26 juin 2010
DENIM : Middle of the road
Acquis d'occasion vers 1995
Réf : 869909-2/BOICD12 -- Edité par Boy's Own en Angleterre en 1992
Support : CD 12 cm
Titres : Middle of the road -- Ape-hangers -- Robin's nest -- The great grape ape-hangers
Je viens de terminer la lecture de Foxtrot Echo Lima Tango, le livre-fanzine dédié à Felt auquel j'ai eu le plaisir de contribuer avec une version anglaise du billet sur Ignite the seven cannons, qui raconte notamment mon premier concert de Felt à Manchester en novembre 1985.
Une lecture passionnante pour les fans de Felt, avec notamment des témoignages d'anciens membres du groupe (Phil King, Marco Thomas et Gary Ainge) et des textes de grands noms du monde des fanzines comme Kevin Pearce et Alistair Fitchett. J'ai particulièrement apprécié les deux interviews inédites de Lawrence, une de 1985 par Chris Heath et une de 2005 par Alistair Fitchett.
Grâce à la première, j'ai été tout surpris d'apprendre que, au moment de la sortie de Primitive painters en septembre, un des deux albums préférés de 1985 de Lawrence était... Rockin' and romance de Jonathan Richman & the Modern Lovers ! Même s'ils ont certainement en commun un goût prononcé pour Lou Reed, malgré mes obsessions personnelles je n'aurais jamais osé de moi-même associer Lawrence et Jonathan !! Lawrence précise qu'il regrette que beaucoup ne voient en Jonathan Richman qu'un comique et que c'est le meilleur artiste de scène qu'il ait vu. Je suis bien certain que, les quelques fois où j'ai été amené à passer un peu de temps avec Lawrence, notamment dans le minibus de la tournée de février 1987, mon grand intérêt pour la musique de Jonathan Richman a dû être évoqué, notamment à propos de l'encore tout frais concert du 13 juin 1985 à Reims, mais je ne pense pas que Lawrence ait jamais mentionné qu'il l'appréciait aussi, sinon ça m'aurait marqué !
Il y a un autre lien avec les Modern Lovers dans le livre car Dickon Edwards m'a rappelé dans son article que Lawrence chante "I'm in love with the modern world" dans I'm against the eighties sur le premier album de Denim.
Tout ça m'a fait pensé que je n'avais pas réécouté Denim depuis longtemps et que d'ailleurs je connaissais assez mal les deux albums du groupe que je possède, Back in Denim, que j'ai quand même pas mal écouté à sa sortie, et Denim on ice, qui n'a pas dû passer plus de trois ou quatre fois sur ma platine CD. La bonne preuve : je n'avais aucune idée qu'une chanson de Denim on ice avait pour titre Mrs Mills. Même si les paroles n'y font pas clairement allusion, je suis bien sûr que c'est de la Susan Boyle pianiste des sixties qu'il est question.
A cette occasion, j'ai retrouvé un troisième et dernier lien avec les Modern Lovers puisque le riff principal de ce Middle of the road, un titre du premier album et la face A du premier single de Denim, est celui de Roadrunner.
Dans l'interview avec Alistair Fitchett, Lawrence explique que cette chanson est la première de l'album qu'il a écrite, à Brighton alors qu'il logeait chez Alan McGee. Les paroles "sacrilèges" de cette chanson ("I hate the Stones and I hate blues, Eddie Cochran and Blue suede shoes, I hate the King I hate Chuck Berry, I hate Hooker I hate Leadbelly, aallrightt!") ont été écrites en réaction à Primal Scream. Et franchement, je le comprends. A l'époque, vers 1989, celle du deuxième album, le groupe était dans une phase rockiste assez insupportable (il y en a eu deux ou trois autres depuis), dont il a pu sortir par le haut grâce surtout à la transformation magique de I'm losing more than I'll ever have en Loaded par Andrew Weatherall. Le concert du 23 janvier 1990 au New Morning était particulièrement surprenant, avec Robert Young en pantalon moulant, digne d'un membre de Def Leppard, et une bonne partie des autres membres du groupe en pantalon de cuir.
Pour continuer le petit jeu des références, on en revient vite aux seventies, comme toujours avec Denim et comme l'illustre si bien le logo du groupe sur la pochette (à l'origine, Lawrence s'était carrément approprié le logo de Bell Records). Middle of the Road, dans ce contexte graphique, fait obligatoirement penser au groupe écossais du début des années 70, connu notamment pour Chirpy chirpy cheep cheep. "Middle of the road", c'est aussi l'expression anglaise qui désigne la musique de variétés, méprisée par les vrais rockers, et Lawrence l'utilise aussi littéralement dans la chanson : "It's your right to choose who you listen to, it's your rock'n'roll, you will find me in the middle of the road".
Les références 70's continuent avec les trois faces B, au son synthé glou-glou typique de Denim. Ape-hangers est une bonne chanson dont le titre fait référence aux guidons de moto rallongés. Robin's nest est carrément la reprise, instrumentale et sans grand intérêt, de l'indicatif d'une série anglaise de 1977. Quant à The great grape ape-hangers, c'est un autre instrumental. En-dehors de la présence de "ape-hanger" dans le titre, je ne vois pas de rapport évident avec l'autre morceau, par contre le titre semble être un jeu de mots-valise avec celui d'un dessin animé des années 1970, The great grape ape show, (Momo et Ursul en France !).
On voit bien qu'on est très loin de Felt et, après avoir réécouté tout Denim, je confirme ce que j'ai toujours su : je préfère de loin Felt à Denim. Même si Denim est souvent amusant, même si la voix de Lawrence est toujours la même, même s'il y a pas mal de titres que j'aime bien, Denim restera toujours pour moi un groupe de seconde zone. Si l'idée de marquer le changement de groupe en changeant de tissu, du feutre ("felt") au jean ("denim"), est excellente, Denim n'est que le second groupe de Lawrence, qui fonctionne le plus souvent au second degré. Là où, avec Felt, Lawrence a créé, à partir de quelques influences comme Television ou Dylan, quelque chose d'unique et d'original, Denim ne fonctionne que par dérivation. D'où les multiples citations dans la composition, d'où tous ces titres qui font référence à la musique elle-même ("rock, "pub rock", "song", "best song", "synthesizers").
J'ai toujours eu du mal à avaler la posture à la base du concept Denim (Rejetons les horribles années 80, les années Felt, et célébrons les magiques années 1970, celles de la jeunesse de Lawrence). Même si je reconnais que Lawrence a poussé le truc jusqu'au bout du bout, réussissant à obtenir - difficilement - un budget d'enregistrement conséquent et allant même jusqu'à recruter des membres du Glitter Band (dont le batteur Pete Phipps, qu'on voit ci-dessous je pense dans l'extrait de l'émission de Jools Holland), j'ai toujours un petit pincement au coeur en entendant les paroles au ras des pâquerettes de Denim, abordant souvent le manque de succès de Lawrence et son envie d'en avoir. Les titres des chansons parlent d'ailleurs d'eux-mêmes puisque, de Felt à Denim, on passe de Sunlight bathed the golden glow à Summer smash ou de Song for William S. Harvey à Tampax advert !
Le clip vidéo de Middle of the road.
Lawrence avec Denim en plein trip glam dans l'émission Later with Jools Holland le 12/11/1992 (son pourri).
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
5 commentaires:
Sais-tu ce que l'ami Lawrence fait de nos jours ? En musique ou autre ?
Je suis grand fan de Denim, plus que de Felt d'ailleurs !
Cosmo,
Les dernières nouvelles de Lawrence qu'on a eues, c'est un peu plus tot cette année, grâce à Magic, qui a organisé une rencontre vidéo avec le groupe Girls.
Sinon, un album de Go-Kart Mozart serait en préparation depuis plusieurs années. Et un documentaire de Paul Kelly intitulé "Lawrence of Belgravia" est aussi annoncé depuis un moment.
J'ai revendu Back in Denim lors d'une période stupide où je souhaitais "purger" ma discothèque. J'ai cependant le souvenir de l'écoute de The Osmonds comme d'un quasi orgasme ; je trouve ce morceau magnifique, émouvant.
Concernant Felt, j'aime à peu près tout ce que j'ai entendu et j'ai récemment découvert Me & a Monkey, pour moi leur album le plus luxuriant et exaltant.
Mais vous, Pol Dodu, quels est/sont votre/vos album(s) préféré(s) de Felt ?
Ludo,
Parole de Pol Dodu, purger sa discothèque, pour une bonne ou une mauvaise raison, c'est rarement une bonne idée car on a souvent des souvenirs attachés aux disques, même à ceux qu'on n'aime pas.
Pour répondre à ta question sur les albums de Felt, ma réponse sera obligatoirement au pluriel car j'aime à peu près tout ce qu'ils ont fait, mais leur son a sacrément varié en dix ans.
J'aime bien "Me and a monkey on the moon", mais je trouve le groupe un peu plus ordinaire sur ce disque, c'est pourquoi il n'est pas dans mes préférés.
Chronologiquement, sur les tous débuts, je préfère "Crumbling the antiseptic beauty" à "Splendour of fear". Sur la deuxième période Cherry Red, ma préférence va à "The strange idols pattern" par rapport à "Ignite the seven cannons".
Sur la période Creation, j'aime bien "Forever breathes the lonely word" mais je lui préfère "Poem of the river" et j'adore la première face de "The pictorial Jackson review".
Mais je ne peux pas évoquer ce que je préfère de Felt sans citer des singles essentiels, "My face is on fire", "Penelope Tree", "Primitive painters", "Ballad of the band" et les faces B de "Rain of crystal spires".
Ça en fait, tu vois, mais je n'en suis pas à conseiller l'intégrale car je n'aime pas trop "Index" et pas du tout "Train above the city"...
Merci monsieur Dodu pour cette réponse complète et détaillée.
Et je suis tout à fait d'accord sur ta conception de l'attachement aux disques, que l'on aime ou moins.
Je suis le Bogonzeureux depuis plusieurs années, et je voulais juste redire que j'aimais beaucoup la façon - à la fois légère et passionnée, ludique et référencée - que tu as d'écrire sur ces musiques.
Pour en revenir à Lawrence, je trouve assez étonnant la façon qu'il a eu de passer de Felt à Denim. Etonnant, mais pas surprenant ; d'une musique très personnelle, timide et bravache, il est allé vers un style décomplexé, fort en gueule, comme pour dire "vous ne voulez pas m'entendre et m'offrir le succès que je mérite en faisant de la dentelle artisanale, soit, je me lance dans la production industrielle". Ainsi oui, Denim est un produit marketé, ultra référencé, comme fait à la chaine, de façon mécanique.
Mais malgré ça, on ne change pas, et je retrouve la finesse du gars dans ces morceaux aux gros traits.
Je viens de regarder la vidéo live de "Middle of the road", et je trouve ça à la fois puissant, ambitieux et réussi.
Et, malheureusement pour lui, à côté de la plaque, pas dans son époque. Pourtant, le glam est peut-être l'un des mouvements les plus merveilleux du monde rock, je veux dire par là imaginatif, festif, coloré. Une utopie, dans un univers musical "blanc" souvent sombre.
Lawrence est maudit, c'est certain ; c'est con, mais ça le rend encore plus attachant.
Et je suis d'accord aussi, "Train above the city" est difficilement écoutable !
Enregistrer un commentaire