30 novembre 2008

GABRIEL DALAR : Docteur Miracle


Acquis chez Emmaüs à Tours-sur-Marne le 14 novembre 2008
Réf : 460.602 ME -- Edité par Fontana en France en 1958
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Docteur Miracle -- Hé, Youla ! -/- Viens -- Croque-Crâne-Creux

Ça fait bien longtemps que je ne fais plus trop de bonnes affaires à l'Emmaüs de Tours-sur-Marne, du coup j'y vais moins souvent. Depuis l'album de Donovan, à part un EP de Marcel Bianchi plus tôt cette année je suis presque toujours revenu bredouille. Mais en cette saison les vide-greniers se font rares, alors j'ai retenté ma chance l'autre jour et, dès les premiers disques feuilletés, j'ai senti un changement d'ambiance : je venais de tomber sur le This is pop ? de XTC en pressage anglais alors que je n'avais que le pressage français, plus un EP live d'Eddie and the Hot Rods de 76 avec quatre reprises de classiques (enfin un peu moins que ça car le disque a dû être fondu par un mégot et le début de chaque face n'est pas écoutable...). En tout, j'ai ramené neuf 45 tours, dont un Gilles Marchal, un Morrissey et un Bobby Patterson et en plus au moment de payer j'ai vu quelques cartons de CD singles promo à 50 centimes et j'ai fait quelques affaires de plus !
Pour ce qui est de cet EP, j'aurais tout de suite dû réagir à la lecture du nom de Gabriel Dalar vu que j'avais emprunté à la Médiathèque il y a quelques temps le CD Twistin' the rock vol. 1 sur lequel on trouve les huit titres des deux EPs qui constituent son l'intégrale de son oeuvre publiée, ainsi que huit titres de Teddy Raye.
Non, en fait ce qui m'a fait m'arrêter sur ce disque et y prêter attention, ce n'est ni le nom de Dalar, ni la pochette assez moche, mais bel et bien la mention de Docteur Miracle, un titre enjoué que je connais surtout interprété par Jacques Hélian, et Annie Cordy aussi.
Ces temps-ci, je suis bien content quand mes disques sont répertoriés sur le site Amour du rock'n'roll. Ça signifie que j'ai dégotté un disque de rock français des fifties. Ce disque de Gabriel Dalar y figure bien, et, sans le savoir, j'ai bien fait de suivre la recommandation qui y figure : "Parfois le verso d’un EP gagne à être montré".
Et en effet, outre qu'on y apprend par un tampon que mon disque a appartenu précédemment à Louis Parent d'Epernay, le verso nous indique que Gabriel Dalar propose des chansons "choc", qu'il est accompagné par Alain Goraguer et son orchestre et que l'adaptation de l'un des titres est signée Boris Vian.
En me creusant un peu, j'aurais pu deviner tout seul que les notes de pochette signées Anatof de Raspail étaient en fait de Boris Vian, alors directeur artistique de Fontana. Au passage, je connaissais les activités de directeur artistique de Vian, mais jamais je n'aurais imaginé que, en plus de ses compositions, il avait adapté un nombre impressionnant de chansons anglo-saxonnes en français dans les seules années 1958-1959, dont 39° de fièvre, version française de Fever, interprétée en premier par Gabriel Dalar sur son deuxième EP.
La sélection des reprises de ce disque est symptomatique de ce qui se passait visiblement à l'époque : quand les labels voyaient passer une chanson susceptible de marcher ils se précipitaient pour la faire enregistrer par un de leurs poulains. Il y a un paquet de versions de Docteur Miracle, mais c'est le cas aussi pour Viens (reprise de When des Kalin Twins), enregistrée par Claude Piron, le futur Danny Boy, en septembre 1958, puis par Richard Anthony en novembre (sa version ne sera éditée que plus tard) et aussi donc par Gabriel Dalar. Le EP de Claude Piron de 1958 a carrément trois titres en commun avec celui de Dalar (Docteur Miracle, Hé Youla ! et Viens) et, quand on découvre que le quatrième titre est une adaptation de Where have you been Billy Boy ? par Boris Vian, on comprend que le directeur artistique de Fontana n'a pas eu besoin d'aller chercher trop loin pour sélectionner les titres à enregistrer par son poulain Dalar. Et la chaîne continue car le EP Hula hoop sorti en décembre 1958 par Moustache et ses Moustachus chez Barclay, le label qui allait embaucher Vian quelques mois plus tard, a lui aussi trois titres en commun avec celui de Gabriel Dalar.
Musicalement, avec Alain Goraguer aux manettes on sait que la base de l'instrumentation est bien plus jazz que rock : les cuivres sont ici bien plus présents et mis en avant que la guitare. Mais je trouve que les arrangements et les interprétations sont ici très fins et excellents, meilleurs que sur d'autres enregistrements que je connais d'Alain Goraguer.
Ça s'entend par exemple sur Docteur Miracle dans les bruitages qui accompagnent le remède magique du médecin. Pour Hé, Youla !, on entend un peu plus la guitare, mais c'est une chanson que je n'aime pas trop.
Il y a une chose impressionnante avec Viens, c'est que tous les ingrédients du yéyé sont déjà présents, des paroles un peu niaises aux claquements de mains, alors que le mouvement n'éclatera qu'au début des années 60. Richard Anthony et Danyel Gérard, qui sort lui aussi sa version de Viens sur son premier disque fin 1958, en seront deux des vedettes. Gabriel Dalar aura alors déjà abandonné sa carrière de chanteur, mais ce n'est pas un hasard si le magazine Music-Hall de mai 1959 consacre un article à ces chanteurs regroupés sous le terme des "trois agités".
Tout cela est bien beau, mais le clou du disque c'est le dernier titre, Croque-crâne-creux. C'est le plus rockabilly des quatre, mais c'est surtout le plus drôle.
Il s'agit d'une reprise de Purple people eater de Sheb Wooley. Je n'en avais strictement jamais entendu parler, et pourtant ce titre a été un tube énorme qui est resté six semaines n°1 aux Etats-Unis en 1958, vendant alors trois millions d'exemplaires (et cent millions en tout depuis !).
L'histoire est celle d'un monstre extra-terrestre mangeur d'hommes pourpres, qui s'avère pas si méchant que ça. Le genre d'histoire à la Here come the Martian Martians de Jonathan Richman. Vian a transformé le monstre en croqueur de crânes creux et toute l'équipe s'en donne à coeur joie, des bruitages de science fiction à la voix extra-terrestre trafiquée. Vian n'a pas pu s'empêcher de placer une référence à son pote Claude Luter, mais à sa décharge il semble que la version originale comportait effectivement un solo de clarinette.
En tout cas, des disques de chansons "choc" de cinquante ans en parfait état à 30 centimes comme celui-là, je veux bien en trouver toutes les semaines !

29 novembre 2008

CAPTAIN SENSIBLE : Happy talk


Acquis très probablement à Londres sinon en France en 1982
Réf : CAPP 1 -- Edité par A&M en Angleterre en 1982
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Happy talk -/- It -- I can't stand it

J'avoue que je ne sais plus trop dans quel ordre les choses se sont passées. Est-ce que je suis allé au Marquee en pélerinage comme tout bon touriste, sans connaître le groupe à l'affiche et parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'autres concerts à Londres un dimanche ? Ou est-ce que j'avais vu une affiche ou récupérer un tract la veille au concert des Flying Padovanis ? Je ne sais pas, en tout cas, ce qui est sûr c'est que, la veille du concert de Clint Eastwood and General Saint, le 20 juin 1982, j'étais au Marquee pour voir Dolly Mixture, avec en première partie un groupe de rockabilly, connu ou non, dont je regrette bien de ne pas avoir capté/noté le nom.
Là, d'autres questions se posent. Est-ce que j'avais entendu parler de Dolly Mixture avant ? Probablement pas. Est-ce que je savais qu'elles accompagnaient Captain Sensible sur le single qu'il venait de sortir ? Probablement pas non plus. Est-ce qu'au moins je connaissais Captain Sensible ? Peut-être même pas. J'avais dû lire son nom dans la presse, mais je n'avais aucun disque des Damned à l'époque.
En tout cas, j'ai apprécié ce concert et, au moment du rappel, j'ai été tout surpris de voir le gars qui se trouvait à côté de moi dans le public répondre à l'appel du groupe et se précipiter sur scène pour interpréter Happy talk, une chanson de la comédie musicale de 1949 South Pacific.
Je n'en suis plus tout à fait certain, mais je pense bien que c'est dans les jours qui ont suivi, avant de quitter Londres, que j'ai acheté ce maxi 45 tours. J'ai donc ainsi probablement et involontairement contribué à hisser ce disque au n°1 du hit parade anglais le 27 juin 1982 !
Venant d'un pionnier du punk dont le premier single solo était sorti sur Crass Records, enregistrer une scie pareille, la faire produire par Tony Mansfield du groupe électronique New Musik, c'était bien sûr une gentille provocation et surtout une grosse rigolade. Et ce d'autant plus que les paroles de la chanson ("Tu dois avoir un rêve, Si tu n'as pas de rêve, Comment vas-tu réaliser ton rêve ?") sonnent comme un pied de nez au "No future" des punks.
Dans une interview, le Capitaine explique qu'il avait besoin d'un titre pour compléter son premier album et qu'il a choisi cette chanson car ses parents l'aimaient beaucoup et que ça ne pouvait qu'être bizarre de voir un punk reprendre un titre d'une comédie musicale. A l'époque, je n'avais jamais entendu parler de South Pacific. Depuis, j'ai dû voir l'album de la BO de la version filmée des centaines de fois dans des boutiques de charité mais j'ai toujours réussi à me retenir de l'acheter et je pense ne jamais avoir entendu les versions classiques (comédie musicale ou film) de Happy talk. Quant au Captain Sensible, ce choix de dernière minute lui a été favorable, puisque c'est ce titre que le label a choisi de sortir en single comme premier extrait et que, juste avant l'été, ça a été un énorme tube en Angleterre, ce qui a valu au Captain et aux Dolly Mixture un passage mémorable à Top of the Pops où il a amplement prouvé qu'il ne connaissait pas ou n'avait pas envie de connaître les paroles de la chanson.
En France, et dans le reste de l'Europe je crois, c'est plutôt le second titre extrait de l'album qui sera un tube, la parodie de rap Wot!, avec son clip avec le gars baraqué et son marteau piqueur (et aussi les Dolly Mixture ! — Ne pas rater la version en passage télé chez Drucker !!) — qui a été matraqué pendant des années sur toutes les chaînes.
J'ai revu les Dolly Mixture en concert le 11 mars 1984 au Clarendon, avec Bomb Party en première partie. J'ai trouvé le groupe toujours aussi sympathique, un peu l'équivalent des Calamités chez nous (que je n'ai malheureusement jamais vues sur scène). Les filles ont fait quatre rappels et là encore Captain Sensible est monté sur scène, pour chanter Honky Honda cette fois. Par contre, je n'ai jamais acheté de disque des Dolly Mixture. Quand j'écoute les quelques titres disponibles sur la page MySpace qui leur est consacrée, dont certaines faces A de 45 tours, je n'ai pas trop de regrets : Dolly Mixture étaient typiquement le genre de groupe dont l'humour, le côté amateur et la joie de vivre faisaient fureur sur scène mais passaient mal le cap de l'enregistrement en studio.




En fait, Captain Sensible est passé au moins quatre fois à Top of the Pops avec Happy talk, dont une fois dans l'émission rétrospective de fin d'année. Là, nous avons ses apparitions loufoques avec Dolly Mixture les 24 juin, 1er et 8 juillet, au moment où son single est devenu n°1 des ventes.

23 novembre 2008

HAWKWIND : Kings of speed


Acquis au Secours populaire à Châlons-en-Champagne vers 2004
Réf : UP 35808 -- Edité par United Artists en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Kings of speed -/- Motorhead

Il faut que j'évite de me séparer de mes disques. Ceux pour lesquels c'est arrivé sont très minoritaires par rapport à tous ceux que j'ai eus mais je sais d'expérience que, pour une raison ou pour une autre, j'ai très souvent fini par regretter d'avoir revendu ou donné tel ou tel disque, rare ou non.
Celui-ci est un bon exemple. J'ai eu l'occasion d'aller quelques fois vers 2003-2005 au petit local de vente du Secours Populaire de Châlons, situé Cité Tirlet, dans un bâtiment construit à l'origine comme écuries pour la caserne qui se situait là, dans le prolongement de celui où l'ASCC Tennis de table a longtemps eu ses locaux.
De là, j'ai surtout ramené des livres car il y avait très peu de disques. Sauf une fois où je suis tombé sur un petit lot de 45 tours 2 titres des années 60-70. J'ai pris une poignée de ces disques, je les ai écoutés, j'en ai gardé quelques-uns (Fairport Convention, Jethro Tull,...) et j'ai mis les autres sur une étagère avec d'autres disques, dont des doubles, à donner, échanger ou vendre.
Cette semaine, j'ai fait le tour de ces disques et il y en a plusieurs que j'ai eu envie de réécouter, d'autant plus que cette année j'ai été amené à acheter et chroniquer pas mal de 45 tours années 70. Et évidemment, pour tous ces disques que j'avais écartés après une première écoute rapide, j'ai trouvé une bonne raison aujourd'hui de les conserver ! Comme quoi, il faut sûrement que je sois bien sélectif au moment de l'achat, mais il faut surtout que j'évite de me séparer de mes disques (et il faut que j'évite de me répéter...).
Parmi ces quelques disques sauvés par le gong figure ce 45 tours de Hawkwind, acheté uniquement parce qu'en face B il y a la chanson Motorhead, composée et chantée par Lemmy, qui allait donner quelques mois plus tard son nom au groupe Motörhead, après que Bastard ait été jugé un peu lourd à porter commercialement.
En le réécoutant, j'ai apprécié le rock solide et carré des deux faces du disque. On est bien plus proche ici du pub ou du punk rock que du space rock ou du progressif que j'associerais plus volontiers à Hawkwind. Même la face A Kings of speed est très rock, bien que ses paroles soient signées par l'écrivain de science fiction Michael Moorcock et qu'elle ait été ensuite placée à la fin de l'album Warrior on the edge of time, qui lui a une pochette des plus progressives. Non, Kings of speed est un rock binaire avec deux batteurs, quasiment un boogie qui pourrait être joué par Status Quo, sauf qu'il y quand même quelques étrangetés, comme des sons de synthé, un accompagnement de flûte et un solo de violon électrifié plus long que le solo de guitare.
Outre que c'est lui qui chante, la patte de Lemmy s'entend dès l'intro de basse de Motorhead mais la chanson n'est pas vraiment plus "lourde" que la face A. Pas de flûte, mais elle est remplacée par un saxo, qui prend des solos en alternance avec le violon qui lui est toujours là.
De sa pochette, avec ce qui ressemble à une photo du groupe qui émerge d'un paysage de clochers, le tout passé au trichloréthylène, au titre des deux chansons (Les rois du speed et Motorhead qui désigne en argot américain un accroc aux amphétamines) ce disque semble entièrement placé sous le signe des amphets. Et même au-delà, puisque c'est une arrestation à la frontière canadienne pour possession d'amphétamines en mai 1975 qui va conduire à l'expulsion de Lemmy d'Hawkwind et à la formation de Motörhead ! (La légende veut que, en plus d'être bassiste et chanteur d'Hawkwind, Lemmy en était le fournisseur de drogues...).
Si j'en crois la mention "Jerk" au stylo sur un des titres de la pochette, et la même mention reprise sur la rondelle du disque (mais pour l'autre titre, le DJ avait peut-être aussi pris quelque chose !), il est fort probable que ce 45 tours provienne du fonds de disques d'une boîte de nuit.

La pochette anglaise du 45 tours. On jurerait que le personnage à gros nez a été dessiné par Gilbert Shelton. D'un pays à l'autre, il y a eu au moins quatre pochettes différentes pour ce single, dont une qui tend à laisser croire que les rois du speed sont des athlètes du sprint !

22 novembre 2008

FAD GADGET : I discover love


Acquis au Virgin Megastore de Londres en septembre 1983
Réf : 12 MUTE 028 -- Edité par Mute en Angleterre en 1983
Support : 45 tours 30 cm
Titres : I discover love (Extended version) -/- Lemming stomp

Comme Make room/Ladyshave en 1981, I discover love est un single de Fad Gadget complètement inédit sorti entre deux albums. Celui-ci est arrivé entre le sommet que constitue à mon sens Under the flag et ce qui s'avèrera être l'ultime album de Frank Tovey sous le nom de Fad Gadget, Gag.
A peine quatre ans après les débuts 100% solo et synthétique de Fad Gadget, Frank Tovey se trouve là avec un groupe au complet et avec des instruments quasiment tous acoustiques : contrebasse, piano plutôt que synthétiseur, trois cuivres en invités; la seule note très électrique est apportée par l'autre invité, Rowland S. Howard de Birthday Party, avec sa guitare électrique.
J'avais adoré les versions maxi de Life on the line et For whom the bells toll, les deux précédents singles très électroniques de Fad Gadget. Du coup, j'ai été un peu déçu à la sortie de I discover love, mais l'évolution n'est pas trop surprenante quand on lit dans une interview à Sounds en 1983 que Frank Tovey estimait avoir fait un peu trop de compromis à la mode avec ces maxis, sans avoir plus de succès pour autant. En fait, I discover love n'est pas l'un des chefs d'oeuvre de Fad Gadget mais, comme One man's meat par exemple, dont il est assez proche, c'est une bonne chanson, qui fonctionne bien notamment grâce à l'apport des choeurs féminins et des cuivres, mis encore plus en valeur sur cette version allongée.
La face B du maxi, Lemming stomp, est un remix instrumental de la face B du petit 45 tours, Lemmings on lovers' rock, et, comme le "stomp" du titre l'indique, l'accent est mis sur le côté rythmique et percussif.
Ce disque est sorti au moment où je venais d'arriver à Londres pour y passer une année scolaire et c'est l'un des premiers que j'ai dû acheter sur place vu que, comme pour Magazine, Costello, XTC ou Devo, à l'époque j'achetais tout ce que sortait Fad Gadget.
Je me souviens qu'un jour, alors que j'attendais un bus qui mettait longtemps à venir, j'ai scruté pendant de longues minutes une affiche qui faisait la promo du single, à détailler ces dentelles et fanfreluches arrangées en forme de coeur accrochées à du grillage.
Par contre, là où j'ai un gros problème de mémoire, c'est quand je contemple longuement la page de mon agenda du 19 octobre 1983 et que j'y lis "Concert : Fad Gadget + Red On Red". Il paraitrait logique que Fad Gadget ait donné au moins un concert à Londres pour soutenir la parution de son single, et normalement cette mention dans mon agenda signifie que j'ai assisté à un concert ce jour-là, avec Red On Red en première partie de Fad Gadget, ce qui a dû être un moment important, puisque je n'avais encore jamais vu Fad Gadget sur scène et qu'il s'agissait seulement du deuxième concert depuis mon arrivée à Londres, le premier étant un concert de Rich Bitch au Clarendon en septembre.
Le problème c'est que je ne conserve aucun souvenir de ce concert !!
Je me souviens très bien du concert d'Elvis Costello à l'Hammersmith Palais la semaine suivante (d'ailleurs, j'en ai conservé le billet et j'avais noté la liste de titres joués). Je me souviens très bien également de ce qui constituerait le deuxième concert de Fad Gadget auquel j'ai assisté, le 4 mars 1984 au Lyceum Ballroom, au moment de la sortie de Gag (j'en ai aussi le billet et une chronique publiée dans la presse) : le Ballroom est une sorte de théâtre à l'italienne, j'étais à l'un des balcons et l'une des trois premières parties était un groupe débutant nommé Dead Can Dance dont la chanteuse, à un moment, jouait du stylophone agenouillée sur la scène.
Mais pour le concert du 19 octobre 1983, j'ai beau me triturer les méninges, rien ou quasiment rien ne me revient à l'esprit. Sauf peut-être le lieu du concert, l'Electric Ballroom, qui m'a peut-être été suggéré par un historique des concerts de Fad Gadget sur lequel je n'arrive pas à remettre la main aujourd'hui. La salle se situe à Camden, et cela aurait été l'une des premières fois où je me rendais dans ce quartier de Londres. Et effectivement, il me revient un vague souvenir de punks relativement agressifs (événement très rare dans mes expériences londoniennes) entre l'Electric Ballroom et la station de métro toute proche de Camden Town. Mais du concert lui-même, rien, pas une image mentale, pas un son en tête. Pourtant, selon toute vraisemblance, ce concert a bien eu lieu... et j'étais bien dans le public !

16 novembre 2008

BUCK 65 : A walk in the woods - Excerpts from Talkin' honky blues


Acquis très probablement à Nantes sinon à Paris fin 2003 ou en 2004
Réf : BUCK 6503 -- Edité par Warner au Canada en 2003 -- Promotional CD property of Warner Music Canada. Distributed for restricted use only. Subject to recall. Not for sale.
Support : CD 12 cm
Titres : Wicked & weird -- Riverbed part 1 -- Sore -- 463 + Talkin' honky blues (piste audiovisuelle)

Quand l'album Talkin' honky blues de Buck 65 est sorti en France et qu'il a entamé une tournée par chez nous, les différentes chroniques annonçaient bien la couleur : Buck 65 fait du hip hop mâtiné d'éléments de folk-rock-country. Un mélange qui avait toutes les chances de me plaire, mais qui était loin d'être nouveau pour moi. En tout cas, j'étais suffisamment intéressé pour être tout content de tomber sur ce disque, un bel objet promotionnel, le genre de trucs dans lequel seuls les gros labels sont assez fous pour investir — aux frais des artistes bien sûr : pochette cartonnée ouvrante, livret avec les paroles, petit documentaire de présentation dans la partie multimédia du disque, petit mot de présentation de l'artiste (qui nous apprend que son disque a été conçu entre son Canada natal et Paris, où il a séjourné) et quatre extraits de l'album.
Mais sur le coup j'ai écouté le disque une ou deux fois rapidement avant de le ranger pour longtemps. Non pas que je l'ai trouvé mauvais, mais les descriptions que j'avais lues étaient trop exactes et j'ai vraiment eu l'impression d'entendre une resucée de choses que j'avais beaucoup appréciées les dix années précédentes, de Beck à Bobby Sichran, en passant par G. Love ou Alabama 3.
Aujourd'hui, cette impression d'un tout relatif manque d'originalité reste tout à fait valable, mais en réécoutant le disque avec une oreille fraiche je me suis surpris à apprécier énormément tous ses titres, à commencer par Wicked & weird, le premier single extrait de l'album, avec sa bonne grosse basse, son banjo sur les couplets et son rythme sautillant.
Riverbed est décliné en sept parties sur l'album. Ici, on a la première partie. C'est le seul des quatre titres de ce CD qui n'ait pas été édité en face A de single. C'est aussi le plus lent, avec une ambiance de musique de western donnée par une guitare acoustique à tendance twangin' et une pedal steel façon country sur lesquelles Buck 65 rappe/raconte son histoire.
Sore est construit sur une ambiance reggae dub. C'est aussi un titre assez lent, que j'aime bien mais que je trouve moins accrocheur que Wicked & weird et 463. Car 463 me plait presque autant que le premier titre, surtout son refrain, avec son petit gimmick au clavier et des sons de guitare électrique. Avec sa voix qui fait plus vieux que son âge et ses paroles sur le thème "Quand j'étais jeune c'était différent", Buck 65 se vieillit beaucoup sur ce titre.
En tout cas, c'est toujours agréable de (re)découvrir de bons disques dans ses étagères, et avec le temps qu'il fait, ce Walk in the woods fournit une occasion unique de se promener dans les bois sans se mouiller !

15 novembre 2008

MARCEL BIANCHI : Sa guitare et son grand orchestre


Acquis sur le vide-grenier de la rue de la Chaude Ruelle à Epernay le 11 novembre 2008
Réf : LDY 28050 -- Edité par Vogue en France en 1975
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

Depuis quelques années que je m'intéresse à ses enregistrements, j'ai l'impression de commencer à me faire une bonne idée de la production discographique de Marcel Bianchi. Pour la période de ses débuts jusqu'au milieu des années 1950, il y a les trois CDs édités chez Djaz (The exciting electric guitar, The swingin' guitar et The hawaiian guitar). Pour les dix années suivantes, chez Barclay, Pathé Marconi et surtout chez Vogue, je trouve régulièrement des disques (comme celui-ci ou celui-là) et les copains aussi. Certains des titres enregistrés sous le nom des Hawaiians Beachcombers ont été réédités dans les années 70, notamment un double album chez Vogue qu'on voit assez souvent.
C'est ce genre de disque que, par un pressentiment surprenant, je me suis dit que je risquais de trouver — au mieux — dans une caisse plastique pleine d'albums années 70 en bon état à 50 centimes, qui commençait par un album de James Last, puis un double album de James Last, puis un album de James Last "pour danser" puis encore un autre album de James Last reprenant des airs de musique classique.
Et effectivement, j'ai fini par trouver dans cette caisse non pas un mais trois albums de Marcel Bianchi, mais il ne s'agissait pas de rééditions seventies des Hawaiians Beachcombers comme je le pensais, mais d'enregistrements originaux de cette époque : outre ce disque de 1975, il y avait His guitars and the Fabulous Faces Orchestra crédité à Marcel Bianchi (1976) et Hawaii today crédité à Marcel Bianchi et ses Hawaiians Beachcombers (1978). Pour l'anecdote, ce stand ne devait pas se trouver à plus de trente mètres, dans la même rue, de l'endroit où j'ai acheté de le EP de Santo & Johnny il y a trois ans.
Ce disque-ci est sûrement celui qui a eu la plus grande diffusion, grâce à la célébrité de Paul Mauriat. Il a même été édité à l'étranger avec une autre pochette et le nom de Paul Mauriat mis en avant (voir ci-dessous). Mais c'est la pochette française qui en décrit le mieux le contenu : on y voit les violonistes du Grand Orchestre (de Paul Mauriat plutôt que de Marcel Bianchi) par-dessus lesquels surgit, dans un halo blanc, la superbe steel guitar à deux manches de Marcel B.
Sur le premier titre, Only you, c'est le plus flagrant : rythme quasi disco, envolées de cordes et la guitare qui vient jouer la mélodie. Sur le reste du disque, les arrangements d'orchestre se font plus discrets et on apprécie mieux la guitare sur Sleep walk, de Santo & Johnny justement, Over the rainbow, Love story, et même sur une nouvelle version de Love is blue, le plus grand succès de Paul Mauriat, qui permet à Marcel Bianchi de se mesurer — à distance — avec Jeff Beck. Mais on est loin de la pureté et du dépouillement des enregistrements souvent solo des années cinquante crédités à Marcel Bianchi et sa Guitare. C'est encore pire sur les deux disques "non stop" de 1976 et 1978 car là l'accompagnement est carrément disco !


Le verso de l'album.


La pochette intérieure du disque : Marcel Bianchi en pantalon patte d'éléphant sur un front de mer, très probablement sur la Côte d'Azur (cliquer pour agrandir).


La pochette d'une édition internationale chez Philips de cet album.

Ajout du 12 janvier 2010 :

La même guitare que sur mon album (ou sa soeur jumelle), dessinée et non photographiée, déjà en vedette sur une pochette d'album une vingtaine d'années plus tôt (33 t 25 cm, Riviera 6525).

Ajout du 16 octobre 2016 :


Un document qui nous montre Marcel Bianchi dans ses oeuvres.

14 novembre 2008

DARK DARK DARK : Love you, bye


Acquis au Ludoval à Reims le 12 novembre 2008
Réf : wam - 04 -- Edité par What A Mess ! en France en 2007
Support : CD 12 cm
Titres : Benefit of the doubt -- That light -- Trouble no more -- Come home -- Wayfaring stranger

Est-ce qu'on prend un coup de vieux quand les enfants de ses amis se lancent dans la création d'un label indépendant ? Non ! Simplement, on se réjouit que le flambeau ait bien été transmis.
Ainsi, What A Mess !, label basé à Toulouse, a édité ce premier disque du groupe américain Dark Dark Dark (un album, The snow magic, vient de lui succéder tout récemment) et a rendu possible leur première tournée européenne, qui se déroule actuellement.
Alerté par Rockomondo, je n'ai pas raté leur concert organisé mercredi dernier à Reims par l'association Oxalart.
Sur scène comme sur disque, la principale qualité et l'originalité de Dark Dark Dark (ils auraient franchement pu trouver mieux comme nom), c'est le choix d'instruments des quatre musiciens : accordéon, banjo, contrebasse et violoncelle. On est loin de la formation rock classique, d'ailleurs ils sont loin de faire du rock : leurs chansons sont dans des ambiances folk-pop plutôt calmes. En-dehors de cette particularité de l'instrumentation, le groupe est discret, peu exubérant et ses chansons sont toutes bonnes, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Le groupe compte deux chanteurs principaux, une fille et un garçon, et c'est quand ils mêlent leurs voix que ça fonctionne le mieux, et ce d'autant plus quand les deux autres musiciens se joignent à eux pour faire des choeurs.
Le disque est un superbe objet, avec sa pochette cartonnée imprimée à l'ancienne, qui me rappelle le premier album de M. Ward (ce n'est sûrement pas un hasard, puisque cette pochette — en tout cas celle de l'édition distribuée aux Etats-Unis — a été imprimée à Portland, là où M. Ward est basé). Mes deux titres préférés sont Trouble no more et Benefit of the doubt, mais l'ensemble du disque est d'une grande qualité. Même le traditionnel Wayfaring stranger, que j'aime beaucoup mais qui, à force d'être repris par tout le monde, de Johnny Cash à Giant Sand, risque de finir par lasser, bénéficie d'un arrangement original, avec l'utilisation ponctuelle d'un piano, qui donne de la fraîcheur à l'écoute.
La tournée de Dark Dark Dark se poursuit en France pendant une semaine encore. Ne les manquez pas s'ils passent près de chez vous...

13 novembre 2008

BIG TEARS AND THE CROCODILE : Sea side shuffle


Acquis sur le vide-grenier d'Athis le 14 septembre 2008
Réf : UP 35387 -- Edité par United Artists en France en 1972
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Sea side shuffle -/- Sea side shuffle (Instrumental)

Le jour où j'ai acheté ma vingtaine de EPs et 45 tours sixties à la brave dame à Athis, y compris celui d'Eileen, je suis repassé devant le stand quelques minutes plus tard en lui jetant un regard déjà nostalgique, vu toutes les bonnes trouvailles que j'y avais faites.
C'est alors que j'ai remarqué que le 45 tours figurant en tête de l'une des boites, visible depuis l'autre côté de la rue, portait la mention "Sea side shuffle". J'avais dû le négliger à l'aller car c'était un 45 tours simple dont la pochette papier avait souffert, et les EPs en bon état avaient capté toute mon attention, mais là j'ai tout de suite retraversé la rue et ajouté 50 centimes au pot pour récupérer ce disque.
Pendant quelques secondes, je me suis fait avoir et j'ai cru avoir en main la version originale de cette chanson Seaside shuffle, le tout premier tube écrit par Jona Lewie. Mais j'ai tout de suite eu un doute, car je me souvenais que, si le nom du groupe comprenait un jeu de mots avec des noms d'animaux, il s'agissait plutôt d'animaux préhistoriques que de crocodiles.
En fait, tout comme le disque de Pro Cromagnum (Sapiens) visait à parasiter le succès de A whier shade of pale, celui-ci, qui affiche fièrement la position de "N° 1 en Angleterre" (n° 2 au mieux en fait) de la chanson ne vise qu'à récupérer un bout du gâteau du succès du disque original, Seaside shuffle par Terry Dactyl and the Dinosaurs. Le succès de ce disque a été suffisamment important pour qu'il sorte en France à la même époque au moins une autre reprise parasite, celle de Jo Sony Arven System (quel nom !).
L'histoire de ce tube est un peu particulière. C'est une chanson qui figurait au répertoire du groupe de blues rock Brett Marvin and the Thunderbolts, composée par leur pianiste John Lewis alias Jona Lewie. Comme elle était vraiment très légère et commerciale, ils ont préféré utiliser un pseudonyme, Terry Dactyl and the Dinosaurs donc, quand il s'est agi de l'éditer en 45 tours, en 1971 la première fois avant qu'une réédition amène le succès en 1972. Evidemment, elle a mieux marché que tous leurs disques précédents, tant et si bien que l'album suivant de Brett Marvin and the Thunderbolts, le troisième, a été intitulé Alias Terry Dactyl and the Dinosaurs !
La chanson a un petit côté cajun et a souvent été comparée à un autre gros succès, In the Summertime de Mungo Jerry, le tube de l'été 70, avant la sortie de Seaside shuffle donc. Mais il n'est pas si facile de savoir qui a influencé qui car, selon Wikipedia, Mungo Jerry a eu l'occasion d'entendre Seaside shuffle sur scène avant d'enregistrer In the Summertime, alors qu'il faisait la première partie de Brett Marvin and the Thunderbolts.
A l'écoute de Seaside shuffle, on reconnait parfaitement la patte de compositeur de Jona Lewie, celle qui lui apportera à nouveau le succès quelques années plus tard, avec Stop the cavalry notamment. Mais, autant que je m'en souvienne, quand Jona Lewie a édité On the other hand there's a fist, son premier album chez Stiff en 1978, et qu'il a participé au Be Stiff tour, la tournée des nouvelle signatures du label, personne ou presque, ni chez ceux chargés de faire sa promotion chez Stiff (évidemment), ni chez les journalistes, ne signalait que Jona Lewie avait déjà une assez longue carrière derrière lui.
On ne saura probablement jamais quels musiciens se cachent derrière Big Tears and the Crocodile. Personnellement, je pencherais pour des français, car le disque n'a visiblement été édité que chez nous et il ne se contente pas de reproduire le plus fidèlement possible l'enregistrement original, il pastiche aussi la pochette française du disque (l'anglaise est très différente) :

La face A est une reprise tout à fait compétente de la chanson originale, mais n'a aucun intérêt particulier. Outre sa curiosité éditoriale, le seul intérêt de ce disque musicalement, c'est la version instrumentale qui figure en face B : la mélodie principale y est jouée par un duo de kazoo et de Moog du plus bel effet, qui donne un peu de sel à cet enregistrement !
Le label RPM a sorti en 2007 le CD Sea side shuffle, une compilation d'enregistrements de Terry Dactyl and the Dinosaurs.

12 novembre 2008

THE JUSTIFIED ANCIENTS OF MU MU : 1987 (What the fuck is going on ?)


Acquis chez New Rose à Paris le 1er septembre 1987
Réf : JAMS LP 1 -- Edité par The Sound of Mu(sic) en Angleterre en 1987
Support : 33 tours 30 cm
7 titres

Je n'ai pas un très très grand mérite à ne pas avoir raté l'occasion qui m'a été donnée d'acheter ce disque la seule fois où elle s'est présentée.
Après tout, j'avais suivi de près les productions de Bill Drummond et David Balfe sous le nom des Chameleons pour Echo and the Bunnymen et les Teardrop Explodes. J'avais même acheté un 45 tours de Lori & the Chameleons. J'avais serré la main de Bill Drummond moins d'un an plus tôt, et j'avais suivi les premières aventures des Justified Ancients of Mu Mu dans la presse depuis le début de l'année 1987, avec le buzz qu'ils avaient créé en détournant des panneaux publicitaires pour y apposer leur slogan "Shag! Shag! Shag!" puis la sortie et les chroniques de leur single All you need is love, dont j'avais entendu parler mais que je n'avais ni écouté ni acheté.
Alors, quand j'ai vu ce disque en présentation au-dessus du rayon 33 tours de New Rose, j'ai tout de suite reconnu le logo du groupe et je savais à quoi j'avais à faire. En plus, pour je ne sais quelle raison, New Rose le vendait à 45 F., le prix d'un maxi single plutôt que celui d'un album. Sachant que je ne résiste jamais à une bonne affaire, il y avait peu de chances que je sorte de chez New Rose sans avoir 1987 (What the fuck is going on ?) sous le bras !
Ce disque est le premier d'une série qui a mené Bill Drummond et Jimmy Cauty au succès de The KLF, via les Timelords. L'histoire/La légende du groupe a souvent été racontée, notamment par Bill Drummond lui-même dans son livre 45 et dans le tout récent 17 : Le 1er janvier 1987, Bill Drummond décide de faire un disque de hip hop à base de samples. Il appelle son pote Jimmy Cauty, ancien du groupe Brilliant, avec qui il avait eu l'occasion de découvrir la production à base d'échantillons d'autres disques en regardant travailler le producteur Pete Waterman, de Stock Aitken Waterman sur la production du single It's a man's man's world. Armés d'un sampler primitif, d'une boite à rythmes, d'un ordinateur Apple II et de micros, ils commencent à produire et à distribuer dès le printemps 1987 (en "white label" hors commerce dans un premier temps) des titres comme le premier single All you need is love, bourrés d'échantillons illégaux pris sur d'autres disques. Soi-disant qu'ils pensaient ne pas être embêtés car leurs disques resteraient underground...
Toujours est-il que la presse les chronique et relaie leurs premiers coups médiatiques, comme celui des panneaux publicitaires, et lorsque sort en juin 1987 leur premier album 1987 (What the fuck is going on ?), les avocats d'ABBA (largement samplé sur The Queen and I) et la MCPS (l'équivalent de la SDRM chez nous, partie de la SACEM) leur sont rapidement tombés dessus.
Fin août 1987, la MCPS ordonne aux JAMs de détruire leur stock de disques. En septembre, sans prendre de rendez-vous et accompagnés d'un journaliste du NME, ils se rendent en Suède en ferry pour discuter avec ABBA. Inutile de dire que la discussion n'a pas été au-delà de la diffusion à fort volume de The Queen and I à l'extérieur des bureaux du groupe !
Alors que j'étais reparti de la Gare de l'Est avec mon album sous le bras depuis quelques jours à peine, le disque était retiré de la vente, The JAMs avaient brûlé leur stock de l'album dans un champ en Suède (ce qui leur a procuré la couverture du NME et la pochette de leur deuxième et dernier album Who killed The JAMs ?) et racheté "les 5 derniers exemplaires" du disque chez un disquaire pour les mettre en vente à 1 000 £ pièce via une pleine page de pub dans la presse, ce qui n'était pas illégal selon eux.
En même temps qu'ils retiraient le disque de la vente, les Justified Ancients of Mu Mu le ressortaient dans une version expurgée de ses samples illégaux, 1987 (The JAMs 45 edits), qui du coup tenait sur un maxi 45 tours. Les notes de pochette contenaient des instructions hilarantes pour recréer chez soi le disque original à l'aide d'un tourne-disques, des disques samplés, d'une télé et d'un micro, je crois me souvenir. Je n'ai qu'un regret, c'est de ne pas avoir acheté ce disque lorsque je suis tombé dessus chez un disquaire d'une petite ville au fin fond de la Bavière, près de la frontière autrichienne. Il faut dire que, ce jour-là, j'ai préféré consacrer mes finances à deux disques KLF Communications que je ne connaissais pas, Down town des JAMs et un maxi de Disco 2000.
On l'a compris, ce disque retiré du commerce tient une place particulière dans l'histoire de la musique enregistrée. Il est très rare, mais de nos jours on peut s'en procurer l'intégralité des titres gratuitement d'un seul clic. Mais pour autant, est-ce que le disque lui-même vaut quelque chose ?
Et bien pour moi la réponse est oui ! Déjà, il y a ce fameux The queen and I, qui est le titre du disque que j'ai toujours le plus écouté. J'ai grandi avec ABBA en fond sonore, mais avant d'écouter 1987 je ne connaissais en fait pas bien du tout Dancing queen, le disque presque entièrement utilisé par les JAMs pour ce titre. On comprend que ça ait énervé ABBA, pas tellement de voir leur tube repompé intégralement, avec un rap de King Boy Drummond, mais d'entendre leur refrain suivi par une voix trafiquée façon canard qui le reprend en s'en moquant ouvertement ! C'était tellement bon qu'avec Phil Sex et Raoul Ketchup nous avions presque immédiatement re-piraté ce disque pour l'intégrer au génrique de notre émission Rock Comptines sur La Radio Primitive. La chanson, après avoir été interrompue plusieurs fois par Johnny Rotten qui éructe "God save the queen" jusqu'à ce que quelqu'un enlève le bras de la platine après qu'il a crié "Destroy !", est suivie par un long extrait de Top of the Pops.
Généralement, les interludes sur l'album sont d'ailleurs excellents, comme l'enregistrement d'un message de sécurité du métro londonien, qui renvoie immédiatement le touriste à sa nostalgie de Londres ("Mind the gap... Stand clear of the doors please") ou Me ru con, une chanson vietnamienne chantée a cappella par Duy Khiem. Khiem était d'ailleurs présent pour enregistrer des cuivres pour l'album. Car, si l'agencement de samples et de raps constitue l'ossature du disque, on a tendance parfois à oublier qu'il y a un apport musical complémentaire, avec du sax et d'autres cuivres, donc , et surtout des choeurs.
Ce sont ces choeurs, qui prendront encore plus d'importance sur le deuxième album, qui fournissent à mon goût les meilleurs moments de l'album en-dehors de The Queen and I : l'ode à Rockman Rock qui constitue toute la deuxième moitié de Rockman Rock (Parts 2 and 3), l'ébauche de Justified and ancient intégrée à Hey hey we are not The Monkees et la ritournelle reprise en boucle comme refrain sur All you need is love. Mais l'intérêt du travail musical fait pour intégrer samples et rap sur un titre comme Don't Take Five (Take What You Want), et plus globalement sur tout le disque, ne doit pas être masqué par le goût de la provocation et de la bonne blague de Bill Drummond et Jimmy Cauty.
De ce goût, ils nous ont fait largement profiter par la suite, en commençant dès 1988 par Doctorin' the Tardis, un n°1 au hit-parade attribué à leur voiture de police américaine, suivi des nombreux tubes de The KLF.



Le catalogue de produits dérivés photocopié inséré dans l'album. Je trouve que, à 3 000 £, la voiture de police n'est pas chère par rapport au marteau-piqueur à 4 000 £. A moins bien sûr que la voiture ne soit qu'un modèle réduit !

09 novembre 2008

JEFF BECK : Love is blue (L'amour est bleu)


Acquis sur le vide-grenier de la rue de l'Hôpital à Epernay le 2 novembre 2008
Réf : CF 136 -- Edité par Pathé Marconi en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Love is blue (L'amour est bleu) -/- I've been drinking

Autant la veille la petite brocante de la Toussaint à Mutigny avait été noyée sous la pluie et le froid, autant celle de la rue de l'Hôpital à Epernay a bénéficié d'un temps clément, et surtout sec.
Dès le premier stand que j'ai croisé, avec quelques livres de poche exposés, j'ai eu un bon pressentiment quand aux trouvailles possibles sur ce vide-grenier, même si je n'ai rien acheté à ce premier stand. Et effectivement, alors qu'à l'automne le nombre des exposants est relativement restreint, j'ai acheté des disques sur quatre stands différents, ce qui est beaucoup pour moi. Sur le deuxième de ces stands, des brocanteurs professionnels qui s'étaient contentés de sortir six ou sept 45 tours sixties sur l'un de leurs meubles en bois en vente, j'ai acheté pour 1 € ce seul disque.
Avant de le prendre, j'ai quand même eu quelques hésitations. J'étais tenté de l'acheter car L'amour est bleu est une scie que j'aime bien et, sans même parler du tube international instrumental de Paul Mauriat avec une version de la chanson de Vicki Leandros en compétition pour le Luxembourg à l'Eurovision 1967, j'en ai quelques interprétations éparpillées sur des disques, dont l'une sur une compilation allemande à la pochette mémorable, que j'ai utilisée pour l'illustration au verso de ma compilation Surprise partie hoptimiste. Mais j'ai eu une hésitation car rien n'indiquait que le Jeff Beck interprète de ce titre easy listening pouvait être le Jeff Beck guitariste électrique virtuose, celui des Yardbirds, du Jeff Beck Group et de Beck Bogert Appice. L'amour est bleu aurait suffi à me tenter de toute façon, mais la mention sur la rondelle que la production était de Mickie Most a achevé de me convaincre que, selon toute vraisemblance, il s'agissait bien là d'un disque du célèbre Jeff Beck.
Par contre, ce qui est étonnant à l'écoute, c'est que, dès l'intro, avec les cordes qui arrivent rapidement, on se rend compte que cette version de Love is blue n'a rien de différent des dizaines d'autres qui existent. Jeff Beck y est bien fleur bleue (ou ange bleu vu la pochette) plutôt que seigneur blues ! Certes, le principal instrument solo est la guitare électrique, mais elle n'a rien de particulièrement tranchant.
Apparemment, Jeff Beck aurait joué ce titre volontairement faux car il détestait la chanson. Je n'ai rien entendu de tel, mais en tout cas ce titre est la preuve que, au sortir des Yardbirds et alors qu'il sortait ses premiers singles, Beck avait les dents suffisamment longues pour se laisser convaincre d'enregistrer un single aussi commercial, qui parasitera quelque peu le succès de la version de Paul Mauriat dans les hit-parades anglais, mais sans faire aussi bien quand même (n° 23 pour Beck, 12 pour Mauriat).
La face B, I've been drinking, correspond plus à ce que l'on attend de Jeff Beck. C'est une ballade blues pas mauvaise, chantée par Rod Stewart. Pas mauvaise, mais écartée quand même de Truth, le premier album de Jeff Beck, sorti quelques mois plus tard. Love is blue n'y est pas non plus, mais les deux titres sont parmi les bonus des rééditions CD récentes de l'album. Mais au début des années 70, quand Rod Stewart a connu le succès, Pathé Marconi puis RAK (le label de Mickie Most) ont réédité les titres de ces premiers singles en mettant largement en avant le nom de Stewart sur les pochettes.
En tout cas, ce disque est le premier de Jeff Beck que j'achète... et probablement le dernier !

Ajout du 24 avril 2020 :
Il devait quand même bien l'apprécier L'amour est bleu le Jeff Beck, puisqu'on vient de me signaler en commentaire que, en 1967, il avait déjà enregistré une version de Love is blue pour la BBC. Cette version est carrément rock et correspond plus au style que l'on associe habituellement avec lui.


De The Move aux Four Tops, le verso de la pochette donne une bonne idée de l'actualité musicale de l'époque, celle qui figurait au catalogue Pathé Marconi en tout cas.


Au moins, avec cette pochette (sûrement anglaise), on sait à quel Jeff Beck on a à faire, mais la musique est la même et à la rigueur la pochette française est moins trompeuse, au moins pour la face A.

08 novembre 2008

SOLAL : Luna's song


Acquis chez Parallèles/Gilda à Paris le 17 octobre 2008
Réf : YAB037CD -- Edité par Ya Basta ! en France en 2007 -- Promotional copy - Not for sale
Support : CD 12 cm
Titres : Luna's song Original version (Radio edit) -/- Luna's song Robag's Verlan-Lanu rework

Le cellophane du CD promo n'avait même pas été ouvert. Comme quoi son destinataire n'a jamais pris la peine de l'écouter. Il y avait aussi quelques pas plus loin un DVD avec le clip de la chanson, mais je l'ai laissé.
The Moonshine Sessions, ça me disait vaguement quelque chose, mais de toutes façons la pochette m'a attiré l'oeil et aurait largement suffi pour que je mise 80 centimes sur ce disque.
L'ambiance est délicieusement rétro, façon étiquette de disque 78 tours. Il y a la mention de Nashville et du Tennessee, on sait donc qu'on est en plein pays country.
Le paysage de montagne stylisé me fait penser au Carbon glacier de Laura Veirs. Le clair de lune dans ce contexte ne peut qu'évoquer la fameuse scène d'anthologie, nocturne et magique, de La nuit du chasseur.
"Moonshine", c'est un mot que je connais. Ça veut dire "Clair de lune", bien sûr, mais ça désignait aussi pendant la prohibition le whisky de contrebande qu'on faisait la nuit. Mon dictionnaire me dit que ça signifie aussi "Balivernes", mais je ne connaissais pas ce sens là. Non, quand je pense au "Moonshining", à faire du whisky de contrebande, je pense à Fantasia chez les ploucs de Charles Williams, roman aussi indispensable que La nuit du chasseur est un film indispensable.
Bon, avec tout ça je n'ai pas encore ouvert le disque. En fait, pour faire facile, je savais avant de l'écouter que, grosso modo, The Moonshine Sessions c'était un peu Un français chez les ploucs. Ce que j'avais oublié, c'est que ce français, Philippe Cohen Solal, est l'un des personnages à l'origine de Gotan Project il y a quelques années.
Cette fois-ci, il s'est donc rendu à Nashville et, épaulé par Bucky Baxter, qui a longtemps accompagné Bob Dylan à la pedal steel, il a enregistré un album qui, comme sa pochette, baigne dans l'Americana. Et franchement, si j'en crois ce Luna's song, le résultat est très séduisant. On n'est pas dans le roots et le rétro à fond, la production est léchée, les sons polissés, on tend plus vers la sophistication d'un Joe Henry ou d'un Kelly Joe Phelps, mais Luna's song, avec ses paroles sur le besoin d'un retour à la nature ("Moman, je veux vivre là où je peux voir les étoiles"), avec le chant de Lucas Reynolds, est un titre pop country réussi, très accrocheur, avec guitares et violon (la vidéo est très nature également).
La seule faute de goût de ce disque, c'est le remix qui suit la version originale. Comme très souvent, il se contente d'étendre la chanson de moins de trois à plus de six minutes en y ajoutant un vague beat et surtout en détruisant tout ce qui en fait le charme au départ. La preuve : les seuls moments où l'on tend l'oreille pendant ce titre, c'est quand on entend des bouts de mélodie chantés.
A signaler que, à en croire la discographie fournie sur le site officiel, et un peu sur le même modèle que le Lang toun de James Yorkston, si ce single a bien été édité en vinyl (25 cm), il semble qu'il n'ait pas été commercialisé au format CD et donc que les seuls exemplaires existants sont ceux utilisés à des fins promotionnelles, comme celui-ci.

02 novembre 2008

ROBERT WYATT : At last I am free


Acquis dans la première moitié des années 1980
Réf : RT 052 -- Edité par Rough Trade en Angleterre en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : At last I am free -/- Strange fruit

Il m'a fallu les exhortations de plusieurs amis, plusieurs tentatives et de nombreuses années avant d'apprécier Sea song, l'un des titres phares de Rock bottom. Mon passage préféré est toujours la partie chantée au début. Il y a quelques jours, Philippe R. m'a encore aiguillé vers une version relativement récente en public de Sea song, avec Annie Whitehead et aussi Karen Mantler je pense, qui prouve amplement que, malgré le temps qui passe, Robert Wyatt a conservé sa voix et sa magie.
Mais Je suis un enfant de la new wave, et donc je n'ai fait la connaissance de la musique de Robert Wyatt ni avec Soft Machine ni avec Rock bottom, mais bel et bien avec la série de 45 tours qu'il a sortie chez Rough Trade entre 1980 et 1982, et particulièrement avec celui-ci, avant même la parution de Shipbuilding, un enregistrement qui m'aurait intéressé de toutes façons à l'époque du seul fait de l'implication d'Elvis Costello.
En fait, je connaissais les deux faces de ce disque avant même de l'acheter, puisque j'ai eu coup sur coup à peu de temps d'écart At last I am free sur la compilation américaine Wanna buy a bridge ? et sa face B Strange fruit sur la cassette Best/Rough Trade.
Pendant longtemps, je n'ai pas su que At last I am free était une reprise de Chic, le groupe que je connais surtout pour son méga-tube Le freak (C'est chic) et pour l'influence de Good times sur le rap. Aujourd'hui, après avoir écouté la version originale pour la première fois, je me dis qu'il fallait mieux que je ne la connaisse pas pour apprécier pleinement la version de Wyatt. La version de Chic est un gros slow de plus de sept minutes, avec une chanteuse solo assez difficile à supporter dans les couplets. Pourtant, objectivement, la reprise de Wyatt est très fidèle à l'original : il l'interprète seul aux claviers et percussions avec l'aide d'une boite à rythmes, mais il a eu la très bonne idée de se concentrer sur ce que la chanson a de mieux, son refrain, et même sur les couplets, son chant, pas si lointain que ça de celui sur Sea song, fait la différence.
C'est avec Robert Wyatt également que j'ai appris à connaître le classique Strange fruit, et son enregistrement, pour lequel il est rejoint par Frank Roberts au piano et Mogosi Mothle à la contrebassse, restera à jamais pour moi la version de référence. Avec cette chanson-poème contre le racisme et le lynchage des noirs, on retrouve le thème de chansons engagées/de protestation commun à la série de singles, qui est moins évidemment présent sur At last I am free, sauf à prendre le titre au sens littéral, différent de celui que lui donnent les autres paroles.
Depuis 1982, ces titres sont disponibles sur l'album Nothing can stop us et sur de nombreuses autres compilations de Robert Wyatt.