Acquis au Carrefour de Châlons-sur-Marne en 1978 ou 1979
Réf : 69201 -- Edité par DiscReet en France en 1974
Support : 2 x 33 tours 30 cm
10 titres
J'ai eu la chance de ne pas être confronté à la mort pendant toute mon enfance : aucun des membres de ma famille proche n'est mort pendant cette période, pareil pour mes amis, et je n'ai assisté à aucun drame.
Ça m'est tombé dessus au lycée, vers quinze ans. Je suis arrivé un matin en cours, et toute la classe était en ordre dispersé dans le couloir, certains des élèves pleuraient. J'ai demandé ce qui se passait et Christine m'a répondu que Bruno était mort dans un accident de voiture.
J'en ai vite su un peu plus sur les circonstances de l'accident. Ça c'est passé un soir, il y avait du brouillard et il faisait très froid. La voiture dans laquelle il circulait a raté le virage avant le pont qui mène à Sarry en venant de Sogny-aux Moulins et est tombée dans le canal, dont la surface était en grande partie gelée à cette époque de l'année. Seul un des trois passagers a pu sortir de la voiture et remonter sur la berge. Bruno et un de ses meilleurs copains sont morts dans l'accident.
J'avais fait la connaissance de Bruno au moment de notre entrée en seconde. Il avait deux ans de plus que moi, mais aussi des grands frères et pas mal de copains dans les classes au-dessus. Il avait le contact facile et son côté dégourdi et débrouillard me fascinait un peu. Sans devenir particulièrement proches, nous avons commencé à faire pas mal de choses ensemble, avec notamment mes premières sorties de lycéen (concerts, théâtre) et les premières soirées.
A sa mort, je m'étais promis de ne pas l'oublier, et notamment d'avoir une pensée pour lui chaque année à la date de son décès. Force est de constater que, moins de trente ans plus tard, cette date je l'ai oubliée. J'avais gardé en tête un jour en décembre 1977. En y repensant récemment, je m'étonnais même d'avoir fait connaissance aussi vite avec Bruno entre la rentrée de septembre en seconde et sa mort.
Et puis, je suis tombé sur cette photo de classe de l'année 1978-1979 en première. La première fois que je l'ai regardée, je n'ai pas fait particulièrement attention. Je me suis juste étonné qu'il y ait une bonne moitié des visages de ces gens avec qui j'ai passé des dizaines d'heures en cours pendant plusieurs années sur lesquels je ne suis plus capable de mettre un prénom et un nom. La deuxième fois, ça m'a sauté aux yeux : ce gars que je n'avais pas reconnu la fois d'avant, qui réussit à ne pas être ridicule dans cet exercice imposé, ce gars avec son air à la Mick Jagger jeune, sur cette photo probablement prise à l'automne 1978, c'est bien Bruno, sans aucun doute.
Je n'ai aucune autre photo ni aucun document de cette époque au lycée. Je n'ai pas retrouvé chez moi l'avis de décès ni l'article de journal racontant l'accident et lorsque j'ai consulté les archives du journal local aux dates que je pensais être celles de l'accident, je n'ai rien trouvé.
Donc, cette date, non seulement je ne sais plus où elle se situe précisément dans l'année, mais je ne sais même plus quelle année c'était : pas en 1977, donc, alors sûrement en 1978, ou alors en 1979...
De toute façon, cette date n'est pas très importante, sauf pour l'idée que je me fais de la qualité de mes neurones et de mes repères temporels. En tout cas, je n'ai pas oublié Bruno, et je me souviens surtout de la fois où je suis allé chez lui après les cours. Nous avions passé un bon moment à écouter des disques, notamment des EP des Rolling Stones, qu'il tenait d'un de ses frères, et des albums de Zappa, Apostrophe, Bongo fury, l'album en collaboration avec Captain Beefheart, et ce double album live.
A la suite de cette séance d'écoute, avant ou après le décès de Bruno, et en fonction de mes disponibilités d'argent de poche, j'ai acheté deux disques à Carrefour. D'abord l'album (Got live) If you want it des Rolling Stones dans l'édition en collection Age d'or des Rolling Stones, même si la version de Lady Jane qu'on y trouve, avec les cris hystériques du public bien mixés en avant, a peu de choses à voir avec la broderie qu'est la version studio que j'avais écoutée ce jour-là. Et aussi, ce double live de Frank Zappa, Roxy & elsewhere, qui avait un avantage au niveau qualité-prix car il était à "Deux disques pour le prix d'un".
J'ai réécouté ce disque aujourd'hui pour la première fois depuis qinze ou vingt ans. Inutile de préciser que cette musique à mi-chemin entre le jazz-rock et le progressif, avec des musiciens comme George Duke, n'est pas vraiment ma tasse de thé. Ce que je peux vraiment aimer chez Zappa aujourd'hui est à chercher dans les tous premiers Mothers of Invention, particulièrement l'album parodie-hommage au doo-wop Cruising with Ruben & The Jets.
En fait, et ça risque de faire hurler tous mes copains fans de Zappa, la seule chose que j'apprécie vraiment à l'écoute de ce disque, c'est quand Frank Zappa parle, particulièrement sur la première face, qui est celle que j'ai dû le plus écouter : contrairement à l'époque, je comprends l'intégralité du tout premier préambule, j'aime beaucoup quand Zappa lance le premier titre en disant "She's just like a penguin in bondage boy, oh yeah, oh yeah, oh" (mais ça se gâte aussitôt après quand la musique démarre), Pigmy twylyte est sûrement mon morceau de musique préféré du disque et surtout Zappa enchaîne sur les cinq minutes de sketch de Dummy up, où il est notamment question de fumer un diplôme avec une vieille chaussette dedans ! "Smoke that ?!"
A part le préambule avant Cheepnis, il n'y a vraiment rien d'autre pour moi dans ce double album mais, vous l'aurez compris, ce disque a au moins une grande qualité, celle d'être rattaché à des souvenirs qui, grâce à sa présence, ne se sont pas effacés de ma mémoire. Quand j'entends Zappa dire "What is that ? I know what that is", je suis instantanément ramené à cette après-midi dans une chambre de lycéen où il avait peut-être bien fallu que Bruno m'explique ce dont il était question quand Zappa parlait de joint et d'en fumer...!
Ce billet est évidemment dédié à Bruno Fosset.
6 commentaires:
J'ai un souvenir un peu analogue mais un peu plus ancien... Au fait, tu es où Pol sur la photo ? Je pense que Bruno est à l'extrême droite dans la rangée du milieu ?
Jean-Charles,
Oui à la deuxième question...
J'y suis aussi. Comme il n'y a que 7 gars en plus du prof, cela fait 6 possibilités. Ceux qui me connaissent n'auront probablement pas de mal à me reconnaître...
cher vieux polo,bon en prenant de l'âge c'est inévitable de donner dans la nécro, effectivement on vous reconnaît mon bon au 1er coup d'oeil.Avez vous fréquenté de plus prêt la brunette sur votre gauche?Je vous le souhaite. Quant aux commentaires sur roxy: gagné polo: nous sommes fachés à jamais!!! yé yé yé! ph.
je t'ai vite reconnu moi aussi (malgré cet air un peu triste, un fois n'est pas coutume) mais le premier que j'ai trouvé, c'est Mick-Bruno-Jagger ; c'est vrai qu'il s'en tirait bien dans ce dur exercice de la photo...
Pour Zappa, moi j'adore Cheepnis, c'est quand même un sacré collage, pis y a de la fuzz et tout... Pourtant j'aime pas grand chose de l'époque. Mais les Combis ont réussi à me pervertir sur ce coup là !
:)
le vieux thorax
Les pubs pour les concerts concentrées dans les dernières pages de Mojo suscitent souvent en moi un mélange d'écoeurement et de fascination.
On y croise reformations improbables, résurrections impossibles et hommages-décalques à se tordre.
Une pub dans le n° daté d'octobre 2013 atteint des sommets. Sous l'entête Zappa plays Zappa - Roxy & Elsewhere, on y trouve l'annonce d'une tournée où, pour les 40 ans de sa sortie, ce double-album live est rejoué dans l'ordre par un fils Zappa accompagné d'un groupe et même de quelques vidéos retravaillées de feu le père. Apparemment, Dweezil fait ça depuis au moins 2010. Ce qui me surprend le plus, c'est qu'il y ait un public pour ce genre de pantomine.
Je ne le savais pas, mais les concerts de Zappa et les Mothers au Roxy avaient été filmés en plus d'être enregistrés. Après plus de quarante ans, Roxy : The movie va finalement sortir en DVD le 30 octobre.
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