07 avril 2019

SANFORD CLARK : Shades


Acquis par correspondance via Amazon en mars 2019
Réf : BCD 15731 -- Édité par Bear Family en Allemagne en 1993
Support : CD 12 cm
27 titres

J'avais téléchargé il y a quelques années une compilation de Sanford Clark. Il y a quelques semaines, j'ai récupéré chez Uncle Gil son album de 1968 They call me country, publié uniquement en Angleterre. Je l'ai écouté et apprécié, j'en ai mis des extraits dans mes compilations Désordre musical de Vivonzeureux! et j'ai fini par me dire que ce serait bien de me procurer ce disque. Je n'ai pas trouvé de réédition CD en tant que telle de l'album mais j'ai fini par repérer cette compilation publiée par l'excellent label allemand Bear Family, qui comprend l'intégralité de l'album de 1968, plus une quinzaine de titres enregistrés entre 1960 et 1982. Bear Family a publié une autre compilation de Sanford Clark, The fool, qui couvre la première partie de sa carrière.
Cette carrière, s'il y a un seul nom à lui associer c'est celui de Lee Hazlewood. En mars 1956, un Sanford Clark très nerveux a enregistré à Phoenix dans le studio de Floyd Ramsey, sous la houlette de l'auteur de la chanson Lee Hazlewood, avec à la guitare son ami d'enfance Al Casey, une chanson intitulée The fool qui a eu un énorme succès. Cette chanson a lancé la carrière d'Hazlewood (dans un entretien très intéressant de 1999 avec Christian Fevret pour Les Inrockuptibles, il expliquait : "J'ai investi 190 dollars dans un disque : j'avais écrit et produit la chanson (The Fool, 1956). La seule chose que je n'ai pas faite, c'est la chanter : j'ai laissé ça à un type nommé Sanford Clark. On l'a pressé et on l'a envoyé à deux ou trois cents radios. Plusieurs grandes stations ont commencé à la passer. Et elle a grimpé jusqu'à la septième place des charts. On a vendu le master à une autre maison de disques, parce qu'on ne pouvait pas fournir ! En une semaine, on nous en a commandé deux cent mille ! C'était un disque bizarre, du vieux rockabilly avec un texte genre anglais ancien.").
Hazlewood a continué à soutenir Clark, qui a régulièrement enregistré d'excellents disques par la suite, dont aucun n'a renouvelé le succès du premier. Après 1964, Hazlewood était très pris par son immense succès en tant que compositeur, chanteur et producteur et il s'est éloigné pendant quelques temps de Clark après l'échec de leur version de Houston, dont Lee fera un tube l'année suivante avec Dean Martin.
Sanford Clark, lui, n'est pas retourné à Houston mais à Phoenix, dans le studio et sur le label Ramco de Floyd Ramsey, où il a publié cinq singles entre 1966 et 1968. Aucun n'a eu vraiment eu d'écho, tant et si bien qu'il n'y a pas eu d'album édité aux États-Unis alors qu'il y avait assez de titres pour en remplir un.
Et quels titres ! Pas un des treize morceaux de cette époque qu'on trouve sur Shades n'est moins que très bon. Et les meilleurs sont excellents, à commencer par une version de The fool remise au goût du jour par Waylon Jennings en tant que producteur et guitariste de la session, avec ajout de guitare saturée. Il y a aussi deux titres de Lee Hazlewood : Shades (une chanson typique de son style, enregistrée par toute la bande : Lee Hazlewood, Nancy Sinatra et Dean Martin !) et surtout le tour de force qu'est (They call me) Country. Celle-ci, produite par Donnie Owens, qui travaillait régulièrement avec Hazlewood, je crois que Clark a été le premier à l'enregistrer. Toute la chanson repose sur les deux sens possibles donnés à "country" : la campagne et la musique country. L'humour à froid d'Hazlewood fonctionne à fond et musicalement c'est parfait :
"I only get my hair cut once a year and they call me country
If I done a day's work it ain't around here and they call me country
I just sit around with my old guitar, I know some day I'm gonna be a star and they call me country
And all I can play is Dang dang dang dang dang".
Il y a aussi une reprise de It's nothing to me, où un petit jeune n'écoute pas les conseils d'un gars dans un bar et fricote avec la nana d'un caïd. Évidemment, le jeunot ne finit pas la chanson vivant... Je n'ai pas été très surpris d'apprendre que Pat Patterson, qui a signé la chanson, est en fait Leon Payne, l'auteur de la chanson Psycho reprise par Elvis Costello. Là aussi, il y a une guitare saturée en arrière pendant toute la chanson et c'est très réussi.
Outre les titres de 1967-1968, le CD s'ouvre avec trois perles produites par Lee Hazlewood le 17 mars 1960. Il y a Better go home (Throw that blade away) (encore une histoire de gros dur), sorti en 45 tours sous le titre Go on home, et sa face B Pledging my love, une ballade. Il y a surtout un titre resté inédit que Sanford Clark avait complètement oublié et qui doit être la toute première version de The girl on death row, une chanson que j'ai découverte grâce à sa reprise par T. Tex Edwards. Le même enregistrement, plus ou moins, avec des cordes en plus et la voix de Lee Hazlewood, a été publié quelques mois plus tard sur un disque de Duane Eddy. La version sans cordes de Clark est plus glaçante et n'est disponible que sur ce CD.
Après l'échec des titres de 1968, Sanford Clark est retourné à Los Angeles pour enregistrer pour Lee Hazlewood Industries trois 45 tours et son unique album américain, Return of the fool, mais visiblement les conditions d'enregistrement n'ont pas été satisfaisantes pour Clark.
Il a ensuite interrompu son activité musicale professionnelle et a fait carrière dans le bâtiment, mais il est régulièrement revenu à la musique. On trouve sur le CD deux démos de 1973, plutôt folky, et neuf titres d'une session précédemment inédite de 1982, produite par Hazlewood et arrangée par Al Casey, dont le principal défaut, qu'on note dès les premières notes de synthé de Oh Julie, une reprise de Shakin' Stevens, est d'avoir le son de l'époque. Il y a aussi une reprise sans grand intérêt de I'm movin' on de Hank Snow. Pas grand chose à sauver dans le lot, si ce n'est Kung Fu U, une chanson rigolote écrite par Joe Nixon, un D.J. de L.A., dans la veine du One piece at a time de Johnny Cash. Elle avait été enregistrée en 1977 par Lee Hazlewood sur son album Movin' on en 1977. Là encore, je crois que je préfère la version de Sanford Clark.
Sanford Clark a aujourd'hui 83 ans. Au fil des années, il a fait des concerts et même enregistré de nouveaux disques, mais j'imagine que, ces temps-ci, il est pour de bon en retraite.

Shades et The fool sont toujours en vente sur le site de Bear Family, avec la possibilité d'écouter des extraits de tous les titres.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

ah si seulement lavilliers faisait des chansons comme ça!