pas au paradis. Aujourd'hui, les Flaming Lips affirment qu'ils ne croient pas à l'enfer non plus ! : "Je me suis retrouvé dans une sorte d'enfer, mais je ne croyais pas à ce genre de monde où le paradis et l'enfer s'opposeraient".
La chanson semble surtout constituée de couplets, mais à la fin, sur une autre mélodie, une phrase assez mystérieuse, "Please forgive me, I never meant to hurt you", est répétée plusieurs fois. Est-ce que ça en fait un coda, ou un refrain ? (je ne suis pas assez compétent pour trancher).
La bonne nouvelle, c'est que l'Ewan Pearson extended vocal, remixé par Ewan Pearson, ajoute effectivement près de deux minutes à la chanson originale, mais sans la bousiller.
Quant à l'autre face B, Nude night, c'est un instrumental électro assez sautillant par moments.

Les Flaming Lips devaient effectivement être contents de cette collaboration et de cette chanson, puisqu'ils ont intégré The golden path à leur répertoire sur scène sur au moins deux de leurs tournées.




The Flaming Lips, The golden path, en concert, le 24 janvier 2004 à Sydney en Australie.