13 juin 2025

ESSOUS DE L'ORCHESTRE BANTOUS : Côte d'Ivoire an 7


Offert par Claire B. à Châlons-en-Champagne le 11 mai 2025
Réf : GKL 152 -- Édité par Comoe en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Papa Houphouët-Boigny -- Côte d'Ivoire an 7 -/- Côte d'Ivoire ya Africa -- Mbula sambo

Après le Jack Scott, Les Barbecues ou le Papoose, voici un autre 45 tours trouvé pas cher et offert par ma sœur Claire. Elle les choisit au feeling plutôt qu'au hasard : elle se doutait bien que ce disque de musique d'Afrique risquait de m'intéresser.

Et elle ne se trompait pas, ne serait-ce que parce que Jean Serge Essous est un artiste dont on a déjà eu l'occasion de parler ici, avec Congo rhythm, un disque de l'O.K. Jazz, un 45 tours des Bantous de la Capitale et un titre qu'il a signé en face B du 45 tours de Moshé.

C'est une façon de souligner le parcours musical impressionnant d'Essous (1935-2009), clarinettiste, saxophoniste, chanteur et chef d'orchestre congolais. En voici quelques étapes, par ordre :
  • 1954 : Membre de l'Orchestre Négro Jazz
  • 1956 : Membre fondateur de l'Orchestre O.K. Jazz
  • 1957 : Membre fondateur de l'Orchestre Rock-A-Mambo 
  • 1959 : Membre fondateur des Bantous de la Capitale, qu'il dirige jusqu'à son départ en 1966. Il rejoindra le groupe par la suite dans diverses formations, pendant des décennies.
  • Fin des années 1960 : Membre important de l'Orchestre RyCo Jazz, dans la période où le groupe est installé aux Antilles, où il diffuse la rumba congolaise.
  • 1969-1970 : Membre de l'Africa Team, qui joue avec Manu Dibango.

La teneur des notes de pochette est assez surprenante :

"Ce disque, réalisé dans des conditions financières particulièrement difficiles, à la suite d'innombrables obstacles qui m'ont été dressés de toutes parts, est ma modeste contribution à l'évolution historique de mon pays.
Que la côte d'Ivoire tout entière accepte ici mon humble participation à l'accomplissement du Devoir National.
"

Ces notes sont signées par Germain K. Loukou. Je m'en doutais un peu à la lecture et ça semble confirmé par le fait que la référence du catalogue porte ses initiales : Germain K. Loukou devait être le patron du label Comoe. Il n'y a qu'une grosse quinzaine de disques du label référencés sur Discogs, probablement une petite partie seulement de sa production, mais trois autres disques contiennent aussi des titres en référence à Félix Houphouët Boigny, par l'Orchestre Agnéby-Jazz, Les Rythmes de la Bia et Laba Sosseh.
Il faut essayer de se replacer dans le contexte de la Côte d'Ivoire de l'époque, pays nouvellement indépendant, dirigé dès ses débuts (et pendant 33 ans) par un président autoritaire et un parti unique, un régime qui a a très vite tourné à la dictature, qui devait encourager le culte de la personnalité qui accompagne souvent un pouvoir fort.

Ce disque précisément a été publié à l'occasion du 7e anniversaire de l'indépendance du pays, proclamée le 7 août 1960. En juillet 1967, le président Félix Houphouët Boigny était en visite officielle à Paris., reçu notamment à Matignon par Georges Pompidou, qu'il avait connu lorsqu'il était Ministre d’État en France entre 1958 et 1961. En août, la Fête de l'Indépendance, la fête nationale du pays qui à cette époque tournait entre plusieurs villes, a eu lieu à Daloa.
Il y en a sûrement eu plus, mais au moins un autre disque a été publié pour célébrer cette occasion, Houphouët & Thérèse d'Amédée Pierre.

Ce 45 tours n'est donc pas simplement un produit culturel et commercial, c'est un acte politique et un signe d'allégeance au pouvoir ivoirien. 
Mais que vient faire le congolais Jean Serge Essous dans cette histoire, auréolé du succès des Bantous de la Capitale qu'il venait de quitter ?
Eh bien, selon Nzolele TV, Les Bantous de la Capitale étaient le groupe préféré d'Houphouët Boigny, et ils ont été invités lors de la première Fête de l'Indépendance en 1961, mais aussi pour la sixième en 1966.
Essous et les Bantous figurent également sur un EP compilation publié à l'occasion d'un Grand Prix de la chanson ivoirienne (disque sur lequel on trouve un Merci Président Boigny...).
Quand Essous quitte les Bantous en 1966, c'est pour honorer des contrats en France métropolitaine. On sait aussi qu'il séjourne aux Antilles début 1968. Entre les deux, j'imagine que ce disque était pour lui un projet de commande et de circonstance. Mais notons qu'il s'est largement impliqué, puisqu'il signe seul les quatre titres du 45 tours.

Et le disque lui-même ? Eh bien, il n'est pas révolutionnaire, mais il est de bonne tenue. Je regrette de ne pas comprendre les paroles, qui sont dans une langue qui m'est inconnue, peut-être bantoue.
Papa Houphouët Boigny, est dans un style purement afro-cubain, qui décolle un peu dans la deuxième partie avec les cuivres.
Côte d'Ivoire an 7, emmené par le saxophone, est un titre entraînant. 
D'une manière générale, je préfère la face B du disque.
Pour Côte d'Ivoire ya Africa, on est toujours dans un style afro-cubain pas hyper original, mais c'est mon titre préféré, avec un bon alliage du saxophone et des percussions, et surtout un solo de guitare électrique qui est bienvenu.
Dans une veine un peu similaire, Mbula sambo est très bien aussi, avec des percussions, des chœurs et pour finir à nouveau de la guitare électrique.

Je profite de l'occasion pour rappeler que j'accepte en cadeau tout EP de musique d'Afrique, des Antilles, de l'Océan Indien ou d'ailleurs, qu'il soit "politique" ou non...!

A voir, Qui est Essous ?, un documentaire de Denis Landa dans sa série Les artistes inoubliables.
A lire, Jean Serge Essous : Clarinettiste, saxophoniste et chanteur congolais - (1935-2009) de 
Joachim E. Goma-Thethet et François Roger Byhamot (2012).

07 juin 2025

BAUHAUS : She's in parties


Acquis neuf probablement à Paris en 1983
Réf : BEG 91T -- Édité par Beggars Banquet en Angleterre en 1983
Support : 45 tours 30 cm
Titres : She's in parties -/- Here's the dub (Special effects by "Loonatik β Drinks"®) -- Departure

Transporter un vinyl 30 cm à vélo ce n'est pas simple. A une période où je n'avais que ce moyen de transport à ma disposition à Châlons, j'optais généralement pour la solution la plus basique : le sac en plastique de disquaire accroché au guidon. La plupart du temps, je n'ai eu aucun problème et le disque n'a pas souffert, même s'il voletait au vent. Sauf une fois. C'était la nuit, je faisais le trajet entre chez mon père aux Grévières et chez mes grands-parents où j'habitais rue Saint Loup. Une fois remontée la rue des Vieilles Postes, j'ai traversé aux feux l'avenue de Metz et, au moment où je suis passé devant l'ancien bureau de l'octroi (qui abritait à l'époque un coiffeur, il me semble), mon sac de disque s'est pris dans les rayons. J'ai oublié plein de choses, y compris des soirées de concert complètes, mais je me souviens très bien de cet incident !
Le sac ne contenait qu'un disque, ce maxi de Bauhaus. La pochette a souffert, avec un coin arraché plus un trou, mais heureusement le disque est intact. Et c'est tant mieux, car je venais quelques semaines plus tôt d'investir 35 francs dans ce disque neuf, ce qui n'était pas rien dans mon budget d'étudiant. C'est le seul disque de Bauhaus que j'ai acheté à sa sortie.

Le gothique, ce n'est pas vraiment mon truc. Ou alors à la marge, avec Joy Division, le Cure de Faith / Pornography ou le troisième Siouxsie and the Banshees. Mais bon, quand le titre (généralement entendu dans l'émission Feedback de Bernard Lenoir) me plaisait, je n'hésitais pas à investir. J'ai notamment le single Anaconda de Sisters of Mercy, que j'ai souvent pensé chroniquer ici (et rien ne dit que ça ne finira pas par se faire).

Donc, She's in parties me plaisait en 1983 et j'aime toujours autant cette chanson aujourd'hui. Il faut dire que tous les ingrédients sont là pour me plaire : la basse énorme façon Jah Wobble dans la Metal Box de PIL, la guitare acérée typiquement new wave, un truc qui ressemble à du mélodica à la Augustus Pablo, l'influence clairement ressentie de Bowie sur le chant de Peter Murphy... Les paroles additionnent les références à un tournage de cinéma. Apprendre son texte, baiser de cinéma, salle de montage, effets spéciaux... : c'est dans la boîte !
Cette version maxi dure deux minutes de plus que le petit 45 tours, mais en fait je crois qu'il s'agit tout simplement de la version intégrale de l'album. Ce temps rajouté, c'est la partie instrumentale finale, une sorte de cold dub excellent, un peu à la Basement Five.

Autant j'apprécie vraiment la fin instrumentale de la face A, autant je trouve assez décevante Here's the dub, la véritable version dub de She's in parties en face B. Les ingrédients sont les mêmes, mais c'est plus percussif et la mayonnaise ne prend pas aussi bien, à mon goût.

L'autre face B, l'inédit Departure, a été enregistré pour une Peel session. Il y a beaucoup de texte parlé, un peu comme dans The gift du Velvet Underground, ou Love like Anthrax de Gang of Four, mais ce n'est pas du tout du même niveau. Pas étonnant que ce soit resté une expérimentation d'un jour à la BBC.

Ce single est sorti en avril 1983. Il est monté à la 26e place du classement des ventes et le groupe est passé à Top of the Pops. Il est aussi bien sûr parti en tournée, mais a annoncé sa séparation après un ultime concert le 5 juillet, soit dix jours avant la sortie de l'album Burning from the inside. Ils venaient de sortir quatre albums studio en quatre ans, ils étaient peut-être au bout du rouleau...

Depuis, Bauhaus s'est reformé deux fois et a même sorti un cinquième album, mais ça s'est tellement mal fini que ça ne devrait plus se reproduire. Les membres du groupe sont toujours actifs en solo ou avec leurs autres projets (Tones On Tail, Love and Rockets), mais le chanteur Peter Murphy vient juste d'annuler pour raisons de santé la tournée qui devait suivre la sortie de son nouvel album.




Bauhaus, She's in parties, dans l'émission Top of the pops, en 1983.

31 mai 2025

SAM CASTENDET ET SON ORCHESTRE ANTILLAIS : Souvenirs


Acquis sur le vide-grenier de Mareuil sur Ay le 1er mai 2025
Réf : DF 3406 -- Édité par Columbia en France en 1951
Support : 78 tours 25 cm
Titres : Souvenirs -/- Tombé levé

Pour l'instant, je fais très peu de trouvailles cette année sur les vide-greniers. Pour la grande broc de Mareuil, à domicile, les amateurs de capsules de Champagne sont plus à la fête que les chineurs de disques. J'ai quand même acheté deux 33 tours d'Everything But The Girl à 1 € pièce, quelques CD à 50 centimes et puis, la bonne surprise, ce disque qui était en bas d'une petite pile de cinq-six 78 tours.
C'était le seul disque antillais du lot, malheureusement, mais ça m'a fait un coup au cœur de voir écrit Sam Castendet sur l'étiquette, car ça fait quelques années que je connais ce nom et que je recherche un des disques de cet artiste.

Ce disque que j'ai trouvé a deux défauts.
D'abord, il a une petite cassure sur le bord, ce qui fait que le début des chansons n'est pas écoutable. Le propriétaire du stand voulait le jeter quand je lui ai fait la remarque, mais je lui ai dit que je voulais quand même bien payer les 50 centimes qu'il demandait pour ce disque abîmé.
Et puis, ce disque ne contient pas la chanson Martinique 48 qui est celle que je recherche. Je l'ai entendue pour la première fois en 2021 sur une compilation double CD assez quelconque intitulée Souvenirs des Antilles. Je l'ai donc, mais j'aurais bien aimé avoir le 78 tours pour le chroniquer ici.
Voici ce qu'en dit Jean-Pierre Meunier dans le livret de Biguine à La Canne à Sucre : "...la redoutable biguine Martinique 48, composée par Sam Castendet pour exprimer sa déception et son aigreur au retour de son premier voyage en Martinique, vingt-quatre ans après l’avoir quittée. Aucune classe de la société martiniquaise n’est épargnée dans cette satire incroyablement virulente, chantée par l’auteur en personne. Avec le temps, les choses ont forcément changé, il faut du moins l’espérer. Ne voyons donc plus dans ce document qu’un épisode truculent d’une époque révolue. Si l’on se replace dans le contexte d’alors, on peut cependant imaginer le scandale provoqué par cette irrévérencieuse biguine qui ne tarda pas d’ailleurs à être rigoureusement interdite de diffusion à la radio.".

Avant ça, je crois bien que je n'avais jamais entendu parler de Sam Castendet (1906-1993), qui a quand même un parcours impressionnant.
Né à la Martinique, il s'installe en Métropole en 1924. Il débute sa carrière de clarinettiste puis de chef d'orchestre en 1931, en prenant la suite de la grande vedette Stellio à l'Exposition Coloniale. Il travaille ensuite dans de nombreux cabarets, à Paris, en province ou en Suisse. Il est notamment le chef d'orchestre de La Canne à Sucre à Paris de 1946 à 1951. A ce moment là, remarquablement, il est passé en raison de problèmes de santé de la clarinette à la batterie.
La majeure partie de sa discographie a été enregistrée entre 1946 et 1954. Elle a fait l'objet d'une réédition "intégrale 1950" Festival Biguine chez Frémeaux et d'une Intégrale 1951-1954 chez Aztec.
Sam Castendet a arrêté de jouer professionnellement de la musique en 1962.

A défaut de Martinique 48, je suis bien content quand même d'être tombé sur ce 78 tours, même un peu cabossé. On y trouve deux biguines instrumentales.
La face A, Souvenirs, une composition de Sam Castendet, est très bien dans son genre.
Je ne sais pas ce que ça signifie, mais la face B, Tombé levé, est décrite spécifiquement sur l'étiquette comme une "Biguine La Haute". C'est une composition de Maurice Noiran (1914-1978), qui avait pris la succession de Sam Castendet à la clarinette dans son orchestre. C'est mon titre préféré des deux.

25 mai 2025

PIERRE VASSILIU : Le dragon


Acquis à la Bourse aux Disques de Radio Primitive à Reims le 23 mars 2025
Réf : CBS A3947 -- Édité par CBS en France en 1983
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le dragon -/- Fanny

Dans les bacs de la bourse aux disques de Radio Primitive, je n'ai pas seulement racheté des disques que j'y avais mis en vente il y a plus de trente ans, comme celui de The Call, mais j'ai aussi pris celui-ci, qui a intégré la discothèque de la radio avant 1986, quand la station s'appelait encore Reims Radio FM. A l'époque, la radio n'avait justement pas de discothèque. Les labels ne nous envoyaient quasiment pas de disques promo et chacun venait faire ses émissions avec ses propres disques. L'embryon de la discothèque commune s'est formé quand Luc R., l'un des premiers piliers de l'association, lui a fait don d'une bonne partie de sa collection personnelle, avec principalement je crois du folk ou de la chanson française, dont on a un exemple ici.

Cela fait un moment que je pense à chroniquer un disque de Pierre Vassiliu. Pour l'heure on n'a parlé de lui ici qu'à l'occasion d'un disque promotionnel où il présentait deux extraits de La foire aux boudins et Le Maçon de Macon.
Ayant grandi dans les années 1970, je ne connaissais de lui que son très grand succès, Qui c'est celui-là ?. Même si les deux n'ont pas de lien direct et plusieurs années d'écart, j'ai toujours associé ce tube à celui d'un chanteur d'un style proche qui a lui aussi eu un seul gros tube, Louis Chédid et son T'as beau pas être beau.
Ce n'est qu'assez récemment, à force d'acheter régulièrement les disques quand je tombe dessus, que je suis devenu familier avec la discographie des années 1960 de Pierre Vassiliu. Et avant de mettre ce 45 tours des années 1980 sur la platine, sans en attendre grand chose, j'imaginais plutôt chroniquer Ivanhoé, A marée haute (La Marne) (pour des raisons évidentes de proximité), Armand, Et ta sœur ou Les défilés.
J'ai été surpris de découvrir au passage que Geoff Leigh d'Henry Cow avait collaboré et tourné avec Vassiliu vers 1979-1981. Je l'associais plus aux Musiques de Traverses qu'à la chanson...

Les deux titres de ce 45 tours sont extraits de l'album Roulé... Boulé. C'était un moment un peu particulier pour Vassiliu car il avait été viré par son précédent label RCA et venait de signer chez CBS.
La pochette est la même que pour l'album. C'est quelque chose, cette photo ! Je ne sais pas qui est le chien rock star mais, comme Pierre est accompagné de son épouse Laura, je ne serais pas surpris que ce soit tout simplement un cliché pris le jour de leur mariage !

Je n'en suis pas certain, mais il me semble que Le dragon a quelque chose dans le rythme des musiques des îles. C'est en tout cas une chanson entraînante avec des gimmicks amusants et un refrain qui fait le job puisqu'il est entêtant.
Le dragon dont il est question, c'est l'information. Ce qui m'a surpris dans ces paroles de 1983, c'est leur actualité. Pas d'internet ni de réseaux sociaux à l'époque, mais la presse à sensation c'est vieux comme la presse et ces extraits des paroles n'ont pas pris une ride :

Attention voici le dragon de l'information qui arrive
Porté par les esclaves colporteurs de faux bruits
Il crache les mauvaises nouvelles avec une délectation profonde
Et peut vous faire avaler n'importe quelle salade (...)

Chaque, chaque, chaque jour des nouvelles
Chaque, chaque, chaque jour dans la poubelle
Chaque, chaque, chaque jour des bêtises
Chaque, chaque, chaque jour on s'enlise (...)

Nos journalistes sont sur place
De façon a bien vous miner le moral
Et rappelez-vous que
Si la liberté d'expression n'est toujours pas autorisée
Le mensonge est toléré


La face B, Fanny, une chanson lente, est moins intéressante pour moi. Sur un ton qui rappelle presque Souchon, il raconte l'histoire somme toute malheureusement classique d'une femme que son mec a mise sur le trottoir.

Ni Le dragon ni Roulé... Boulé n'ont été de grands succès et la collaboration avec CBS s'est arrêté là. Côté show business, la décision de s'installer au Sénégal pendant plusieurs années n'a pas dû aider la carrière de Pierre Vassiliu. Dans les années 1980, il a publié isolément chez les majors Philips et Polydor, et un album chez l'indépendant Yaba Music. Il est mort en 2014 à 76 ans.

18 mai 2025

RICK DEES AND HIS CAST OF IDIOTS : Disco duck


Acquis chez Depostorage à Couvin le 4 mars 2025
Réf : 2090 204 -- Édité par RSO en Belgique en 1976
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Disco-duck (Part 1) -/- Disco-duck (Part 2) (Instrumental)

Il faut bien admettre que, question achat de disques, je ne suis pas quelqu'un de difficile. On me propose un "canard disco" ? C'est comme avec le "poulet fou", je suis tout de suite intéressé. On rajoute à ça une "bande d'idiots" qui accompagne la vedette ? Non seulement, je prépare mon euro pour acquérir le disque, mais je le garde précieusement et je montre les dents si quelqu'un l'approche pendant que j'examine le reste du stock de cet antiquaire-brocanteur.
Depostorage est situé à Couvin, pas loin de la frontière française, mais en Belgique. Ce qui explique sûrement pourquoi c'est sur un pressage belge du disque que je suis tombé.

Il n'y a pas qu'en Belgique que le label a choisi, assez logiquement, d'illustrer la pochette avec un canard : c'est pareil en Allemagne, aux Pays-Bas, au Japon, en Turquie... Mais pas en France, où la pochette est moche et purement utilitaire. On y apprend que c'est la "version originale" (c'est vrai), que le disque a été n°1 aux États-Unis (c'est vrai aussi, pendant une semaine) et qu'il sert d'indicatif du Hit Parade RTL présenté par André Torrent. Ce qui contredit mes souvenirs : j'aurais dit que je ne connaissais absolument pas ce Disco duck, mais j'ai donc dû en entendre régulièrement au moins quelques notes à la radio puisque le Hit Parade était une émission que j'écoutais à cette époque.

A l'origine, Rick Dees est surtout un animateur radio. Alors qu'il animait des émissions à Memphis, il a écrit et enregistré Disco duck, une chanson parodiant gentiment le genre, où le héros en boite de nuit ne peut s'empêcher de danser à l'écoute de la chanson, puis il se met à battre des bras et à cancaner et se transforme en canard disco. On a donc affaire ici à une forme particulière de la danse des canards !

C'est vraiment un disque complètement associé à Memphis. Il a été enregistré aux studios Shoe et Ardent, avec à la production et aux arrangements des musiciens de session du coin, Bobby Manuel, Lester Snell et Mark Blumberg.
L'édition originale du disque a été sortie par une légende locale, Estelle Axton, co-fondatrice de Stax, sur son nouveau label Fretone. Le contrat a ensuite été repris par RSO, qui a pu assurer une distribution nationale et internationale et transformer cet essai en tube vendu à millions.

Pour Disco duck, Dees se serait inspiré d'un titre de Jackie Lee de 1965, The duck. Certes, il s'agit de deux chansons qui parlent de danse et de canard, mais musicalement je n'entends pas de lien direct.
En tout cas, la rythmique de Disco duck est souple, les arrangements de qualité, mais ce qui fait le succès du titre, c'est bien la voix de canard de Ken Pruitt et les chœurs. C'est pourquoi, la part 2 instrumentale en face B, sans ces ingrédients, intéressera surtout les vrais fans de disco.

Le grand projet de RSO dans ces années-là, c'est le film Saturday night fever. Dans le film, on entend quelques notes de Disco duck dans une scène où des étudiants apprennent le disco. Une scène entière a été tournée, où John Travolta fait le canard, mais elle a été coupée au montage. Peut-être parce que le manager de Dees avait refusé d'inclure la chanson dans l'album de la bande originale du film, pour ne pas parasiter les ventes du 45 tours. Un mauvais calcul, puisque la BO du film est l'un des albums les plus vendus au monde.

Rick Dees n'a plus vraiment donné dans le disque par la suite, mais il reste un animateur radio très populaire.


Rick Dees, Disco duck, en direct dans l'émission Midnight special. Une bonne version, plus rapide que celle du disque.






Rick Dees, Disco duck, dans l'émission Solid gold, avec une introduction par un jeune auteur-compositeur-interprète plein de talent.

09 mai 2025

JEFFERSON AIRPLANE : White rabbit


Acquis sur le vide-grenier de Mardeuil le 27 avril 2025
Réf : 45.617 -- Édité par RCA en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : White rabbit -/- Somebody to love

La semaine précédente, quelqu'un avait fait circuler la pochette de la réédition de 1971 de ce 45 tours, liée à la publication du livre L'Herbe bleue (Go ask Alice), et je m'étais dit que c'était quand même un excellent disque, puisqu'on y trouve les deux plus grands tubes de Jefferson Airplane, qui se trouvent être mes deux chansons préférées du groupe (dont j'ai dû écouter deux ou trois albums et un best-of).

Quand je suis tombé  sur ce disque l'autre dimanche, j'étais donc bien sûr de le chroniquer en cas d'achat, mais j'ai hésité un moment à investir 2 € dans ce 45 tours original français de 1967 car il lui manque sa pochette originale. Je me suis vite traité d'imbécile et j'ai conclu l'achat pour deux très bonnes raisons. 1°) Il m'est revenu que, de toute façon il était rare que les 45 tours français deux titres de cette époque aient une pochette illustrée. Et effectivement, celui-ci avait une pochette générique RCA. J'aurais bien aimé l'avoir, mais je m'en passerai, d'autant que 2°) un ancien propriétaire du disque a, en découpant la couverture d'un cahier de travaux pratiques Sciences & Cartographie, fait un superbe travail pour se fabriquer une pochette maison, avec des illustrations trouvées dans des magazines. Le verso est particulièrement réussi et tout à fait de son époque. On a là un très bel exemple ce que Patrice Caillet appelle le discographisme récréatif.
Il existe bien un EP français avec une pochette illustrée, mais bon, je ne compte pas trop tomber dessus prochainement à 2 € dans un vide-grenier...

Il y a une autre chose qui m'intéresse particulièrement dans ce disque, c'est l'histoire de ces deux chansons, que j'ai découverte il y a quelques temps en lisant Mojo ou Uncut.
En effet, elles ont toutes les deux été enregistrées le même jour, le 3 novembre 1966, pendant les sessions du deuxième album, Surrealistic pillow, mais elles n'étaient pas nouvelles. Grace Slick, qui venait d'intégrer le groupe, les a amenées avec elle. Quelques semaines plus tôt, elle les chantait encore avec son précédent groupe, The Great Society, dans lequel jouaient notamment son mari Jerry et son beau-frère Darby Slick.
En février 1966, Someone to love était sorti en 45 tours et, par la suite, un album a été édité sur lequel on trouve une version live de White rabbit enregistrée en 1966.
Sur les deux faces de mon 45 tours, les chansons sont créditées "G. Slick", mais c'est une erreur : White rabbit est bien de Grace, mais c'est Darby l'auteur de Somebody to love. Je suppose que ça lui assure une bonne rente depuis 1967...!
Il est ironique en tout cas que les deux plus grands succès de l'Airplane, sortis en single en février et en juin 1967 et montés à la cinquième et à la huitième place du classement des ventes, soient en fait des reprises de The Great Society.

Ce qui est surprenant avec White rabbit, c'est que la chanson est courte (2'30 à peine), mais que c'est tout sauf une pop song avec couplets, refrain et mélodie qui reste en tête. Au contraire, sur un rythme de boléro, elle est toute en tension, qui monte, qui monte et qui ne se libère que dans les trente dernières secondes. Grace Slick insiste sur le fait que le sujet de la chanson, qui contient de nombreuses références à Alice au pays des merveilles, n'est pas la drogue, mais elle a quand même été écrite à la fin d'un trip au LSD, et Grace pointe le fait que les drogues sont présentes en sous-texte dans de nombreux classiques de la littérature jeunesse.

Somebody to love, pour le coup, est une grande excellente chanson. La version de Jefferson Airplane transforme la chanson originale un peu pataude en un grand moment de rock and roll.

Ce disque fait partie de ceux qui ont annoncé le fameux Été de l'Amour hippie de 1967. Il est aussi innovateur parce que c'est peut-être bien la première fois, avant Big Brother and the Holding Company, qu'un groupe de rock avec une chanteuse qui compose certains des titres rencontre un très grand succès.


Jefferson Airplane, White rabbit et Somebody to love, dans l'émission American Bandstand à la veille de l’Été de l'amour, le 3 juin 1967.


Jefferson Airplane, White rabbit, dans l'émission The Smothers Brothers Comedy Hour.


Jefferson Airplane, White rabbit.


Jefferson Airplane, Somebody to love, en concert au Monterey International Pop Music Festival le 17 juin 1967.


Jefferson Airplane, Somebody to love, en direct à la télévision en 1969 dans l'émission Dick Cavett Show, avec David Crosby en invité au second tambourin et aux chœurs.


Jefferson Airplane, Somebody to love et White rabbit, en concert au Woodstock Music and Art Fair le 16 août 1969.