25 février 2023

MARC GAUVIN : Maline Cloé


Acquis chez Parallèles à Paris le 5 janvier 2023
Réf : PR 01304 -- Édité par East West en France en 1999 -- Promotion seulement - Interdit à la vente
Support : CD 12 cm
13 titres

Ce disque soldé à 1 € était posé à l'avant d'un rayon de vinyls chez Parallèles. Il s'agit pourtant d'un CD, mais c'est surtout un objet promo assez particulier. En effet, la pochette a  presque la taille d'un disque 25 cm. A l'intérieur, on trouve une feuille cartonnée de 4 mm d'épaisseur, avec un insert imprimé collé sur les deux faces. Et sur une de ces deux faces, il y a en plus un carton découpé au centre à la taille d'un CD, ce qui permet de fixer le CD sur son téton en plastique sans qu'il dépasse.
Ce modèle déposé d'emballage s'appelle apparemment un Glorypack. Je parierais bien qu'il avait été développé par l'imprimerie Glory à Asnières qui a imprimé des millions de pochettes de disques jusqu'en 2001 et qui faisait aussi dans l'emballage de luxe. C'est bien dommage que ce procédé ne se soit pas développé à grande échelle, un peu comme le CD dans une pochette à la taille d'un 45 tours, sinon on ne se retrouverait pas aujourd'hui avec un marché insensé pour le disque vinyl et sa pochette (selon une enquête, la moitié des acheteurs de vinyl aux États-Unis en 2022 n'avaient pas de tourne-disque...!).
En tout cas, je ne pouvais pas laisser passer ce disque, qui aurait eu une place de choix dans Vente interdite si j'étais tombé dessus plus tôt.

Je connais Marc Gauvin depuis que j'ai entendu La balançoire sur la compilation Un hiver 98 des Inrockuptibles. C'est lui, français installé à Bristol, qui chante sur ce titre d'Invisible Pair of Hands, un groupe qui comprenait notamment dans ses rangs Jesse D. Vernon de Morning Star et Jim Barr, le bassiste de Portishead. En la réécoutant aujourd'hui, je trouve que cette chanson sonne comme un Miossec à la sauce trip hop (les deux étant bretons, même si ça n'a rien à voir).

C'est la même équipe que l'on retrouve en 1999 pour ce premier album de Marc Gauvin, Maline Cloé (un anagramme de "Mélancolie", je ne l'ai pas trouvé tout seul). Parmi les participants, il y  aussi Tammy Payne de Smith and Mighty et même une vieille connaissance, Ted Milton de Blurt au saxophone (on l'entend notamment sur Les ukulélés).

Sur les dix premiers titres, l'ambiance musicale est très proche de celle d'Invisible Pair of Hands. Toutes les paroles sont en français. Le chant parlé et la diction de Marc Gauvin rappellent souvent Gainsbourg, comme sur La belle et le bête ou Maline Cloé. Mes titres préférés de cette partie de l'album sont Le dernier ferry et Sticky coffee pudding.

L'ambiance change pour les trois derniers titres, tous co-signés avec un certain Tony Shipp, qui assure aussi la programmation musicale. L'ambiance devient plus techno/dance, et même jungle avec la participation vocale d'MC Frank Soumaïla sur Mais où sont mes oursons ?. J'sais pas quoi faire et La baballe sont très bien aussi.

Cet album de très bonne tenue n'a sûrement pas obtenu le succès escompté par la maison de disques, qui lui a donné une deuxième chance avec une nouvelle édition en 2000. Nouvelle pochette pour l'occasion, et aussi une liste des titres modifiée : les trois titres avec Tony Shipp ont été effacés, dommage, ainsi que Ripa, pourtant intéressant. Pour les remplacer, on trouve un remix de Sticky coffee pudding (Je suppose qu'il s'agit de la version chantée en anglais pour laquelle une vidéo a été tournée; la version de l'album original est en français), La balançoire qui fait son retour,  ainsi que deux nouveaux titres, Belphégor et L'humeur vagabonde. Cette nouvelle édition n'a pas dû faire plus de vagues que la première...

Marc Gauvin a sorti son sixième album, Le cirque I love you, en 2017. Pas de nouvelles discographiques depuis, mais en 2020 il animait des ateliers pop à Locmiquélic.

A écouter :
Marc Gauvin : Où sont mes oursons ?
Marc Gauvin : Ripa



Marc Gauvin, Sticky coffee pudding, version chantée en anglais et sûrement remixée. La version sur l'album original de 1999 est en français.


Marc Gauvin, Le dernier ferry, en concert. Deux autres extraits de ce concert sont disponibles sur la chaîne YouTube de Marc Gauvin.



18 février 2023

JIMMY CLIFF : Many rivers to cross


Acquis chez Emmaüs à Reims le 29 août 2014
Réf : 6837 827 -- Édité par Island en France en 1982 -- Disque hors-commerce - Vente interdite
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Many rivers to cross -/- The harder they come

Pendant longtemps, je n'ai eu aucun disque de Jimmy Cliff. Puis je me suis mis à acheter ses 45 tours quand je tombais dessus et j'en ai une bonne poignée maintenant.
Celui-ci est particulier parce que c'est un hors commerce, diffusé en 1982 uniquement parce que Many rivers to cross a servi d'illustration musicale pour une publicité d'un parfum de la marque Eau Jeune :


La publicité pour Eau Jeune avec Many rivers to cross en illustration musicale. Elle est bien de 1982, comme indiqué à l'INA, pas de 1975, date de la sortie originale du 45 tours français.

Il y eu en parallèle une édition commerciale du 45 tours, avec le visuel de la pub qui laisse un peu de place pour une photo de l'artiste :


La pochette de l'édition commerciale du disque.

Je ne me suis jamais trop intéressé aux parfums, mais j'ai l'impression que des flacons d'Eau Jeune, les rayons en étaient pleins à l'époque. De même que l'univers graphique des jeunes filles à la David Hamilton était omniprésent, avec des cartes postales ou des posters en vente partout, de la maison de la presse à l'hypermarché.
La pub pour Fleur à fleur reprend tous les codes d'Hamilton et, à moins que ce soit lui le réalisateur, il aurait eu matière à crier au plagiat.

Ce 45 tours couplant Many rivers to cross et The harder they come est sorti en France à l'origine en 1975, mais les deux titres sont plus anciens. Comme il est indiqué sur le disque, ils sont extraits de l'album n° 6641 355, qui se trouve être un double Best of qui a eu un très grand succès. A l'époque, quand mes potes avaient un album de Jimmy Cliff, c'était celui-là, et c'est là qu'ils allaient piocher Many rivers to cross pour les séquences slow dans nos fêtes.

Many rivers to cross est sortie à l'origine en 1969. Avec No woman no cry de Bob Marley, c'est sûrement l'une des plus belles ballades jamaïcaines. Quant on écoute la version en public de 1976 ci-dessous, on se dit que c'est tout simplement une grande chanson soul.
Je ne m'étais jamais penché sur les paroles. Il s'avère que le "cours d'eau" qui les a inspirées n'est ni un fleuve ni une rivière, mais la Manche. A l'époque, après avoir connu le succès très jeune en Jamaïque, Cliff galérait pas mal en Angleterre et était souvent amené à fréquenter la Manche et les blanches falaises de Douvres pour aller courir le cachet en France ou en Allemagne. La chanson a tout de suite pas mal voyagé puisqu'elle a été enregistrée à New York à la fin des sessions de son deuxième album.

The harder they come est bien sûr l'excellente chanson-titre du film de 1972 dont Jimmy Cliff tient le rôle principal. Une des séquences du film montre son personnage Ivan en train de l'enregistrer.
Je n'ai vraiment connu cette chanson qu'en 1980, quand j'ai acheté le 45 tours du Joe Jackson Band où elle est reprise en face A. L'année précédente, Paul Simonon de The Clash avait fait explicitement référence à Ivan et The harder they come dans les paroles de Guns of Brixton. Et on peut noter au passage que, en retour, Jimmy Cliff a repris Guns of Brixton en 2012 sur son album Rebirth.

On a là deux des plus grands succès de Jimmy Cliff, mais ce sont loin d'être les seuls de son très beau parcours, de Miss Jamaica en 1962 à Human touch l'an dernier.


Jimmy Cliff, The harder they come, extrait du film du même titre. Le film complet est ici.


Jimmy Cliff interprète Many rivers to cross, probablement en 1969 car il l'annonce comme figurant sur son prochain album.


Jimmy Cliff interprète Many rivers to cross en 1976.

11 février 2023

YANKEE HORSE : Vénus


Acquis chez Damien R. à Avenay Val d'Or le 22 novembre 2022
Réf : 640 001 -- Édité par Young Blood en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Vénus -/- Who needs love

Dans la pile de disques que vendait Damien, outre le Souchon, je ne pouvais pas laisser passer celui-là. Il nous donne l'occasion de revenir une fois de plus sur l'histoire du tube Venus.



La première version, un succès énorme, a été enregistrée en anglais par des hollandais, c'est Venus de Shocking Blue, publiée en juillet 1969.
On sait désormais que cette première version n'est pas complètement "originale" puisque, outre le riff d'intro qui rappelle Pinball wizard de The Who, l'ensemble de la chanson s'inspire très largement de The Banjo Song, un titre publié en 1963 par The Big Three, un groupe qui comprenait notamment Mama Cass et Tim Rose, et une chanson qui est elle-même une version d'une chanson du 19e siècle, Oh ! Susanna de Stephen Foster (oui, je sais, faut suivre...!).



Il y a quelques années, j'ai déjà eu l'occasion de chroniquer le disque ci-dessus, Venus de The Blocking Shoes, un très bel exemple de parasitage commercial, avec "Venus" en gros, la statue de la Vénus de Milo, et surtout un inventif nom de groupe contrepétant Shocking Blue !

Le disque qui nous intéresse aujourd'hui est exactement dans la même veine et c'est un nouvel exemple très réussi de sortie de disque dont la seule justification est de piéger le gogo et de capter une partie des ventes d'une chanson à succès.

Comme souvent, puisque c'est ce qui attire l’œil chez le disquaire, la contrefaçon commence par la pochette.
Ici, nous avons un fond bleu, comme pour le disque de Shocking Blue, "Vénus" écrit en bien gros et bien lisible, et une statue d'une figure féminine debout positionnée sur le côté gauche de la pochette.
Mais là, il y a une petite originalité : la statue n'est pas la Vénus de Milo, comme pour Shocking Blue et The Blocking Shoes, mais la déesse Niké, avec la statue connue comme la Victoire de Samothrace, conservée au Musée du Louvre.
La pochette porte également la mention "Version originale anglaise". Cela n'a aucun sens et là encore le seul but est de tromper le client. La seule version originale est en anglais par des hollandais. Ici, on a peut-être affaire à la première reprise de la chanson par un groupe anglais (rien n'est moins sûr, évidemment), mais certainement pas à une version "originale".

D'ailleurs, si on s'intéresse au disque lui-même, on n'est pas surpris que la version de Vénus par Yankee Horse soit une copie très proche de la version de Shocking Blue, puisque c'est là tout le but de l'exercice !
Notons que cette version étant chantée par un homme, les paroles du refrain subissent une très légère modification ("I'm yours Venus" au lieu de "I'm your Venus").
Je trouve que ce qui fait l'intérêt de cette version, c'est l'orgue qui est un peu plus en avant et les congas, qui donnent à l'ensemble un son un peu garage.

En face B, Who needs love est une création pour le coup. Avec son rythme, le chant et ses chœurs, je lui trouve une forte influence Bo Diddley, en version pop.
C'est le crédit "D. Stephenson" de cette face B qui m'a permis d'identifier le groupe qui se cache derrière l'intitulé assez incongru Yankee Horse. Il s'agit de Dave Stephenson, qui était à l'époque membre de The Perishers.
La biographie de The Perishers chez 45cat donne des détails sur les circonstances de l'enregistrement de cette reprise de Venus : elle a été enregistrée alors que leur bassiste en titre était parti faire carrière aux États-Unis. A son retour, quand il a retrouvé ses collègues de The Perishers qui s'étaient séparés entre-temps, ils ont fondé Worth.

Le filon n'est peut-être pas inépuisable, mais on ne sait jamais : rendez-vous ici dès que je trouve une autre reprise opportuniste de Venus !

04 février 2023

OH, NO ! IT'S DIVA : Oh, no ! It's Diva


Acquis par correspondance via Bandcamp en janvier 2023
Réf : [sans] -- Édité par Oh, no ! It's Diva en France en 2022
Support : Cassette
10 titres

C'est par une chronique de Paskal Larsen que j'ai découvert l'existence de ce groupe parisien, Oh No !, It's Diva. J'ai tout de suite été intéressé : après tout, le répertoire de ce trio est uniquement constitué de reprises de Devo, un groupe dont je suis fan depuis 1978.

Après une écoute rapide, j'ai eu envie de soutenir le groupe et de le chroniquer ici. J'aurais pu me contenter de l'album numérique, mais comme une sortie physique existait, je me suis fait violence et j'ai commandé cette cassette. Violence parce que, plus le temps passe et plus je pense que c'est une aberration de continuer à produire des vinyls. Mais pour ce qui est des cassettes, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ce n'est pas une simple aberration, c'est une aberration au carré ! En 2023, je dis "Vive le CD !".

Au fil de toutes ces années, on n'a pas manqué de projets qui ont gravité dans l'orbite Devo.
Il y a eu dès 1979 la compilation Devotees de reprises par des auditeurs de KROQ-FM, dont les Bakersfield Boogie Boys.
Dans les années 1980, même si je ne l'ai découvert que des années plus tard, il y a eu les versions instrumentales E-Z listening de titres de Devo par Devo et les premières parties de leurs concerts en tant que Dove (The Band of Love).
En 1990, on a eu droit à Visiting Kids, projet artistique et familial impliquant épouse, enfants et membres de Devo.
Et en 2010, presque le plus incroyable, est sorti l'unique album de DEV2.0, groupe pré-fabriqué d'adolescents recrutés pour réenregistrer le répertoire de Devo et le faire connaître à la jeune génération, le tout dans le cadre d'un projet de Disney !

C'est peut-être de DEV2.0 qu'Oh, No ! It's Diva est le plus proche, sauf que dans l'esprit on est complètement à l'opposé. DEV2.0 c'était les membres de Devo avec la grosse machine Disney qui ont monté un gros projet professionnel de bout en bout, avec un gros budget. Oh, No ! It's Diva ce sont trois fans (Victoria Arfi, Marie Filliette, Margot Oger), dont on ne serait pas surpris d'apprendre qu'elles ont découvert le groupe dans la discothèque de leurs parents, qui décident de rendre hommage à Devo en ne craignant pas de verser si besoin dans le sabotage.
Les dix chansons sont des reprises, mais les titres ont été modifiés, peut-être bien pour se libérer des règles de Bandcamp à ce sujet. Les paroles aussi sont parfois différentes.
Je m'attendais à une production plutôt synthétique, mais non, on a droit à des versions brutes rock/électriques des chansons, un aspect qui était effectivement présent dans les premières années de Devo, mais qui a disparu assez vite par la suite.
L'ensemble passe très bien, d'autant qu'il s'agit de chansons que je connais et apprécie beaucoup. Mes deux titres préférés sont Gates (Gates of steel de Freedom of Choice) et She was really messed up (Big mess de Oh, No ! It's Devo).
J'aime aussi beaucoup Tête de bloc, mais avec un titre pareil je m'attendais à une adaptation de Blockhead en français, comme Non! l'avait fait avec The day my baby gave me a surprise), mais malheureusement ce n'est pas le cas.

J'imagine qu'Oh, No ! It's Diva est un projet ponctuel. Je vois mal ses membres aligner pendant des années des reprises de Devo (on les retrouve déjà dans d'autres groupes, Cheap Riot et Mary Bell), mais pour l'heure elles soutiennent la sortie de leur album et sont annoncées en concert à Bordeaux le 12 mars.