14 juillet 2019

ORCHESTRE BAYA BAYA : Mama ndangi


Acquis sur le vide-grenier de la F.C.P.E. à Ay le 30 juin 2019
Réf : 91 085 (Mabele 08) -- Édité par African en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mama ndangi 1 -/- Mama ndangi 2

Je fréquente la brocante de la F.C.P.E. sur le parking du collège à Ay depuis une bonne vingtaine d'années maintenant et, au fil du temps, j'y ai trouvé quelques disques très intéressants, parmi lesquels Indépendance cha cha d'African Jazz et le 78 tours de Blind Willie Dunn's Gin Bottle Four.
Cette année, j'ai bien cru que j'allais devoir me contenter (et c'est déjà pas si mal) de CD à 1 € d'albums de CocoRosie, Les Rita Mitsouko et IAM que je n'avais pas. Mais à un moment, au milieu d'une petite pile d'une dizaine de disques de variété posée sur une table, je suis tombé sur ce 45 tours, dont la pochette est en très bon état. Le disque lui-même aurait aussi pu être en très bon état, les sillons sont propres, mais en le sortant de sa pochette je me suis rendu compte qu'il était ébréché, chose assez rare pour un vinyl.
J'ai montré le disque à la vendeuse, qui s'est confondue en excuses en expliquant qu'elle n'avait pas contrôlé tous les disques. Elle voulait le mettre à la poubelle, mais c'est là que je suis intervenu en lui disant que, même dans cet état, le disque et sa pochette m'intéressaient pour ma collection, et que je lui en proposais 10 centimes. Elle a été interloquée, mais on a fait affaire et je suis reparti avec ma trouvaille, bien content, même si je ne peux écouter qu'environ 80% de mon disque (il manque un peu plus d'une minute sur les 5 minutes et quelques que dure chacune des faces).
Ce disque fait partie des centaines de disques édités en France par African, dont la plupart des exemplaires ont dû être distribués au Congo et dans d'autres pays d'Afrique.
On  en a déjà parlé à propos du disque de l'Orchestre Tembo, African avait un dédain particulier pour les photos de pochette de ses 45 tours : un même disque pouvait sortir avec plusieurs illustrations différentes, choisies dans des catalogues d'agences et n'ayant rien à voir avec la musique concernée, et la même illustration pouvait servir pour plusieurs disques différents. Par exemple, si vous allez chez Dial Africa télécharger Bumba, un autre 45 tours de l'Orchestre Baya Baya, vous remarquerez que c'est la même pochette à part le titre et les références !
Une fois rentré à la maison, je n'ai pas regretté mon achat, même si je préférerais bien sûr avoir les chansons en entier.
Il s'avère en effet que Mama ndangi est de l'excellente rumba congolaise (aussi bien la partie 1 que la 2, mais je préfère la 1). On a droit à un patchwork de percussions, de guitares et de voix, un entrelacs parfaitement réussi, un résultat superbe. Ça a l'air tout simple et naturel, mais ça doit demander un travail de fou d'arrangement et de coordination. Cerise sur la gâteau, on entend même sur les deux faces quelques interpellations en français ("Oh, Johnny !", "Mais pourquoi Jeannot ?", "C'est la faute à qui, Jeannot ?", "Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible !") qui, on le verra, s'adressent au propriétaire du studio et à l'un des musiciens, mais la mention de "Jeannot" m'a évidemment fait penser au Jeannot, où est le sérieux ? de Lolo Lolitta et Tchico.
La concurrence était tellement rude au Congo dans ces années-là que de nombreuses formations, dont l'Orchestre Baya Baya apparemment, se sont installées en Tanzanie pour y faire carrière. Dans la page Congo in Tanzania de Muzikifan, on trouve la discographie complète de l'Orchestre Bay Baya, soit un album, Nakozonga, en 1977 et dix 45 tours entre 1975 et 1977. Le mien n'est même pas encore référencé sur Discogs et je ne l'ai trouvé nulle part en écoute en ligne... Même ébréché, mon disque reste donc intéressant.
African précisait généralement le nom du label original avec lequel un accord de licence avait été signé. En l'espèce ici, il s'agit de Mabele Productions, fondé à Kinshasa par Mbuta Nsuka.
Comme c'est expliqué en détails dans l'article de Matt Lavoie Orchestre Kiam, an oral history, Mabele avait débauché début 1975 plusieurs musiciens de l'Orchestre Kiam, propriété de Verckys de l'Orchestre Vévé, pour enregistrer sous pseudonyme un 45 tours hors contrat. Côté discrétion, ça ne risquait pas de fonctionner car le disque est sorti sous le nom d'Orchestre Baya Baya, d'après Baya baya, l'un des succès de l'Orchestre Kiam !
Verckys a aussitôt suspendu les musiciens coupables, et du coup une bonne partie de l'Orchestre Kiam a quitté le groupe pour vraiment lancer l'Orchestre Baya : les chanteurs Bakolo Keta, Boyo Mbola, et Jeannot Botuli Ilonge, les guitaristes Lélé Nsundi et Souza Vangu, le bassiste Ndolo Matthews et le batteur Suké Ngonge sont alors entrés dans le studio de Johnny Bokelo pour y enregistrer. On peut penser qu'ils sont allés en Tanzanie aussi pour échapper à l'ire du puissant Verckys.
Peu de temps plus tard, Lélé, puis Bakolo Keta et Suké Ngonge sont retournés à la niche de l'Orchestre Kiam, ce qui a signé la fin de Baya Baya. Jeannot Botuli Ilonge a arrêté la musique et le guitariste Souza Vangu (alias Jacques Bazizila, qui est mort en 2012), a créé son propre groupe, l'Orchestre Mabatalai.
S'il y a une leçon à retenir de tout ça, c'est que, même cassé un disque peut conserver de l'intérêt et il ne faut pas le jeter trop précipitamment !

A écouter :
Orchestre Baya Baya : Mama ndangi 1
Orchestre Baya Baya : Mama ndangi 2

Ajout du 15 juillet 2019 :
Celle-là, si j'avais voulu l'inventer, personne ne l'aurait crue, à commencer par moi...!
Donc, après avoir écouté mon disque ébréché pendant deux semaines et avoir préparé et publié sa chronique, j'entreprends ce matin de le ranger dans la boite où se trouvent mes 45 tours d'artistes d'Afrique.
Et puis, comme c'est les vacances et que j'ai un peu de temps, je me suis dit que j'allais classer ensemble mes quelques disques du label African. Oh, il n'y en a pas beaucoup, par rapport aux plus de 1000 référencés sur Discogs (et ils n'y sont pas tous).
J'ai donc trouvé quatre autres disques avec pochette, puis un disque sans pochette avec une étiquette jaune. Quand j'ai vu la mention "Mabele 08", le ciel m'est tombé sur la tête !
Eh oui, ce disque que j'ai écouté en partie seulement, que je me suis embêté à transférer en MP3 en visant juste après la cassure pour en avoir le plus long possible, je l'avais déjà acheté ! C'était le 6 avril 2015 à la brocante de Condé-sur-Marne et j'ai payé 20 centimes pour ce disque sans pochette. La face A passe bien, la B est un peu rayée. A l'époque, je l'ai écouté. Sans la pochette, sans la cassure, je n'avais pas grand chose à en dire, alors je l'ai rangé et aussitôt oublié !
Ça confirme ce que dit souvent l'ami Dorian Feller, qui avait complété ma pochette de Pere Ubu en me fournissant le disque qui allait avec : il faut systématiquement prendre une pochette vide ou un disque sans pochette, on peut toujours espérer rassembler les deux.
J'ai donc un exemplaire complet de Mama ndangi, disque et pochette, qui m'a en tout coûté 30 centimes en quatre ans... Et quand la vendeuse s'est étonnée que je m'intéresse à ce disque pour sa pochette, j'aurais pu lui répondre que j'avais le disque qui allait avec. Mais pour cela, il aurait fallu que je connaisse un peu mieux le contenu de ma propre discothèque !


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