30 mai 2019

THE WHO : Won't get fooled again


Acquis d'occasion dans la Marne dans les années 2000
Réf : 2121 057 -- Édité par Polydor en France en 1971
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Won't get fooled again -/- Don't know myself

J'aime bien certaines chansons de The Who mais je ne suis pas particulièrement un grand fan de ce groupe. Quand il s'est agi de parler ici de l'excellent roman de l'ami Christophe Sainzelle La double vie de Pete Townshend (attention, un deuxième livre est annoncé pour bientôt...), j'ai fait un pas de côté en chroniquant un 45 tours solo plutôt qu'un disque du groupe.
Que l'entité The Who soit encore active en 2019 avec l'annonce d'une tournée et d'un nouvel album alors que la moitié des membres du groupe de la grande époque est morte depuis belle lurette, ça me laisse plutôt indifférent, même si je m'étonne que les papys n'aient pas pris une retraite bien méritée.
Et pourtant, à force de la voir tourner d'un site à l'autre, j'ai fini par regarder la vidéo de leur participation le 15 mai dernier à Classroom instruments, une séquence de l'émission The tonight show de Jimmy Fallon où le présentateur, l'orchestre maison The Roots et les artistes invités jouent une chanson sur des instruments plutôt destinés aux enfants. Pour The Who, ça donne cette version de Won't get fooled again qu'un gars dans un commentaire sur YouTube a habilement attribuée à The Whoots :



Et là, c'est tout ce que j'aime. On ne se prend pas au sérieux, on rigole même un bon coup, et au passage on dépoussière un grand classique. Je n'irai jamais payé des centaines d'euros pour voir un des dinosaures du rock en concert, mais si The Who jouaient dans cet état d'esprit au café du coin je ne les manquerais pour rien au monde.
Je crois bien que je n'ai jamais écouté l'album Who's next en entier.  Je n'avais même jamais trop fait attention à la pochette jusqu'à ce que je lise des articles racontant comment la photo a été prise, pour donner l'impression que les membres du groupe venaient de pisser sur un énorme bloc de béton. Je ne connais que les deux classiques de l'album, Baba O'Riley et Won't get fooled again, mais surtout par des génériques télé, des pubs ou des passages radio.
J'ai quand même ressorti mon exemplaire de ce 45 tours acheté il y a quelques années. Il a bien souffert : la pochette en papier léger est éventrée ou décollée sur deux côtés et le disque lui-même est bien râpé.
On sait que Who's next est un album de neuf chansons qui est l'équivalent pour les Who de Smiley smile pour les Beach Boys, c'est à dire ce qui a pu être sauvé des meubles après l'abandon d'un projet (trop ?) ambitieux, Smile pour Brian Wilson, l'opéra-rock Lifehouse pour Pete Townshend.
Les deux faces du 45 tours ont été enregistrées au printemps 1971. Le disque est sorti en juin, deux mois avant l'album.
Pour l'occasion, on a taillé à la hache dans Won't get fooled again pour réduire de près de cinq minutes la version de l'album à une durée plus standard de trois minutes trente. Les principaux éléments qui font la réputation de la chanson ont été conservés : le motif de synthétiseur, le cri de Roger Daltrey, le refrain qui se termine en "We don't get fooled again". Je n'avais jamais prêté attention au thème des paroles, une histoire vieille comme le monde : après la révolution, des vestes se tournent, ça passe de gauche à droite ou  vice-versa, mais le nouveau pouvoir n'est pas si différent de l'ancien.
L'autre titre, Don't know myself, assez typique du style des Who, mais avec du piano et même un peu de guitare slide, est une face B avec un certain pédigrée : elle a également été écrite pour Lifehouse, enregistrée une première fois en 1970 pour un EP qui lui non plus n'a pas vu le jour, pui ré-enregistrée pendant les sessions de Who's next mais elle a été écartée de l'album. Les paroles sont en réaction aux articles qui analysaient en détail le caractère de Townshend : "Ne prétends pas que tu me connais, je ne me connais pas moi-même".
Bon, je vous laisse, il parait que c'est l'orchestre Les Rolling Stones qui accompagne dans quelques minutes le concert annuel de la chorale de la Maison de Retraite Municipale...




The Who, I don't even know myself, en concert au Festival de l'île de Wight le 29 août 1970. Roger Daltrey annonce que cette nouvelle chanson est extraite du nouvel album qu'ils ont à moitié terminé. Sauf que l'album en question, Lifehouse, sera abandonné et la chanson ne sera pas incluse sur Who's next.

25 mai 2019

BOBBY BOYD CONGRESS : The sun is shining


Acquis d'occasion dans la Marne dans les années 2000
Réf : SG 373 / AZ 10 772 -- Édité par Disc'AZ en France en 1972
Support : 45 tours 17 cm
Titres : The sun is shining -/- There it is

L'autre jour, j'ai vu chez Discogs qu'ils donnaient la liste des 30 disques les plus chers vendus en mars sur leur site. J'y ai repéré un exemplaire d'un album de Bobby Boyd Congress vendu 1460 $. Ça m'a interpellé car j'ai depuis quelques années ce 45 tours du groupe que je chronique aujourd'hui.
J'ai donc cherché à en savoir plus. Il s'avère que Bobby Boyd Congress, l'unique album du groupe, édité uniquement en France en 1971 et à très peu d'exemplaires (on parle de 300), est très recherché. Ceci pourrait expliquer ces prix délirants, si l'album n'avait pas été réédité en 2011, en 33 tours en tirage limité, certes, mais aussi en CD, qu'on trouve chez Discogs pour une dizaine d'euros. Va comprendre, d'autant que c'est pareil pour le 45 tours dont les deux titres sont extraits de l'album, avec une pochette identique, qui s'échange en moyenne à près de 200 €.
Cerise sur le gâteau, le groupe donne dans un funk-rock parfois à la limite du progressif et globalement l'album, quasi intégralement en écoute sur YouTube, n'est pas ma tasse de thé, à quelques exceptions près comme Straight ahead ou Are you gonna stay the while ?.
Et avec mon 45 tours, l'ultime production du groupe, sortie l'année suivante en 1972, est-ce que je vais faire fortune ? Ce n'est pas du tout dans ce but que j'accumule des disques, mais la réponse est non, en tout cas pour le moment : The sun is shining n'est sûrement pas aussi rare, d'autant qu'il a été édité dans trois pays (France, Italie, Canada), et pour l'instant on le trouve pour quelques euros seulement.
Et pourtant, et pourtant, quand j'écoute mon disque je ne vois pas pourquoi on s'y intéresserait moins qu'à l'album.
La face A, The sun is shining, démarre plutôt lentement, dans un style soul. Dans un commentaire de la vidéo sur YouTube, Bobby Boyd a indiqué qu'il avait Levi Stubbs et The Four Tops en tête quand il l'a écrite et ça s'entend. Dans sa deuxième moitié, la chanson décolle vraiment, avec les chœurs qui chantent "I think I'm gonna have a happy day", des cuivres et une voix parlée qui vient s'ajouter, pleine d'écho au point qu'elle semble sortir d'un mégaphone.
Très bien, finalement, mais la face B, There it is, est pour moi encore mieux. Là, y a pas à tortiller, c'est une pépite funk de moins de trois minutes, qui accroche dès l'introduction, avec un rythme implacable, une production claire et nette, et des bons délires sonores aussi. Le chant est excellent et l'ensemble est très accrocheur. C'est de loin mon titre préféré du groupe et un de mes titres funky préférés tout court, avec le King Kong de The Jimmy Castor Bunch par exemple. C'est tout à fait je crois ce qu'on appelle dans la scène soul-funk un "rare groove", un titre obscur que les DJs se réservent pour faire danser dans les soirées. Assez rare d'ailleurs pour que je ne le trouve nulle part en ligne : j'ai dû copier mon exemplaire pour vous faire écouter cette chanson.
Mais au fait, comment se fait-il que de la musique soul-funk de cette qualité soit sortie spécifiquement en France ? Ce n'est pas vraiment notre spécialité... La réponse est toute simple et elle nous est notamment donnée par Vincent Turban chez Funkysoulroots : The Bobby Boyd Congress était un groupe New Yorkais venu s'installer en France car la concurrence était rude chez eux.
Après l'album et le 45 tours The sun is shining, Bobby Boyd, chanteur et saxophoniste, a choisi de retourner aux États-Unis. Il y a notamment sorti en 1976 l'album Bobby Boyd, lui aussi recherché et réédité.
Quant aux autres membres du groupe, cinq d'entre eux  (Arthur Young, Frank Abel, Lafayette Hudson, Larry Jones et Ronnie Buttacavoli) sont restés à Paris et ont continué à jouer ensemble. Sous la houlette du producteur Pierre Jaubert (dont je n'avais jamais entendu parler mais qui a un parcours impressionnant), ils ont enregistré à la fois en session pour d'autres mais aussi comme artiste principal, sous plusieurs noms différents, dont surtout Lafayette Afro-Rock Band et Ice. Ils ont sorti plusieurs albums dans les années 1970, qui se sont peu vendus mais dont la réputation a grandi au fil des années, notamment parce que le milieu du hip hop a beaucoup samplé certains de leurs titres comme Hiache et Darkest light. C'est l'intérêt pour les productions de Lafayette Afro-Rock Dance et Ice qui explique que l'album de leur premier groupe soit lui aussi très recherché.
Il me semblait bien avoir récemment vu mentionner le Lafayette Afro-Rock Band. Eh bien, c'était pas plus tard qu'au début du mois, quand j'ai préparé ma chronique du 45 tours de Radiah. Eh oui, le fameux groupe américain qui accompagne Nino Ferrer sur l'album Nino and Radiah (à la seule exception de South), c'est justement Ice !
En tout cas, j'aurais beau retourné toutes mes étagères, je ne pense pas y trouver beaucoup de pépites de funk américain made in France de la trempe de There it is.

A écouter : Bobby Boyd Congress : There it is.

19 mai 2019

JOAN BAEZ & ENNIO MORRICONE : Sacco et Vanzetti (Bande originale du film)


Acquis d'occasion dans la Marne dans les années 2000
Réf : 49748 -- Édité par RCA Victor en France en 1971
Support : 45 tours 17 cm
Titres : La ballata di Sacco e Vanzetti -/- Here's to you

J'imagine que, pour beaucoup, Joan Baez évoque avant tout les années soixante, le folk, Bob Dylan, la chanson contestataire, la lutte pour les libertés civiques, les festivals de Newport ou Woodstock,... Mais pour moi elle est éternellement associée à la chanson Here's to you, son plus grand succès en France il faut dire, tout simplement parce que c'est la première chanson que j'ai connue d'elle.
On avait le 45 tours à la maison, avec cette pochette sépia qui pourrait faire penser que c'est la bande originale d'un vieux film en noir et blanc, et je crois bien que la chanson plaisait à tout le monde dans la famille. Je me souviens que, avant même que je m'attaque aux paroles du premier album de Lewis Furey, j'avais appris par cœur et essayé de comprendre celles de cette chanson, très courtes et imprimées au verso de la pochette : "Here's to you, Nicola and Bart. Rest forever here in our hearts. The last and final moment is yours. That agony is your triumph !".
Tout ça ne se passait pas en 1971, l'année de la sortie du disque, plutôt quelques années plus tard, vers 1975-1976 je dirais, au moment où j'ai commencé à apprendre l'anglais. Je ne sais pas où est le 45 tours familial aujourd'hui, sûrement chez ma maman, mais je l'ai racheté il y a quelques années, et plutôt trois fois qu'une puisque j'ai aussi un autre exemplaire français avec une pochette différente (photo de Joan) et un exemplaire italien avec l'affiche du film en pochette (italien mais distribué en France car une étiquette avec la référence 49.748 marque la référence originale OC 17).
Car oui, les deux chansons de ce 45 tours sont extraites de la bande originale du film Sacco et Vanzetti de Giuliano Montaldo, dont la musique est composée par Ennio Morricone.


La longue bande annonce du film Sacco e Vanzetti. On entend Here's to you pendant la dernière minute.

Le film raconte l'histoire de l'affaire judiciaire qui a abouti en 1927 à l'exécution de Nicola Sacco et Bartolemeo Vanzetti. Je n'ai pas l'impression que ce film soit devenu un classique, mais il a participé à la compétition au Festival de Cannes en 1971 et Riccardo Cucciolla a reçu le prix d'interprétation masculine.
Joan Baez a passé l'été 1970 en France. Elle vivait une situation particulière puisqu'elle se retrouvait seule avec son bébé né en décembre 1969, son mari David Harris ayant été incarcéré pour son rôle actif de lutte contre la conscription pour le Vietnam. Au cours de cet été, elle a notamment joué à Arles et au Festival de Biot. Le 17 septembre 1970, un reportage sur son séjour est diffusé dans l'émission A l'affiche du monde :



Apparemment, c'est le réalisateur Giuliano Montaldo qui a souhaité la participation de Joan Baez à ce projet. On peut être certain que la thématique du film et le sort fait à ces deux militants anarchistes ne pouvaient que l'intéresser. Morricone est venu la rencontrer à Saint-Tropez et elle a fait un séjour très rapide à Rome le 15 août 1970 pour enregistrer ses voix pour les thèmes du film.
Ce n'est pas très clairement indiqué sur cette édition, mais je pense bien que, nominalement, c'est La ballata di Sacco e Vanzetti qui est la face A du 45 tours. J'ai très rarement écouté cette chanson et je ne l'adore pas.
Le succès du disque, c'est bien Here's to you, une composition un peu particulière, une sorte de ritournelle qui répète, et répète et répète la même phrase musicale et ses quatre vers de paroles. Des choeurs se joignent à la voix principale en cours de chanson et, à la fin, on n'entent quasiment plus Joan Baez.
Outre son grand succès et les différentes éditions du 45 tours, Here's to you a suscité une impressionnante frénésie discographique en France.
Comme il l'explique en public au Théâtre Dejazet, c'est à la demande de Joan Baez que Georges Moustaki a adapté Here's to you dès 1971 sous le titre La marche de Sacco et Vanzetti. Il ne s'imaginait sûrement pas le tsunami qu'il allait ainsi susciter puisque, successivement, Les Compagnons de la Chanson en 1971, Tino Rossi en 1972 et Mireille Mathieu en 1974 sur son album Mireille Mathieu chante Ennio Morricone ont enregistré La marche de Sacco et Vanzetti. Voici pour le plaisir une Mireille Mathieu dans le vent mimant la chanson en 1975 dans l'émission Midi Première de Danielle Gilbert.
Quant à Joan Baez, elle a toujours gardé Here's to you à son répertoire et c'est avec cette chanson qu'elle a conclu l'an dernier son concert à l'Olympia dans le cadre de sa tournée d'adieu.




Joan Baez, Ballade de Sacco et Vanzetti, en direct, dans l'émission Le grand échiquier, probablement.


Un reportage de l'émission Pour le cinéma du 6 juin 1971 autour de Sacco e Vanzetti, avec interventions de Riccardo Cucciolla et Joan Baez.


Un très grand moment de télévision dans l'émission L'invité du dimanche du 7 février 1971 : Giuliano Montaldo et Ennio Morricone écoutent ensemble le disque de La ballata di Sacco e Vanzetti !


A revoir jusqu'au 30 juin 2019, Joan Baez en concert à l'Olympia de Paris en juin 2018 dans le cadre de sa tournée d'adieu, avec à la batterie Gabriel Harris, son fils, le bébé de 1970 dans l'émission A l'affiche du monde.



12 mai 2019

THEE STASH : Should I suck or should I blow ?


Acquis à Paris le 13 avril 2019
Réf : GH-55 -- Édité par Get Hip Recordings aux États-Unis en 1993
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Should I suck or should I blow ? -/- We're selling jeans for the U.S.A.

Comme je le disais hier, l'utilisation d'une chanson de The Clash pour une pub Levi's a suscité des réactions parfois virulentes, et parmi elles figure ce 45 tours attribué à Thee Stash (Le Magot). J'ai récupéré à Paris, le même jour que le Radiah, cette réédition américaine de 1993 d'un 45 tours sorti à l'origine en Angleterre en 1991, sûrement juste après la diffusion de la pub et la ressortie de Should I stay or should I go.
On y pensait bien sûr avec l'utilisation de l'article à la lettre finale doublée dans le nom du groupe, mais les crédits sur le rond central confirment sans aucun doute qu'il s'agit là d'un projet du très prolifique Billy Childish, connu pour avoir été membre, entre autres, de Thee Milkshakes, Thee Mighty Caesars et Thee Headcoats !
Et que nous propose-t-il ici ? Un 45 tours qui se moque gentiment des Clash, avec deux reprises aux titres détournés, celle du tube et celle de I'm so bored with the USA, devenue We're selling jeans for the U.S.A.
L'ensemble est réalisé avec un souci marqué du détail. La pochette parodie celle du premier album; au verso, les lettres du logo Levi's sont inversées pour donner "S'vile" (C'est infâme) et l'étiquette du disque rappelle celle des disques CBS, le label de The Clash.
Côté musique, les versions, évidemment basse fidélité, sont assez fidèles aux originales. J'ai juste un petit regret, c'est que les paroles de Should I suck or should I blow ? soient en fait à 99 % les paroles originales. J'aurais préféré que les allusions à des pratiques sexuelles contenues dans le titre soient déclinées sur le disque, d'autant que, si j'en crois l'information disponible sur le site Songfacts, l'enregistrement original de Clash contenait un vers, "On your front or on your back", remplacé par "If you want me off your back" dans la version diffusée sur l'album.
Ce 45 tours me fait irrésistiblement penser à celui de Big Black sur lequel on trouve des reprises de Kraftwerk et de Cheap Trick, qui parodiait lui aussi les pochettes originales. Mais Big Black faisait clairement dans l'hommage, alors que Thee Stash vise plutôt la satire. Mais il faut croire que Billy Childish et ses potes sont avant tout de grands fans de The Clash puisque, alors qu'on aurait pu penser que ce disque serait le seul et unique de ce projet (il n' y a pas eu d'autre pub !), Thee Stash a remis le couvert en 1994 avec un deuxième 45 tours chez Damaged Goods, sur lequel on trouve à nouveau deux reprises de The Clash, dont What's my name.


11 mai 2019

THE CLASH / BAD II ‎– Should I stay or should I go


Acquis d'occasion probablement vers la fin des années 2000
Réf : COL 656667 2 -- Édité par Columbia en Europe en 1991
Support : CD 12 cm
Titres : The Clash : Should I stay or should I go -- BAD II : Rush -- BAD II : Rush (Dance mix) -- The Clash : Protex blue

Tout au long de son parcours jusqu'à sa séparation en 1986, The Clash a suscité de nombreuses critiques et polémiques, notamment à cause des contradictions inhérentes entre son statut initial de groupe punk, militant, avec une forte conscience sociale et le fait qu'ils avaient choisi de signer un contrat d'enregistrement avec CBS, l'une des plus grosses multinationales du disque à l'époque, américaine de surcroît. Et voilà comment un groupe se retrouve en 1977 avec un premier album qui contient une chanson intitulée I'm so bored with the USA, album qui ne sortira aux États-Unis, dans une version retouchée, qu'en 1979. Et ça c'était avant que la fascination des membres du groupes pour la culture américaine ne soit de plus en plus évidente au fur et à mesure du déroulement de leur discographie.
Mais la plus grosse polémique à propos de ces "vendus" de Clash est intervenue en 1991, cinq ans après la fin du groupe, quand l'autorisation a été donnée à la marque (américaine) de jeans Levi's d'utiliser la chanson Should I stay or should I go dans une de ses pubs :



Les années 1980 et 1981 ont été des années Clash pour moi (parmi plein d'autres sons), avec les albums London calling et Sandinista ! et deux concerts à Paris en mai et septembre 1981. Mais en 1982 j'étais passé à autre chose, et en tout cas je ne me suis pas du tout intéressé à l'album Combat rock au moment de sa sortie, ni aux 45 tours qui l'ont accompagné. Et pourtant, aujourd'hui, en reprenant à froid la liste des titres, force est de constater qu'il y en a une poignée que j'aime beaucoup : Straight to hell, Rock the casbah, Know your rights, Ghetto defendant et Should I stay or should I go.
Cette chanson est chantée, et sûrement principalement écrite, par le guitariste Mick Jones. Je savais qu'il en avait chanté d'autres, et j'aurais pu citer Stay free, Train in vain et Lost in the supermarket, mais si j'en crois une playlist YouTube dédiée à ces titres, il y en a eu bien plus que ça.
La première sortie en 45 tours de Should I stay or should I go ne s'était que modérément vendue. En 1991, CBS a profité de l'impact de la pub pour la ressortir, avec logo de la marque accolé au nom de The Clash s'il vous plaît !, et là, bingo, le disque s'est retrouvé en tête des ventes en Angleterre, le plus grand succès commercial de toute l'histoire du groupe !
Il faut dire que c'est une bonne chanson, qui sonne comme un classique. Peut-être trop comme un ou plusieurs classiques d'ailleurs, puisque mon estime pour cette chanson a diminué de quelques crans quand j'ai appris en préparant cette chronique que ça structure est plus ou moins pompée sur celle de Little latin Lupe Lu de Mitch Ryder & The Detroit Wheels (1966, j'entends le rapport mais ça ne parait pas trop scandaleux) et sur Let me know de John's Children (enregistrée fin 1966, parue sur l'album Orgasm en 1970, et là il y aurait sûrement matière à procès).
C'est cette réédition CBS que j'ai achetée il y a quelques années au format CD. Les polémiques autour de ce disque ne se sont pas limitées aux liens avec Levi's. En effet, certains ont trouvé que cette réédition faisait une part trop belle à Mick Jones, alors toujours sous contrat avec CBS, chez qui il s'apprêtait à sortir l'album The globe de BAD II.
Or, sur les faces B de ce maxi, crédité de fait à The Clash / BAD II,, on trouve Protex blue, un titre du premier album de The Clash, aussi chanté par Mick Jones, comme par hasard, et surtout le nouveau titre de BAD II, Rush, dans sa version de l'album, celle que j'adore et que j'ai longtemps utilisée dans l'indicatif de mon émission de radio Vivonzeureux! (en attendant la mort...), et dans un mixage dance sans intérêt. Évidemment, le reproche fait à Mick Jones était d'utiliser cette sortie de The Clash pour faire la promotion de son propre groupe, et encaisser des brouzoufs aussi, je suppose.
The Clash s'est distingué par la suite, et a conservé un certain respect, en résistant aux nombreuses propositions lucratives de reformation. Mais, juste avant le décès soudain de Joe Strummer fin 2002, lui et Jones étaient à nouveau très proches, composaient ensemble, se sont produits sur scène ensemble, et on aurait peut-être finalement revu The Clash sur scène en 2003, par exemple quand ils ont été intronisés au Rock and Roll Hall of Fame.


The Clash, Should I stay or should I go, en concert en 1983 au US Festival à San Bernardino en Californie.


BAD II, Rush.

08 mai 2019

PROFESSIONAL UHURU DANCE BAND : The best of Uhuru


Offert par Philippe R. à Nantes le 27 janvier 2019
Réf : 6361 008 (PL) -- Édité par Philips West African Records au Nigeria en 1971
Support : 45 tours 17 cm
12 titres

L'autre jour, il m'a pris l'idée de classer mes disques enregistrés dans mon compte Discogs en fonction de leur prix moyen de vente. Parmi ceux qui se sont vendus le plus chers, il y en a une majorité que je me serais attendu à y trouver, mais il y en a quelques-uns dont la présence m'a surpris : le 45 tours promo de Depeche Mode acheté 50 centimes en 2017, avec un titre très courant et une pochette sans intérêt qui reproduit le logo du label; le premier album de Slowdive Souvlaki en 33 tours, alors que l'album en général n'est pas rare du tout et qu'il a été réédité en CD (y compris avec plein de bonus) et même en vinyl; le 45 tours du groupe belge The Cousins trouvé sur un vide-grenier en 2015, dont l'un des quatre titres est certes une pépite jamais rééditée, mais de là à payer 120 € pour l'acheter ?
La seule conclusion à en tirer c'est que le prix de vente de ces disques rares n'est pas strictement corrélé à la rareté de la musique qu'ils contiennent, ni à sa qualité.
Toujours dans le haut de cette liste, on trouve plusieurs disques que Philippe m'a offerts, comme la compilation 25 cm de Felt et le 45 tours de Yesterday's Children. En première place, on trouve cette compilation de The Professional Uhuru Dance Band avec une pochette au graphisme réussi, crédité à Ebele et Chinye, dont un exemplaire a été vendu 500 € l'an dernier et un autre exemplaire est actuellement mis en vente à 310 €.
Là, ce qui peut expliquer le prix de ce disque, c'est effectivement sa rareté. Il s'agit d'une compilation de 45 tours parus en Afrique de l'Ouest. Les 45 tours sont tous très rares et les deux CD de ce groupe édités par la suite, où l'on ne trouve que quelques titres de cet album, sont eux-mêmes très difficiles à trouver.
The Uhuru Dance Band a été formé en 1964 au Ghana. Le groupe s'appelait auparavant, depuis 1958, The Broadway Band. Ebo Taylor, musicien ghanéen réputé, en a été membre pendant un moment. Un de ses meneurs est Stan Plange, mort en 2015.
The Professional Uhuru Dance Band est un groupe de Highlife du Ghana, exactement comme The Ramblers Dance Band, dont j'ai trouvé un album il y a juste quelques mois.
Dans mon esprit, le Highlife était une musique où les guitares dominent, et ce fut bien le cas tardivement, mais initialement, dès les premières décennies du vingtième siècle, le Highlife était joué par de grands orchestres de danse, des big bangs de jazz où les cuivres dominaient, qui animaient les bals et les soirées dansantes des hôtels et de la bonne société.
C'est ce son très jazz et cuivré qui domine sur cet album, dont les titres ont dû être enregistrés tout au long des années 1960. Ça peut être très bien, comme avec Nkrobo, Foot esia et Ewu ngyadze le montrent, mais initialement ça m'a déçu.
Mais les choses ont évolué au fil des années. Dans le chapitre 12 de son livre Musicmakers of West Africa (1985), l'auteur John Collins s'entretient avec Stan Plange : "A l'époque, les musiciens des orchestres de danse regardaient de haut les musiciens des groupes à guitare car ils pensaient qu'ils étaient d'une catégorie inférieure de musiciens. J'ai essayé de rassembler les deux et j'ai utilisé des utilisé des musiciens de danse et des guitaristes pour l'enregistrement.".
Dans le livre, Stan Plange fait référence à Eno brebre, un 45 tours paru vers 1970 et crédité au Stan's Experimental Chorus, mais cette intégration de la guitare s'entend déjà ici sur mes titres préférés, Wobekumi (avec une partie solo de guitare qui remplace le solo de cuivre de la version 45 tours de 1966 disponible sur YouTube), Wobe tomino et surtout Eben asem na ommba da, où la guitare et les chœurs dominent, sans que les cuivres soient présents.
En tout cas, si vous avez des disques rares que vous souhaitez placer dans une bonne maison, faites comme Philippe, n'hésitez pas à me les offrir !

A écouter
Professional Uhuru Dance Band : Eben Asem Na Ommba Da

05 mai 2019

THE KINKS : Dedicated follower of fashion


Acquis sur le vide-grenier de Oiry le 7 avril 2019
Réf : 7N.17064 -- Édité par Pye en Angleterre en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Dedicated follower of fashion -/- Sittin' on my sofa

Il y avait juste une poignée de 45 tours posée sur le stand. J'ai demandé le prix, et c'était 50 centimes. J'ai repéré assez vite une enveloppe blanche et bleue postée d'Argentan en 1975, à l'effigie des Emballages Speed, censée contenir des disques bleus, souples et publicitaires. On le sait depuis Vente interdite, je m'intéresse aux disques hors commerce, dont les disques publicitaires.
Là, l'enveloppe contenait bien cinq disques bleus, pas vraiment intéressants, mais on y avait ajouté un exemplaire sans pochette de ce 45 tours original anglais des Kinks, l'un de leurs grands succès de 1966. Bingo !
C'est l'occasion pour moi de prêter plus d'attention que je ne l'avais fait jusque-là en écoutant des compilations à Dedicated follower of fashion et de chroniquer pour la première fois ici (enfin...!) un disque de The Kinks.
Les exégètes s'accordent pour dire que, avec A well respected man, sortie quelques mois plus tôt, Dedicated follower of fashion est l'une des chansons qui marquent l'évolution de l'écriture de Ray Davies vers des titres moins rock 'n' roll, avec une influence du music-hall des paroles très réussies qui, dans ce cas précis, se moquent allègrement de la culture mod et plus largement des victimes de la mode du Londres de l'époque :
"He thinks he is a flower to be looked at
And when he pulls his frilly nylon panties right up tight
He feels a dedicated follower of fashion
Oh yes he is (oh yes he is), oh yes he is (oh yes he is)
There's one thing that he loves and that is flattery
One week he's in polka-dots, the next week he is in stripes
'Cause he's a dedicated follower of fashion"
Avec ses "Oh yes he is" répétés et chantés en chœur dans le refrain, la chanson est entraînante et fonctionne bien.
Dans le NME du 18 mars 1966, Ray Davies déclarait à propos de cette chanson : "La façon dont on l'a d'abord enregistrée était trop élaborée. Si on travaille trop dur sur un titre on perd quelque chose. J'ai fait revenir Shel Tamy d'Amérique, où il était occupé à attaquer les Who en justice, et on a recommencé, en simplifiant l'arrangement. J'ai trouvé le rythme à la guitare en roulant en voiture et les paroles ont semblé tomber naturellement sur les accords. Je crois que c'est important que les paroles s'ajustent presque toutes seules. On m'a dit que c'est comme ça que les Beatles travaillent.".
L'autre titre, Sittin' on my sofa est plus électrique. C'est un blues-rock assez typique mais pas mal du tout dans le genre.
Comme le raconte Mat Schofield dans son blog From between the cracks... sometimes you find gold, le surmenage et les pressions liées au succès ont fait craquer Ray Davies au printemps 1966. Il a été absent six semaines, dont une partie, passée à l'hôpital. Dans l'intervalle, le groupe a tourné avec un guitariste d'appoint en France et en Belgique. Ray Davies a repris la scène le 16 avril 1966 à La Locomotive à Paris. Il avait récupéré et il s'était remis à écrire de manière compulsive. La veine initiée avec A well-respected man et Dedicated follower of fashion allait continuer à produire dans les mois suivants des classiques et des succès de la trempe de Sunny afternoon et Waterloo sunset.




The Kinks à la télévision et en public en mars 1973, avec un Ray Davies en grande forme pour une version très courte et enlevée de Dedicated follower of fashion.

01 mai 2019

RADIAH : Play-boy-scout


Acquis à Paris le 13 avril 2019
Réf : CBS 3753 -- Édité par CBS en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Play-boy-scout -/- Croco du ciel

Quand un ami me propose d'aller faire des emplettes chez un de ses amis qui vend une partie de sa collection de disques, j'accours. D'autant plus quand cet ami applique à fond la transitivité à la relation d'amitié et fait des prix d'amis aux amis de ses amis.
Du très beau lot de disques que j'ai acquis à cette occasion, je n'imaginais pas que celui-ci serait le premier que j'allais chroniquer. Je l'ai sélectionné au départ simplement parce que c'est un disque solo de Radiah, la Radiah de l'album Nino and Radiah avec la chanson South et du 45 tours Le Sud, avec la même photo de pochette de Richard Bennett recadrée en plan plus serré.
Sur l'album, aux paroles entièrement en anglais, Radiah Frye co-signe cinq des huit titres et chante.
J'avais noté que les deux chansons de ce 45 tours étaient de Nino Ferrer mais je n'en attendais rien de particulier au-delà de la pochette qui ne passe pas inaperçue, assez représentative de son époque, le milieu des années 1970.
Eh bien, j'ai été agréablement surpris dès les premières notes de Play-boy-scout : l'ADN de cette chanson, c'est du rhythm and blues, le même que celui qui a inspiré Ferrer tout au long des années 1960. Les paroles sont légères mais assez réussies, même si je ne savais que les libellules avaient des tentacules en plus de leurs mandibules.
En enquêtant, j'ai découvert que cette chanson a priori inconnue a un pédigrée impressionnant. Elle a été enregistrée par Nino Ferrer en 1970, en italien et en public, sur son album Rats and roll's. Il ne l'a lui-même pas enregistrée en français ni en studio mais, dans son livre Je t'aime, moi non plus : Les amours de la chanson française et du rock, Yves Bigot indique que, sous le titre La libellule et le papillon, il avait initialement destiné cette chanson à Brigitte Bardot, rencontrée à l'été 1970, avec qui il a eu une liaison éclair.
Mais l'aventure de cette chanson finalement pourvue d'un titre en mot-valise pas mal trouvé ne s'arrête pas avec le 45 tours de l'américaine Radiah. Par ses liens je suppose avec son pays d'origine, Play-boy-scout a été repris aux Etats-Unis par Melba Moore, en français s'il vous plaît !, en pleine vague disco, sur son album This is it produit en 1976 par Van McCoy, qui venait d'avoir un énorme succès avec The hustle.
La deuxième bonne surprise de ce 45 tours, c'est que la face B, Croco du ciel, est intéressante aussi. J'aime notamment la répétition des vers des couplets par une voix masculine, ça me rappelle une chanson d'Otto où le même procédé était utilisé. J'imagine que c'est la voix de Nino Ferrer lui-même. Entre l'accent de Radiah et la production, je ne saisis pas toutes les paroles, mais je pense qu'elles commencent ainsi : "La nuit tombe sur l'eucalyptus au dessus de l'arrêt du bus. C'est ainsi que commence l'affaire du crocodile et de grand-père.".
Ces paroles sont signées par Charles Matton, connu pour être peintre, cinéaste et photographe. C'est aussi lui l'auteur de la photographie de pochette du 45 tours. Selon Christophe Conte et Joseph Ghosn dans leur livre Nino Ferrer : Du noir au sud, Radiah et Charles Matton avaient une liaison à cette époque. En 1976, dans le film écrit et mis en scène par Charles Matton connu comme Spermula mais qui devait initialement s'appeler L'Amour n'est qu'un fleuve en Russie (il a été réédité dans un coffret paru l'an dernier), Radiah joue le rôle de Ruth et on la voit danser sur Play-boy-scout dans une scène du film :



Après ce disque, Radiah et Nino Ferrer ont collaboré à nouveau l'année suivante sur un autre 45 tours, Il peut bergère, une chanson que Nino a enregistrée lui-même en 1977 sur son album Véritables variétés verdâtres. Au dos de la pochette du 45 tours, on voit une campagne de promotion visant à faire acheter des albums aux acquéreurs de 45 tours, mais CBS n'a pas publié d'album solo de Radiah à cette époque.
Par la suite, Radiah a publié quelques autres disques. Chez Discogs, on trouve mention d'une reprise de Salade de fruits par Radiah et Malvina en 1977 et du single Power hungry écrit et co-produit par Gino Soccio en 1980. Mais il y a eu aussi un album intitulé Too much en 1995, et sûrement d'autres disques, sans parler des nombreuses sessions qu'elle a faites comme choriste. Elle a également été l'une des membres du groupe New Paradise.
Ces dernières années, Radiah s'est produite souvent sous son nom, ou avec son groupe nommé The Funky Dogs ou Radiah Dogs.


Nino Ferrer, avec Radiah Frye, interprète South et Le Sud.