Acquis par correspondance via Ebay en février 2023
Réf : 567244-2 -- Édité par Barclay en France en 1998
Support : CD 12 cm
Titres : Ida -- El h'mane -- Girls name
Je me suis procuré récemment un exemplaire de Diwân de Rachid Taha, un album hommage au patrimoine de la musique arabe sorti en 1998. Il s'ouvre avec l'un de ses grands succès, Ya rayah, mais le titre qui m'a accroché d'emblée c'est le suivant, Ida, qui est avec Aiya aiya la seule composition originale de ce disque constitué avant tout de reprises. Quand j'ai vu que ce titre avait été sorti en single, j'en ai traqué un exemplaire.
Qu'est-ce qui m'a plu dans Ida ? Eh bien d'abord, c'est une chanson très accrocheuse, avec un petit riff (de trompette ?) qui reste bien en tête pour les couplets, et un autre tout aussi efficace sur les refrains. Et puis c'est un cocktail très réussi, de la guitare saturée aux ambiances arabes, emblématique de ce que Rachid Taha avait commencé à faire dès les années 1980 avec Carte de Séjour et qu'il revendiquait haut et fort : "Même si je m’appelle Rachid Taha, je peux aussi bien faire du
rock’n’roll que de la techno. La culture, elle est universelle. Mon but
c’est ça.". Là, c'est parfaitement dosé et une grande réussite. Les notes de pochette de Diwân par Rabah Mezouane nous en disent plus sur Ida, dont le titre se traduit en français par Si... : "Du raï des champs au raï des villes, dans les années 60, le raï connaît sa première forme de modernisation à travers la trompette de Messaoud Bellemou, ancien membre d'une fanfare municipale. Le refrain évoque cette époque tandis que les couplets rendent hommage aux Cheikhs et aux Cheikhates via le "guellal" (percussion longiligne) et la "gasha" (flûte en roseau"), la guitare saturée étant une allusion aux années 80-90. A l'arrivée, un condensé de l'histoire du raï qui a plus de 60 ans d'âge." Diwân, comme la plupart des albums de Rachid Taha, est produit par l'ex-Gong Steve Hillage, qui avait travaillé aussi dans les années 1980 avec Simple Minds ou Nash the Slash, et c'est lui-même qui tient la guitare ici. Je me demande s'il n'était pas sur scène le jour où j'ai vu Rachid Taha en concert, au Printemps de Bourges le 23 avril 1994 (un jour faste où j'ai aussi vu The Breeders et Les Thugs). En effet, dans la nuit, le projet System 7 de Hillage et Miquette Giraudy était à l'affiche de la partie rave du festival, Hillage devait donc bien être présent à Bourges ce jour-là.
Le deuxième titre, El h'mane (Le ramier), est un autre extrait de Diwân, et pour le coup, c'est une reprise, de Mohammed El Anka. Voilà ce qu'en disent les notes de pochette de l'album : "Cheikh El Hadj Mohamed El Anka (mort en 1978) avait été le fondateur du chaâbi algérois, né dans les années 20-30 au milieu des venelles de la Casbah. Blues urbain au phrasé particulier, le chaâbi (littéralement : populaire) se différencie de l'arabo-andalou par son propos plus proche du réel et des mélodies plus accessibles au profane. El h'mane, en ce sens, est un chef d’œuvre musical et poétique, avec ses mots profonds, inspirés par la douleur et le désespoir : Le ramier que j'ai élevé m'a abandonné / Je n'entendrai plus sa voix en ma demeure... / Si je contais mes tourments aux mers / elles déchaîneraient des tempêtes... / Si je contais mes malheurs aux muets / Ils retrouveraient la parole." Excellente reprise. Si on veut comparer, on peut voir Mohammed El Anka interpréter cette chanson ici ou là.
Le troisième et dernier titre, Girls name, ne figure pas sur l'album, mais il avait déjà été publié l'année précédente au dos de Ya rayah. Le rythme est enlevé, avec la présence remarquée d'un banjo. Malgré le titre, j'ai bien l'impression que les paroles sont en arabe, pas en anglais, mais qu'elles citent bien des prénoms féminins. Cette chanson méritait mieux que d'être reléguée en face B de single.
On ne peut pas dire que j'ai complètement ignoré les productions de Rachid Taha avant sa mort en 2018 à presque soixante ans, mais en me plongeant dans ses disques depuis quelques semaines je me dis que j'aurais dû m'y intéresser de plus près et plus tôt.
Offert par Philippe R. à Saint-Nazaire le 5 mars 2023
Réf : 45-8812 -- Édité par Wat-Phnom au Cambodge vers la fin des années 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titres : ប្រាប់មកចុះ (Dis-le moi) -/- ញញឹម ញញឹម (Souris souris)
Philippe m'a fait un très beau cadeau, puisqu'il m'a laissé choisir quatre disques dans sa collection de 45 tours, constituée depuis les années 1960 (avec des hauts et des bas puisque, au fil des années, une bonne partie de ses disques a quitté la collection pour une raison ou une autre). De la chine de grand luxe !! Sans trop de surprise vus mes intérêts actuels, je n'ai sélectionné aucun disque de "rock", alors que pourtant il y avait de quoi.
Le premier de ces quatre disques que je vous présente est un superbe 45 tours cambodgien. Très beau portrait en pochette, qui est en état neuf, disque qui racle juste un peu mais qui passe bien. Je n'ai pas demandé à Philippe comment il se l'était procuré, mais j'imagine que c'est sur un vide-grenier ou chez un Emmaüs de Loire-Atlantique au cours des vingt dernières années.
J'ai déjà chroniqué ici deux disques cambodgiens, de Chhun Vanna et im Song Soeum et du label Tepnimit (on voit au verso de ce disque de Yin Dikan trois reproductions de pochette, de Chhun Vanna et de la grande vedette Sinn Sisamouth). Ces disques ont quelque chose de particulièrement poignant car on sait que la plupart des artistes qui les ont enregistrés sont morts sous le régime Khmer Rouge (on estime que seuls 10% des artistes ont survécu à cette période). Ceci explique en partie pourquoi les disques du Cambodge que je possède sont sur Discogs parmi les plus recherchés de ma collection.
La face A, Dis-le moi, est indiquée comme étant dans le style chronchong, un genre qui semble inconnu par ailleurs et que Borisot rapproche de la bossa nova. A la première écoute avec Philippe, ma réaction a été : "C'est du yéyé cambodgien". Ça ne m'a plus paru aussi clair par la suite, mais ce qui est évident c'est que, avec cette instrumentation (Guitare, basse, percussions, violon, piano,...) et cet arrangement, on a un mélange d'influences khmères et occidentales, avec un court solo de guitare presque à la Shadows.
Pour la face B, Souris souris, c'est plus simple, c'est indiqué comme du boléro cha cha. Dans le style, c'est parfaitement arrangé et interprété, avec cette fois un travail intéressant entre les cuivres et les percussions. Après le disque congolais de la semaine dernière, enregistré à la même époque, on a une fois de plus la confirmation de l'influence de la musique cubaine sur la planète entière pendant des décennies.
Un peu de tristesse à l'écoute de ce disque, donc, en pensant au sort de ses interprètes, mais beaucoup de joie de vivre également. Et bien sûr un grand merci à Philippe pour cette pépite.
Acquis sur le vide-grenier du Jard à Épernay le 19 février 2023
Réf : J. 5153 -- Édité par Ngoma en France vers 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Izeidi seyni kay fonema -/- Los problas
Le temps était très agréable pour la saison en ce dimanche matin, alors on a décidé de sortir pour notre première brocante de l'année. On aurait pu y aller plus tôt dans l'hiver, étant donné que, à la mauvaise saison, ce vide-grenier se tient toutes les deux semaines avec surtout des vendeurs professionnels, mais je suis frileux et je n'ai aucune envie d'aller chiner des disques dans la bise et le froid. En tout cas, on est arrivé sur place largement après 10 heures, surtout pour se balader, la probabilité la plus forte étant que je quitte les lieux bredouille, comme c'est arrivé très souvent ces deux dernières années. Sauf que, un monsieur un peu âgé avait étalé du bric-à-brac sur le parking, parmi lequel deux cartons de 33 tours et deux de 45 tours. Rien d'intéressant dans la première caisse de singles, mais j'ai demandé le prix (50 centimes) quand je suis d'abord tombé dans la deuxième sur un disque de Maxine Brown. Belle trouvaille, disque en parfait état, mais il ne reste que 80% du recto de la pochette, recollé sur du bristol. Dommage, mais quelques instants plus tard, je n'en ai pas cru mes yeux : alors que rien dans le contexte ne m'y préparait (aucun autre disque africain ou typique), je vois apparaître une pochette aux couleurs vives, bien brillante, en parfait état, avec écrit dessus "Rochereau". Bingo !
Jusque-là, j'avais deux albums de Tabu Ley Rochereau (1940-2013), mais aucun 45 tours. Si vous ne le connaissez pas, c'est simple, c'est l'un des monuments de la rumba congolaise, avec notamment Franco.
Avec ces disques d'artistes africains, j'ai toujours du mal à déterminer si on a affaire à une édition française ou non. Celui-ci est produit par Vita à Kinshasa et le label Ngoma était l'un des plus gros labels congolais. On penche donc pour une édition congolaise. Mais le disque est visiblement pressé en France, tout comme la pochette y est imprimée, et il y a la mention d'une distribution par CEDDI pour la France. Mon idée a toujours été que les infrastructures de production en France étaient utilisées pour des raisons à la fois pratiques et économiques, mais que le gros de la production était destiné aux marchés africains. Cela semble être confirmé par Flemming Harrev pour Afrodisc, qui explique que, au début des années 1960, le patron du label Nikis Cavvadias a dû quitter le Congo en raison de sa situation politique instable pour s'installer en France, où il gérait sa propre usine de pressage (créée dès les années 1940) et sa société de distribution.
Dans ces années-là, Rochereau était très productif. On sait que son orchestre a été nommé L'Orchestre African Fiesta National (Le peuple) à partir de la fin 1966. Afrodisc nous indique que mon 45 tours date de 1969. Au dos de la pochette, il y a pas moins de huit 45 tours de l'orchestre qui sont listés, ainsi qu'un album qui compile la moitié de ces titres.
La face A de mon 45 tours, Izeidi seyni kay fonema, est annoncée sur l'étiquette comme une rumba, mais sénégalaise plutôt que congolaise. Étonnant. L'explication nous en est donnée par Worldservice, un blog que je suivais quotidiennement jusqu'à ce qu'il s'arrête en 2019. Il s'agit d'une reprise d'une chanson de Laba Sosseh. La version originale de Seiny kay fonema par Laba Sosseh & Super Star de Dakar est déjà très bien, avec une performance d'une minute au saxophone en introduction. La version Rochereau me semble un peu plus lente, avec une production et des arrangements de grande qualité, que ce soit pour les guitares, les cuivres (surtout) et les voix. On note que Rochereau a ajouté le mot "Izeidi" au début du titre. C'est probablement une référence à Roger Izeidi, qui a beaucoup collaboré avec Rochereau, mais même Worldservice ne sait pas si c'est une erreur ou bien un hommage à son travail particulier sur ce titre. On trouve une version en public de Seiny kay fonema sur l'album L'intégral de l'Olympia (publié en 2006, enregistré je ne sais pas quand). Malheureusement, ce titre est mal référencé en ligne. On entend bien l'annonce à la fin de Munyenge ma ngando , mais quand on veut l'écouter, on entend une version de Pitié à la place.
La face B, Los problas, est annoncée comme étant de la pachanga. On est donc à fond dans un style de musique cubaine, avec des paroles en espagnol (sûrement du yaourt). Il n'y a pas d'auteur-compositeur indiqué, mais il s'agit à coup sûr d'une reprise, avec Rochereau crédité aux arrangements. Là encore, l'ensemble est d'une grande qualité.
Ce disque est une très belle trouvaille. Si je peux faire des bonnes pioches comme ça sur chacun des vide-grenier de cette année, je signe tout de suite !
Acquis chez Récup'R à Dizy le 28 janvier 2023
Réf : FX 1515 M -- Édité par Festival en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Chauffe Marcel -- Le professeur qu'on nous a donné -/- J'voudrais être un beatnik -- Alléluia
J'avais prévu de chroniquer ce disque avant son décès le 13 février à 91 ans, mais du coup cette chronique est l'occasion de rendre hommage à Alain Goraguer, crédité ici aux arrangements et à la direction d'orchestre. L'an dernier, on s'était bien amusé avec son Orgogoriental.
Un lot de 45 tours était arrivé ce jour-là à la ressourcerie et j'en ai acheté plus de 25. Quand j'ai vu celui-ci, j'ai cru qu'il s'agissait d'un autre disque de l'accordéoniste Dupont, dont je venais de mettre un 45 tours sur ma pile, mais non, le duo comique Dupont et Pondu n'a rien à voir avec lui. Je ne les connaissais pas du tout, mais il n'y avait aucune chance que je laisse passer un 45 tours en parfait état à 10 centimes dont l'un des titres est J'voudrais être un beatnik !!!
L'expression "Chauffe Marcel", on la connaît surtout en musique comme le sous-titre du premier 45 tours des Charlots, Je dis n'importe quoi et je fais tout ce qu'on me dit (1966), et donc comme l'encouragement de Brel à Marcel Azzola dans Vesoul (1968). Mais il s'avère que ceux qui ont popularisé cette expression dans des cabarets parisiens et lors d'une apparition télévisée, ce sont bel et bien Dupont et Pondu. Pour replacer les choses dans leur contexte, et Luis Rego l'explique très bien dans le numéro de février 2023 de Rock & Folk, les Problèmes/Charlots n'ont jamais eu l'intention de bâtir une carrière à partir de ce titre. Tout est parti d'une émission radio d'Europe 1, pour laquelle ils ont parodié Je dis ce que je pense et je vis comme je veux d'Antoine, et c'est bien là effectivement que Gérard Rinaldi a pompé l'expression de Dupont et Pondu. Mais c'était normalement un truc sans lendemain. Sauf que la chanson a plu au producteur Christian Fechner, qui l'a incluse sur une compilation Vogue. Elle a eu du succès, et pof !, le groupe rock Les Problèmes s'est transformé en groupe parodique Les Charlots. Alors, en 1967, Dupont et Pondu ont décidé de répliquer et ont sorti leur propre Chauffe Marcel. Sur un ton pécore, qui fait penser dernièrement aux Frères Goyette, il est clair que les paroles s'adressent aux Charlots et à Fechner :
"On est des artistes rurals et quand on souffle dans notre biniou On pourrait faire danser des chevals, même qu'à Paris ils sont jaloux Y a un directeur artistique qui nous a dit qu' c'était très bien Il a écouté notr' musique, il nous a fauché notre refrain Oh ben faut rien laisser traîner, hein Chauffe Marcel, chauffe mon gars, yé yé yé A Paris, sont point gênés, y s' contentent plus d' croquer nos pommes Maintenant v'là qu'y croquent nos idées, on n'en a pourtant pas des tonnes J'ai entendu dans la radio cinq gars qui faisaient un trio Ça m'avait l'air pas mal du tout, ils chantaient les mêmes trucs que nous"
Sur l'autre face, J'voudrais être un beatnik poursuit dans la même veine. On est loin du freakbeat, mais on apprécie d'entendre une guitare saturée sur ces deux titres.
Le professeur qu'on nous a donné, avec des enfants qui chantent le refrain, raconte l'histoire d'un repris de justice qui se retrouve enseignant. On est dans une ambiance à la Pierre Perret.
Quant à Alléluia, il s'agit tout simplement d'une reprise d'un titre alors récent de Jean Ferrat, sorti en 45 tours et interprété à la télévision. C'est l'histoire assez classique d'un enterrement suivi au bistrot plutôt qu'à l'église. Avec le même arrangeur et le même orchestre, cette version est assez fidèle à l'originale, avec la présence remarquée de l'orgue. Après A Santiago, cela fait deux fois que je surprends Ferrat à faire dans la chanson plutôt légère, et c'est très bien ainsi !
J'ai très rarement voire jamais vu des disques de ce duo et je suis bien content de cette première bonne trouvaille de l'année.
Acquis chez Parallèles à Paris le 5 janvier 2023
Réf : PR 01304 -- Édité par East West en France en 1999 -- Promotion seulement - Interdit à la vente
Support : CD 12 cm 13 titres
Ce disque soldé à 1 € était posé à l'avant d'un rayon de vinyls chez Parallèles. Il s'agit pourtant d'un CD, mais c'est surtout un objet promo assez particulier. En effet, la pochette a presque la taille d'un disque 25 cm. A l'intérieur, on trouve une feuille cartonnée de 4 mm d'épaisseur, avec un insert imprimé collé sur les deux faces. Et sur une de ces deux faces, il y a en plus un carton découpé au centre à la taille d'un CD, ce qui permet de fixer le CD sur son téton en plastique sans qu'il dépasse. Ce modèle déposé d'emballage s'appelle apparemment un Glorypack. Je parierais bien qu'il avait été développé par l'imprimerie Glory à Asnières qui a imprimé des millions de pochettes de disques jusqu'en 2001 et qui faisait aussi dans l'emballage de luxe. C'est bien dommage que ce procédé ne se soit pas développé à grande échelle, un peu comme le CD dans une pochette à la taille d'un 45 tours, sinon on ne se retrouverait pas aujourd'hui avec un marché insensé pour le disque vinyl et sa pochette (selon une enquête, la moitié des acheteurs de vinyl aux États-Unis en 2022 n'avaient pas de tourne-disque...!). En tout cas, je ne pouvais pas laisser passer ce disque, qui aurait eu une place de choix dans Vente interdite si j'étais tombé dessus plus tôt.
Je connais Marc Gauvin depuis que j'ai entendu La balançoire sur la compilation Un hiver 98 des Inrockuptibles. C'est lui, français installé à Bristol, qui chante sur ce titre d'Invisible Pair of Hands, un groupe qui comprenait notamment dans ses rangs Jesse D. Vernon de Morning Star et Jim Barr, le bassiste de Portishead. En la réécoutant aujourd'hui, je trouve que cette chanson sonne comme un Miossec à la sauce trip hop (les deux étant bretons, même si ça n'a rien à voir).
C'est la même équipe que l'on retrouve en 1999 pour ce premier album de Marc Gauvin, Maline Cloé (un anagramme de "Mélancolie", je ne l'ai pas trouvé tout seul). Parmi les participants, il y aussi Tammy Payne de Smith and Mighty et même une vieille connaissance, Ted Milton de Blurt au saxophone (on l'entend notamment sur Les ukulélés).
Sur les dix premiers titres, l'ambiance musicale est très proche de celle d'Invisible Pair of Hands. Toutes les paroles sont en français. Le chant parlé et la diction de Marc Gauvin rappellent souvent Gainsbourg, comme sur La belle et le bête ou Maline Cloé. Mes titres préférés de cette partie de l'album sont Le dernier ferry et Sticky coffee pudding.
L'ambiance change pour les trois derniers titres, tous co-signés avec un certain Tony Shipp, qui assure aussi la programmation musicale. L'ambiance devient plus techno/dance, et même jungle avec la participation vocale d'MC Frank Soumaïla sur Mais où sont mes oursons ?. J'sais pas quoi faire et La baballe sont très bien aussi.
Cet album de très bonne tenue n'a sûrement pas obtenu le succès escompté par la maison de disques, qui lui a donné une deuxième chance avec une nouvelle édition en 2000. Nouvelle pochette pour l'occasion, et aussi une liste des titres modifiée : les trois titres avec Tony Shipp ont été effacés, dommage, ainsi que Ripa, pourtant intéressant. Pour les remplacer, on trouve un remix de Sticky coffee pudding (Je suppose qu'il s'agit de la version chantée en anglais pour laquelle une vidéo a été tournée; la version de l'album original est en français), La balançoire qui fait son retour, ainsi que deux nouveaux titres, Belphégor et L'humeur vagabonde. Cette nouvelle édition n'a pas dû faire plus de vagues que la première...
Acquis chez Emmaüs à Reims le 29 août 2014
Réf : 6837 827 -- Édité par Island en France en 1982 -- Disque hors-commerce - Vente interdite
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Many rivers to cross -/- The harder they come
Pendant longtemps, je n'ai eu aucun disque de Jimmy Cliff. Puis je me suis mis à acheter ses 45 tours quand je tombais dessus et j'en ai une bonne poignée maintenant. Celui-ci est particulier parce que c'est un hors commerce, diffusé en 1982 uniquement parce que Many rivers to cross a servi d'illustration musicale pour une publicité d'un parfum de la marque Eau Jeune :
La publicité pour Eau Jeune avec Many rivers to cross en illustration musicale. Elle est bien de 1982, comme indiqué à l'INA, pas de 1975, date de la sortie originale du 45 tours français.
Il y eu en parallèle une édition commerciale du 45 tours, avec le visuel de la pub qui laisse un peu de place pour une photo de l'artiste :
La pochette de l'édition commerciale du disque.
Je ne me suis jamais trop intéressé aux parfums, mais j'ai l'impression que des flacons d'Eau Jeune, les rayons en étaient pleins à l'époque. De même que l'univers graphique des jeunes filles à la David Hamilton était omniprésent, avec des cartes postales ou des posters en vente partout, de la maison de la presse à l'hypermarché. La pub pour Fleur à fleur reprend tous les codes d'Hamilton et, à moins que ce soit lui le réalisateur, il aurait eu matière à crier au plagiat.
Ce 45 tours couplant Many rivers to cross et The harder they come est sorti en France à l'origine en 1975, mais les deux titres sont plus anciens. Comme il est indiqué sur le disque, ils sont extraits de l'album n° 6641 355, qui se trouve être un double Best of qui a eu un très grand succès. A l'époque, quand mes potes avaient un album de Jimmy Cliff, c'était celui-là, et c'est là qu'ils allaient piocher Many rivers to cross pour les séquences slow dans nos fêtes.
Many rivers to cross est sortie à l'origine en 1969. Avec No woman no cry de Bob Marley, c'est sûrement l'une des plus belles ballades jamaïcaines. Quant on écoute la version en public de 1976 ci-dessous, on se dit que c'est tout simplement une grande chanson soul. Je ne m'étais jamais penché sur les paroles. Il s'avère que le "cours d'eau" qui les a inspirées n'est ni un fleuve ni une rivière, mais la Manche. A l'époque, après avoir connu le succès très jeune en Jamaïque, Cliff galérait pas mal en Angleterre et était souvent amené à fréquenter la Manche et les blanches falaises de Douvres pour aller courir le cachet en France ou en Allemagne. La chanson a tout de suite pas mal voyagé puisqu'elle a été enregistrée à New York à la fin des sessions de son deuxième album.
The harder they come est bien sûr l'excellente chanson-titre du film de 1972 dont Jimmy Cliff tient le rôle principal. Une des séquences du film montre son personnage Ivan en train de l'enregistrer. Je n'ai vraiment connu cette chanson qu'en 1980, quand j'ai acheté le 45 tours du Joe Jackson Band où elle est reprise en face A. L'année précédente, Paul Simonon de The Clash avait fait explicitement référence à Ivan et The harder they come dans les paroles de Guns of Brixton. Et on peut noter au passage que, en retour, Jimmy Cliff a repris Guns of Brixton en 2012 sur son album Rebirth.
On a là deux des plus grands succès de Jimmy Cliff, mais ce sont loin d'être les seuls de son très beau parcours, de Miss Jamaica en 1962 à Human touch l'an dernier.
Jimmy Cliff, The harder they come, extrait du film du même titre. Le film complet est ici.
Jimmy Cliff interprète Many rivers to cross, probablement en 1969 car il l'annonce comme figurant sur son prochain album.
Jimmy Cliff interprète Many rivers to cross en 1976.
Acquis chez Damien R. à Avenay Val d'Or le 22 novembre 2022
Réf : 640 001 -- Édité par Young Blood en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Vénus -/- Who needs love
Dans la pile de disques que vendait Damien, outre le Souchon, je ne pouvais pas laisser passer celui-là. Il nous donne l'occasion de revenir une fois de plus sur l'histoire du tube Venus.
La première version, un succès énorme, a été enregistrée en anglais par des hollandais, c'est Venus de Shocking Blue, publiée en juillet 1969. On sait désormais que cette première version n'est pas complètement "originale" puisque, outre le riff d'intro qui rappelle Pinball wizard de The Who, l'ensemble de la chanson s'inspire très largement de The Banjo Song, un titre publié en 1963 par The Big Three, un groupe qui comprenait notamment Mama Cass et Tim Rose, et une chanson qui est elle-même une version d'une chanson du 19e siècle, Oh ! Susanna de Stephen Foster (oui, je sais, faut suivre...!).
Il y a quelques années, j'ai déjà eu l'occasion de chroniquer le disque ci-dessus, Venus de The Blocking Shoes, un très bel exemple de parasitage commercial, avec "Venus" en gros, la statue de la Vénus de Milo, et surtout un inventif nom de groupe contrepétant Shocking Blue !
Le disque qui nous intéresse aujourd'hui est exactement dans la même veine et c'est un nouvel exemple très réussi de sortie de disque dont la seule justification est de piéger le gogo et de capter une partie des ventes d'une chanson à succès.
Comme souvent, puisque c'est ce qui attire l’œil chez le disquaire, la contrefaçon commence par la pochette. Ici, nous avons un fond bleu, comme pour le disque de Shocking Blue, "Vénus" écrit en bien gros et bien lisible, et une statue d'une figure féminine debout positionnée sur le côté gauche de la pochette. Mais là, il y a une petite originalité : la statue n'est pas la Vénus de Milo, comme pour Shocking Blue et The Blocking Shoes, mais la déesse Niké, avec la statue connue comme la Victoire de Samothrace, conservée au Musée du Louvre. La pochette porte également la mention "Version originale anglaise". Cela n'a aucun sens et là encore le seul but est de tromper le client. La seule version originale est en anglais par des hollandais. Ici, on a peut-être affaire à la première reprise de la chanson par un groupe anglais (rien n'est moins sûr, évidemment), mais certainement pas à une version "originale".
D'ailleurs, si on s'intéresse au disque lui-même, on n'est pas surpris que la version de Vénus par Yankee Horse soit une copie très proche de la version de Shocking Blue, puisque c'est là tout le but de l'exercice ! Notons que cette version étant chantée par un homme, les paroles du refrain subissent une très légère modification ("I'm yours Venus" au lieu de "I'm your Venus"). Je trouve que ce qui fait l'intérêt de cette version, c'est l'orgue qui est un peu plus en avant et les congas, qui donnent à l'ensemble un son un peu garage.
En face B, Who needs love est une création pour le coup. Avec son rythme, le chant et ses chœurs, je lui trouve une forte influence Bo Diddley, en version pop. C'est le crédit "D. Stephenson" de cette face B qui m'a permis d'identifier le groupe qui se cache derrière l'intitulé assez incongru Yankee Horse. Il s'agit de Dave Stephenson, qui était à l'époque membre de The Perishers. La biographie de The Perishers chez 45cat donne des détails sur les circonstances de l'enregistrement de cette reprise de Venus : elle a été enregistrée alors que leur bassiste en titre était parti faire carrière aux États-Unis. A son retour, quand il a retrouvé ses collègues de The Perishers qui s'étaient séparés entre-temps, ils ont fondé Worth.
Le filon n'est peut-être pas inépuisable, mais on ne sait jamais : rendez-vous ici dès que je trouve une autre reprise opportuniste de Venus !
Acquis par correspondance via Bandcamp en janvier 2023
Réf : [sans] -- Édité par Oh, no ! It's Diva en France en 2022
Support : Cassette
10 titres
C'est par une chronique de Paskal Larsen que j'ai découvert l'existence de ce groupe parisien, Oh No !, It's Diva. J'ai tout de suite été intéressé : après tout, le répertoire de ce trio est uniquement constitué de reprises de Devo, un groupe dont je suis fan depuis 1978.
Après une écoute rapide, j'ai eu envie de soutenir le groupe et de le chroniquer ici. J'aurais pu me contenter de l'album numérique, mais comme une sortie physique existait, je me suis fait violence et j'ai commandé cette cassette. Violence parce que, plus le temps passe et plus je pense que c'est une aberration de continuer à produire des vinyls. Mais pour ce qui est des cassettes, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ce n'est pas une simple aberration, c'est une aberration au carré ! En 2023, je dis "Vive le CD !".
Au fil de toutes ces années, on n'a pas manqué de projets qui ont gravité dans l'orbite Devo. Il y a eu dès 1979 la compilation Devotees de reprises par des auditeurs de KROQ-FM, dont les Bakersfield Boogie Boys. Dans les années 1980, même si je ne l'ai découvert que des années plus tard, il y a eu les versions instrumentales E-Z listening de titres de Devo par Devo et les premières parties de leurs concerts en tant que Dove (The Band of Love). En 1990, on a eu droit à Visiting Kids, projet artistique et familial impliquant épouse, enfants et membres de Devo. Et en 2010, presque le plus incroyable, est sorti l'unique album de DEV2.0, groupe pré-fabriqué d'adolescents recrutés pour réenregistrer le répertoire de Devo et le faire connaître à la jeune génération, le tout dans le cadre d'un projet de Disney !
C'est peut-être de DEV2.0 qu'Oh, No ! It's Diva est le plus proche, sauf que dans l'esprit on est complètement à l'opposé. DEV2.0 c'était les membres de Devo avec la grosse machine Disney qui ont monté un gros projet professionnel de bout en bout, avec un gros budget. Oh, No ! It's Diva ce sont trois fans (Victoria Arfi, Marie Filliette, Margot Oger), dont on ne serait pas surpris d'apprendre qu'elles ont découvert le groupe dans la discothèque de leurs parents, qui décident de rendre hommage à Devo en ne craignant pas de verser si besoin dans le sabotage. Les dix chansons sont des reprises, mais les titres ont été modifiés, peut-être bien pour se libérer des règles de Bandcamp à ce sujet. Les paroles aussi sont parfois différentes. Je m'attendais à une production plutôt synthétique, mais non, on a droit à des versions brutes rock/électriques des chansons, un aspect qui était effectivement présent dans les premières années de Devo, mais qui a disparu assez vite par la suite. L'ensemble passe très bien, d'autant qu'il s'agit de chansons que je connais et apprécie beaucoup. Mes deux titres préférés sont Gates (Gates of steel de Freedom of Choice) et She was really messed up (Big mess de Oh, No ! It's Devo). J'aime aussi beaucoup Tête de bloc, mais avec un titre pareil je m'attendais à une adaptation de Blockhead en français, comme Non! l'avait fait avec The day my baby gave me a surprise), mais malheureusement ce n'est pas le cas.
J'imagine qu'Oh, No ! It's Diva est un projet ponctuel. Je vois mal ses membres aligner pendant des années des reprises de Devo (on les retrouve déjà dans d'autres groupes, Cheap Riot et Mary Bell), mais pour l'heure elles soutiennent la sortie de leur album et sont annoncées en concert à Bordeaux le 12 mars.
Acquis chez Damien R. à Avenay Val d'Or le 22 novembre 2022
Réf : PB 8346 -- Édité par RCA en France en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le dégoût -/- Toto 30 ans
L'ami Damien se débarrassait d'une petite partie de ses disques et j'ai été bien content de repérer celui-ci dans le lot. J'ai vraiment découvert et apprécié cette chanson Le dégoût d'Alain Souchon il y a quelques années seulement (cinq ou dix) et, après avoir repéré qu'elle était sortie en 45 tours, je m'étais mis une note en tête de me procurer ce disque à l'occasion. Il me semblait me souvenir que l'écoute qui avait déclenché mon intérêt c'était celle de mon exemplaire de l'album Toto 30 ans, rien que du malheur..., dont elle est extraite. Je revois encore cet album avec sa pochette ouvrante, sauf que je ne le trouve pas dans mes étagères, alors je dois me tromper.
Alors, qu'est-ce qui m'a accroché à l'écoute de Le dégoût ? Eh bien d'abord, l'arrangement musical qui m'a surpris. Arrivé en 1981-82, tout le monde ou presque donnait dans le synthétique/électronique, même Pit et Rik !, mais en 1978, année de sortie de l'album, ça n'était pas du tout aussi courant, surtout dans un contexte de pure chanson française. C'est pourtant bien ce qu'on a ici, avec un séquenceur qui domine l'ensemble et des synthés en accompagnement. Et puis il y a la thématique des paroles de la chanson qui me parle bien, avec ce refus de la normalité et la volonté de ne pas céder aux attentes et de suivre le chemin qu'on trace pour vous. Aussi bien avec Frédéric Mitterrand en 1990 qu'avec Christophe Dechavanne en 1986, a regretté que ses chansons moins douces, avec un peu de révolte et de violence, soient moins acceptées par le public. C'est vrai pour Le dégoût mais, si on pense à Jamais content ou S’asseoir par terre, on voit bien que ce n'est pas le cas pour toutes. Preuve que Souchon tenait à cette chanson, on trouve des versions en public de Le dégoût à la fois sur l'album En public à l'Olympia 1982 et sur Olympia 83, mais, dans ce dernier cas au moins, la version reproduit très voire trop fidèlement celle en studio.
En face B, la chanson Toto 30 ans, sur le temps qui passe et les premières rides, est moins surprenante avec dans son style légèrement country/folk. Les chœurs à la fin m'ont fait penser à ceux utilisés par Lewis Furey à la même époque, lui aussi chez RCA.
Acquis par correspondance via Ebay en janvier 2023
Réf : 9362-41057-2 -- Édité par Paisley Park / Warner Bros. en Europe en 1993
Support : CD 12 cm 5 titres
Pour une fois, on peut vraiment dire que je suis tombé sur ce CD par hasard en me baladant sur internet. J'étais sur un site de vente en ligne à la recherche d'un disque qui me manque de Clinton, le projet parallèle des membres de Cornershop. Parmi les résultats les moins chers, il y avait ce disque de George Clinton, avec un titre intéressant, Peindre la Maison Blanche en noir. Je n'en avais jamais entendu parler, mais après quelques clics pour en écouter un extrait, je l'ai vite commandé.
George Clinton, 81 ans aujourd'hui, a un sacré parcours : doo-wop et rhythm and blues avec The Parliaments dans les années 1950 et 1960, délires psyché/rock/funk dans les années 1970 avec Parliament et Funkadelic, carrière en solo et reformations P-Funk depuis. Au début des années 1990, Clinton était signé sur le label Paisley Park de Prince. Ils ont dû être contents quand ils ont vu le titre très commercial du deuxième et dernier album qu'il a sorti chez eux, Hey, mec, renifle mon doigt...!
Ce single est le premier qui a été extrait de l'album. On peut assez facilement imaginer la genèse de son titre principal : Je m'appelle Clinton comme Bill, qui vient d'être élu président, prénom George comme Washington, le premier président des États-Unis, alors pourquoi pas imaginer des paroles où moi et mes jeunes potes de la fine fleur du rap (Dr. Dre, Ice Cube, KAM, MC Breed, Public Enemy, Pupa Curley, Yo-Yo. Excusez du peu !) on harcèle la Maison Blanche pour leur dire ce qu'on pense des goûts et des couleurs et du fait de fumer sans inhaler ? A la production, on trouve Kerry Gordy et William Bryant III, apparemment spécialistes du style New Jack. La chanson utilise un échantillon de Smiling faces sometimes, un titre de 1971 de The Undisputed Truth. Pour la pochette, on décline la référence à la Présidence, avec un George perruqué et encadré à la Washington.
On trouve quatre versions de Paint the white house black sur ce CD. Ma préférée est tout simplement la version de l'album, qui se déroule et coule parfaitement bien tout au long de ses 6'50, avec les invités qui se succèdent au micro. La version single, qui doit aussi être celle de la vidéo, est assez proche, mais c'est dommage qu'elle soit pour l'occasion raccourcie de 2'30. La base musicale est pas mal retravaillée pour Picture this (Street mix), mais c'est pas mal quand même. Et puis enfin, il y a une version instrumentale.
Seize ans après Paint the white house black, Clinton a dû être content de voir Barack Obama entrer à la Maison Blanche, même si il n'a pas tout révolutionné de fond en comble au cours de ses deux mandats. Le symbole étant fort, Obama a souvent été pris en photo devant le portrait de Washington qui a dû inspirer la pochette du single.
A 80 ans, George Clinton a encore joué en Angleterre en 2022 et des concerts sont prévus cette année aux États-Unis.
Offert par Dorian Feller à Villedommange le 27 novembre 2022
Réf : Publicis 131262 -- Édité par Le Centre d'Information du Concentré de Tomates / Vogue en France dans les années 1960
Support : 45 tours 17 cm
Titre : Tomatorama (Mange des tomates "concentrées")
L'ami Dorian m'a offert ce disque car il connaît mon intérêt prononcé pour les disques "hors commerce" (intérêt qui s'est notamment traduit en 2018 par la publication du livre Vente interdite, disponible en téléchargement gratuit). La pochette est moche, mais c'est un beau cadeau car ce 45 tours est une pièce intéressante. C'est un disque Vogue qui a la particularité de n'être gravé que sur une seule face. Et sur cette face, on trouve une version réenregistrée de l'un des succès du label.
Je ne connaissais pas du tout le musicien Jack Ary (à ne pas confondre, apparemment, avec l'acteur qui était son contemporain, dont le pseudonyme était Jack Ary). Pourtant, son cha cha cha Les tomates, musique de Franck Barcellini (celui de Mon oncle) et paroles de Pierre Cour, a dû avoir un certain succès puisqu'il a été édité en 45 tours trois fois sur trois décennies consécutives, en 1960, 1976 et 1982. Pas mal...! La première fois n'était pas la plus glorieuse, puisque c'était en simple face B d'un EP, mais c'est un disque que j'aimerais bien me procurer, à la fois pour sa pochette très réussie et, en tant que fan de Jonathan Richman et de son I'm a little dinosaur, pour son titre principal, Théodore le dinosaure, qui, malheureusement, s'est révélé être sans paroles.
La superbe pochette illustrée par Charles Vella du EP Théodore le dinosaure (1960), avec en face B la première publication de Les tomates. Il semble y avoir deux pochettes différentes, l'autre n'ayant pas de tomates :
On peut assez facilement imaginer la genèse de ce disque. Le Centre d'Information du Concentré de Tomates, probablement un organisme interprofessionnel (qui ne semble plus exister depuis longtemps; il était peut-être lié à la SONITO, Société Nationale Interprofessionnelle de la Tomate destinée à la transformation, créée en 1957), souhaitait faire la promotion de ses produits. Pour ce faire, ils ont missionné Publicis, et quelqu'un à l'agence a eu la juteuse idée d'utiliser ce cha cha cha de Jack Ary, qui avait eu un certain succès. Il faut dire que la chanson originale, avec son propos introductif ("Un conseil, Madame. Un conseil, Monsieur. Mangez. Mangez sain. Mangez frais. Mangez... des tomates.") et son refrain ("Mange des tomates, mon amour. Mange des tomates nuit et jour. Ça donne bonne mine, c'est plein de vitamines, vitamines A, B, C, c'est bon pour la santé") sonne déjà comme une publicité ! Un contrat de licence a donc dû être passé avec Vogue et la chanson a été adaptée et transformée en Tomatorama (Mange des tomates "concentrées"). Initialement, j'ai pensé qu'on s'était contenté d'ajouter "concentrées" à chaque itération de "Mange des tomates", mais non, l'ensemble des paroles a été adapté au propos et c'est toute la partie vocale qui a été refaite.
Il n'y a quasiment aucune indication sur la pochette. Je pense donc que ce disque était probablement inséré dans un dossier plus complet, destiné à des professionnels plutôt qu'à des particuliers. Et peut-être que la chanson a été diffusée en radio sous forme d'annonce publicitaire. En tout cas, concentrée ou non, comme la chanson de départ est entraînante et agréable, ça passe bien.
Offert par Fabienne M. à Mareuil sur Ay en décembre 2022
Réf : PRO-A-857 -- Édité par Warner Bros. aux États-Unis en 1980
Support : 2 x 33 tours 30 cm 24 titres
En décembre, quelqu'un a diffusé sur Twitter la copie d'un article de 1997 de Record Collector sur Jonathan Richman. Je l'ai téléchargé, je l'ai lu, et j'ai été surpris d'y apprendre qu'I'm Straight, l'une des chansons des Modern Lovers première période, a été publiée officiellement pour la première fois en 1980 sur une compilation américaine de Warner, Troublemakers (en fait, cette information est assez connue, reprise dans pas mal d'endroits, mais soit je n'y avais jamais prêté attention, soit je l'avais oubliée). J'ai une histoire un peu particulière avec I'm straight, car on trouve cette chanson sur certaines rééditions de The Modern Lovers, mais pas sur mon édition originale anglaise, et on la trouve aussi sur certaines éditions de The original Modern Lovers, mais pas sur mon exemplaire français. En fait, il a fallu attendre 1992 et la réédition CD Rev-Ola de The Modern Lovers (pour laquelle j'ai écrit des notes de pochette) pour qu'I'm straight atterrisse dans ma discothèque. En tout cas, cette information m'a incité à aller me renseigner sur Troublemakers, et ce que j'ai découvert m'a donné envie de me faire offrir ce double album, d'autant qu'un exemplaire à prix correct était proposé à la vente par un français sur Discogs.
Troublemakers est le tout dernier volume paru de la série de compilations Loss leaders de Warner, qui avait démarré en 1969. Le concept était un peu particulier, il s'agissait de compilations-catalogues de Warner et ses labels affiliés (Reprise et Island, notamment), vendues uniquement par correspondance, à un prix très bas (2 $ le double album dans les années 1970). Cela était rendu possible en réduisant les coûts, y compris sur les droits versés aux artistes. La publicité pour ces parutions était faite sur les pochettes intérieures d'albums Warner ou dans des publicités dans la presse. Pour la plupart des volumes parus, l'effet catalogue joue à plein, et les disques sont juste des pot-pourris de nouveautés, avec Captain Beefheart et James Taylor sur le même disque, par exemple. Mais l'un des intérêts de Troublemakers, c'est son unité thématique : elle est parue en 1980 et, clairement, l'objectif à cette occasion était de se concentrer sur des artistes associés à la New Wave, américains et anglais (La pochette avec son graphisme et le style des mannequins le confirme). Un autre intérêt est que la sélection des titres et excellente et que, comme c'était la tradition pour la plupart des Loss leaders, elle comporte quelques titres précédemment inédits, comme ceux des Modern Lovers, et d'autres rares aux États-Unis).
On va d'ailleurs commencer par s'intéresser aux cinq titres inédits (à l'époque) que contient Troublemakers.
Pour les Modern Lovers, je ne vais pas refaire toute l'histoire ici, mais la particularité c'est que Warner a signé le groupe en 1972, qu'il y a eu plusieurs sessions d'enregistrement avec John Cale ou Kim Fowley comme producteur, mais que Warner a fini par renoncer fin 1973, et le groupe s'est séparé, principalement parce que Jonathan Richman voulait changer de direction musicale. Après ça, Beserkley Records a racheté les bandes à Warner et a sorti en 1976 The Modern Lovers, une compilation de neuf titres. Un des rares cas où une simple compilation d'inédits est désormais considérée comme un album important et "classique" du rock. Au moins trois autres titres de cette époque sont souvent ajoutés aux rééditions, I'm straight, Government center et Dignified and old. Pour Troublemakers, je ne pense pas que, après avoir financé les enregistrements originaux avant de les céder à Beserkley, Warner a re-payé pour les utiliser ici, mais en tout cas I'm straight et Government center sont publiés "avec l'autorisation de Berserkley".
I'm straight est une chanson très particulière. Musicalement, rien d'exceptionnel. Je trouve qu'on est sur un rythme et dans un style pas si éloigné que ça de Hoochie coochie man/I'm a man/Mannish boy (sachant que Jonathan Richman a fait sur scène en 1983 une adaptation comique de ces classiques, I'm a jerk) Côté paroles, la thématique est originale...! Voilà la situation : Jonathan a vu sur le campus une étudiante accompagné de son petit copain, un hippie (nommé Johnny ou Ernie selon les versions). Il trouve que ce n'est pas un gars bien pour elle, alors il lui téléphone pour lui expliquer tout simplement que le hippie est toujours dans les vapes alors que lui Jonathan a l'esprit clair et qu'il veut prendre sa place. Comme méthode de drague, on a vu moins lourdingue ! La version d'I'm straight qu'on trouve ici (et sur les rééditions de The Modern Lovers) est ma préférée. Il est indiqué que Kim Fowley est le producteur. Si c'est exact, alors, même si ce n'est pas ce que disent les quelques sources disponibles, j'avancerais que cette version date des démos enregistrées en juin 1972. En effet, il existe aussi une autre version studio d'I'm straight, également produite par Kim Fowley, celle qu'on trouve sur certaines éditions de The original Modern lovers. Ce qui me fait dire que cette autre version est la plus tardive (datant des sessions de l'automne 1973), ce sont les paroles modifiées, qui, montrent que Jonathan ne croit plus lui-même à sa chanson et qu'il hésite à la chanter. Le hippie n'est même plus présent dans cette version. Pour information, il existe aussi deux versions live d'I'm straight publiées officiellement au fil des années. Là aussi, ça se mélange dans tous les sens entre les différentes éditions, mais la version de Live at the Longbranch and more, qui commence directement par "I called this number") est excellente, et même violente quand Jonathan s'énerve contre Hippie Ernie : "His Woodstock brain, and his acid face. Yeah You walked by the computer centre with spineless Ernie, I telephoned to say, I could easily take his place. He's a hippie, Hippie Ernie. I'm straight and I want to take his place. Hey where's his backbone ? Hippie Ernie, huh ? I'm tryin to make mine straight". On a rarement vu Jonathan Richman aussi agressif...! La version de Precise Modern Lovers order est plus longue, plus lente aussi peut-être, et elle est un peu inférieure.
Pour Governement center, c'est un peu plus simple. Elle est apparue tardivement dans le répertoire des Modern Lovers première version et n'a été enregistrée qu'une fois, par Kim Fowley à l'automne 1973. C'est l'excellente version qu'on trouve ici. Mais cette chanson fait aussi partie des quatre première officiellement publiées par Jonathan Richman & the Modern Lovers, en 1975, sur la compilation Beserkley chartbusters volume 1. Il manque l'orgue de Jerry Harrison à cette deuxième version, plus acoustique, mais elle est tout aussi excellente et cette ode aux secrétaires de la cité administrative de Boston est de toute façon un grand moment de rock and roll.
On a aussi droit à deux documents précédemment inédits de rien moins que les Sex Pistols ! Il s'agit d'une première publication officielle, mais ces titres ont dû être piratés dès le lendemain de leur enregistrement : il s'agit d'Anarchy in the USA, le dernier titre joué leur de leur ultime concert le 14 janvier 1978 au Winterland de San Francisco, et de No fun, le seul rappel qui l'a suivi. Le son est pourri, c'est assez pathétique, mais c'est un document, qui se conclut par le fameux "Ever get the feeling you've been cheated ?" de Johnny Rotten.
J'ai été déçu par le dernier inédit, issu des sessions de l'album de 1972 The academy in peril de John Cale. Il s'avère que Temper est un instrumental (dont le titre fait référence au clavier tempéré ?), assez ennuyant pour moi. Il n'empêche, sa seule autre publication officielle semble être sur la compilation de 1994 Seducing down the door.
Ce qui est étonnant, c'est qu'il y a très peu de titres faibles sur les 24 de ce double album et que la plupart des sélections correspondent parfaitement à mes goûts (sachant qu'il y a quelques classiques dans le lot).
Parmi ceux qui étaient rares aux États-Unis, il y a Social fools de Devo, dans sa version produite par Brian Eno lors des sessions de l'album Are we not men ? We are Devo !. Elle n'était sortie qu'en Europe, en face B du 45 tours Come back Jonee. Et puis aussi, on retrouve John Lydon avec Public Image de Public Image, inédit aux USA car Warner n'avait pas voulu sortir le premier album, jugé non commercial. Et comme, les groupes ont souvent droit à deux titres ici, il y a en plus Swan lake, de The metal box, ou plutôt Second edition aux États-Unis.
Pour Urban Verbs, on a droit à ma chanson préférée du groupe, Subways, et à The only one of you, que j'avais oubliée mais qui est très bien aussi. Il faudra que je réécoute leurs deux albums. Le grand malheur d'Urban Verbs, c'est qu'ils sont arrivés sur la scène après Talking Heads et qu'ils n'ont pas su s'en démarquer. Difficile de choisir seulement deux titres à extraire d'Entertainment ! de Gang of Four, mais bon, Damaged goods et Anthrax, c'est parfait. Et idem avec 154 de Wire : moi-même, j'aurais probablement aussi proposé Map ref. 41ºN 93ºW et I should have known better. Et ça continue avec The Buggles et leurs deux excellents singles Video killed the radio star et Clean clean et Marianne Faithfull avec le morceau-titre de l'album Broken English et la reprise de Lennon Working class hero. Je ne suis pas un grand fan de Nico en solo et je me demande bien pourquoi les compilateurs sont allés repêcher My only child sur son album Desert shore de 1970, mais j'ai été surpris d'apprécier cette chanson, surtout grâce à la présence de chœurs.
Au bout du compte, il y a sur cette double compilation très peu de chansons que je ne connaissais pas du tout. Parmi les bonnes découvertes, il y a Nervous breakdown de Brian Briggs, une reprise d'Eddie Cochran un peu à la manière d'Alan Vega. Sous son nom John Holbrook, il a été une figure importante (ingénieur du son, producteur...) des studios Bearsville aux États-Unis. On a droit aux deux faces du deuxième single de Pearl Harbor and the Explosions et, autant je n'ai pas particulièrement accroché à la face A, You got it (Release it), autant j'ai apprécié la face B, Busy little B side, qui est exactement ce que son titre décrit. Sachant que le groupe comptait à certains moments un ou deux ex-Modern Lovers, j'avais déjà écouté des titres de Robin Lane & the Chartbusters, mais j'avais été déçu. Ca se confirme ici avec les deux extraits du premier album, Don't wait till tomorrow et Kathy Lee, que j'ai trouvés très quelconques.
Troublemakers est donc un très beau chant du cygne pour la collection Loss leaders. Je connaissais la plupart des titres, mais je n'ai plus souvent l'occasion de me procurer des publications originales des Modern Lovers (étant donné que j'ai la majeure partie de leur discographie...!).
Ses Pistols, Anarchy in the USA et No fun, les deux chansons publiées officiellement pour la première fois sur Troublemakers. Le concert complet est sur YouTube.
Norman Maslov présente sa collection des compilations Loss leaders de Warner/Reprise (Il n'a pas Troublemakers...).
Une publicité pour Troublemakers parue dans Rolling Stone en 1980.