23 septembre 2023

STAX UNCOVERED !


Acquis par correspondance avec le n° 357 de Mojo en août 2023
Réf : [2100011060074] -- Édité par Mojo en Angleterre en 2023 -- Sold with Mojo August 2023. Not for resale.
Support : CD 12 cm
15 titres

Je le disais encore récemment, les CD distribués avec les magazines sont souvent aussi vite oubliés qu'on les a écoutés. Mais il y a bien sûr des exceptions, dont plusieurs ont été chroniquées ici (Go-Betweens, Pixies,...), et j'attendais de pied ferme de recevoir mon exemplaire du n° 357 de Mojo, pas parce que Springsteen était en couverture mais parce que le CD était une compilation Stax extraite du coffret Written in their soul.
Évidemment, ça arrive de temps en temps, mais ça s'est produit précisément là, je n'ai pas reçu le Mojo attendu. J'ai dû réclamer et heureusement l'exemplaire de remplacement est arrivé sans encombre et assez vite.

Pendant longtemps, on demandait aux fans de rock s'ils étaient Beatles ou Stones. Comme si on ne pouvait pas être les deux... Pour le rhythm and blues et la soul des années 1960, l'alternative serait plutôt entre les labels Motown et Stax. Là encore, on peut communier aux deux chapelles et il y a un grand nombre de disques Motown que j'apprécie énormément, mais j'ai un goût particulier pour les productions Stax, avec leur énergie et la simplicité de leurs arrangements.

On sait de longue date que les tiroirs de Stax sont plein de titres inédits. On s'est notamment régalé dans les années 2000 d'un album entier de reprises inédites par Booker T. and the MG's. Mais là, avec Written in their soul, c'est un travail de fou que la productrice Cheryl Pawelski a fait pour le label Concord, démarré après les 50 ans du label en 2009. Elle et son équipe ont entrepris de répertorier toutes les démos du label. 665 titres utilisables ont été identifiés, et 146 d'entre eux (dont 140 précédemment inédits) ont été inclus dans un coffret de 7 CD paru cette année.

Les titres compilés sont répartis en trois catégories : les démos de titres qui ont été publiés à l'époque par Stax et ses filiales; des démos par des auteurs-compositeurs Stax de titres qui ont été enregistrés par des artistes d'autres labels, comme Atlantic et Decca; et enfin des chansons qui étaient restées complètement inédites jusque-là.
Au niveau de la production de ces enregistrements, c'est aussi très variable, avec de pures démos en solo avec voix plus guitare. Mais il y a aussi un bon nombre d'enregistrements réalisés dans un "studio de démo", avec une production basique et des arrangements minimaux. Et puis il y dans le lot des enregistrements "terminés", souvent excellents, qui auraient pu paraître tels quels.

Le coffre 7 CD Written in their soul est en vente pour une centaine d'euros, avec parait-il un superbe livret. C'est un excellent rapport qualité-prix. L'avantage du marché de la musique tel qu'il est actuellement, c'est qu'il est tout à fait possible d'écouter en intégralité les 146 titres du coffret, par exemple sur Bandcamp, sans rien débourser d'autre que son abonnement à internet.

Je n'ai pas encore pris la peine d'écouter le coffret complet, et je ne compte pas l'acquérir car j'écoute rarement plus d'une fois ce genre de coffret énorme, mais je me suis plongé avec délectation dans Stax uncovered !, la sélection par Mojo d'une quinzaine de titres, soit 10% du coffret.

Et qu'est-ce que c'est bon ! A part, I don't care anymore, une ballade par Shirley Brown, que j'ai trouvée un peu quelconque, l'album m'a plu de bout en bout.

On se demande vraiment comment des titres comme Come on dance with me par Rufus Thomas ou Stay with me par Eddie Floyd ont pu rester inédits tout ce temps.

Il y a dans le lot trois démos de chansons créées par les Staple Singers, toutes très bien : Slow train par William Bell, If you're ready (Come go with me) par Homer Banks (avec des chœurs...) et ma préférée, Respect yourself par Mack Rice, qui l'a écrite avec Luther Ingram. Avec une guitare électrique, une batterie tellement minimale qu'elle sonne comme une boite à rythmes, et une deuxième voix, c'est un excellent premier jet qui sonne très moderne. C'est apparemment une autre des artistes présentes sur la compilation, Bettye Crutcher, qui a suggéré de proposer cette chanson aux Staple Singers.

On va terminer ce rapide tour d'horizon avec deux démos de titres publiés : 634-5789 par Eddie Floyd, créée par Wilson Pickett chez Atlantic, un très grand succès, et Don't let the love light in par Carla Thomas, qu'elle a sorti sur une face B de single en 1964.

J'ai du mal à croire qu'il existe un seul label (à part peut-être Blue Note en jazz) dont les archives inédites soient aussi riches.



17 septembre 2023

RIFRAZIONE : Postcard for Lawrence


Offert par Giuseppe Giannecchini par correspondance en août 2023
Réf : [sans] -- Édité par Rifrazione en Italie en 2023
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Postcard for Lawrence -/- 24-12

Giuseppe Giannecchini, qui est par ailleurs un expert en biomécanique dans le cyclisme, est un grand fan de Felt.
Il a acheté en 2020 un exemplaire de mon livre La ballade du fan et depuis nous échangeons régulièrement. Il m'a notamment offert les productions de son projet Rifrazione, où l'influence de Felt se fait régulièrement sentir, mais pas systématiquement ni exclusivement.

Le 12 août dernier, pour les 62 ans de Lawrence, Giuseppe a voulu lui rendre un hommage particulier en publiant Postcard for Lawrence, un single deux titres de Rifrazione en forme de carte d'anniversaire musicale.
Le single numérique est disponible en téléchargement gratuit pour tous, mais Giuseppe a également fait presser un tirage très limité de dix exemplaires en 45 tours, destinés à Lawrence, bien sûr, aux participants au projet ainsi qu'à des amis, parmi lesquels il m'a fait l'honneur de m'inclure. Voici donc un collector instantané qui intègre ma discothèque !

La pochette décline le concept de la carte postale et nous présente un Lawrence timbré, sur la base de son apparence actuelle, reflétée également dans l'avatar utilisé pour la promotion de son dernier album sous le nom de Mozart Estate.

Le disque est instrumental. La face A, Postcard for Lawrence, a été composée par Giuseppe, mais il ne joue pas dessus. Un peu comme pour l'album Train above the city de Felt, pour lequel Lawrence s'était "contenté" de trouver les titres des compositions et de réaliser la pochette. Ce sont Gianluca Galluccio au pianoforte et Nicola Trapassi au synthétiseur (bien dosé, qui joue un peu le rôle d'un accompagnement de cordes) qui l'interprètent.
Le point de référence est ici la période Martin Duffy du groupe (à qui ce disque rend donc aussi indirectement hommage, quelques mois après sa mort à 57 ans), particulièrement les faces B du maxi Ballad of the band et de l'album The pictorial Jackson review.

Changement d'ambiance pour 24-12, puisque Giuseppe est en solo, à la guitare électrique, avec accompagnement de basse et de percussions. Cette fois, on se replonge dans l'ambiance de la première période de Felt, avec Maurice Deebank à la guitare.

Ces deux beaux hommages vont peut-être participer à la création d'un genre musical particulier, celui des hommages musicaux à Lawrence.
Il se construit depuis un moment, puisque l'excellent instrumental Belt de Teenage Fanclub a été publié sur la compilation Volume en 1993, il y a déjà trente ans. Quant au Lawrence de Girls, lui aussi quasi-instrumental, avec son 45 tours en forme de cœur, il est sorti en 2011.



08 septembre 2023

MIDNIGHT OIL : Power and the passion


Acquis d'occasion probablement au Record and Tape Exchange de Notting Hill Gate à Londres dans les années 1980
Réf : A 3176 -- Édité par CBS en Angleterre en 1983
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Power and the passion -/- Glitch baby glitch (Power & the passion - Dub)

La deuxième fois que je suis allé passé des vacances à Londres, c'était pour quelques jours en juin 1982. J'y ai vu des concerts les quatre soirées que j'ai passées sur place : Dolly Mixture le 20 juin au Marquee (avec Captain Sensible en invité et Lol Coxhill présent dans la salle; on n'a jamais autant parlé de ce très sympathique groupe qu'en ce moment, avec des rééditions et des sorties d'inédits), Clint Eastwood and General Saint le 21 juin et Lol Coxhill et Tongue Twisters le 22 juin au Hammersmith Clarendon pour une soirée française du club Idiot Ballroom.

Ce n'était pas volontaire, mais on voit bien que ce séjour a été placé sous le signe de Lol Coxhill, que j'avais vu le mois précédent à Reims, où il était l'invité permanent du Festival des Musiques de Traverses. Ce dimanche, 23 mai 1982, outre mon premier concert de Pascal Comelade & Fall of Saigon et un spectacle des hollandais drôlants Willem Breuker Kollektief, la performance de Lol Coxhill m'avait surtout marqué par la présence de Jac Berrocal, qui arpentait la grande scène de la Maison de la Culture en utilisant une pelle à poussière métallique comme instrument de percussion.

Le premier jour, le 19 juin, c'est au Zig Zag Club que je me suis rendu, pas très loin de Portobello. J'étais en avance et j'attendais l'ouverture de la salle sur les marches quand il m'est arrivé un truc pas banal. Un gars s'est approché de moi et m'a demandé "Tu serais pas Jean-Christophe ?". Dans une ville où je ne connaissais personne, ça surprend. En fait, Eric et Frédéric, deux copains d'Hugues, un collègue étudiant à l'I.U.T., avaient mangé une fois avec moi au RU et m'avaient reconnu. On a passé la soirée ensemble.

Le club se présentait comme "London's largest music video club" et j'y ai notamment été marqué par la projection du Fish heads de Barnes & Barnes.


Mon billet pour le concert des Flying Padovanis et de Midnight Oil le 19 juin 1982 au Zig Zag Club à Londres.

Je pense que j'avais choisi d'aller voir les Flying Padovanis parce que je connaissais l'histoire d'Henry Padovani, le premier guitariste de The Police. Lol Coxhill joue du saxo sur leur single Western pasta, sorti quelques mois plus tôt, alors bien sûr il était l'un de leurs invités sur scène ce soir-là !

En première partie, c'est un groupe avec un grand chanteur chauve qui a joué. Très punk/rock, à tel point que, quand j'ai demandé le nom du groupe à quelqu'un car il n'était pas affiché, j'ai compris "Midnight Oi". Mais son, ce n'était pas de la Oi ! et le groupe était bien Midnight Oil, ces australiens qui devaient être à Londres pour la promotion de leur quatrième album, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, qui doit être le premier à avoir été largement distribué en Europe.
Si on regarde le programme du Zig Zag Club pour juillet 1982, on constate que Midnight Oil y a joué tous les mercredis, en première partie ou en tête d'affiche. Ils y étaient visiblement en résidence à cette période.

J'ai aussi dans ma discothèque le single US forces, le titre d'ouverture de l'album, mais je préfère ce Power and the passion.
Enregistré à Londres, co-produit par Nick Launay, ce titre est bien de son époque. J'y entends des échos de The Police, et j'ai surtout pensé à Way Of The West en l'écoutant, encore plus avec la version "dub" de la face B, Glitch baby glitch.

Power and the passion est une chanson importante dans le parcours de Midnight Oil, qu'ils jouent régulièrement sur scène. D'ailleurs, en 2001, c'est le titre The power & the passion qui a été choisi pour une compilation hommage australienne. L'Australie est un grand pays, mais Dave McCormack, celui qui se charge de la reprise de la chanson Power and the passion sur cet album, est une tête connue par ici, puisqu'il a été membre de C.O.W. et de Custard !




Midnight Oil, Power and the passion, en concert au Capitol Theatre de Sidney le 27 novembre 1982.

03 septembre 2023

THE BEE GEES : To love somebody


Acquis chez Damien R. à Avenay Val d'Or le 11 juillet 2023
Réf : 27 811 -- Édité par Polydor en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : To love somebody -- Spicks and specks -/- Turn of this century -- Close another door

J'avais 14 ans quand le film La fièvre du samedi soir est sorti en 1977, alors pour moi les Bee Gees c'est d'abord des tubes comme Stayin' alive, Night fever, How deep is your love, You should be dancing, que toute la famille connaissait et sur lesquels on dansait lors des fêtes familiales.
Mais très vite, dès que j'ai commencé à affirmer mes goûts musicaux, j'ai rejeté les frères Gibb, leur brushing et leur disco. Pourtant, grâce aux rééditions pas chères de leurs premiers albums qu'on voyait chez les disquaires, j'ai assez vite été conscient de l'importance de leur parcours dans les années 1960. J'ai connu et apprécié des titres comme Massachusetts, I started a joke, New York mining disaster 1941, mais je n'ai jamais creusé la question au-delà de l'achat de quelques 45 tours sixties trouvés pas chers, qui ont souvent leur pochette en papier fin en mauvais état.

J'ai complété la liste en me rendant chez l'ami Damien, qui avait décidé de se débarrasser d'une bonne partie de sa collection de 45 tours. L'an passé, je lui avais notamment acheté le Yankee Horse et un Souchon. Cette fois, je suis reparti avec un bon paquet de belles pièces, dont les deux premiers EP français des Bee Gees. C'est le deuxième que j'ai sélectionné aujourd'hui.

Pour me faciliter les choses, je vais commencer par Spicks and specks, le deuxième titre du disque, mais le premier à être publié en 45 tours, en Australie, en septembre 1966. C'est une très belle chanson, que j'ai d'abord connue par sa reprise par Status Quo en face B en 1968.
Depuis les quelques notes graves de piano en introduction, jusqu'au rythme de marche marqué à la guitare et à la batterie, l'arrangement est relativement sobre et réussi.
Les Bee Gees sont anglais. Ils avaient émigré en Australie avec leurs parents en 1958. Frustrés par leur manque de succès après deux albums et plusieurs singles en Australie, ils ont pris le bateau en janvier 1967 pour aller faire carrière en Angleterre. C'est en chemin qu'ils ont appris que, au bout du compte, Spicks and specks s'était bien vendu et avait été désigné "Single de l'année" par un hit-parade national.
Trop tard pour faire demi-tour. Une nouvelle carrière les attendait et Spicks and specks a été publié en Europe en février 1967. Rétrospectivement, ce n'était peut-être pas plus mal pour les frères Gibb : s'ils étaient restés en Australie, ils y auraient sûrement eu un très grand succès, mais n'auraient peut-être pas eu la même carrière internationale.

Après New York mining disaster 1941 en avril, les Bee Gees ont sorti To love somebody en juin 1967. Ce titre a eu plus de succès aux États-Unis qu'en Angleterre.
Au fil du temps, on a appris des anecdotes intéressantes sur la genèse de cette chanson. D'abord, je n'aurais pas fait le lien moi-même, mais elle pourrait être une grande ballade rhythm and blues. Et pour cause, à l'initiative du nouveau manager anglais des Bee Gees Robert Stigwood, elle aurait été composée à l'origine pour être proposée à Otis Redding (Ils avaient au moins en commun leur label américain, Atlantic). Finalement, ils ont gardé la chanson pour eux, et Otis n'a même pas eu le temps d'en enregistrer éventuellement sa propre version, vu qu'il est mort six mois plus tard.
Tout aussi surprenant, son auteur Barry Gibb a expliqué à Mojo en 2001 que la personne qui lui avait inspiré cette chanson c'était Robert Stigwood lui-même, qui lui avait demandé d'écrire une chanson pour lui.
Et quelle chanson ! Même si c'est de la pop trop orchestrée à mon goût, on est accroché dès les premières paroles ("There's a light, a certain kind of light"). Il y a juste un peu de maladresse dans le refrain, puisque le narrateur amoureux est présomptueux et se permet de parler à la place de l'autre ("Tu ne sais pas ce que c'est d'aimer quelqu'un comme je t'aime"). N'empêche, ce n'est pas trop surprenant que cette chanson soit devenue un classique pour les cérémonies de mariage.

Comme ça m'est souvent arrivé avec des titres des années 1960, j'ai d'abord connu cette chanson par des reprises, Gallon Drunk d'abord en 1996, et surtout Nina Simone, qui avait sorti sa version en single en 1968 et l'a incluse dans l'album du même titre. Sa reprise a eu plus de succès en Angleterre que l'originale et elle en a donné de grandes interprétations sur scène. Elle s'est littéralement appropriée cette chanson.
Aux dernières nouvelles, 223 reprises de To love somebody étaient recensées, dont beaucoup ces dernières années à l'occasion de télé-crochets. Il y le choix, depuis la première chronologiquement, par Lulu, à la version R&B (James Carr à défaut d'Otis), en passant par des interprétations soul (The Mirettes), gospel (The Sweet Inspirations) ou reggae (Busty Brown produit par Lee Perry).

Sur la face B, Turn of the century est le titre d'ouverture de l'album 1st, sorti en juillet 1967 (leur premier album international, mais le troisième en fait; on y trouve aussi To love somebody). C'est un bon exemple de pop psyché orchestrale.
Dans une veine similaire, le dernier titre du 45 tours, Close another door, est aussi le dernier titre de 1st, mais avant ça c'était la face B du single anglais To love somebody.

Si vous voulez vous plonger dans l'univers des Bee Gees et que vous lisez l'anglais, je vous conseille, même sans l'avoir lu, le livre tout récent de Bob Stanley de Saint Etienne, Bee Gees : Children of the world.







26 août 2023

MIKE OLDFIELD : In dulci jubilo


Acquis sur le vide-grenier de Pierry le 30 septembre 2012
Réf : 640.079 -- Édité par Virgin en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ommadawn -/- In dulci jubilo

A la fin des années 1970, il y avait pas mal de copains autour de moi qui avaient des albums de Mike Oldfield, souvent Tubular bells, mais aussi Hergest ridge. Généralement, ces copains avaient aussi des disques de Genesis, Ange, Pink Floyd, Supertramp...
Pour moi, Oldfield a toujours été principalement un artiste à albums, même si, avec mon frère, le premier titre qu'on a écouté et apprécié de lui était un 45 tours, le très folky Portsmouth. C'est pour ça que j'ai été surpris en lisant récemment un article à son sujet dans Mojo ou Uncut d'apprendre qu'il avait non seulement sorti beaucoup de singles, mais que, sans être à proprement parler une pop star, il avait eu un bon paquet de tubes. J'aurais pu éventuellement citer Moonlight shadow et To France, mais il y en a eu un paquet d'autres qui ont été un grand succès dans l'un ou l'autre pays du monde.

C'est l'occasion de ressortir ce 45 tours trouvé à Pierry il y a presque onze ans, dans un lot d'une vingtaine de disques à 20 centimes pièces, le jour même où j'avais trouvé sur un autre stand le légendaire Too fortiche des Yper-Sound. Ce disque m'intéresse pas tant pour sa musique que parce qu'il est une très bonne illustration des acrobaties éditoriales des maisons de disques françaises au fil des années.

Avec cette pochette, on n'est pas si loin de celle de Saint-Amand. Elle se contente d'annoncer en gros "In Dulci Jubilo du nouveau chef-d’œuvre de Mike Oldfield Ommadawn". C'est un peu présomptueux, mais pourquoi pas. Autre bizarrerie : avec tout ça, on s'attendrait à ce qu'In dulce jubilo soit la face A du disque, or les étiquettes de rond central la placent en face B.

Problème : sur l'album Ommadawn, aussi bien dans l'édition originale anglaise sortie le 21 octobre 1975 que dans son équivalent français (référence 940 513, distribution par la filiale de Barclay Compagnie Phonographique Française/C.P.F.), aucune trace d'In dulce jubilo...!
Cet album ne comporte qu'une seule composition, Ommadawn, divisée en Partie 1 et Partie 2 sur les deux faces de l'album. Notons, ça va nous être utile pour la suite, que la Partie 2 se termine par une chanson, qui n'a pas de titre spécifique sur l'album mais qui, par la suite, a été désignée comme étant On horseback.

Moins d'un mois après l'album, le 14 novembre 1975, Mike Oldfield a sorti en Angleterre un single "de Noël", avec en face A, un inédit, In dulce jubilo, et On horseback en face B.
Mon 45 tours référencé 640 079 est l'édition française de ce single, sortie vraisemblablement au tout début de 1976.
Mais alors, cette information sur la pochette laissant entendre qu'In dulce jubilo est tirée d'Ommadawan, elle est fausse ??

Eh bien non, cette information est vraie ! Parfois, il faut savoir prendre le taureau par les cornes, quitte à modifier la réalité si elle ne nous convient pas. Visiblement, C.P.F. voulait bien publier en France In dulce jubilo, mais à condition que ça serve à faire la promotion du nouvel album Ommadawn. Alors, ni vu ni connu je t'embrouille, ils ont aussi publié début 1976 une deuxième édition de l'album Ommadawn, référencée 940 529, sur laquelle, Abracadabra, on trouve In dulci jubilo à la fin de la face B.
Pourquoi pas, puisqu'après tout, cette pratique d'ajouter d'un single anglais sur un album à l'étranger est vieille comme le rock (On peut citer l'exemple de Gangsters sur le premier album des Specials). Sauf que ces imbéciles de C.P.F. ne se sont pas contentés d'ajouter ce nouveau titre, ils en ont profité pour supprimer On horseback, alors qu'on atteignait à peine 21 mn sur la face en laissant la partie 2 d'Ommadawn intacte. Ils auraient pu compenser en conservant On horseback sur le 45 tours, comme en Angleterre, mais non, ils ont choisi d'y mettre un extrait du "chef-d’œuvre"...
J'imagine la rage d'Oldfield si on lui a un jour dévoilé ce tour de passe-passe. C'est un manque complet de respect pour son œuvre, un peu comme si un galeriste avait de son propre chef coupé le coin d'un tableau pour le remplacer par un bout d'une toile plus récente.

In dulce jubilo (Dans la douce réjouissance) est un chant de Noël allemand qui remonterait au XIVe siècle. Mike Oldfield en a enregistré une première version en octobre 1974, sortie en février 1975 en face B du 45 tours Don Alfonso. Cette version, In dulce jubilo (for Maureen), est dédiée à sa mère, morte deux mois après l'enregistrement.
Oldfield pensait qu'il pouvait faire mieux que cette version. C'est pour cela qu'il l'a retravaillée et complétée. Cette deuxième version d'In dulce jubilo, celle de mon 45 tours est un instrumental très folk-rock. Les flûtes de Les Penning dominent la première partie, avant l'intervention de la guitare électrique de Mike Oldfield. Le succès a été au rendez-vous, puisque le 45 tours a été classé 4e du hit parade anglais. Dans le même esprit, la paire Oldfield/Penning fera encore mieux l'année suivante avec Portsmouth, qui se classera 3e.

Pour l'autre face, la A selon les étiquettes, qu'a donc choisi le label français pour remplacer On horseback ? Eh bien, quitte à faire du charcutage, il a été décidé de découper un extrait d'Ommadawn, précisément les dernières minutes de la Partie 1. Cerise sur le gâteau, il parait que le mixage sur cette version est différent de celui de l'album.
Comme Mike Oldfield est multi-instrumentiste et réputé pour être un sorcier du studio, j'ai toujours pensé qu'il enregistrait principalement seul, à part les chanteurs invités. Mais c'est loin d'être le cas. Rien que sur Ommadawn, il est accompagné par les percussionnistes du groupe Jabula, Paddy Moloney des Chieftains à la cornemuse irlandaise, Pierre Moerlen de Gong aux timbales, et Sally Oldfield et Bridget St John au chant.
En fait, j'aime bien la première partie de cette face, avec le chant, les percussions et encore des flûtes. Ça se gâte sur la fin avec le solo de guitare de Mike Oldfield couplé avec des synthés, qui est à peu près inécoutable pour moi et qui me rappelle pourquoi j'ai toujours détesté le rock progressif.
Les paroles en tout cas ne manquent pas d'humour. Même si elles sont retravaillées pour les rendre obscures, elles seraient dérivées de l'irlandais et signifieraient : "Papa est au lit, le chat boit du lait, je suis l'idiot chantant", "Ommadawn" désignant l'idiot.

En France en tout cas on appréciait cette musique. Et en 1977, quand Polydor a repris la distribution de Virgin, ce 45 tours a été réédité sous la référence 2097 930, de façon un peu plus cohérente, avec l'illustration de pochette et le titre de l'album Ommadawn mis en évidence.


Mike Oldfield, In dulce jubilo.


Mike Oldfield pendant l'enregistrement de l'album Ommadawn, un reportage de 1975.


Mike Oldfield, Ommadawn, en concert au festival de Knebworth en 1980.

18 août 2023

DEUS : Instant street


Acquis par correspondance via Discogs en août 2023
Réf : CID 742 / 572 553-2 -- Édité par Island en Europe en 1999
Support : CD 12 cm
Titres : Instant street (Radio edit) -- Sam Peckinpah's daughter -- You can't deny what you liked as a child

Les CD distribués aux abonnés des magazines, ça va ça vient, mais le plus souvent c'est vite écouté vite oublié. C'est le cas ces dernières années pour ceux de Mojo ou Uncut. Au mieux, j'y pêche un titre pour mes compilations, ou je vais chercher quelques infos complémentaires ou voir une vidéo.
Mais certains de ces CD m'ont plus marqué. C'est le cas notamment de l'une des compilations saisonnières des Inrockuptibles, Un printemps 99. Un très bon cru. Outre des titres de Lee Hazlewood, Tom Waits, The Chemical Brothers ou Étienne Charry, pour ne citer que ceux dont j'ai déjà chroniqué un disque ici, j'y ai découvert deux très bonnes chansons, qui mériteraient sûrement de figurer dans un classement des meilleurs singles des années 1990 si jamais je m'aventurais à en faire un un jour (ce qui est très peu probable). Il s'agit d'Instant street de Deus et Superfreaky memories de Luna.

J'ai eu l'occasion de voir Deus en concert, mais ce n'était pas dans de bonnes conditions. C'était après le premier album, à Bourges, en 1995. J'étais fatigué, je ne suis pas "rentré" dans le concert et, comme souvent dans un festival où on papillonne d'une scène ou d'un bar à l'autre, je ne suis pas resté jusqu'à la fin.

Instant street est le single qui, en 1999, a annoncé la sortie de l'excellent album The ideal crash, enregistré en grande partie en Espagne. Il y a deux éditions différentes en CD. J'ai pris celle-ci, le CD 1, car je l'ai trouvée à un prix correct port compris, mais j'aurais mieux fait de tomber sur le CD 2 car il contient la version complète d'Instant Street, celle de l'album, qui dure plus de six minutes. A la place, il y a sur le CD 1 un Radio edit, qui coupe les deux dernières minutes de la chanson.
Or, s'il y a une chanson qui ne doit pas être coupée avant la fin, c'est bien Instant street. En effet, après une introduction avec ce qui doit être un banjo (ou un violon "gratté" comme ils le feront plus tard sur scène), la chanson comporte trois parties musicales différentes :

  • Les couplets, particulièrement marquants, presque autant qu'un refrain;
  • Le refrain, justement, avec un autre chanteur, excellent également, avec comme seul reproche un arrangement de cordes en fond dont on aurait pu se passer;
  • Et puis à 3'30 il y a un break et démarre alors une longue et exaltante partie principalement instrumentale (Les anglais appellent ça une "outro", par contraste avec une introduction, alors en français je propose qu'on se mette d'accord pour parler d'une "fintro").
La première moitié de la chanson est déjà excellente, mais c'est ensuite qu'elle "décolle" vraiment dans un grand moment d'énergie rock and roll positive. Alors vous vous doutez bien que la version Radio edit tronquée à 4'15 est des plus frustrantes !

Comme souvent quand la chanson est réussie, les paroles d'Instant street ne sont pas univoques. J'ai relevé plusieurs mots (crack, score, blow, clean) qui, dans un contexte ou dans un sens différent, pourraient se rapporter à la drogue. C'est peut-être à rapprocher de l'anecdote qui me plaît bien et qui serait en partie à l'origine de la chanson, ou en tout cas du "scénario" de la vidéo qui l'illustre : trois ans plus tôt, au Café d'Anvers (là même où la vidéo a été tournée), Tom Barman et Craig Ward de Deus avaient été arrêtés par la police qui les avaient pris pour des dealers...!

Instant street et The ideal crash ont été bien accueillis par la critique et ont accru la popularité de Deus, mais pas au point d'en faire de grosses têtes d'affiches.
En 2019, pour ses 20 ans, The ideal crash a été réédité avec un deuxième disque de titres rares ou inédits, parmi lesquels une version démo d'Instant street, avec une boite à rythmes, mais déjà très proche de la version finale. A cette occasion, le groupe a fait une tournée où il jouait l'album en entier.

Deux faces B précédemment inédites figurent sur ce CD, probablement issues des sessions de l'album, dont elles ont été écartées.
J'apprécie particulièrement Sam Peckinpah's daughter, qui est présentée sur la réédition de 2019 comme une démo (mais pas sur le single alors que c'est la même version). Il y a une partie de guitare au début qui, à première écoute, m'en a rappelé une d'Instant street. Cette chanson, qui a un petit côté Wire, fait partie de mes préférées de Deus.
You can't deny what you liked as a child est très bien aussi.

Deus a sorti un nouvel album cette année, How to replace it, et le groupe est actuellement en tournée. Si j'en crois les vidéos tournées au téléphone qui pullulent sur YouTube, ils jouent à chaque fois Instant street.




Deus, Instant Street, en direct dans l'émission De Plantage le 21 février 1999.


Deus, Instant Street, en direct dans l'émission Nulle Part Ailleurs sur Canal + en 1999.

12 août 2023

EDDIE PLATT AND HIS ORCHESTRA / THE ROYAL TEENS : Tequila / Short shorts



Acquis sur le vide-grenier de la rue du Flocmagny à Châlons-en-Champagne le 24 mars 2019
Réf : ABC 45.90.838 -- Édité par ABC-Paramount en France en 1958
Support : 45 tours 17 cm
Titres : EDDIE PLATT AND HIS ORCHESTRA : Tequila -- Popcorn / THE ROYAL TEENS : Short shorts - Planet rock

Je crois bien que c'est la première fois que ça m'arrive... Quelqu'un a fait tourner la vidéo ci-dessous (la première) des Royal Teens interprétant leur tube Short shorts. J'ai trouvé ça suffisamment sympa pour que me dire que ça serait bien si j'avais l'occasion de me procurer un 45 tours avec ce titre pour le chroniquer ici. Je suis donc allé sur Discogs, notamment pour vérifier s'il y avait une édition française. Et tout de suite j'ai été intrigué car l'historique de mon navigateur m'a indiqué que j'avais déjà consulté la page correspondante. Et pour cause, puisqu'il s'avère que j'avais déjà fait l'acquisition de ce titre il y a quatre ans ! Je l'avais écouté à l'époque, mais j'avais complètement oublié que je l'avais. J'ai quelques excuses, cependant, puisque les Royal Teens n'occupent que la moitié d'un EP dont je n'ai pas la pochette. Ça ne facilite pas la mémorisation. D'ailleurs, sur la petite broc à Châlons où je l'ai acheté, je pense que je voulais éviter de repartir complètement bredouille : c'est le seul disque que j'ai acheté ce jour-là, et habituellement je ne mets pas 1 € pour un disque d'inconnus sans pochette. Là, je pense que c'est la présence d'une version de Tequila qui a dû me décider. Le titre percutant de chacune des quatre chansons a peut-être achevé de me convaincre.
Comme souvent, pour arriver à un EP de quatre titres, la maison de disques française a compilé des faces de deux 45 tours d'artistes différents, qui avaient pour point commun d'avoir du succès au même moment aux États-Unis, sur le même label ABC-Paramount.

Short shorts est le premier single des Royal Teens. C'est un rock lent, une version allégée de rhythm and blues, avec du saxophone, des chœurs et des claquements de mains, un solo de guitare puis de saxo pour faire bonne mesure. Très frais et sympathique. Ce 45 tours a eu un succès inattendu, qui a instantanément transformé les Royal Teens en vedettes. Mais ils n'ont jamais renouvelé ce succès à cette échelle, et même une version  twist de Short shorts en 1962 ne fera pas d'éclats.
La chanson est co-signée par le batteur Tom Austin et le tout jeune pianiste de 16 ans Bob Gaudio, qui, à 16 ans, était à l'aube d'une très belle carrière, comme membre des Four Seasons et auteur de tubes tels que Can't take my eyes off you, Walk like a man, Big girls don't cry, December, 1963 (Oh, what a night) ou Sherry.
Il n'est pas sur le disque, mais notons qu'un autre musicien, encore plus jeune (14 ans), a rejoint les Royal Teens courant 1958, Al Kooper, alors à la guitare.
J'ai appris chez Bide et Musique qu'il existe au moins deux adaptations en français de Short shorts. L'une, un peu coincée, par Jacques Hélian et son Orchestre en 1963 sous le titre Court, court (Jacques n'est pas en short sur la pochette !). L'autre, Le short short, au son rock, par les canadiens Les Copains en 1966.

La face B des Royal Teens, Planet rock, est signée par les deux autres membres du groupe, le saxophoniste Bill Crandall et le guitariste Bill Dalton. C'est un instrumental avec saxophone et guitare dans un style classique mais bon, un peu à la Bill Haley.

Je ne connaissais pas du tout Eddie Platt et son Orchestre. Je pensais que c'était un orchestre quelconque comme des dizaines d'autres qui avaient repris Tequila après le succès des Champs. C'est effectivement le cas, à ceci près qu'Eddie Platt a dû être parmi les premiers à se livrer à cet exercice puisque sa version de Tequila est sortie le même mois que celle des Champs et qu'elle a eu suffisamment de succès pour se classer à la 20e place du classement des ventes du Billboard. Très courte (moins de deux minutes), avec de la guitare acoustique en intro et des claquements de mains, c'est une bonne version. Mais est-il possible de faire une mauvaise version de Tequila ?

La face B du single original d'Eddie Platt, Popcorn, est une
autre reprise, d'un autre instrumental, écrit par Ray Johnson et enregistré à l'origine par Plas Johnson and his Orchestra.

Un disque sympathique, parfait pour danser, et d'ailleurs c'est en me trémoussant que je vais aller fouiller dans mes boites de 45 tours, des fois que j'y trouve l'EP français Reverberation (Doubt) des Thirteenth Floor Elevators.


The Royal Teens, Short shorts, extrait du film de 1958 Let's rock.


The Royal Teens, Short shorts, dans l'émission Saturday Night Beechnut Show du 14 février 1958.


La pochette du 45 tours qui me manque.

05 août 2023

JIMMY CASTOR : It's just begun


Acquis chez Récup'R à Dizy le 10 juin 2023
Réf : 817 738-1 -- Édité par Salsoul / Polydor en France en 1983
Support : 45 tours 30 cm
Titres : It's just begun -/- E. man boogie '83

J'ai trouvé ce disque le même jour que l'exceptionnel Segas antillaises. Une journée fructueuse à la ressourcerie !
J'étais bien content de tomber sur un single relativement tardif de Jimmy Castor, mais surtout le lien avec le film Flashdance va me permettre de raconter mes souvenirs d'ancien non-combattant !

Je ne le savais pas du tout au moment où j'ai acheté ce disque, mais le premier album du Jimmy Castor Bunch, It's just begun, sorti en 1972, est un disque important dans l'histoire du rap/hip hop. C'est assez logique quand on se remet dans le contexte : dans les fêtes de quartier où le rap est né, il fallait bien que les DJs aient des disques à passer puis à scratcher pour accompagner les rappeurs. Et ces disques, c'étaient le plus souvent du funk, du rhythm and blues ou de la soul. On mentionne souvent James Brown parmi les artistes les plus samplés, mais Castor n'est pas loin derrière. Sa page Wikipedia cite, sans donner de référence, Afrika Bambataa, qui aurait dit que It's just begun était très populaire dans le South Bronx dans les années 1970. Au bout du compte, la chanson It's just begun, dans sa version originale de 1972, a été samplée au moins 150 fois ! (Et au passage, on apprend que It's just begun a "emprunté" un riff de sax à Give it up, un titre de 1969 de Kool and the Gang !).
Connaissant leur popularité au moment de la première explosion du rap, on n'est pas surpris que Jimmy Castor ait choisi en 1983 pour son album The return of Leroy de réenregistrer certains de ses anciens titres, à commencer par It's just begun.

La face B de mon maxi, E-man boogie '83, ne figure pas sur The return of Leroy, mais c'est bel et bien un remix ou un nouvel enregistrement d'E-man boogie, chanson parue initialement en 1974 sur album Butt of course.
Quelle que soit la version, je n'aime pas trop E-man boogie. Et elle a beau être remixée par le célèbre DJ du Paradise Garage Larry Levan, je dois bien dire que je n'accroche pas trop non plus à la version de mon maxi d'It's just begun. Par contre, j'aime bien la version originale par The Jimmy Castor Bunch d'It's just begun, parue en 1972 sur l'album du même titre, particulièrement la dernière partie après le break avec la guitare électrique.

C'est écrit en très gros sur la pochette, It's just begun serait extrait du film Flashdance, un très gros succès de l'année 1983. Jimmy Castor, malheureusement pour lui, est pourtant absent de l'album de la bande originale du film, qui s'est vendu à pas moins de 20 millions d'exemplaires dans le monde...! Mais, comme le confirme IMDB, on entend bien It's just begun dans le film.
En fait, assez logiquement quand on connaît l'histoire de la chanson, on en entend un peu plus d'une minute pendant une scène de breakdance dans la rue par des membres de The Rock Steady Crew.
C'est la version originale de 1972 qui est utilisée dans le film, pas celle du maxi, et sur l'extrait YouTube que j'ai trouvé, elle est accélérée :



Ce n'était pas du tout mon choix, mais figurez-vous que j'ai eu l'occasion de voir Flashdance dans son intégralité, "grâce" à l'armée française, qui me l'a imposé pendant les deux jours que j'ai passés sous ses ordres.
A l'été 1984, je venais de rentrer d'Angleterre, où j'avais passé l'année scolaire précédente, je m'apprêtais à entamer un D.E.U.G. d'anglais, je cherchais un travail car je ne pouvais pas toucher de bourse pendant deux ans, j'allais lancer sur RFM 93 Buffet froid, ma première émission de radio en solo, et, avec les amis de l'association Un Autre Emoi, on préparait le concert du Creation Package à la MJ.C. Claudel de Reims le 3 novembre.
Bref, j'avais bien mieux à faire que d'aller passer un an à l'armée. De toute façon, j'étais fermement décidé à ne pas "payer" cet impôt démesuré sur mon temps de vie, un impôt sexiste qui plus est, puisqu'il ne touchait que les hommes. J'avais envisagé un temps de demander le statut d'objecteur de conscience, mais la principale conséquence de ce statut c'était d'augmenter l'impôt-temps de 50%. Alors, non.

La journée du 24 août 1984 n'a pas été bonne pour moi. Je venais pourtant de passer deux très bonne semaines de vacances dans la vallée de la Roya, mais j'ai été malade et j'ai dû vomir pendant une bonne partie du trajet retour en train de nuit. Arrivé à la gare de Châlons, j'ai dû faire les 30-40 minutes de marches jusqu'à chez mes grands-parents, où j'habitais, à pied avec mes sacs sous une pluie battante. Et le pompon, dans le courrier qui m'attentait à la maison, il y avait une convocation au centre de sélection de Nancy pour y subir les examens d'aptitude au service national.

Je me suis donc docilement rendu à Nancy le 18 septembre, où les tests ont débuté le jour même. C'est le soir, dans le réfectoire, que nous avons eu droit comme "activité" à la projection de Flashdance, avant d'aller passer la nuit dans un dortoir aux lits superposés. J'ai eu le temps de finir ma mise en condition et d'assurer ma détermination.
Le lendemain, alors que j'étais déclaré apte médicalement à l'issue des derniers tests, j'ai demandé à voir le psychiatre, à qui j'ai expliqué que je n'étais pas fait pour l'armée et que l'armée n'était pas faite pour moi. J'ai dû être convaincant car je suis ressorti de là en début d'après-midi du 19 avec une proposition d'exemption.

Quitte à faire le voyage à Nancy, j'avais pris avec moi l'adresse de Punk Records, disquaire qui aux dernières nouvelles était toujours 27 rue des Maréchaux. Je sais que je n'y ai rien acheté, mais je me souviens toujours des productions du label Punk Records qui étaient présentées en vitrine, avec notamment les deux 45 tours de Kas Product (que j'avais copiés sur cassette car un copain de l'université les avait) et celui avec la pochette triangulaire de Matrix, 1947. J'ai toujours regretté de ne pas en avoir acheté au moins un. Soit c'étaient juste des échantillons qui n'étaient pas en vente, soit ils étaient trop chers pour moi.

En tout cas, depuis cette date, il ne faut plus me parler de Flashdance !

PS : Par coïncidence, l'ami Dorian Feller m'a justement donné cette semaine un autre 45 tours de Jimmy Castor, Don't cry out loud, en pressage allemand, sur lequel on retrouve en face B et en version courte le remix par Larry Levan d'It's just begun.


Le film documentaire de 2002 The freshest kids : A history of the B-Boy. On entend It's just begun à 1h29'29", sur le générique.

29 juillet 2023

GHOSTPOET : X marks the spot


Acquis chez Gilda à Paris le 26 juin 2023
Réf : PIASR823CDSP -- Édité par Play It Again Sam en Europe en 2015
Support : CD 12 cm
Titres : X marks the spot (Radio edit) -/- X marks the spot (Instrumental)

Je le promets : j'ai décidé de chroniquer ce disque cette semaine avant même que Twitter ne fasse l'actualité en annonçant que X serait sa nouvelle dénomination...!

C'est sûrement une des dernières fois que j'ai eu l'occasion de faire des emplettes chez Gilda : l'annonce au-dessus de la porte d'entrée que le bail est à reprendre ne laisse présager rien de bon. Une page va probablement bientôt se tourner.
Pour l'heure en tout cas, les bonnes habitudes ne sont pas perdues. Je suis ressorti de la boutique avec une poignée de 45 tours et une grosse dizaine de CD, pour la plupart des promos.
C'est le cas de ce disque-ci, même si pour une fois il n'y a rien d'écrit dessus pour le préciser. Je l'ai pris car le nom de Ghostpoet me disait quelque chose, et aussi parce que le disque, même si ce n'est visiblement qu'un simple CD-R, est glissé dans une vraie pochette imprimée.

J'ai écouté ce disque pour la première fois comme je le fais pour la plupart de mes achats, "à la sourde", c'est à dire sans me renseigner au préalable sur l'artiste et sur cet enregistrement en particulier.
La principale remarque que je me suis faite à l'écoute d'X marks the spot c'est, "Tiens, c'est pas du tout du hip hop", car, sans rien de plus précis, j'associais dans ma tête le nom de Ghostpoet plus ou moins au domaine du rap ou du slam. Or là, c'est plutôt un titre de pop-rock tranquille, très agréable, qui tourne bien et reste en tête.

Après cette première écoute, je suis parti en quête d'infos et je suis presque tombé de ma chaise en découvrant sur la page de Wikipedia dédiée à Ghostpoet un paragraphe spécifique sur le genre musical :
"Since the beginning of his career, Ghostpoet has avoided identifying his music as belonging to a particular genre. In March 2018, during his European tour, many venues started listing Ghostpoet as "hip hop" or "trip hop". Ghostpoet promoted the events via Twitter, always including a declaration along the lines of "I am not Hip Hop"."
Eh oui, sans le savoir j'étais tombé dans le piège que Ghostpoet essaie d'éviter à tout prix : être coincé dans une case musicale imposée. Le Temps, qui règle la question en le décrivant comme un "musicien inclassable qui transcende les genres", précise même qu'Obaro Ejimiwe a justement choisi son nom d'artiste Ghostpoet "parce qu’à ses débuts il voulait éviter d’être justement perçu comme un rappeur, et que l’idée d’avancer en poète insaisissable, fantomatique, lui semblait être la meilleure façon de refléter son état d’esprit". Bien tenté, mais il suffit de lire les chroniques de ses disques pour le voir affubler d'une de ces étiquettes dont il est difficile de se débarrasser.

Ce qui est sûr pourtant, c'est que son troisième album Shedding skin, est enregistré en grande partie avec une formation rock des plus classiques (guitare, basse, batterie plus Ghostpoet au synthé), avec quelques invités. Sur X marks the spot, c'est Nadine Shah qui fait la deuxième voix.
Quant aux paroles, je me garderai bien de me lancer dans une exégèse. Je relève simplement un vers marquant : "Il y a un tiroir dans une pièce de notre maison qui crie ton nom".

Sur Discogs, la seule version commercialisée de ce single référencée est sur support numérique, avec trois titres, dont la version complète de la chanson (qui dure 30 secondes de plus) et deux remixes. La version instrumentale d'X marks the spot qu'on trouve en deuxième titre de mon CD est donc apparemment inédite. Elle permet d'apprécier les arrangements et l'interprétation de ce titre.

Le cinquième album de Ghostpoet, I grow tired but dare not fall asleep, est sorti en 2020. Depuis 2021, Obaro Ejimiwe s'est lancé dans de nouvelles aventures artistiques (installation, photographie, sculpture, art sonore), dont certaines sont en duo avec Luiza Prado sous l'intitulé We Work In The Dark.







23 juillet 2023

CURTIS MAYFIELD : Move on up


Acquis d'occasion dans la Marne vers 2010
Réf : 610.070 -- Édité par Buddah en France en 1971
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Move on up (Part 1) -/- Move on up (part 2)

Le magazine Uncut a mis Curtis Mayfield en couverture de son édition datée de mars 2023. L'occasion de remettre à l'honneur un grand artiste un peu négligé au parcours impressionnant. Avec The Impressions d'abord et des classiques comme Keep on pushing et People get ready. Avec son label Curtom ensuite, qu'il fonde dès 1968. Puis il se lance en solo en 1970, sans abandonner pour autant The Impressions, dont il continue d'écrire, produire et publier les disques.
Il a continué à enregistrer régulièrement dans les années 1980, avec moins de succès, avant de se retrouver paralysé en 1990 quand une rampe d'éclairage lui est tombé dessus lors d'un concert en plein air. Ce qui ne l'a pas empêché d'enregistrer un ultime album, New world order (1996). Il est mort fin 1999 à 57 ans.

Mayfield est peut-être surtout réputé de nos jours pour sa bande originale du film Super fly, mais pour ma part, si je ne devais retenir qu'une seule de ces chansons ce serait ce Move on up, tiré de son premier album solo de 1970, Curtis.

Et pourtant il m'a fallu des années pour connaître et apprécier pleinement cette version originale de Move on up. En effet, étant de la génération New Wave, j'ai d'abord découvert cette chanson avec la reprise par les Flying Lizards en 1981 sur leur deuxième album Fourth wall, puis l'année suivante par la version de The Jam sur le double 45 tours Beat surrender, plus fidèle à l'originale.
Cette version de Curtis Mayfield, c'est pour enfin l'avoir que je me suis procuré à la fin des années 1990 une réédition en double CD des albums Curtis et Got to find a way, ce qui ne m'a bien sûr pas empêché de mettre la main quand je suis tombé dessus des années plus tard sur cet exemplaire de l'édition originale française du 45 tours.

Move on up est un exemple assez rare d'une chanson qui dure près de neuf minutes pendant laquelle on ne s'ennuie pas du tout. On voudrait même presque qu'elle dure plus longtemps.
Pas de temps perdu avec l'intro, pourtant : deux coups de caisse claire et c'est parti avec le riff  principal, avec cuivres et clavier notamment, qui est ce que je préfère dans la chanson, ainsi que les percussions échevelées qui font qu'il est impossible de ne pas se bouger en l'écoutant. Les cordes et la voix aiguës, ce n'est pas trop ce que j'apprécie habituellement, mais ça passe très bien ici et c'est normal que tout ça monte très haut vu que c'est le thème même de la chanson.
Il y a un break marqué après 4 minutes, qui a dû faciliter les choses pour que le label français divise la chanson sur les deux faces en une partie 1 et une partie 2, la deuxième, instrumentale, mettant en valeur les  arrangements et l'interprétation, notamment la trompette et les percussions.

J'ai repéré sur Discogs une réédition française de 2021 censée être un promo diffusé par Mode Série, qui est à l'origine un sous-label de Vogue des années 1960. Tout ça laisse à penser qu'il s'agit d'une contrefaçon et, pour ajouter à la confusion et passer entre les gouttes, alors qu'il s'agit pourtant bien de la version originale, le label lui a ajouté un titre français, Passez haut.
Il m'a fallu un petit temps pour comprendre que c'était censé être une traduction de Move on up. Bof. C'est vrai que ce n'est pas un titre facile à traduire, alors du coup j'ai réfléchi et ma proposition serait Vise plus haut. Pas littéral, mais on garde l'idée de mouvement et ça me parait fidèle à l'esprit des paroles : elles s'adressent à un enfant et le message principal il me semble est d'avoir confiance en soi, d'aller de l'avant malgré les obstacles.
Elles n'ont rien à voir musicalement, mais la seule autre grande chanson qui me vient à l'esprit sur l'encouragement à croire en soi, c'est The morning of our lives de Jonathan Richman, chanson qui a donné son titre à mon livre Notre temps c'est maintenant.

On ne fait guère plus entraînant et enthousiasmant que Move on up, une chanson qui, si je l'avais mieux connue à l'époque où j'ai développé ce concept, aurait pu être un hymne de la hip-pop optimiste.

A écouter : Curtis Mayfield, la soul en technicolor, émission de 2h de France Musique, diffusée en 2022 dans la série Retour de plage.


Curtis Mayfield, Move on up, la seule version filmée à l'époque que j'ai trouvée.


Move on up, un documentaire de plus de deux heures sur Curtis Mayfield.

14 juillet 2023

SAINT-AMAND : Caroline


Acquis chez Récup'R à Dizy le 28 janvier 2023
Réf : C 45-1006 -- Édité par Compact en France vers 1972-1973
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Caroline -/- Caroline - Version instrumentale

Le tube de l'été, la saison est idéale pour aborder la question. C'était l'inverse quand je suis tombé sur ce disque à la ressourcerie au cœur de l'hiver.
D'emblée, avec ce texte sur la pochette, j'ai pensé avoir affaire à l'un de ces disques promo dont je suis très friand. Mais non, tout indique que cet exemplaire du disque a bien été commercialisé tel quel.
Alors là, tout de suite on se dit qu'il y a un problème. Si le but du label Compact était que cette Caroline se vende comme de petits pains et soit le tube de l'été, ce n'est pas comme cela qu'il fallait procéder. Ces choses-là, difficilement prévisibles et organisables (sinon, The manual ou non, tout le monde ferait des tubes...), on les fait en mettant toutes les chances de son côté, en y croyant à fond, mais on ne les annonce pas et, surtout, on ne ruine pas ses chances de réussite en ne prenant pas son objectif au sérieux et en faisant, horreur !, du second degré à son propos.
Or là, avec cette pochette qui esquisserait presque celle de Go 2 d'XTC, Saint-Amand commet toutes ces erreurs, en attirant l'attention que ce disque concourt pour devenir le tube de l'été et en mentionnant une course "désespérée" (perdue d'avance, donc) dont on se moque d'emblée "Ha! Ha!..."). L'humour et le commerce ne font pas bon ménage et avec tout ça, nonobstant le fait que ce petit label n'avait sûrement pas les moyens de distribuer et promotionner largement ce disque, on n'est pas surpris que (presque) personne n'en ait jamais entendu parler.
Non, il aurait mieux fallu pour cette pochette opter pour un paysage ensoleillé exotique, avec une beauté largement dénudée. Les exemples sont légion, mais on se souvient particulièrement de celle de Roy Etzel.

Et pourtant, et pourtant, il y avait de l'idée. D'abord, Caroline est un slow, et les slows ça fait de bons tubes de l'été. Il y a des chœurs en anglais, qui chantent "I love you sweet Caroline" et ça fait un refrain qu'on peut retenir. Oui, mais il y a la voix principale, très bien, très grave (un peu dans le genre, mais encore plus grave que celle de Tom Novembre), qui nous fait son Sprechgesang. Il y a un gros contraste entre le chœur et la voix grave et, avec les paroles par-dessus, deux solutions : on marche à fond parce qu'après tout les paroles ("Y'a des instants qui ressemblent à des rêves. Tu n'as pas les yeux bleus, C'est pourtant le ciel que j'y vois") ne sont pas plus tartes que celles d'Aline (un autre prénom de fille et un vrai tube inoxydable, lui) ou bien, comme moi, on prend les choses à la légère et on rigole un bon coup en écoutant la chanson.
La version "instrumentale" en face B, qui conserve les chœurs, confirme la qualité tout à fait honorable de Caroline.
Mais, même parodique, ça aurait pu marcher. Après tout, en 1972, juste avant ou juste après la sortie de ce disque, Guy Bedos et Sophie Daumier ont cassé la baraque avec La drague. Et en 1975 avec L'été indien, Joe Dassin a réussi le coup du slow avec voix parlé en introduction.

Mais qui est Saint-Amand ? Eh bien, la chanson est signée Jean-Claude Mercier et elle a été enregistrée à Togo-Saga, le studio qu'il a fondé. On peut donc raisonnablement penser qu'il est dans le coup.
Et puis, une fois qu'on sait que Jean-Claude Mercier était précédemment membre du Quartet de Lyon et qu'on écoute leur succès de 1969 Pierre et Sarah (l'adaptation en français de Mrs. Mother USA d'Andre Williams), on saisit tout de suite qu'il y a un lien très fort avec Caroline : le slow, les chœurs, la voix de basse (celle de Jean de Saint-Etienne, apparemment, pas de Jean-Claude Mercier), les ingrédients sont tous les mêmes.
Le truc c'est que, même après une dizaine d'écoutes, je n'arrive pas à complètement me décider : est-ce que Caroline est juste une tentative un peu cynique de répliquer le succès de Pierre et Sarah, ou bien est-ce que c'est une façon de s'en moquer gentiment. Je penche quand même pour la deuxième option, et pour le coup la pochette appuie aussi dans ce sens.

09 juillet 2023

M : Pop muzik


Acquis d'occasion dans la Marne vers 2010
Réf : 2C 052 52834 -- Édité par EMI en France en 1979
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Pop muzik -/- The "M" factor // Pop muzik

Robin Scott est dans l'actualité ces temps-ci. Il vient de sortir un nouveau titre, Break the silence (c'est apparemment la première fois depuis 41 ans qu'il utilise le nom de M pour ce faire) et son tube Pop muzik a fait l'objet d'une énième réédition ce printemps à l'occasion du Record Store Day, avec une Latin version inédite, qui rappelle un peu Señor Coconut mais qui n'arrive pas à la cheville de l'originale. Mais c'est la lecture d'un article du Guardian dans leur excellente série How we we made qui m'a déclenché une illumination : "Mais bon sang !", me suis-je dit, "Pourquoi est-ce que je n'ai pas déjà chroniqué ce disque depuis longtemps ?".

Ce tube est sorti quand j'avais 16 ans et je l'ai toujours apprécié. Je n'ai pas acheté le disque à l'époque pour la simple et bonne raison que j'étais trop occupé à gérer mon argent de poche pour acheter tous les disques qui sortaient par Elvis Costello, Magazine, Devo ou XTC pour m'offrir un disque qui passait tout le temps à la radio, même si ça m'est quand même arrivé pour des gens comme The Flying Lizards ou Kraftwerk.
Non seulement ça, mais je n'ai jamais porté d'attention particulière à cette chanson. Elle était présente dans mon esprit comme un meuble qu'on ne regarde plus, je l'appréciais, mais il a fallu que je la réécoute enfin attentivement pour enfin me dire qu'elle est non seulement accrocheuse mais innovatrice. Et puis, je ne m'étais jamais penché sur la thématique de la chanson : on a là un des meilleurs exemples de méta-tube sur la pop musique et son ubiquité, qui fait référence en passant à Get back et Jumping Jack flash.
Et puis, une autre bonne raison de chroniquer ce disque, c'est que je me suis procuré il y a des années ce maxi 45 tours qui propose un "Enregistrement spécial - 45t double-sillons concentriques". Comme pour le Saigon de Martha and the Muffins, l'une des faces comporte en effet deux chansons : selon l'endroit où l'on pose la pointe de lecture, on entend soit Pop muzik, soit The "M" factor.
Les illustrations de pochette sont réussies et marquantes, même si je dois bien avouer que je n'ai jamais saisi le lien que le bébé et la pêche pâtissière pouvaient avoir avec la chanson.

Ce qui a fait le succès de Pop muzik, c'est sûrement le chœur des "Pop pop pop muzik" qui s'accroche dans la tête, mais toute la rythmique à base de synthés (basse et glougloutant, notamment) et de séquenceurs doit aussi y être pour beaucoup. On est dans un territoire new wave/disco également occupé par Kraftwerk, en moins dansant, Devo et, pour ceux qui ont également eu un énorme succès à la même époque, Giorgio Moroder et les Buggles. La guitare un peu twangy m'a immanquablement fait penser aux B-52's. Mais surtout, et depuis que je me suis fait la remarque je n'entends plus que ça, il me parait clair que, pour la rythmique de son Ghostbusters de 1984, Ray Parker Jr s'est largement inspiré de celle de Pop muzik.

Pour une fois, la version maxi de Pop muzik est une réussite. La chanson est allongée de plus d'une minute, mais elle n'est pas défigurée et ses éléments intéressants sont bien mis en avant.

Pop muzik et M ont un rapport étroit avec Paris, à commencer par le fait que le nom du groupe a été inspiré par les panneaux du métro parisien. C'est là aussi que la chanson a été écrite, avant d'être enregistrée entre Londres et Paris, à une époque où Robin Scott travaillait comme producteur chez Barclay (j'ai retrouvé la trace de deux disques où il est crédité, par Niko Flynn et Spions).
Et puis, si on écoute bien la chanson, on se rend compte que le "muzik" est prononcé à la française. C'est logique puisque c'est une française qu'on entend, Brigitte Vinchon, la compagne de Robin Scott (Elle a sorti plus tard deux 45 tours chez Stiff sous le nom de Brigit Novik).
Les autres musiciens sur le disque sont le frère de Robin Julian Scott à la guitare (il était membre de Roogalator), Wally Badarou aux synthés et Gary Barnacle au saxophone.

Robin Scott n'était pas que musicien et producteur : il est l'un des fondateurs en 1977 de l'excellent label indépendant Do It qui, outre Roogalator et le premier disque de M, a publié des disques d'Adam and the Ants, Yello, Anthony more, Mikey Dread et Snakefinger.

Robin Scott explique dans l'article du Guardian qu'il a essayé d'arranger Pop muzik dans différents styles (rhythm and blues, funk) avant de se lancer dans des sons synthétiques. Une version démo de 1978 est intéressante car elle nous permet d'entendre la chanson telle qu'elle a été créée, sans son habillage "moderne".
Pour ses dix ans, Pop muzik a été remixée en 1989, sans être bousillée non plus cette fois-ci. La réédition a de nouveau été un tube en Angleterre.
Pour ses 30 ans en 2009, la chanson a été confiée à d'autres artistes pour un album entier de remixes. Je n'ai écouté que celui par Devo, qui m'a déçu car il n'est pas très aventureux.

La face B, The "M" factor, se rapproche de la démo, avec un son électrique qui laisse transparaître les racines pub rock de Robin Scott.
En voyant le titre, on pense immanquablement à Max Factor. Ce n'est probablement pas un hasard puisque le père Scott était représentant en parfums. Le titre du premier album de M, New York, London, Paris, Munich, a justement été inspiré par les mentions qu'on trouve sur les emballages de parfumerie.

Et maintenant, je vous laisse chanter "Pop pop pop muzik" toute la journée...!