10 mai 2009

CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL : Run through the jungle / Up around the bend


Acquis sur le vide-grenier de Oiry le 5 avril 2009
Réf : 17015 -- Edité par America/Fantasy en France en 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Up around the bend -/- Run through the jungle

Dans la première moitié des années 1970, un de nos oncles ou quelqu'un d'autre de la famille s'était pointé à la maison et nous avait offert une ou deux poignées de 45 tours sortis d'un juke-box de café, sans aucune pochette. Parmi ces disques, il y en avait plusieurs de Creedence Clearwater Revival, dont Who'll stop the rain, qu'on chantait avec mon frère dans la chambre.
Je n'ai pas conservé ces 45 tours familiaux, mais le mois dernier à Oiry, parmi les vingt disques que j'ai achetés à 10 centimes pièce, dont celui de Monsieur Dupont, il y en avait quatre de Creedence, tous en excellent état, pochette comprise, dont les trois extraits de l'album Cosmo's factory et Bad moon rising.
Une fois n'est pas coutume, étant donné que ces quelques lignes expriment parfaitement l'opinion que je porte actuellement sur ce groupe, voici le chapeau de l'entrée concernant Creedence Clearwater Revival dans le Dictionnaire du rock (Robert Laffont, 2000) :
Pendant quatre années bénies, de 1969 à 1972, ce quatuor de San Francisco fut, tout simplement, le meilleur groupe de rock'n'roll de la planète, peut-être même le seul de son temps. Grâce au talent de son auteur-compositeur-interprète John Fogerty, à contre-courant de la musique progressive et de la vague des auteurs-compositeurs introspectifs, Creedence retrouva d'abord l'énergie brute du rock'n'roll de Little Richard et de Buddy Holly avec des 45 tours jaillissants bourrés de joie communicative, d'énergie brute et d'évidence mélodique comme "Proud Mary", "Bad moon rising" et "Up around the bend". Fogerty était aussi profondément inscrit dans la tradition de la country et du blues américains, habile à manier des mots simples et suggestifs, animé par une honnêteté et une humilité exemplaires qui rendent sa musique profondément humaine et universelle.
"Meilleur groupe de rock'n'roll de la planète de 1969 à 1972", c'est peut-être s'avancer un peu dans le superlatif (même si ni les Beatles, ni les Who, ni les Doors ne les surpassent sur cette période), mais "L'un des groupes les plus oubliés et les plus sous-estimés dans la mémoire collective du rock des années 2000", ça c'est quelque chose qui me parait évident.
Comment se fait-ce ? Pour tout un tas de raisons évidemment, parmi lesquelles l'honnêteté et l'humilité dont il est question plus haut, mais aussi le fait que John Fogerty ne pouvait pas à lui tout seul tenir longtemps aux yeux du public et des médias les rôles combinés qu'assuraient par exemple chez les Stones (plus gros rival pour le titre honorifique de meilleur groupe pendant ces années-là) Mick Jagger, Keith Richards et même Brian Jones. Et puis, les longues procédures judiciaires avec leur label Fantasy ont sûrement empêché que se perpétue le souvenir de ce groupe immensément populaire chez les plus jeunes générations avec des rééditions bien dosées et bien promotionnées.
Comme plusieurs de leurs singles, celui-ci est une "double face A". Run through the jungle est listé en premier sur la pochette, mais sur ce pressage français c'est bien Up around the bend qui est indiqué sur l'étiquette comme étant la face A, et c'est ce dernier qui a eu le plus de succès et qui est mon préféré des deux.
Le riff de guitare en intro, avec un effet slide il me semble, est une tuerie. Il est porteur de toute une grosse partie de l'histoire du blues et du rock combinés et n'a rien à envier au jeu d'un Ry Cooder au meilleur de sa forme, quand il officiait à ses débuts avec Taj Mahal au sein des Rising Sons ou sur le premier album de Captain Beefheart. Le reste du morceau est à l'avenant, jusqu'aux "Do do do" à la fin de cette chanson, véritable cri de ralliement pour quitter la ville, se retrouver à la campagne et faire la fête.
J'aime un peu moins Run trough the jungle, pourtant également considéré comme l'un des classiques du groupe. C'est de l'excellent swamp rock, à tel point que le Gun Club en a donné une version à la fois habitée et très respectueuse sur son album Miami en 1982. En 1985, c'est Sonic Youth qui prendra le titre d'un autre classique de CCR pour nommer son deuxième album Bad moon rising.
On peut comprendre qu'on ait largement ignoré Creedence Clearwater Revival pendant les synthétiques années 80. Et même, entre la dance et l'electro des années 90 et la britpop, on peut concevoir qu'ils aient été quelques peu relégués à l'arrière-plan de nos mémoires. Mais quand même, depuis près d'une quinzaine d'années maintenant, les inspirations folk et country dominent et il est incompréhensible que ce groupe ne soit pas cité à tout bout de champ par ces néo-cowboys et bouseux folkeux des villes qu'on adore.
Il suffit de regarder la photo de pochette de ce disque. Honnêtement, à part John Fogerty à gauche, j'ai toujours trouvé le groupe ridicule et moche à faire peur sur cette photo. Je n'ai pas changé d'avis mais, sans citer de noms (il y en aurait trop !), on ne peut que constater ce groupe est d'ores et déjà revenu à la mode ! La majorité des membres des groupes alt-country et néo-folk, qui n'étaient pas nés quand ce disque est sorti et que nous écoutons tous, ont une pilosité qui n'a rien à envier à celle de Creedence et un goût vestimentaire similaire, jusqu'à et y compris pour l'espèce de pancho que porte le bassiste par-dessus sa chemise à droite !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

ah que du bon! Il existe des paquets de reprises de CCR mais franchement c'est rare que ça soit aussi bien que les originaux (cf le cirque proud mary de tina T), l'archétype c'est bad moon rising qui est souvent joué dans les bars mais je n'en ai jamais entendu une bonne version, il faut dire que la voix de john est très typée. Mais CCR savait faire des reprises implacables,en se les appropriant (susie Q, I put a spell on you et of course I heard it entre autres)
Bon choix m'sieur Pol ph.

T. a dit…

"néo-folk" ? Death In June ?!?
Je pinaille - mais ça me fait toujours sourire de voir ce terme utilisé pour qualifier Herman Düne (par exemple), quand on sait que le Neo-Folk est une mouvance en soi.

Sinon, lecture passionnante, comme d'hab.

J.P. Moya a dit…

Je ne sais pas quel était le deal des maisons de disques avec les exploitants de juke-box à l'époque, mais effectivement CCR étaient des habitués de ces appareils et c'est là que j'ai découvert leur musique. Autres "inévitables" des juke-box à l'époque les productions bubblegum de Buddah Records, Ohio Express, 1910 Fruitgum Company, Lemon Pipers et compagnie avec des faces B expérimentales et bien souvent enregistrées - bien que ça ne soit pas précisé - par d'autres musiciens que ceux de la façe A, qu'on s'amusait à programmer histoire d'emmerder le monde pendant deux minutes (on était jeune !).

Pol Dodu a dit…

T.,
Merci.
Par rapport au contenu du billet, je ne sais pas d'où tu sors ce nom Death In June.
Sinon, j'évite d'habitude d'utiliser des étiquettes de journalistes comme "néo-folk" ou "alt-country", mais là je l'ai fait exprès, précisément parce que ça pouvait être utile pour visualiser les artistes auxquels je voulais faire référence sans les citer.
Bon Hété à toi.