29 octobre 2020

DANIEL LALOUX : Ode aux rémois


Offert par Fabienne M. à Mareuil sur Ay en octobre 2020
Réf : 70 490 -- Édité par Barclay en France en 1964
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ode aux rémois -- La petite girl -/- Le bon employé -- Les jeunes filles du Luxembourg -- La mouche

Ce blog fête ses quinze ans aujourd'hui, et on approche de la 1600e chronique.
Je vais essayer de ne pas répéter ce que j'ai dit au moment des 5e et 10e anniversaires, mais on a bien la confirmation maintenant que j'ai de la matière pour faire durer ce projet de chroniquer des disques de ma collection. Un projet qui a quand même évolué au fil du temps.
Par rapport aux débuts, je publie beaucoup moins souvent (on en est à une chronique hebdomadaire ces derniers temps), mais les textes sont beaucoup plus fournis et, la technologie et la documentation à disposition évoluant, il y a presque systématiquement du son ou de la vidéo en complément.
Et puis bien sûr, après tout ce temps j'ai à peu près épuisé mon stock de disques rares ou curieux et je chronique désormais surtout des disques récemment acquis, même s'il m'arrive de faire de belles redécouvertes en fouinant dans mes étagères. De plus en plus, d'ailleurs, alors que je ne le faisais pas au début, il m'arrive d'acheter des disques spécifiquement parce que j'ai envie de les chroniquer ici.
C'est un peu le cas avec le disque d'aujourd'hui, que je me suis fait offrir pour cette occasion un peu spéciale. Une Ode aux rémois composée et interprétée par un rémois, c'est parfait pour un blog marnais ! (C'était ça ou La marche de L'Union de Jean Patart,avec l'Orchestre de la Musique des Gardiens de la Paix. Je vous promets que vous y gagnez au change...)

J'ai récemment regardé le téléfilm Colette de Gérard Poitou-Weber (1985, musique originale de Joseph Racaille). On y voit notamment un personnage que je ne connaissais pas, le mime Georges Wague. Ça me trottait dans la tête en regardant le film : l'acteur interprétant Wague me faisait penser à quelqu'un... C'est quelques minutes avant que le générique de fin me donne la réponse que je l'ai trouvée tout seul : c'est à Daniel Laloux que je pensais, quelqu'un dont je ne savais même pas qu'il était acteur, dont je ne connaissais qu'une seule photo, la pochette de ce 45 tours, partagée il y a quelques temps par des passionnés de musique rémois, notamment sur le site Reims Punk 'n' Roll. C'est dire que cette pochette et cet acteur m'ont marqué !

Daniel Laloux est né à Reims en 1937. Son père François, peintre et écrivain, a exercé d'éminentes responsabilités au sein du Collège de Pataphysique. Daniel, lui, a obtenu un premier prix de tambour au Conservatoire de Reims. Ce tambour, fabriqué de ses propres mains, ne l'a jamais quitté depuis.
J'ai trouvé peu d'informations substantielles en ligne sur Daniel Laloux, mais heureusement les amis Le Colonel et le Dérailleur Fou de l'émission l'Opération Kangourou l'ont reçu comme invité dans deux émissions mémorables le 17 janvier et le 24 janvier 2013, et je vous conseille vivement de prendre le temps d'écouter ces deux heures d'émission avant de poursuivre votre lecture, sachant que je vais en quelque sorte me contenter de résumer ici certains des propos qu'il y a tenus.

Daniel Laloux est donc musicien (joueur de tambour) et acteur (qui a débuté au théâtre avec Roger Planchon dans Les trois mousquetaires).
Comment s'est-il retrouvé à publier cette Ode aux rémois, son premier 45 tours, en 1964 ? Eh bien, il jouait (de la batterie) dans la pièce Les pupitres de Raymond Devos (musique de Georges Delerue, pianiste Michel Colombier) puis enchaînait les spectacles de cabaret (jusqu'à trois par soir). C'est là qu'il a été repéré par le directeur artistique de Barclay, Jean Fernandez.
Pour essayer de vendre cet artiste débutant qui ne faisait pas des chansons "carrées" en couplet-refrain, l'idée est venue de compenser en sortant le disque au format carré plutôt que rond. Il existe tout plein de disques découpés suivant des formes variées (comme par exemple le CD des Walkabouts en forme de violoncelle), mais finalement cette forme toute simple du carré, qui change complètement la perception de l'objet et s'adapte parfaitement à la pochette, a rarement été utilisée.
Le disque a connu une mésaventure : au prétexte qu'on y entend dans les paroles "Aujourd'hui j'ai perdu le respect des anciens et "L'espoir" de Malraux, mais par contre j'ai trouvé une rémoise dans mon short. Shortilège !", le disque a eu droit à une pastille rouge à la radiodiffusion française, qui en interdisait la diffusion pour "indigence de texte" ! Du coup, il s'est peu vendu (environ 800 exemplaires) et un passage à la télévision dans une émission de Jean-Christophe Averty a été annulé (mais Jacques Brel a été emballé et l'a diffusé dans sa propre émission sur la radio privée Europe 1).
Le 45 tours, sur lequel Daniel Laloux est accompagné par Michel Colombier et son Grand Orchestre, comporte cinq titres assez brefs, aux paroles marquantes.
Les rémois qui se "turluchent la bonbonne de leur grande cathédrale" ne tiennent que l'un des rôles d'Ode aux rémois, au côté des chinois qui se "lissent la moustiche". Le rythme sur lequel Laloux assène ces paroles est assez martial. Dans la partie jazz finale, c'est Michel Portal qui joue le solo.
La petite girl, dans une ambiance jazz également, en a marre de montrer son lard à des veaux et voudrait faire des ménages chez des poète un peu fou-fous. Heureusement un beau jeune homme lui murmure à l'oreille "Viens que j't'agace dans mon armoire à garces" et le conte de fées finit bien.
Dans une veine similaire, Le bon employé et Les filles du Luxembourg sont également des réussites. Je pense parfois à l'écoute à Boris Vian ou à Brigitte Fontaine (Fontaine et Laloux ont dû se croiser dans le Paris rive gauche des années soixante. Ils signent chacun une des chansons du premier album de 1968 de Christine Sèvres, arrangé par Jean-Claude Vannier et Alain Goraguer).
Quant à La mouche, dans un style baroque à la Purcell, c'est une de mes chansons préférées du disque. On pourrait l'enchaîner avec le One charming nyte de Zarjaz, l'une des curiosités des débuts de Creation.
 
C'est dommage, il n'est pas question dans les entretiens de l'Opération Kangourou du deuxième et ultime 45 tours de Daniel Laloux. Il est sorti en 1967 chez Bagatelle, arrangé par Alain Goraguer. Le titre principal est l'excellent Guidi gada goudou.
Dans les années suivantes, côté musique, Daniel Laloux a participé à des projets marquants.Il a notamment fait partie de l'orchestre du saxophoniste de jazz américain Marion Brown. Il joue de la basse et des percussions sur l'album en public Marion Brown im Sommerhausen, enregistré en mai 1969, et c'est lui qui vocalise sur Il ne chant pas.
Alors qu'il jouait au cabaret La Vieille Grille à Paris, un certain Daevid Allen était aussi à l'affiche. Daniel lui a proposé de collaborer pour sa chanson Le gang des gongs, qu'il avait fait traduire en anglais. Par la suite, il a rejoint le groupe débutant Gong, dont le nom serait inspiré du titre de sa chanson. Il quittera le groupe début 1970, mais on l'entend sur les deux faces de l'excellent 45 tours Garçon ou fille, Est-ce que je suis et Hip hypnotise you.
Sur scène, il a notamment fait une prestation mémorable au festival d'Amougies en octobre 1969. A quelques encablures du champ de bataille napoléonien, il a réveillé à quatre heures du matin le public, composé à la fois de hippies et d'habitants du cru, en s'accompagnant au tambour pour déclamer Expiation de Victor Hugo et son fameux "Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !". Cette prestation a dû être enregistrée et même filmée, mais je ne l'ai pas trouvée en ligne.
Et donc, son tambour accompagne toujours Daniel Laloux : en 2015-2016, il présentait avec Catherine Bayle le spectacle Tambour cœur du monde, une suite de séquences surprenantes, parlées, hurlées, chantées, dansées sur des rythmes d’enfer !
 
Pour ma part, pour fêter cet anniversaire, je suis bien content d'avoir grâce au disque carré de Daniel Laloux réussi une prouesse réputée impossible : résoudre la quadrature du cercle !
On peut écouter les trois autres titres dans les émissions de l'Opération Kangourou.

A voir :

Un bruit qui court, le film de 1983 de et avec Daniel Laloux et Jean-Pierre Sentier, dont il est question dans l'émission, est actuellement visible sur YouTube.



Le texte au recto de la pochette. Recto qui ne couvre pas toute la surface pour laisser apparaître le disque carré.

16 octobre 2020

EELS : Cancer for the cure


Acquis chez Age Concern à Douvres le 10 mars 2016
Réf : DRMCD-22373 -- Édité par Dreamworks en Angleterre en 1998 Support : CD 12 cm
Titres : Cancer for the cure -- Everything's gonna be cool this Chrismas -- Exodus part III

Comme quoi tout est question de contexte... Quand ce disque est sorti en 1998 et quand je l'ai acheté en 2016, la seule chose que l'illustration de pochette m'évoquait, c'est ces japonais qui portent souvent des masques dans l'espace public, notamment les transports. Évidemment, quand j'ai redécouvert cette pochette en sortant le disque de mon étagère il y a quelques jours, ça m'a évoqué des choses bien plus proches et en plein dans l'actualité !
Mais ce n'est pas pour sa pochette que j'ai ressorti ce disque. C'est tout simplement parce que j'ai acheté récemment l'album Electro-shock blues en CD à 50 centimes et que, en l'écoutant, j'ai particulièrement apprécié Cancer for the cure. Une bonne raison pour aller repêcher ce single d'Eels.

L'introduction de Cancer for the cure est joyeusement bruitiste. Comme il est question de maladie et de guérison, elle me fait immanquablement penser à A chance to cut is a chance to cure, un album de Matmos que je ne connais pas, mais dont je sais que la matière sonore de base est issue d'enregistrements réalisés lors d'opérations ou d'examens médicaux !
En tout cas, la chanson fonctionne très bien, et sa vidéo est même rigolote. Comme Novocaine for the soul, elle me fait penser à Beck (le producteur Mickey P. a par ailleurs remixé plusieurs titres de Beck).
Les paroles sont plus humoristiques que noires, même si la mort, le suicide et l'héroïne sont évoqués. Il y a aussi des références à Frank Sinatra et Courtney Love. La seule façon dont j'arrive à comprendre le titre, c'est qu'il y a une inversion de termes et qu'on s'attendrait plutôt à entendre l'expression "the cure for cancer"...

Les deux faces B sont intéressantes.
Everything's gonna be cool this Chrismas est paru à l'origine sur la compilation cassette Christmastime in the LBC. On n'y trouvait que des inédits, dont le Little drum machine boy de Beck, lui aussi publié ailleurs par la suite. C'est une chanson pop et punky très bien fichue.

Le troisième titre Exodus part III est crédité au batteur Butch Norton, pourtant on n'y entend pas du tout de percussions. C'est un enregistrement en public, peut-être au moment d'un rappel, et c'est en fait un solo de sifflement, produit à l'aide ou non d'un instrument. Anecdotique mais sympathique et parfaitement à sa place sur une face B.

Il n'y a pas que la pochette de ce disque qui est d'actualité pour Eels, puisque le groupe annonce pour le 30 octobre la sortie d'un nouvel album, Earth to Dora.




Eels, Cancer for the cure, en direct dans l'émission Later with Jools Holland fin 1998.

10 octobre 2020

THE DUPONT CIRCLES : In search of the family Gredunza


Offert par Wally Salem par correspondance en septembre 2020
Réf : BEAUTY 039 -- Édité par The beautiful Music au Canada en 2020
Support : CD 12 cm
16 titres

Je connais Wally Salem et son label The Beautiful Music depuis au moins 2007, grâce à sa série de compilations en hommage aux Television Personalities. Un projet de longue haleine, auquel j'ai même contribué en bonus du volume 3, qui comptera à terme dix volumes. Le cinquième est actuellement en préparation. Mais au-delà de cette série, The Beautiful Music est devenu au fil des années un label reconnu dans le cercle de l'International Pop Underground, un véritable label indépendant passionné qui, depuis sa base au Canada, donne leur chance à des artistes et groupes gallois, écossais, américains, espagnols ou canadiens.
Parmi les nouvelles parutions de cet automne que Wally m'a gentiment offertes (il est réputé par ailleurs pour gonfler les colis des commandes qu'il envoie avec des bonus et des surprises...!), il y a notamment de très bons albums par Exploding Flowers et Lisa Mychols & Super 8.
Et puis, il y a ce premier album de The Dupont Circles, un groupe dont le nom vient d'un rond-point et quartier de Washington, la ville d'origine du groupe. Le titre, In search of the family Gredunza fait sûrement référence à un dessin animé de 1971 adapté du livre The cat in the hat de Dr. Seuss. Il y est fait plusieurs fois mention de cette famille Gredunza et l'acteur Allan Sherman, qui joue le rôle du chat, y chante une chanson à ce sujet.
La pochette est très réussie, avec ce qui ressemble à un collage surréaliste de gravures. Elle m'a instantanément fait penser à celle de 25 o' clock des Dukes of stratosphear, qui était elle-même un pastiche d'art psychédélique sixties.
C'est donc le premier album de ce groupe... trente ans après sa formation ! Sur cette longue période, le groupe a connu trois principales incarnations, avec comme noyau central le guitariste et organiste Michael Bennet et le batteur-chanteur Bob Primosch.
Le groupe avait précédemment sorti deux 45 tours, Sarah the weather girl en 1995 et The 53 bicycles EP, dont on retrouve ici cinq des six titres, auxquels s'ajoutent des titres inédits couvrant toutes les périodes du groupe. Il semble que The Dupont Circles aime prendre son temps : ce projet de compilation aurait mis cinq ans pour aboutir.
Côté musique, on découvre, sans surprise chez The Beautiful Music, une noisy pop teintée de psychédélisme, avec plusieurs titres qui ont un son garage assez marqué. Dans un style et avec des influences similaires, avec aussi un parcours au long cours, j'ai pensé à l'écoute aux allemands francophiles The Truffauts, que je verrais bien d'ailleurs au catalogue de The Beautiful Music.
Les influences du groupe se reflètent dans les trois reprises au programme : Tales of Flossie Fillet, à l'origine une face B de 1968 de Turquoise; Joke's on Zandra, excellente version d'une chanson de The Times que je ne connaissais pas, parue en 1985 sur Go! with The Times; et bien sûr la très bonne reprise de How I learned to love the bomb, précédemment parue sur le volume 4 des hommages aux Television Personalities. A cette occasion, je viens de me rendre compte avec horreur que j'ai chroniqué deux fois à cinq ans d'écart le maxi original des TVPs, en 2012 puis en 2017 au moment de la sortie de mon livre Journal d'un fan de chambre. C'est d'autant plus bête que,la deuxième fois, j'aurais pu choisir à la place le petit 45 tours, qui a une pochette et des faces B différentes.
Pour ce qui est des chansons originales, je me suis rendu compte que j'ai tendance à préférer les chansons inédites à celles des singles, même si j'aime bien Everywhere girl, 53 bicyles, l'instrumental Sputnik et Sarah the weather girl. Et donc, mon original préféré est The man in the snuff shop, et j'apprécie aussi particulièrement The trip, Locked away, qui me rappelle les amis Jasmine Minks, Wonder et les plutôt garage Get down off my back et Tick tock.
Je n'ai jamais rencontré Wally et je ne verrai probablement jamais The Dupont Circles en concert, mais notre passion commune pour la musique nous rapproche et c'est comme si c'étaient de vieux amis, membres d'un réseau qui fait le tour du monde.




03 octobre 2020

TOOTS AND THE MAYTALS : Funky Kingston


Acquis chez A La Clé de Sol à Reims vers la fin des années 1980
Réf : TRLS 201 -- Édité par Trojan en Angleterre en 1981
Support : 33 tours 30 cm
8 titres

J'ai mis cet album de Toots and the Maytals de côté pour le chroniquer fin août, quelques semaines avant la mort à 77 ans de Toots Hibbert, du COVID-19. J'étais retombé dessus en fouinant dans mes 33 tours de reggae. Je me souvenais que la pochette de mon exemplaire était différente de celle qu'on voit le plus souvent, mais ce qui m'a intrigué c'est que le label était Trojan et non pas Island.
J'ai donc sorti le disque pour le réécouter et me renseigner, et d'une part je l'ai apprécié que lors de la précédente écoute (sûrement au moment de son achat en même temps que des dizaines d'autres disques lors de la braderie de la Quasimodo à Reims) et d'autre part j'ai appris que cet album a une histoire discographique particulièrement compliquée.
L'édition originale de ce disque est parue en 1973 en Angleterre sur le label Dragon, une filiale du Dynamic Sounds de Byron Lee, alors distribuée par Island.
Cet album comportait 8 titres et, pour ne pas débuter trop simplement le feuilleton, il a été diffusé avec deux pochettes différentes, l'une avec une photo (comme mon exemplaire, que je vais coder A8), l'autre avec un dessin (la plus répandue depuis, codée B8).
Mais en 1975, quand il s'est agi pour Island et sa filiale Mango de lancer Toots and the Maytals aux Etats-Unis, dans le but d'y développer le marché du reggae au-delà de Bob Marley, la décision a été prise de sortir un album intitulé Funky Kingston, avec sa pochette B, mais qui est en fait une compilation 10 titres (B10, donc), répartis comme suit :

  • Funky Kingston, Louie Louie et Pump and pride extraits de l'album 8 titres de 1973.
  • 6 titres (sur 12) extraits de l'album In the dark de 1974.
  • Le single Pressure drop de 1969.

L'édition américaine 10 titres est devenue au fil des années la version la plus répandue de Funky Kingston, mais les deux versions 8 et 10 titres ont continué leurs vies à la fois parallèles et bien emmêlées (ce qui n'arrive que dans des conditions surréalistes comme celles-ci).
Ainsi, pour ne toujours pas simplifier les choses, la distribution anglaise de Dragon est passée au milieu des années 1970 chez Trojan, qui a donc récupéré les droits de l'album 8 titres. On a donc pendant la même année 1976 en Angleterre à la fois une édition A8 chez Trojan et une édition B8 chez Island !
En France, les choses auraient pu être plus simples puisqu'il semble que seul Island/Phonogram avait les droits sur l'album. Il n'empêche que la première édition, en 1976 est une version B10 (référence 9101 664), tandis qu'une réédition datant probablement de la fin des années 1970 (code prix PG 200) est une version B8 (référence 9101 686) !
On aurait pu penser que l'arrivée du CD et l’homogénéisation au moins à l'échelle européenne des publications de Phonogram allait simplifier les choses, mais le méli-mélo s'est quand même poursuivi pendant toutes ces décennies. Il y a par exemple un CD européen B8 sorti par Island en 1990 et un anglais A8 en 1991 chez Trojan. Et du côté des rééditions vinyl récentes, ça continue, avec une version B10 en 2018 aux États-Unis et une B8 en 2019 en Europe !!

La version 10 titres de l'album a l'avantage de contenir deux de mes chansons préférés de Toots and the Maytals, 54-46 was my number et Pressure drop, découvert grâce à The Clash (dans la liste, il y a aussi Chatty chatty et Monkey man, découvert grâce à The Specials). Mais c'est quand même dommage que, avec toutes ces péripéties, cet album excellent de 1973, très compact avec ses quatre chansons de trois-quatre minutes par face, ne soit pas connu de tout le monde dans son intégralité, ne serait-ce que pour l'excellent titre d'introduction Sit right down, qui nous met directement dans l'ambiance, avec ses cuivres à la Stax et la performance de Toots dans la lignée de ses influences rhythm and blues Otis Redding et Wilson Pickett. Pomp and pride poursuit dans la même excellente veine, avec orgue et chœurs.
Viennent ensuite deux reprises. Je me souviens qu'initialement j'avais été un peu déçu par la version de Louie Louie. A tort, parce qu'aujourd'hui je m'éclate bien dessus. J'apprécie notamment les solos sur la fin, de saxo d'abord, puis d'un instrument qui je pense est une guitare avec beaucoup d'effets (ou sinon de de l'orgue ou du synthé). Mais attention il y a encore anguille sous roche : pour entendre ces solos, il faut bien écouter une version 8 titres de l'album avec Louie Louie qui dure 5'45. Dans la version 10 titres, l'enregistrement est shunté après 3'30...
La face A se conclut avec I can't believe, une excellente reprise de I can't believe what you say de 1964, une de mes chansons préférées d'Ike et Tina Turner en 1964. Le son un peu vieillot rappelle l'époque du rock steady et du ska.
La face B s'ouvre avec Redemption song, une chanson différente et antérieure à celle de Marley.
Daddy est un bon slow. C'est une très bonne reprise de Daddy's home par Shep and the Limelites de 1961, que je préfère à la version originale. Cette chanson devait vraiment être importante pour les Maytals, puiqu'ils l'avaient déjà enregistrée, sur un 45 tours en 1964 repris sur l'album The sensational Maytals en 1965.
Je pensais que le titre de la chanson Funky Kingston pouvait faire écho au Funky Broadway de 1967 de Wilson Pickett, qui devait être une inspiration de Toots, mais selon Pitchfork, l'inspiration est plutôt venue, via Chris Blackwell, du Funky Nassau de The Beginning of the End en 1971. En tout cas, elle mérite d'intégrer ma liste de chanson préférée des Maytals, enchaînée avec Pressure drop.
Le disque se conclut en beauté avec It was written down, encore une chanson qui ne méritait pas d'être écartée des éditions les plus diffusées de l'album.

J'ai commencé mon histoire avec l'édition de 1973 de Funky Kingston, mais si on s'était intéressé à la discographie jamaïcaine de Toots and the Maytals, il aurait fallu remonter à 1972, quand l'album Slatyam stoot est sorti chez Dynamic Sounds. En effet, on y trouve 5 des 8 titres de l'album anglais ! Du coup, Funky Kingston n'est jamais sorti en Jamaïque, mais sa pochette dessinée B y a été utilisée en 1974 pour l'album Roots reggae, qui contient I can't believe ! Décidément, rien n'est simple dans cette histoire...

Parmi toutes les éditions de Funky Kingston, si je devais en conseiller une, ce serait la réédition CD de 2003 de Funky Kingston et In the dark, qui met tout le monde d'accord en compilant les deux albums anglais originaux, sans oublier d'ajouter Pressure drop.


Toots and the Maytals, Funky Kingston, en concert au Winterland de San Francisco le 15 novembre 1975. Le concert complet est ici.


La pochette dessinée, la plus courante dans les très diverses éditions de Funky Kingston.