10 novembre 2019

THE FALL : Why are people grudgeful ?


Acquis par correspondance via Discogs en octobre 2019
Réf : CDS PERM 9-- Édité par Permanent en Angleterre en 1993
Support : CD 12 cm
Titres : Why are people grudgeful ? -- Glam-racket - The re-mixer - Lost in music

"Pourquoi les gens sont-ils rancuniers ?", c'est le titre générique de ce maxi de The Fall et on se dit que Mark E. Smith était bien placé pour répondre à cette question, lui qui semble avoir passé sa vie plein de colère à en vouloir au monde entier, à commencer par les membres de son groupe et les journalistes. En y regardant bien, il semble que ce soit l'industrie du spectacle à laquelle il se frottait alors depuis déjà une quinzaine d'années qui est plus précisément la cible de sa bile sur ce disque.
Ce single est sorti en avril 1993. Les trois précédents albums avaient été publiés par Fontana, une filiale du gros conglomérat Phonogram. Mais, comme souvent dans ces boites, un changement de direction avait tout gelé et de nombreux contrats d'artistes allaient être rendus. La rumeur indiquait que The Fall ferait partie de ceux qui échapperaient à la purge, mais ça signifiait des mois d'attente et d'incertitude, des réunions à n'en plus finir. Smith a préféré tout simplement claquer la porte, enregistrer à ses frais l'album suivant, The infotainment scan, et signer sur un nouveau label, Permanent, fondé par l'un des ex-managers du groupe, un indépendant bénéficiant d'un contrat de distribution avec la major BMG.
Le premier fruit de ce contrat, c'est donc ce maxi qui, selon un coup marketing assez difficile à saisir, est sorti en édition limitée et n'a été commercialisé que pendant une semaine. L'album est sorti trois semaines plus tard.
Pour moi, le titre essentiel du disque, c'est le dernier, Lost in music. D'un son synthétique digne d'un film de science-fiction émerge une voix féminine, qui débite sur un ton neutre, en français :
"L'argent est sur la table
Pris au piège
Inutile de regarder en arrière
Perdu dans la musique
Crétin, va te faire foutre !"
Ces paroles sont répétées à plusieurs moments dans la chanson, mais très vite, Mark E. Smith intervient. Lui aussi en français, en tout cas autant qu'il peut, sachant qu'il ne supportait guère non plus ni la France ni les français. Il n'essaie pas de prononcer argent et se contente d'énoncer "Le money il sur la table" avant de continuer en anglais.
J'avais bien noté que, musicalement, surtout sur le refrain, on était quasiment sur un territoire disco ce qui, venant de The Fall, est surprenant, même à une époque où leur son s'était professionnalisé et doté de synthés et autres séquenceurs.
Il m'a fallu bien deux ans après avoir découvert ce titre pour apprendre qu'il s'agit en fait d'une reprise.
La version originale par Sister Slegde, a été écrit et produit par Chic en 1979. Smith a remis les paroles à sa sauce, mais en a gardé l'esprit général, quelqu'un qui plaque tout, à commencer par son boulot, pour se lancer dans la musique : "Avez-vous déjà vu quelqu'un perdre tout. C'est la tête qui part d'abord. La responsabilité pour moi c'est une tragédie, je trouverais un boulot une autre fois.". Le refrain a aussi été conservé, plus ou moins, mais sinon la "reprise" est du pur Fall, tandis que l'original, même si c'est du Chic et même si ça a été un gros succès, est à peu près inécoutable pour moi.
Pour le titre principal, Why are people grudgeful ?, Mark E. Smith fait à nouveau preuve de l'étendue et de la versatilité de sa culture musicale et nous donne des pistes sur la façon dont il trouvait l'inspiration pour ses paroles. Là, il s'est basé sur deux chansons, People funny boy, l'un des premiers succès de Lee Perry en 1968, qui lui donnait l'occasion de s'en prendre à son ancien producteur, Joe Gibbs, et la réponse publiée presque aussitôt sur le même rythme par Sir Gibbs, People grudgeful. Sans rythme reggae, mais avec une basse énorme quand même, Smith arrange les paroles originales à sa sauce pour en faire une diatribe, peut-être adressée à l'un des anciens membre du groupe ("When you were down and out I always helped you out, and when you go out you just chat and shop"). C'est excellent.
Pour The re-mixer, c'est l'un de ses propres titres que Smith retravaille. L'original s'appelait The mixer et était sorti deux ans plus tôt sur l'album Shift-work. Là, ce n'est pas un remix (trop évident), mais une nouvelle version, plus techno, avec des paroles revues. Difficile de savoir qui est le mixeur en question (les exégètes penchent pour l'ingénieur du son de l'album), mais on peut penser que, dans un coin de son esprit, Smith avait en tête les DJ vedettes de l'époque, dont les remixes étaient devenus un passage obligé pour les titres sortis en single.
Le quatrième et dernier titre de cet excellent et très consistant maxi, c'est Glam-racket (Boucan glam), et c'est exactement ça qu'on entend : un riff bien crade à la Slade, un rythme à la Gary Glitter,... C'est apparent le riff trouvé par le groupe qui a inspiré Smith pour les paroles. Comme ces paroles mentionnent "suede", certains y ont vu une attaque contre le groupe vedette de la Brit pop, mais ce n'est apparemment pas le cas, pour une fois, Smith ayant expliqué qu'il faisait référence à la matière, le suède (le daim).
Sur le 33 tours original The infotainment scan, on retrouve Lost in music et Glam-racket. Sur le CD original, il y a deux titres en plus, dont Why are people grudgeful ?. Comme souvent chez The Fall, les versions album sont (légèrement) retravaillées et donc (légèrement) différentes de celles du maxi.
Si vous voulez vous procurer les quatre titres de ce disque, je vous conseille d'opter pour la réédition en double CD de The infotainment scan (2006), qui contient l'album, le maxi, des sessions radio et même des mixages inédits.
Mon homonyme JC The Vinyl Villain a chroniqué ce maxi au moment même où je l'achetais. Chez lui, on peut télélcharger les quatre titres, ainsi que ceux de Lee Perry et Joe Gibbs.


The Fall, Lost in music et Why are people grudgeful ? dans l'émission The Beat, en 1993.


The Fall, The mixer, en direct dans une émission de télévision.

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