30 décembre 2013

BLURT : My mother was a friend of an enemy of the people


Acquis neuf dans la Marne dans les années 1980
Réf : 49.672 -- Edité par Underdog en France en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Get -/- My mother was a friend of an enemy of the people

Il y a quelques semaines, Philippe R. m'a refilé la compilation Juke box hits du label Underdog qu'il avait trouvée en vide-grenier plus tôt dans l'année, en me disant qu'elle était plus susceptible de me plaire qu'à lui, qui n'y avait pas trouvé grand chose d'intéressant. Et effectivement, à part les titres que je connaissais et aimais déjà, qui n'ont pas tous très bien vieilli, je n'y ai pas trouvé grand chose qui m'a fait dressé l'oreille, à l'exception des fins de face. Sur la face A, dans un style rétro, les Twangers, que je ne connaissais pas du tout (mais ils n'ont dû sortir qu'un 45 tours), sont sympathiques, et j'ai été tout surpris en fin de face B d'apprécier fortement le titre Get de Blurt.
En effet, je connais Blurt depuis 1980, avec leur face du double album A Factory quartet et leur 45 tours My mother was a friend of an enemy of the people, que j'avais acheté soldé 5 francs en soldes quelques temps après sa sortie, chez un disquaire qui faisait les choses à l'américaine puisqu'un coin du 45 tours est coupé. Je n'ai écouté ces disques que très ponctuellement ces trente dernières annés, car je n'ai jamais vraiment aimé le côté un peu "free" de ce groupe, l'un des très rares dans la new wave dont le chanteur-fondateur est saxophoniste. C'est pourquoi je n'ai pas cherché à voir le groupe quand il est venu donner des concerts à Reims à la fin des années 1980.
En écoutant Get, j'ai été saisi d'un doute. Et si ce titre était sur mon 45 tours Underdog, dont je n'avais toujours retenu que le titre à rallonge de la face A ? Eh bien oui, ce tout premier disque de Blurt, sorti en Angleterre sur le label indépendant Test Pressings, contient bien Get.
J'avais toujours considéré, vue la façon dont la pochette française est présentée, que My mother was a friend of an enemy of the people était la face A du disque. Je n'avais jamais remarqué que les ronds centraux laissaient plutôt entendre que Get était en face 1. On pourrait penser au coup classique de la double face A, mais l'examen de l'édition anglaise du disque, avec le gros B sur les ronds centraux et la référence catalogue TP1B/TPB1 montre clairement que ce disque est d'une espèce plus rare, le single à double face B !
Get, avec son riff de guitare saturé insistant, son chant dérangé, et son saxophone bien sûr, est comme une fusion entre Pere Ubu et James White, ou rappelle le premier album de Captain Beefheart si on remonte une génération en arrière. C'est bel et bien une pépite méconnue de la new wave. J'arrive à apprécier My mother was a friend of an enemy of the people, mais pas autant, et après réécoute, je confirme que je ne suis toujours pas un très grand fan de la face Blurt sur A Factory quartet...

LTM a sorti en 2010 une compilation intitulée Blurt + Singles, qui contient les deux faces de ce 45 tours.

28 décembre 2013

MONSIEUR UNTEL : Vol. 1 : Bureau des affaires animales


Acquis chez Gilda à Paris le 29 novembre 2013
Réf : [sans] -- Edité par Polystyrène TV / La Boite A Musique en France en 2006
Support : CD 12 cm
11 titres

J'ai été bien content de tomber sur ce CD. Ce qui m'intéressait surtout c'est que, si le disque est sorti il a sept ans, il contient plusieurs titres que je connais depuis plus de quinze ans. En effet, après avoir été membre du groupe Ça à Rennes et avoir auto-produit à Paris son premier album (Bien à vous, 1994), Monsieur Untel, Vladimir de son prénom, est revenu un temps se poser dans sa Champagne-Ardenne natale au milieu des années 1990.
Sa sélection pour représenter la région aux Découvertes du Printemps de Bourges en 1996 l'a fixé un temps par chez nous et nous a donné l'occasion de partager certaines de ses aventures et surtout d'assister à bon nombre de ses concerts, comme indiqué dans une brève du fanzine Vivonzeureux! cette année-là. A Bourges, Monsieur Untel, homme de spectacle, ne s'est pas contenté de sa prestation scènique chronométrée d'une demie-heure. Il s'est installé pendant toute la durée du festival avec sa caravane, peinte en violet avec code-barres à l'extérieur, entièrement tapissée de papier aluminium à l'intérieur, et a joué au troubadour camelot. Par la suite, la caravane, entièrement redécorée dans un style léopard, a participé à une action de La Radio Primitive sur le place d'Erlon à Reims. Je ne sais pas ce qu'il est advenu d'elle par la suite...



M. Untel, son oie et sa caravane au Printemps de Bourges en 1996. Photos : Pol Dodu.

En 1999, c'est Je reste club, la collaboration d'Untel avec DJ Gamover, qui ouvrait la compilation CD de Vivonzeureux!, Excusez-moi, je me suis occupé un peu de tout. Un tube en puissance qui aurait mérité une meilleure diffusion. A ce moment-là, Monsieur Untel était déjà reparti pour de nouvelles aventures, à Beyrouth et Paris notamment, et c'est vers cette époque qu'il a fondé sa Polystyrène TV.
Pour ce deuxième album, Vladimir a choisi de rassembler ses compositions animalières, et j'avais été surpris de découvrir, au moment de la sortie du disque, qui avait été chroniqué dans Libération, que j'en connaissais déjà plusieurs, même si je ne m'étais jusque là jamais fait la remarque que beaucoup d'animaux peuplent ses chansons.
On trouve ainsi une nouvelle version de La petite panthère (Hommage à Mélody), une des chansons de Bien à vous, qui a conservé son sous-titre mais qui est proposée ici dans un style moins Mélody Nelsonien. Il y a aussi et surtout deux des chansons qui étaient parmi mes préférées et souvent le clou de ses concerts vers 1996, Les insectes et L'éléphant. Il n'y a pas tant de chansons sur les éléphants, ce qui fait que j'ai toujours associé celle d'Untel à Jazz Butcher, même s'il l'a écrite sans connaître ni La mer ni Water.
Par ce froid, je n'ai pas le courage d'aller au grenier fouiller dans ma malle à cassettes, mais je pense que j'aurais toutes les chances d'y trouver dans les démos d'Untel des versions de l'excellent L'homme moderne (avec son chien) et de Ma poule slalome (dans le salon).
L'album dans son ensemble navigue entre chanson (Le petit âne gris, tout gris, Les loups sont dans la ville) et pop légèrement électro-funky, notamment sur A la ferme, une chanson gentiment cruelle qui est une de mes préférées parmi les "nouvelles" de ce disque.
Après avoir emmené une oie à Bourges et fait campagne pour les municipales à Paris contre Jean Tiberi avec la kangourou Skippy, Monsieur Untel continue ses aventures et présentait encore récemment à Paris son nouvel ultrashow.

Vol. 1 : Bureau des affaires animales est en écoute et en téléchargement libre chez Jamendo (et ci-dessous, du coup).





Le 6 février 1996, j'ai reçu M. Untel dans mon émission Vivonzeureux (en attendant la mort...), et j'avais même fait un tract pour l'occasion.

26 décembre 2013

G.G. VIKEY : Président Vikey


Offert par Anne et Rémi M. à Louze le 25 décembre 2013
Réf : 231 335 -- Edité par Riviera Afrique en France en 1965
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Président Vikey -- Je vous remercie -/- Sopa de pinchon -- Kante Facèli

L'été dernier, j'ai raconté comment, après avoir découvert G. G. Vikey grâce aux deux compilations de l'émission L'Afrique enchantée de France Inter, je m'étais mis en tête d'écouter d'autres de ses chansons. J'avais d'abord téléchargé les quatre titres d'un EP années 60 chez World Service, avant d'être attristé en apprenant le décès alors tout récent de G.G., le 15 mai 2013 à Cotonou. D'où ma chronique de deux titres on ne peut plus appropriés, Vikey est mort et Vikey au paradis, achetés en MP3.
L'avantage de Noël quand on est grand, c'est qu'on peut parfois choisir ou suggérer les cadeaux qu'on va recevoir, voire se charger soit-même de les commander. C'est ce qui s'est passé quand j'ai décidé de me faire offrir un vrai disque de Vikey pour les fêtes. Ils sont assez difficiles à trouver, même s'il doit y en avoir en tout une dizaine de différents (des 45 tours et un 33 tours), mais j'ai fini par dénicher celui-ci en bon état et à un prix beaucoup plus raisonnable que les autres (le but n'était pas de ruiner ma Maman...).
Il se trouve que c'est le sixième EP sorti par Vikey chez Riviera Afrique dans les années 1960, celui-là même qui contient Président Vikey, chanson qui figurait sur la compilation Ticket d'entrée de L'Afrique Enchantée, et aussi celui que j'avais téléchargé chez World Service.
Dans son ensemble, ce disque enregistré à Paris  est d'une grande tenue et d'une excellente qualité. Cela tient d'abord aux chansons de G.G. Vikey et à son chant, doux et clair, mais la production, sous la houlette de Gilles Sala, et les arrangements du petit orchestre dirigé par Tobbo Eitel sont incontestablement pour beaucoup dans cette réussite. Tobbo Eitel, qui tient également la guitare solo, est un musicien africain qui a sorti par ailleurs des disques sous son propre nom. Un autre T. Eitel est à la basse et Vikey lui-même joue la guitare rythmique. Le groupe est complété par le percussionniste Elie Touitou et le trompettiste martiniquais Maurice Longrais. Rythme doux, instruments clairement séparés les uns des autres, virtuosité modeste, la musique qu'ils produisent est une épure très réussie, un canevas idéal pour les chansons de G.G.

Président Vikey est le titre principal du disque. On y entend G.G. Vikey mener une campagne présidentielle exemplaire :
  • Citoyens, citoyennes, c'est G.G. Vikey qui vous cause.
  • C'est le moment des élections, c'est la course à la présidence.
  • Votez pour moi massivement, et verrez ce que verrez.
  • Je changerai notre pays d'un coup de baton magique.
  • Je jetterai de jolis ponts sur toutes nos rivières.
  • Tout le monde travaillera, tout le monde vivra bien.
  • Votez pour moi, votez pour moi, votez pour moi.
  • Votez pour moi, ne votez que pour Vickey.
  • Notre pays est affaibli par nos luttes intestines
  • Nos querelles nous ruinent, il faut bien que l'on s'entende.
  • Groupez-vous tous autour de moi, laissez Vikey vous guider.
  • Vikey ne se trompe jamais, c'est l'envoyé des vaudous.
  • Je ferai revenir chez nous le paradis terrestre.
  • Un paradis à la Vikey où tous les coups sont permis.
  • Votez pour moi, votez pour moi, votez pour moi.
  • Votez pour moi, et verrez ce que verrez.
  • Pour moi la vie politique, n'est pas un moyen de gagner son pain.
  • Sous moi chacun fera ce que voudra, s'il ne nuit à personne.
  • Dansez tous les soir dans mon bar, passez la main sur tous les ponts.
  • Buvez autant que vous pouvez, eh bien, je m'en fous.
  • Chez moi c'est la démocratie,  et vive la liberté.
  • Vive le président Vikey, le président de la joie.
  • Votez pour moi, votez pour moi, votez pour moi.
  • Votez pour moi, ne votez que pour Vickey.
Après avoir intégré la haute fonction publique une fois rentré au Bénin, G.G. Vikey a progressivement mis en retrait sa carrière musicale. Son plus grand succés au Bénin, Vive les mariés, ne faisait pas preuve d'une ironie aussi mordante et ne risquait pas de faire polémique.
Sopa de pinchon ("Sopa", c'est "Soupe" en espagnol, mais je n'ai pas réussi à traduire "pinchon") n'est pas une mauvaise chanson, mais c'est la moins intéressante du disque. C'est un cha cha cha à la cubaine assez convenu, dans la lignée de Guantanamera.
Sur un rythme highlife comme Président Vikey, Kante Facelli est un très bel hommage au guitariste guinéen du même nom, un des membres éminents des Ballets africains avec Keita Fodeba, mort dans un accident d'avion.

La quatrième et excellente chanson du disque est Je vous remercie. Elle est présentée comme étant sur le rythme "boucher". Je n'en avais jamais entendu parler ! Il s'avère que c'est une danse congolaise, créée en 1965, qui a concurrencé la rumba. Menée par la trompette de Maurice Longrais, c'est une chanson toute simple, de remerciements, donc ("J'oublie tout le mal qui m'a été fait pour ne prêcher rien que l'amour. De tous les gens que j'ai connus, je ne garde que bon souvenir. Vous qui avez appuyé sur mon destin, d'une façon ou d'une autre, tous ceux qui m'ont rendu service dans ma vie, je vous dédie cette chanson. De tout mon coeur, je vous remercie."). Des sentiments purs, la façon la plus directe de les exprimer qui crée de l'émotion. Sans aucun doute, on est sur un territoire où l'on pourrait côtoyer Jonathan Richman.

Ce disque peut actuellement être téléchargé chez World Service.

24 décembre 2013

JULIAN COPE : Eve's volcano (Covered in sin)


Acquis neuf d'une manière ou d'une autre en 1987 ou 1988
Réf : 12IS 318 -- Edité par Island en Angleterre en 1987
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Eve's volcano (Covered in sin) -- Almost beautiful child (I & II) -/- Pulsar N.X. (Live) -- Shot down (Live)

C'est le troisième single qui a été extrait de Saint Julian. A ce moment-là, l'album avait connu un grand succès mais les deux singles World shut your mouth et Trampolene ne s'étaient pas vendus autant que Julian Cope et son nouveau label Island l'avaient espéré. Dans son livre Repossessed, Cope explique qu'il se doutait que ce single se planterait (ce fut le cas) et qu'il avait surtout profité de l'occasion pour, avec son manager Cally, recréer pour le tournage de la vidéo un cinéma drive-in à l'échelle avec des modèles réduits de voitures.
Il faut dire qu'Eve's volcano, avec ses allusions sexuelles pas toutes métaphoriques, n'est pas une chanson très intéressante. Avec les "Bababa lalalalala" et les "Doo doo doo doo doo", on dirait surtout un exercice de style pour recréer un tube façon Teardrop Explodes. Sauf que Cope avait fait beaucoup mieux dans le passé. Là, il y certes une grosse production, mais c'est plutôt un défaut, et surtout, la chanson manque d'allant, un comble pour une chanson pop.
Les deux parties d'Almost beautiful child sont co-signées et produites par Double DeHarrison, qui n'est autre qu'un pseudonyme utilisé par Cope quand il jouait des claviers car il ne trouvait pas cool de s'afficher comme jouant de ces instruments. On est dans un style de musique d'illustration sonore, presque entièrement instrumental. Mon passage préféré se situe à la fin de la première partie, avec de l'orgue qui me rappelle fugitivement l'ambiance du premier album solo, World shut your mouth.
Les deux titres de la face B ont été enregistrés lors d'un concert organisé le 23 janvier 1987 au Westminster Methodist Central Hall de Londres pour le tournage d'une émission spéciale de la BBC 2.
Pulsar est l'un des bons titres rock de Saint Julian. Je ne sais pas pourquoi cette version en public, qui restitue assez bien l'ambiance des concerts de Cope à cette époque, s'est vue ajoutée "n. x." à la fin du titre. Shot down, également présent sur Saint Julian, a été composé par Julian Cope en s'inspirant à la fois d'Alice Cooper et de The Sonics. Cette description conviendrait pourtant mieux à Pulsar. Là, on en a droit à une version avec la batterie mixée très en présent et les guitares bizarrement très en retrait.
On le comprend à la lecture, ceci est loin d'être l'un des meilleurs disques de Julian Cope. Et moi non plus, je ne me faisais aucune illusion à son sujet quand je l'ai acheté. En fait, la seule raison qui m'a décidé à me procurer ce disque à l'époque, c'est la reproduction au dos de l'affiche du concert, où il est précisé en petit : "Supported by 'Biff, Bang, Pow". Or, j'étais alors le conseiller très spirituel d'Alan McGee, presque un membre honoraire de Biff, Bang, Pow !, qui venait de sortir l'album The girl who runs the beat hotel, le single Someone stole my wheels et bientôt même The whole world is turning Brouchard !.
Le 23 janvier 1987, je n'étais malheureusement pas à Londres. J'étais tranquillement à la maison à Reims. Deux jours plus tard, Alan m'appelait de Cannes, où il était pour le MIDEM, probablement la première fois qu'il participait  à une de ces grandes foires commerciales. Le 10 février, on se retrouvait à Paris où Alan était à la fois pour discuter de l'ouverture d'une filiale française de Creation et pour tenter de signer The Jazz Butcher à l'issue de son concert au Rex. Et le 20 février, Biff, Bang, Pow ! entamait à Bruxelles une tournée européenne en première partie de Felt. Pour ceux que ça intéresse, Alan vient de sortir son autobiographie, Creation stories.
Je ne sais pas si c'est à l'occasion du concert de janvier 1987 ou avant qu'ils ont eu l'occasion de faire connaissance, mais pour sa tournée française de février 1988, Biff, Bang, Pow ! comptait un nouveau membre aux claviers, Joss Cope, le petit frère de Julian, qui joue sur plusieurs albums du groupe à partir de Love is forever.

Les quatre titres de ce maxi ont été inclus en 1997 sur la compilation The followers of Saint Julian.



21 décembre 2013

GOLDEN BOOTS : The winter of our discotheque


Acquis chez Gibert Joseph à Lyon le 5 juin 2013
Réf : HR003CD -- Edité par Havalina en France en 2009
Support : CD 12 cm
10 titres

Aujourd'hui, c'est l'hiver dans l'hémisphère nord, et c'est aussi l'hiver dans nos discothèques. Pour ce qui est des lieux où l'on danse, ce n'est pas trop mon problème vu que je ne les fréquente pas, par contre, pour ma propre discothèque, l'hiver, ça veut dire pas de vide-greniers, donc moins de nouvelles acquisitions inattendues, des achats en ligne plus nombreux et une plongée dans les rayons pour ressortir des disques plus ou moins oubliés. C'est aussi le moment idéal pour tenter de faire baisser quelques piles de disques, comme celle des candidats à une chronique dans Vivonzeureux!. Cet album de Golden Boots était dans cette pile depuis que je l'ai acheté en juin dernier, et aujourd'hui c'était le jour idéal pour parler de The winter of our discotheque (un titre dérivé d'un vers de Richard III de Shakespeare où il est question de "The winter of our discontent").
J'essaie toujours de faire un crochet chez Gibert Joseph quand j'ai l'occasion de passer à Lyon. Je ne risque plus trop d'y faire une bonne affaire en vinyl comme avec le Marcel Bianchi il y a trois ans : il y en a plein, mais ils sont maintenant chers, et encore beaucoup plus chers dès que l'artiste est un peu mieux qu'inconnu. Par contre, il reste des caisses pleines de CD par dizaines par terre, sous les bacs des disques neufs. Ils sont censés être d'occasion mais je pense que beaucoup d'entre eux, disponibles en plusieurs exemplaires, sont en fait des disques neufs invendus et bradés.
Celui-ci, je l'ai choisi uniquement à cause de sa belle pochette cartonnée, qui m'a vaguement fait penser à la compilation Fond des Fire Engines. J'aime encore mieux une des illustrations à l'intérieur, qui a sûrement dû être considérée à un moment pour être au recto. C'est d'ailleurs cette illustration que le groupe a choisie pour la pochette d'une compilation d'inédits des sessions de l'album disponible en ligne.



Je ne connaissais pas du tout Golden Boots et je ne savais donc pas que ce groupe était installé à Tucson, ce qui explique sûrement pourquoi cette édition française de cet album est sortie chez Havalina, le label de Federico Pellegrini, de French Cowboy et des Little Rabbits.
Ça n'arrive quand même pas si souvent avec un groupe qu'on découvre complètement, mais The winter of our discotheque m'a plu et accroché dès la première écoute et les suivantes n'ont fait que confirmé et amplifié la chose. Il faut dire qu'on est dans une configuration qui me convient parfaitement, qui associe une sensibilité pop fortement marquée avec un aspect bricolo rafraichissant. On vogue dans des sphères qui évoquent des Flaming Lips moins drogués, ou Mercury Rev sans Dave Fridmann. J'ai vu que Beck était évoqué à leur propos, mais j'ai plutôt pensé à Pavement. On pense fugitivement à Grandaddy, à Herman Düne, et même, quand on touche à la country, à C.O.W..
Avec dix titres en moins de trente-cinq minutes, le groupe ne chôme pas en chemin. Ma séquence préférée se trouve dans la partie centrale du disque, avec Ghosts, Love is the air, Knife (très Neil Young) et Make believe, mais j'aime aussi beaucoup Heatwave et Fear, et je vais m'arrêter là sinon je risque de citer tous les titres, que vous pouvez écouter ci-dessous de toute façon.
Aux dernières nouvelles, Golden Boots est toujours en activité. Leur dernière parution ? Un 45 tours souple en édition limitée gravé sur des radiographies récupérées dans une clinique vétérinaire. Original !






14 décembre 2013

TINY TIM : Tip-toe thru' the tulips with me


Acquis sur un vide-grenier près d'Epernay au début des années 2000
Réf : RV. 20164 -- Edité par Reprise en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Tip-toe thru' the tulips with me -/- Ever since you told me that you love me (I'm a nut)

Lorsque je lui ai dit que j'avais dégoté ce disque, la réaction de Philippe R. avait été de me dire que c'était une très bonne pioche. Je ne m'en étais pas alors rendu compte car je commençais à peine alors à m'intéresser à Tiny Tim et je ne pensais pas que ce disque était particulièrement rare, mais depuis je ne suis jamais retombé dessus, ni sur aucun autre de ses vinyls.
Contrairement à ce que son nom de scène laisse penser, Tiny Tim était tout sauf menu : il faisait plus d'un mètre quatre-vingts et a pris pas mal d'épaisseur au fil des ans.
Il a connu un énorme succès en 1968, avec une apparition dans le film You are what you eat de Barry Feinstein, où il est accompagné par des membres de The Band, et surtout un passage télé dans une émission grand public, Laugh-in, où il a interprété Tip-toe thru' the tulips with me avec son ukulélé et est devenu instantanément une célébrité.
Le "truc" de Tiny Tim, c'était d'interpréter des chansons populaires américaines de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, de sa voix de fausset, avec juste son ukulélé (et un accompagnement orchestral sur disque). Les disques, il les sort très vite chez Reprise, avec deux albums en 1968 et un tube aux Etats-Unis avec ce 45 tours, Tip-toe thru' the tulips with me. C'est la gloire pour Herbert Khaury, les vedettes se pressent à son concert au Royal Albert Hall à Londres, et George Harrison met son interprétation de Nowhere man sur un 45 tours de Noël du fan club des Beatles.
Sans surprise, cette célébrité soudaine exacerbée (fin 1969, il se marie en direct à la télé dans une des émissions américaines les plus populaires) ne durera pas, et la suite de sa carrière, des années 1970 à 1990, sera une suite de sorties de disques indépendantes plus ou moins excentriques, comme un single de 1979, en pleine pénurie d'essence, où il interprète Tiptoe to the gas pumps, ou un autre en 1985, un chef d'oeuvre de bon goût dont les deux faces  sont Le Père Noël a le SIDA et Elle m'a refilé l'herpès ! En 1996, l'année de sa mort, accompagné par Brave Combo, il réussit l'exploit de transformer Girl des Beatles en une chanson salace et graveleuse, sans même en changer les paroles !
J'ai l'air de me moquer un peu comme ça, mais il y a plein de titres de Tiny Tim que j'aime vraiment beaucoup, à commencer par les deux faces de ce 45 tours, extraites de son premier album, God bless Tiny Tim. Le tube Tip-toe thru' the tulips with me est excellent, et pour une fois c'est une chance que la maison de disques française ait préféré Ever since you told me that you love me (I'm a nut) à la face B américaine, Fill your heart, car en plus de nous proposer des chants d'oiseaux, c'est sûrement le seul titre de l'album à avoir un son partiellement garage avec une guitare saturée.

Now Sounds vient de rééditer God bless Tiny Tim, avec pas mal de titres en plus.

13 décembre 2013

MANSFIELD TYA : June


Acquis à la bourse aux disques de la Cartonnerie à Reims le 15 décembre 2012
Réf : TEO205 -- Edité par Téona en France en 2005 -- CD promotionnel interdit à la vente
Support : CD 12 cm
Titres : Tes faiblesses -- Fools -- Pour oublier je dors -- The shout of rain

C'est toujours utile de noter les choses car force est de constater que nos mémoires sont pleines de trous. Donc, dans une lettre d'information Vivonzeureux! du 7 novembre 2005, j'avais écrit : "C'est le Citoyen Lambda, des Beaux Bizarres, qui a attiré notre attention sur Mansfield Tya, duo de jeunes nantaises qui vient de sortir son premier album. Pour oublier je dors est un petit chef d'oeuvre, et j'ai beaucoup aimé l'autre titre en français d'elles que j'ai écouté. Par contre, les titres chantés en anglais...!".
Deux choses à garder de ça. D'abord,  j'avais complètement oublié que c'est le Citoyen Lambda qui m'a initialement mis sur la piste de Mansfield Tya., même si je me souvenais bien avoir découvert leurs chansons en les écoutant/téléchargeant sur leur site. Ensuite, eh bien je n'ai pas changé d'avis. Pour oublier je dors reste mon titre préféré de Mansfield Tya et je continue à déplorer que certaines de leurs chansons sont gâchées par le choix de les chanter en anglais, avec un accent loin d'être parfait.
J'aurais bien aimé voir le groupe en 2005-2006, mais j'avais quitté Nantes à cette époque et je n'ai pas eu l'occasion de les attraper en concert vers Lyon ou Reims. Ca s'est finalement fait le 14 mai 2009, à La Cartonnerie de Reims, au moment de la sortie du deuxième album, Seules au bout de 23 secondes. Je craignais alors d'être un peu déçu, mais non, même après la prestation époustouflante de Delaney Davidson, elles ont donné un concert prenant, avec de très bons échanges avec le public (contrairement à David Eugene Edwards de Woven Hand, que j'ai observé sur scène ensuite pendant une vingtaine de minutes avant de m'échapper, concentré sur sa guitare et l'observation du plancher, sans un mot pour son public). Elles avaient joué une excellente version de Pour oublier je dors ce soir-là, dont on peut voir quelques secondes dans le Tête à tête avec Mansfield Tya de Reims TV.
C'est au même endroit, à la Cartonnerie, que j'ai fini par acheter mon premier disque de Mansfield Tya, il y a un an tout pile, lors de la bourse aux disques où j'avais acheté le disque de Saddlebop. A un autre stand, un gars avait quelques disques promo. Comme il avait vu que je m'y intéressais, il m'en avait sorti un carton d'au moins une centaine : quasiment que des disques de variété sans intérêt pour moi, sauf deux que je suis bien content d'avoir trouvés, celui-ci, et Aube radieuse, serpents en flamme d'Etienne Charry.
Ce CD promo reprend exactement la pochette de l'album June, et il en propose quatre extraits. Tes faiblesses, avec sa basse marquée en plus des habituels piano et violon, me plaît beaucoup. Je n'y reviens pas, mais à mon goût Fools et The shout of rain ne seraient pas mal du tout si elles étaient chantées en français. Et le dernier titre, c'est le joyau noir, Pour oublier je dors, belle ballade au piano et au violon, au chant dépassionné, dont la violence froide et crue est tout entière contenue dans les paroles :
  • Un planter de couteau n'aurait pas suffi
  • Il m'a fallu voir grand pour lui ôter la vie
  • Si je vais mieux maintenant, je ne me le demande pas
  • Mais j'ai défoncé ses dents pour qu'on ne me retrouve pas
    (...)
  • Je dors en chien de fusil pour ne plus penser au marteau,
  • Aux fourchettes et aux scies que j'ai plantés dans son dos

En découvrant cette chanson, j'ai tout de suite pensé à Du bon côté, sortie quelques temps plus tôt sur le premier album d'Albin de la Simone ("Fais-moi confiance, approche encore, je ne te ferai presque pas mal. Lorsque ton bras se cassera, tu seras déjà assommée."), et puis aussi une chanson bien plus ancienne, Ca tourne pas rond de Francis Blanche ("Avec une fourchette à huitres j'ai crevé un oeil au chat de grand-mère").

Le troisième album de Mansfield Tya, Nyx, est sorti en 2011. Il aura peut-être un successeur en 2014...


Mansfield Tya sur la scène de la Cartonnerie de Reims le 14 mai 2009.



07 décembre 2013

THE TIMES : Lundi bleu


Offert par Creation par correspondance en 1992
Réf : CRESCD 114 -- Edité par Creation en Angleterre en 1992
Support : CD 12 cm
8 titres

Ed Ball a sorti un nombre impressionnant de disques chez Creation, qui l'a employé un temps, sous un nombre délirant d'identités, mais les quatre premiers albums qu'il y a sortis de 1988 à 1992 en tant que The Times (Beat torture, E for Edward, Et Dieu créa la femme et Pure) sont mes préférés de toute sa longue carrière (les premiers disques des Television Personalities auxquels il a participé sont hors catégorie).
Après avoir chanté les louanges de Manchester fin 1989 avec des pochettes qui parodiaient celle de Technique, Ed Ball a à nouveau rendu hommage à New Order en reprenant Blue Monday sur Pure. Pas fou, il n'a pas tenté de rivaliser côté piste de danse avec le légendaire maxi Factory de 1983, non, il a joué sa partition en mode décalé en ralentissant fortement le rythme du morceau et en le chantant en français. Le français, bien qu'il ne le parle pas couramment, ça titillait Ed depuis longtemps : dès 1982, il avait fait chanter à Joni Dee Voici les vacances et l'année précédente, il avait traduit en français tous les titres d'Et Dieu créa la femme, même s'il les chantait en anglais.
Que les choses soient claires : la seule version de Lundi bleu qui est indispensable, c'est celle de l'album Pure, qui dure près de neuf minutes, qui est lacérée de grands coups de guitare de Paul Heeren et qui incorpore de longs extraits chantés d'au moins deux disques chroniqués ici, le Religion I de PIL et la reprise d'After the gold rush de Neil Young par Prelude, mais Ed et Creation se sont quand même bien amusés avec ce single, dont j'ai la version CD 8 titres. Il y a aussi un 45 tours avec la version instrumentale complète de Lundi bleu (inédite par ailleurs) et un maxi avec les remixes qui sont aussi sur le CD.
Le Lundi bleu (Radio edit) est une version resserrée à quatre minutes de l'enregistrement de l'album, qui se concentre sur les parties chantées, même si un couplet a sauté au passage. Viennent ensuite les trois remixes. Le Praise the Lord mix de The Grid prend le parti de ralentir encore un peu plus le rythme, il me semble, pour tendre presque vers l'ambient house et remplace la voix d'Ed par celle d'un prêcheur.  Le World communications mix, de The Grid toujours, n'est pas plus rapide et semble la suite du précédent, sauf qu'on retrouve la voix d'Ed, qui chante en diverses langues. D'habitude, j'aime assez bien Bandulu et ses sons techno reggae, mais leur Smiling remix largement instrumental, qui dure plus de sept minutes, est sans intérêt pour moi.
Ensuite arrivent à la suite les quatre autres versions internationales annoncées sur la pochette : la brésilienne (en portugais j'imagine), la japonaise, l'allemande et l'espagnole. Ce qui est intéressant à noter, c'est qu'il ne s'agit pas de remixes de la version française avec une autre piste vocale. Non, chaque version a été enregistrée avec un producteur différent, mais clairement, l'indigestion guette. Même si j'ai une petite préférence pour telle ou telle version, les rares fois où j'ai écouté ce CD de bout en bout, je n'avais qu'une envie au bout de 40 minutes : balancer le disque contre le mur et ne plus jamais réécouter cette chanson !
Dommage car, répétons-le, la première version de Lundi bleu, celle en français, est excellente. Elle pourrait donner des idées de reprise aux groupes de la vague électro-pop rémoise, ou à d'autres. Et comme tous ces gens sont plutôt habitués aux paroles en français, j'ai même pris la peine de les transcrire :
  • Qu'est-ce que tu ressens à me traiter comme ça ?
  • Dès que tu m'as touché et dis qui tu étais
  • J'ai cru ne rien comprendre et j'ai cru te comprendre
  • Dis-moi ce que je ressens, ce que je sens maintenant
  •  
  • Ceux qui sont passés ont vécu leur destinée
  • Du début à la fin, ils ne reviendront jamais
  • Mais c'est si difficile de dire ce que je veux
  • Je suis ce que tu sais, ce que je sens maintenant

  • Un bateau rentre au port, je ferai ce que tu veux
  • Si ce n'était pour ton malheur, je serais déjà au ciel
  • Mais comme j'ai eu tort de t'avoir écoutée
  • Dis-moi ce que je ressens, ce que je sens maintenant

  • Je t'ai dit de me laisser en descendant vers la plage
  • Dis-moi ce que tu ressens quand ton coeur devient froid
En 2009, le label d'Ed Ball Artpop! a réédité en double CD les trois albums E for Edward, Et Dieu Créa la femme et Pure. Cette édition contient une reprise précédemment inédite de True faith de New Order. Si quelqu'un souhaite reprendre cette chanson en français, qu'il sache que Phil Sex de La Radio Primitive en a trouvé le titre idéal dès 1987 : Trou fesse, bien sûr.

06 décembre 2013

THE TIMES : Manchester


Acquis au Record & Tape Exchange de Pembridge Road  à Londres dans les années 1990
Réf : CRE SCD 71 -- Edité par Creation en Angleterre en 1990
Support : CD 12 cm
Titres : Manchester -- Manchester (George Best edit) -- Ulysses -- Shoom!

C'est assez particulier ce qui est arrivé à Ed Ball, le fondateur de The Times, et aussi l'un des membres fondateurs des Television Personalities. Pendant des années, il a perfectionné une pop artisanale à la saveur résolument rétro, une fixette sur les années 1960 et les styles mod et psychédélique, et paf, voilà qu'en 1988 lui tombe dessus le deuxième Summer of Love, une nouvelle vague psychédélique portée par la house music et l'ecstasy. Comme une bonne partie de la bande de Creation, Ed a plongé dans ce psychédélisme contemporain, et en 1989 il a enregistré deux albums simultanément, E for Edward (et non pas E for Ecstasy...) crédité à The Times et sorti fin 1989, et le premier disque house et synthétique de Love Corporation, Tones, sorti un peu plus tard, en 1990.
Ce single est le seul qui a été extrait d'E for Edward. Les deux pochettes du single et de l'album font clairement référence à Technique de New Order, sorti un an plus tôt. C'est surtout évident pour l'album, avec le fond rose et la photo d'une nana qui porte sur la tête le sac noir qui emballait le précédent album de The Times, Beat torture, afin de "ressembler" à la sculpture de la pochette de New Order. Mais c'est clair ici aussi avec la couleur de police, la minuscule en italique à l'initiale de Times et la mosaïque de photos en couleurs au dos, qui rappelle l'affiche promotionnelle de Technique. Cette fois-ci, la photo au recto est en plan large, et on dirait bien qu'Ed est en train de pisser dans un coin, au fond.
Cette référence à New Order s'explique naturellement par l'hymne à Manchester qui est le titre principal de ce single. Manchester, haut lieu de la house, la ville de l'Hacienda et des Happy Mondays, celle-là même où Alan McGee était allé s'installer.
Quelques années après avoir signé There's a cloud over Liverpool, pour cette nouvelle ode à la grande ville du Nord de l'Angleterre, à enchaîner avec le It's grim up North des Justified Ancients of Mu Mu, Ed Ball a conservé ses qualités de faiseur pop et son ironie et il réussit à citer les grandes figures de la ville (Peter Hook, les Happy Mondays, Tony Wilson, les Stone Roses) et à faire référence à New Order, avec une rythmique au séquenceur bien marquée, et même au football avec des choeurs sur la fin dans le style de ceux qu'on entend dans les tribunes d'un stade. Une excellente chanson, et ce qui est rare et agréable, c'est que le George Best edit qui est présenté ensuite est pour une fois une version allongée et remixée qui est plus dansante, certes, et  plus proche du son de New Order, mais qui ne fait pas regretter la version de base.
Cerise sur le gâteau, les deux autres faces B, très différentes l'une de l'autre, sont d'excellente facture. L'intro d'Ulysses est du niveau des meilleures ballades de Paul McCartney, et la suite est une sorte de chanson de marin guillerette. Shoom! était l'un des clubs house les plus réputés, mais cet instrumental à la guitare de plus de sept minutes n'a rien à voir avec ce style de musique. Il semble plutôt faire le pont entre le son de Beat torture et celui de l'album Pure de 1991, un disque où Ed Ball rendra un nouvel hommage à New Order en reprenant Blue Monday.



30 novembre 2013

MERCURY REV : Chasing a bee


Acquis au Record & Tape Exchange de Notting Hill Gate à Londres dans les années 1990
Réf : BBQ 1CD -- Edité par Beggars Banquet en Angleterre en 1992 -- Promo
Support : CD 12 cm
Titres : Chasing a bee -/- Coney Island cyclone

Quand Yerself is steam, le premier album de Mercury Rev, est sorti en 1992, nous avons reçu à La Radio Primitive l'édition limitée qui contenait un deuxième album en bonus, Lego my ego. J'ai toujours regretté de ne pas avoir acheté ce double-disque quand il était encore facilement disponible à l'époque, d'autant que j'avais une préférence pour l'album-bonus, qui contenait If you want me to stay, une reprise de Sly Stone éditée à l'origine par le Rough Trade Singles Club, Car wash hair, le premier single du groupe, et une version Peel session de Syringe mouth que j'ai toujours préférée à celle de l'album.
Je me suis rattrapé quelques années plus tard en dégottant à Londres ce CD promo anglais, qui associe Chasing a bee, le morceau d'ouverture de Yerself is steam, dont les paroles fournissent son titre à l'album (Il faut peut-être comprendre Your self-esteem, d'ailleurs), à la version Peel session de Coney Island cyclone, extraite de Lego my ego.
A plus de sept minutes, Chasing a bee ne risquait pas d'être un succès radio. Notons d'ailleurs que, s'il y a bien eu un maxi CD sorti aux Etats-Unis, avec une pochette différente et cinq titres qu'on trouve aussi sur Lego my ego comme faces B, Beggars Banquet n'a par contre jamais commercialisé ce single en Angleterre, ce qui rend ce CD promo, et surtout sa pochette, d'autant plus rare et intéressant.
Je me souvenais que les débuts de Mercury Rev étaient plus énervés que ce qu'ils ont produit par la suite. Mais en réécoutant aujourd'hui ces deux titres paresseusement psychédéliques, et même avec un chanteur différent, on arrive très bien à faire le lien avec, par exemple, leur grande réussite Deserter's songs. Dans sa version Peel session, présente sur Lego my ego, Chasing a bee s'appelait Chasing a girl (inside a car), et je crois bien que je préfère ce titre alternatif.
Je n'ai plus aucun regret maintenant car je viens de m'offrir l'édition originale de Yerself is steam / Lego my ego, qu'à ma grande surprise on arrive encore à trouver pour pas trop cher. De toute façon, il y a eu en 2007 une réédition de ce double-CD, avec en plus un DVD, qui contient uniquement la vidéo de Chasing a bee (à voir ci-dessous) et celle de Car wash hair. C'est un peu du gâchis.



23 novembre 2013

MICHAEL HOLT & THE KIDS : The dawn chorus


Acquis chez Elisabeth et Jean-Pierre Moya à Reims le 13 novembre 2013
Réf : [sans] -- Edité par michaelholtmusic.com au Canada en 2010
Support : CD 12 cm + Affiche 36 x 60 cm
15 titres

J'ai assez souvent pu assister à des prestations musicales chez des amis ou de la famille, généralement à l'occasion de fêtes, mais c'est la première fois, grâce à l'invitation d'Elisabeth et Jean-Pierre (de Rockomondo), que j'assiste à  un concert "à la maison" organisé comme tel. Je ne connaissais pas The Mommyheads, le groupe dont il fait partie depuis les années 1990 (et avec un nom pareil, je me serais attendu à un son garage, ce qui n'est pas le cas), et encore moins Michael Holt lui même, mais je m'attendais à passer une très bonne soirée et je n'ai pas été déçu.
Vétéran d'un groupe qui a signé en 1996 chez un gros label américain, Geffen, et a sorti un album produit par Don Was, Michael Holt connait de l'intérieur, on peut en être certain, l'industrie de la musique dans toute sa splendeur et son horreur. Depuis quelques années, il a visiblement décidé de tourner le dos à cette façon de produire et de vivre la musique et travaille de façon indépendante, en éditant lui-même ses disques et en en se produisant en priorité, c'est un choix réfléchi et assumé, dans des concerts à la maison où la participation financière est libre.
Pour lui, ça se traduit par trois mois de tournées dans l'année, où il en voyage en train et en avion, avec sur le dos tout son matériel. Sa tournée de l'automne 2013 compte 66 concerts, aux Etats-Unis, au Canada (où il est établi depuis une quinzaine d'années) et en Europe. Il l'a intitulée The sacred culture tour, avec comme explication : "Comment pouvons-nous ensemble nous inspirer à traiter la musique, la nourriture,  la communauté, la fête et la planète comme si elles étaient sacrées ?".
Ces concerts sont l'occasion pour lui de se produire en public devant un public intéressé, motivé, mais aussi varié, et de faire des rencontres. Côté public, à une vingtaine dans le salon, contents de se retrouver et de partager la soirée ensemble, repas compris, nous avons en plus pu profiter dans des conditions optimales de la prestation de Michael Holt, qui a joué, pendant près de deux heures je pense, une sélection de titres couvrant l'ensemble de son parcours discographique, et au-delà.
Michael a une très belle voix, placée assez haut dans le registre, et c'est d'abord un joueur de claviers. Il l'a prouvé en ouvrant le concert avec de la musique française, son interprétation du menuet du Tombeau de Couperin de Maurice Ravel. Il a également joué une ouverture au piano qu'il a composée dans le cadre d'un projet qu'il vient de conclure et sur lequel il a travaillé ces dix dernières années.
Il a alterné chansons à la guitare acoustique ou au piano/orgue électronique, en produisant un spectacle parfaitement construit, avec divers accessoires (tambourin, kazoo, nez rouges...), pas mal de chapeaux, dont un fez avec lequel il donne une interprétation délirante de son Nino wrote a tune et un chapeau de chef cuisinier pour l'un de mes titres préférés de la soirée, The Essex house. Et comme il ne doit pas faire deux concerts identiques (il n'a pas de liste de tritres pré-établie), il a profité de la présence de cet objet dans la maison pour se faire accompagner sur un titre par une grande marionnette !
Après le concert, Michael Holt vendait ses deux derniers CD, où il est accompagné par The Kids. Si je n'ai pas choisi le dernier en date, Jubilation, c'est tout simplement parce que j'ai été attiré par la pochette de ce The dawn chorus, une peinture de Matt James , d'autant qu'une affiche reproduisant cette pochette était fournie avec le CD.
Le concert ne m'a pas déçu, et l'album non plus ! Il est marqué par une conscience écologique aigüe, avec plusieurs titres sur le thème des animaux et de la nature. La majeure partie des titres sont dans un style qu'on pourrait qualifier de pop-rock (The sound of love, John O'Dreams, Today, It's not up to us) avec un chant et des arrangements qui m'évoquent parfois Andrew Bird. D'autres titres, comme Hummingbird et The ballad of Isaac and Jyllian, sont dominés par le piano. Il y a aussi une très bonne chanson dans le style country, An animal invitation.
Parmi mes titres préférés, on trouve celui qui ouvre le disque,Those lonely tears, une chanson très émouvante interprétée a cappella, et aussi The whole world is a song, Great bodies of nature, Back to zero et The desert song.
Un excellent album, donc, et une soirée mémorable. Michael Holt a poursuivi son chemin par Lille et la Belgique, mais guettez sa prochaine tournée en 2014 ou, pourquoi pas, contribuez à l'organiser !


Michael Holt, Desert song, en public à Reims le 13 novembre 2013.
Egalement à voir sur YouTube, un autre extrait de ce concert, Like a brick (une chanson qui ne figure pas sur The dawn chorus). D'autres vidéos vont sûrement suivre.



Michael Holt à Reims le 13 novembre 2013.


Michael Holt, Great bodies of nature, en public à Stockholm le 5 novembre 2009.

16 novembre 2013

MAGAZINE : A song from under the floorboards


Acquis à La Clé de Sol à Châlons-sur-Marne ou chez New Rose à Paris en 1980
Réf : VS 321 -- Edité par Virgin en Angleterre en 1980
Support : 45 tours 17 cm
Titres : A song from under the floorboards -/- Twenty years ago

C'est avec ce 45 tours que s'est annoncé, au tout début de l'année 1980, le troisième album de Magazine, The correct use of soap, et comme très souvent à l'époque, c'est dans l'émission Feedback de Bernard Lenoir que j'ai dû l'entendre pour la première fois.
C'est aussi avec ce disque qu'on a découvert la thématique "savon de Marseille" des pochettes de Magazine en cette année 1980 : les pochettes réalisées par Malcolm Garrett pour les quatre 45 tours utilisent toutes le carton retourné et le graphisme qui rappellent ces savons et leur emballage (seule la couleur des étiquettes changeait d'un disque à l'autre), et la pochette de l'album y fait également référence.
J'ai toujours trouvé qu'A song from under the floorboards était une chanson tès originale, pas une pop song facile au premier abord. Je me suis toujours focalisé à l'écoute de cette chanson sur la basse, très élastique, qui en est le véritable squelette, et sur le chant et les paroles d'Howard Devoto, particulièrement percutantes, notamment les trois premiers vers : "Je suis en colère, je suis malade, je suis moche comme le péché. Mon irritabilité me maintient en vie et en forme. Je connais le sens de la vie et ça ne m'est d'aucune utilité." J'ai aussi toujours été intrigué par ce titre, Une chanson d'en-dessous du plancher. Par contre, je n'avais jamais prêté particulièrement attention au travail intéressant sur les choeurs.
Ce n'est que récemment, notamment en lisant un article du Guardian, que j'ai appris que, pour cette chanson, Howard Devoto s'est inspiré (et ne s'en est jamais caché) d'un roman de Dostoïevski, Les carnets du sous sol. En quelques lignes, il rend apparemment parfaitement compte du caractère et des pensées du narrateur, dont le monologue occupe toute la première partie du roman.
Musicalement, on est très proche d'un disque qui allait sortir quelques mois plus tard, Christine de Siouxsie and the Banshees, un disque qui a en commun avec celui-ci le guitariste John McGeoch, qui n'avait pas encore quitté Magazine mais se faisait déjà inviter chez ses amis Banshees.
Twenty years ago est l'une des nombreuses excellentes chansons de Magazine reléguées en face B de 45 tours. Elle a dû être enregistrée au début des sessions pour l'album et donc sélectionnée pour ce single. Si elle était apparue plus tard, elle aurait sûrement été retenue pour figurer sur The correct use of soap. Le groupe l'appréciait d'ailleurs au point de la jouer sur scène lors de toute la tournée qui a suivi : on la trouve sur l'album live Play et en face B du single Sweetheart contract. Elle aurait d'autant pu figurer sur l'album que, sauf erreur de ma part, c'est la seule chanson issue de ces sessions à mentionner le fameux savon dont il est question dans le titre de l'album, un titre qui lui aussi est suffisamment bon pour m'intriguer depuis plus de trente ans. Ces paroles ne nous éclairent pas pour autant ("Il y a vingt ans, j'ai utilisé ton savon") pour comprendre le titre, par contre, en préparant ce billet, je suis tombé page 323 du Punk diary de George Gimarc, sur un document que je ne connaissais pas et qui est soit une affiche soit plutôt une publicité parue dans la presse :

Pour la première fois, voilà données visuellement deux interprétations possibles du titre de l'album : la façon correcte d'utiliser le savon serait de le prendre comme combustible en substitut au charbon ou au bois, ou bien de le déguster au petit déjeûner !


Magazine, A song from under the floorboards, en direct dans l'émission de télévision Rockpalast. Filmé en public au Metropol à Berlin le 30 octobre 1980.

10 novembre 2013

JO LEMAIRE + FLOUZE : Je suis venue te dire que je m'en vais


Acquis chez Troc.com à Charleroi le 22 mai 2013
Réf : 6021 321 -- Edité par Vertigo en Belgique en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Je suis venue te dire que je m'en vais -/- Escape (Demo)

Pour moi, Jo Lemaire + Flouze restera toujours associé à un rendez-vous manqué, le seul concert Feedback auquel j'aurais pu assister.
Ça a du se passer pendant le premier trimestre 1980, après la parution du premier album du groupe, mais avant le deuxième il me semble. Bernard Lenoir avait pourtant tout fait pour me faciliter les choses : il avait programmé ce concert non pas à Paris, comme d'habitude, encore moins à  New York ou Lyon, comme ça a dû arriver, non, suite probablement à un deal entre un tourneur et le patron qui venait d'ouvrir sa discothèque, ce concert a eu lieu au Sunshine, rue du Barbâtre, à 45 kilomètres à peine de chez moi.
Il suffisait d'écrire pour avoir des invitations. J'ai écrit et j'ai reçu chez moi deux cartons siglés Radio France, avec les détails du concert de l'invitation tapés dessus à la machine. Je les ai conservés précieusement dans l'attente du concert, et je dois toujours les avoir quelque part au grenier, dans une caisse (je n'ai pas eu le courage d'aller fouiller). Si je les ai toujours, c'est que je n'ai jamais pu me rendre à Reims ce soir-là : à 17 ans, je n'avais pas de permis, et encore moins de voiture. J'avais posé des jalons auprès de deux ou trois copains véhiculés pour les convaincre de m'accompagner, mais celui qui m'avait dit oui m'a fait faux bond au dernier moment. Je me suis donc retrouvé, bêtement, à écouter ce concert comme tous les autres, en direct à la radio, avec en plus la rage au ventre. Peut-être bien que j'ai même été assez maso pour l'enregistrer. Pendant des années j'ai repensé à cette soirée avec ma radio et mon carton d'invitation à chaque fois que je suis passé devant cette discothèque de la rue du Barbâtre, même après qu'elle avait changé de nom.
En tout cas, c'est plutôt pour des raisons financières qu'à cause de cette déconvenue que je n'ai pas acheté le premier Jo Lemaire + Flouze (avec Stakhanov, Running time et Tinterella di luna). Le deuxième, j'ai dû passer à côté, et si j'ai fini par acheter le troisième, Precious time, sorti dès 1981, c'est en grande partie je crois parce qu'il contenait la reprise de Je suis venu te dire que je m'en vais de Gainsbourg, que la maison de disques a choisi, sans trop de surprise, de sortir en 45 tours et qui a donné au groupe son plus grand succès.
J'ai donc l'album depuis très longtemps, mais c'est seulement cette année que j'ai fini par acheter le single, notamment parce que j'ai toujours beaucoup aimé, et j'apprécie toujours autant, cette reprise.
C'était pourtant assez casse-gueule. On aurait pu avoir un banal exercice new wave de reprise en synthétique d'une bonne chanson, pour un résultat sans intérêt, voire désastreux (les exemples sont nombreux), mais il y a de très bonnes réussites dans le genre, et ce titre en fait partie. Pourtant, ce n'est que de l'électronique, tout est très distancié, mais l'émotion est là, sans recourir aux pleurs de Birkin par exemple comme sur la version originale. Les ingrédients sont simples : batterie ou boite à rythmes, basse trafiquée ou synthétique, mais qui joue un rôle essentiel, un synthé aigrelet qui égrène la mélodie, et un autre plaintif, qui démarre tout au fond du mix, comme un theremin discret, et s'avance au premier plan au fil du morceau. Et pour lier le tout et permettre à cette sauce de prendre, le chant de Jo Lemaire, posé, détaché, mais efficace, donc. Une version à ne pas oublier pour qui s'amuse à compiler les meilleures reprises de titres de Gainsbourg.
Mais c'était loin d'être le seul bon titre de Pigmy world. Si Jo Lemaire + Flouze avaient les oreilles bien ouvertes sur tous les paysages sonores de la new wave, y compris les incursions exotiques (Chameleon et Claustrophobia ici), le modèle, notamment pour le chant, était clairement Siouxsie, (Satellites et Siamese sister, parmi d'autres), mais une Siouxsie différente, très posée et presque sage.
J'avais complètement oublié par contre qu'il y avait effectivement présent sur ce disque un invité anglais de marque, associé à la Belgique via Les Disques du Crépuscule, Vini Reilly, le guitariste de Durutti Column (il est même en photo aux côtés de Jo sur la pochette intérieure). Les crédits ne précisent pas sur quels titres il joue (à moins que ce soit tous...), mais il est très probablement présent sur deux des meilleurs titres du disque, Voices in the silence et Shades of night et aussi, là je parierais bien, sur Escape. On voit bien la différence entre le son typiquement Reilly de la guitare sur la version album d'Escape et celui saturé qu'on entend sur la démo, qu'on trouve en face B du 45 tours. Un titre inédit en album, que j'ai la chance d'avoir sur mon édition du 45 tours achetée en Belgique (sauf que mon exemplaire a pris le chaud et a le bord un peu gondolé : je ne peux pas écouter les trente première secondes !). En France, Vertigo n'a pas voulu gâcher une face B avec une démo inédite : ils ont préféré, aussi bien pour le disque promo que pour l'édition disponible à la vente, mettre deux fers au feu avec deux extraits de l'album, Je suis venue te dire que je m'en vais et Shades of night.

04 novembre 2013

BORIS VIAN : Chansons impossibles


Acquis par correspondance via Ebay en novembre 2013
Réf : 373564-1 -- Edité par Mercury en France en 2013
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Les joyeux bouchers -- Le déserteur -/- La java des bombes atomiques -- Le petit commerce

Sur ce coup-là, je me suis un peu laissé emporter par mon enthousiasme. Certes, il était bien précisé dans l'annonce Ebay que l'objet vendu était neuf, pas d'occasion, mais avant d'enchérir je n'ai vu aucune trace en ligne d'une réédition récente de ce 45 tours historiquement important, puisqu'il s'agit du premier disque de chansons de Boris Vian. J'ai donc cru enchérir sur un disque absolument introuvable (l'édition originale de 1956 de ce disque a dû s'écouler au maximum à quelques centaines d'exemplaires), alors qu'il s'agissait tout bonnement d'une réédition en quasi fac-similé du disque, qui n'a pas dû beaucoup être diffusée elle non plus car elle n'est disponible chez aucun des grands sites marchands.
Pas trop de bobo au final, puisque je n'ai pas dû payer ce disque plus cher que si je l'avais acheté neuf dans le commerce, mais il faudra que je prenne garde à être plus attentif la prochaine fois.
Malgré cela, je ne suis pas mécontent d'être en possession de cet objet, même si bien sûr je connais ces quatre chansons impossibles depuis bien longtemps : comme plusieurs générations de fans de Vian, je les ai découvertes avec l'album 30 cm titré Chansons possibles, ou impossibles, édité une première fois en 1962, réédité en 1968 et maintenu au catalogue pendant des années par la suite. On trouve quatorze titres sur cet album compilation : deux instrumentaux d'André Popp, un poème lu par Philippe Clay, le Fais-moi mal Johnny de Magali Noël, et surtout les dix Chansons "possibles" et "impossibles" éditées en 33 tours 25 cm en 1956 mais aussi, pour huit d'entre elles, en deux EP de quatre Chansons impossibles et quatre Chansons possibles (pour tout savoir de la discographie de Boris Vian, consultez l'indispensable De Vian la zizique).
Il y a un petit bonus ici par rapport à l'album : trois des quatre chansons sont précédées de quelques mots d'introduction par Boris Vian. S'il se contente d'annoncer le titre de Le déserteur,  on a par ailleurs droit à "A la gloire de tous les enchanteurs du merlin, Les joyeux bouchers" et à "Par autorisation spéciale de la commission du même nom, La java des bombes atomiques".
Le choix de la photo de pochette est assez surprenant : elle est loin d'être techniquement parfaite et, avec le litron au premier plan, elle aurait été idéale pour illustrer la chanson Je bois, sauf que celle-ci n'est pas au programme.
Les dix chansons sorties en 1956 sont issues de sessions de 1955, les 22, 27 et 29 avril avec l'orchestre de Jimmy Walter, et le 24 juin avec celui de Claude Bolling. Les quatre titres de ce 45 tours sont tous (excellemment) orchestrés par Jimmy Walter, et ce qui frappe à l'écoute, c'est qu'on a réuni ici quatre titres qui ont en commun la haine des armes, des militaires et de la guerre.
La première des chansons de ce disque que j'ai connue, c'est Le déserteur, qui figurait je crois dans les carnets de chansons que nous avions en colonie. Je l'ai chantée, donc, et à un moment je la connaissais par coeur. Je suis sûr aussi qu'elle a contribué à me décider à ne surtout pas faire mon service militaire. Pourtant, depuis longtemps, je la fuyais un peu. C'est l'une des rares de Boris Vian à être purement et simplement une chanson de contestation, sans aucune trace de légèreté ou d'humour. J'ai quand même été agréablement surpris en la réécoutant pour cette chronique de voir qu'elle était plus orchestrée et moins solennelle que dans mon souvenir.
Le petit commerce, qui s'attaque à un secteur commercial toujours florissant de nos jours, celui de l'armement, est pour le coup beaucoup plus léger, en poussant à bout la logique du succès des ventes de ces produits. Le couplet sur la vigueur de l'industrie qui incite les ouvriers à consommer, à fonder des familles, et donc à produire de la chair à canon, traite, avec un point de vue différent, précisément du même sujet que les paroles de Shipuilding, écrites par Elvis Costello pour Robert Wyatt.
Si on met à part Le déserteur, pour son poids politique et historique, les deux chefs d'œuvre ici sont Les joyeux bouchers et La java des bombes atomiques. D'un côté un tango célébrant d'abord les artistes du raisiné des abattoirs avant de dévier sur les boucheries des tranchées et de tous les champs de bataille. De l'autre, une joyeuse java paradoxale, une fable célébrant cette fois-ci un savant fou qui développe une arme immonde, certes, mais qui en fait bon usage en l'utilisant non pas contre le peuple, comme c'est l'habitude, mais contre les dirigeants du monde entier. Je me disais que cette java est à la chanson politique ce que Le Canard Enchaîné est au journalisme, et ça juste avant d'apprendre que Le Canard en a publié les paroles en première page en juin 1955 ! Celle-là aussi je la connaissais par cœur à une époque, et j'ai bien dû casser les oreilles de la famille en la chantant à longueur de journée.
En réécoutant ces chansons aux rythmes désuets avec ces orchestrations inventives, surtout pas jazzy, avec piccolo, hautbois, basson et autres instruments à vent, percussions, piano et contrebasse, je me dis qu'on est proche finalement de l'ambiance musicale d'un disque qui m'a beaucoup marqué, le premier album de Lewis Furey.