28 septembre 2008

EILEEN : Mon frère le poisson


Acquis sur le vide-grenier d'Athis le 14 septembre 2008
Réf : EP 1002 -- Edité par Disc'AZ en France en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Mon frère le poisson -- Ni jamais -/- Je cherche un coin de terre -- Texas

Quelques dizaines de mètres après avoir acheté le EP Formidable et celui des Aiglons, et après avoir entre-temps pêché un EP de Léo Ferré avec T'es rock, coco et La langue française pour 30 centimes, je suis arrivé à ce stand où une brave dame était en train de fixer avec application un écriteau en carton pour indiquer que ses deux boites de 45 tours étaient à 50 centimes pièce.
Je m'en veux juste de ne pas avoir demandé à la dame plus de précisions sur la provenance de ses disques. Elle m'a juste expliqué que les 45 tours sans pochette avaient appartenu à quelqu'un (un homme) qui avait un juke-box. Je pense en tout cas que les autres disques venaient d'un commerce car, même si certaines pochettes ont été attaquées par les souris, ils sont pour la plupart en état neuf, avec même une sous-pochette en kraft ou en plastique, ils portent presque tous une étiquette de prix et certains de ces disques des années 60 étaient présents en plusieurs exemplaires.
Au bout du compte, je suis reparti du stand avec une bonne vingtaine de disques, pour la plupart des disques de chanson française des sixties, de Karine à Stella, en passant par Petula Clark (y compris Un jeune homme bien, une bonne reprise de Well respected man des Kinks), Sandie Shaw, et y compris aussi Les Célibataires (avec deux reprises des Beach Boys), les Christy Minstrels et Greyhound.
Dans le lot, j'ai pris les trois disques différents d'Eileen qui s'y trouvaient (j'ai laissé les doubles). Je ne la connaissais pas du tout, mais sachant que l'un de ces disques avait en face A Ces bottes sont faites pour marcher, et que trois autres reprises de Lee Hazlewood se trouvaient réparties sur les six faces, je me doutais que ça pouvait être une bonne pioche et au bout du compte je n'ai pas été déçu de cette découverte.
Avec juste un prénom, j'ai eu un petit peu de mal au début à trouver des infos sur cette chanteuse, mais au bout du compte j'ai fini par en apprendre pas mal sur sa carrière.
Eileen est américaine et pas britannique comme je le pensais. Diplômée de français, on lui a demandé de traduire dans notre langue des chansons du folklore américain. Prise au jeu, elle a décidé d'en enregistrer quelques-unes elle-même. Arrivée à Paris, elle a été soutenue par Lucien Morisse qui l'a aidée à signer chez Disc'AZ. Sa discographie compte au moins huit disques français dans les années 60, plus des publications en Allemagne (et en allemand !). Elle a notamment collaboré avec Michel Colombier et Mickey Baker.
Tout ça sonne un peu comme une série d'heureuses coïncidences, mais ces coïncidences ont sûrement été en partie rendues possibles par le fait qu'Eileen est une enfant de la balle, puisque son père Michael Goldsen est un très grand monsieur de l'édition musicale américaine, fondateur de Criterion Music. Michael Goldsen s'intéressait lui aussi de près à la chanson française (lire ici la belle histoire de comment il a acheté les droits des Feuilles mortes pour les faire adapter en Autumn leaves aux Etats-Unis) et il fait partie des personnes qui ont permis à Lee Hazlewood de signer chez MGM en 1965, ce qui a véritablement lancé sa carrière.
Ce n'est donc pas étonnant que sa fille Eileen se soit retrouvée très vite à adapter en français des chansons d'Hazlewood. C'est d'ailleurs surtout pour son adaptation de These boots are made for walking qu'elle est encore connue aujourd'hui, puisque c'est sa traduction qui fait référence et qui est utilisée la plupart du temps pour des reprises en français. Ces bottes sont faites pour marcher est d'ailleurs à ma connaissance son seul titre a avoir été réédité relativement récemment, sur la compilation Femmes de Paris. Cet EP Mon frère ce poisson est celui qui est sorti juste avant Ces bottes sont faites pour marcher.
Mon frère ce poisson
est une courte fabulette cruelle écrite par Eileen. Il y est question des deux enfants d'un gardien de phare et d'une sirène, une fille et un poisson, donc, dont les chemins finissent naturellement par se séparer. Ils se retrouvent finalement dans un bistrot quand la fille entend "Au revoir ma petite soeur". Ça vient du four car son frère est le plat du jour !
Je cherche un coin de terre est visiblement une adaptation d'une chanson folk américaine (écrite par un certain M. Settle), dont je n'ai pas réussi malheureusement à déterminer le titre original.
On trouve sur ce disque les deux premières chansons de Lee Hazlewood enregistrées par Eileen. Ni jamais est une bonne reprise de So long, babe, interprété notamment par Nancy Sinatra.
A partir des paroles françaises, je n'ai pas réussi non plus à déterminer le titre original de Texas. En tout cas, c'est visiblement à ce titre que font référence la neige et les moufles de la pochette puisqu'il y est question d'un cowboy originaire du Texas perdu dans une plaine lointaine où il neige depuis trois cents jours. Il finit par trouver un piquet auquel il attache son cheval, lequel cheval se retrouve accroché au clocher d'une église une fois la neige fondue !
Eileen n'a quasiment pas sorti de disques après 1968, année qui l'a vu notamment adapter en français Lookin' out my backdoor de Creedence Clearwater Revival. Mais elle n'a pas pour autant quitté ni la France ni le monde de la musique puisqu'elle a fondé en 1982 sa propre maison d'édition, French Fried Music, qui représente en France nombre d'éditeurs indépendants internationaux, qui gère notamment les droits des adaptations d'Eileen et qui travaille avec des grands noms français comme Sylvie Vartan. Alors, Eileen à quand une compilation de l'intégrale des enregistrements des années 60 ?

(Je ne peux que dédier ce billet à la première Eileen dont j'ai fait la connaissance, Eileen Kinnear)

1 commentaire:

Pol Dodu a dit…

J'ai tourné autour la semaine dernière, sans certitude, mais aujourd'hui je sais que "Texas" est l'adapatation en français de "Houston", un titre que Lee Hazlewood a sorti en 1965 sur son album "Friday's child", mais c'est Dean Martin qui en a fait un tube la même année (on peut le voir interpréter cette chanson ici et encore mieux , avec une interprétation en direct sur du playback superbement ratée/réussie !).
Eileen ne s'est pas contenté de substituer dans les paroles françaises le nom de l'Etat, Texas, à celui de sa capitale, Houston. L'idée de retour a été conservé, mais la pluie est devenue de la neige et toute l'histoire du cheval accroché au clocher a été apportée par Eileen, qui semble apprcier les chansons animalières puisque, outre "Mon frère le poisson" elle a notammment enregistré en face A d'"un précédent 45 tours "Une grenouille dans le vent".
J'ai aussi relu, après l'avoir empruntée à la médiathèque, les notes de pochette de la compilation "These boots are made for walking - The complete MGM recordings" et j'y ai trouvé des précisions sur les relations entre Hazlewood et Mickey Goldsen : dès 1963, les deux hommes ont signé un contrat à long terme, qui garantissait à Hazlewood des revenus fixes et, par la suite, la famille Goldsen a toujours administré ses droits d'édition.