26 décembre 2021

SUSAN CADOGAN : Hurt so good


Acquis à la Bourse BD Disques d'Hautvillers le 7 novembre 2021
Réf : 2 C 004-96655 -- Édité par Columbia en France en 1975
Support : 45 tours 17 cm
Titres : SUSAN CADOGAN : Hurt so good -/- THE UPSETTERS : Hurt so good (Version instrumentale)

Je comptais dédier cette chronique à Lee Perry, qui est mort cet été à 85 ans. Malheureusement, elle sera aussi en hommage à l'ami Fedakar, qui est mort soudainement il y a quelques jours à 52 ans. Grand fan de reggae et de bidouillages à partir d'échantillons sonores, il a publié de nombreux titres sous son pseudonyme Gamover. Il avait réalisé la musique de deux excellentes chansons, Je reste club avec M. Untel et L'alerte au gros rouge avec L'Incohérent, sur la compilation Vivonzeureux Excusez-moi, je me suis occupé un peu de tout. C'est lui aussi qui avait numérisé les 45 tours rares de la compilation Condé-sur-Kingston.

J'ai acheté ce disque à la bourse d'Hautvillers, le même jour que celui de Revoluzion mais à un autre stand. C'était dans l'une des boites de 45 tours à 1 € qu'un pote vendait. J'y ai pioché une poignée de disques, mais celui-ci était de loin le plus intéressant : ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur un 45 tours avec disque et pochette en parfait état, produit en 1975 par Lee Perry, enregistré dans son studio Black Ark et édité à l'origine en Jamaïque sur son label Perries Records !

It hurts so good est une chanson de rhythm and blues écrite par Philip Mitchell, un slow de fait.
La version originale a été publiée par Katie Love and the Four Shades of Black ‎en 1971. Elle n'a pas fait beaucoup de vagues. Par contre, la reprise par Millie Jackson en 1973 a eu du succès et c'est sûrement cette version qui a donné l'idée à Perry d'en produire une interprétation reggae au titre raccourci, Hurt so good, en faisant appel à une jeune chanteuse, Susan Cadogan, avec qui il avait déjà enregistré un premier single, Love of my life.

Ce qui est certain malheureusement, c'est que Hurt so good ne fait pas partie des productions révolutionnaires de Lee Perry. Pas de corne de brume ici, ni de rugissements de lion ou autre bruitage. Par contre, l'ensemble est d'excellente qualité et on est débarrassé des cordes des précédentes versions.
Il n'y a aucun crédit sur le disque, mais selon les informations éparses qu'on peut trouver il semble que la colonne vertébrale des Upsetters à cette époque était constituée du groupe The Boris Gardiner Happening, augmenté des cuivres de Zap Pow.
Et Susan Cadogan n'est pas seule au chant. Des chœurs d'excellente qualité, mixés un peu trop en retrait, la soutiennent. C'est sur la rondelle de l'édition originale jamaïcaine qu'on apprend que ce sont The Diamonds qui l'accompagnent, plus connus sous le nom de The Mighty Diamonds.
Principal défaut de la chanson, ses paroles un peu nazes qu'on préférerait ne pas comprendre du tout ("Ce n'est pas bon tant que ça ne fait pas un peu mal"...).

La face B instrumentale est créditée à The Upsetters. Dans la plupart des éditions, mais pas ici, elle a droit à son propre titre, Loving is good. Les cuivres y ont la part belle et c'est excellent.

Ce 45 tours n'a pas eu un grand succès en Jamaïque. Le label Dip l'a sorti an Angleterre et ça c'est mieux vendu, au point qu'une plus grosse maison de disques, Magnet, l'a réédité, avec un gros succès à la clé (n°5 du hit parade et passage à Top of the Pops) et des sorties un peu partout dans le monde.

Suite à ce succès en Angleterre, Susan Cadogan s'est installée à Londres pendant un temps. Mais les disques suivants n'ont pas eu le même succès et, au bout d'un moment, elle a repris son travail de bibliothécaire en université (métier tout à fait respectable !), tout en continuant régulièrement à sortir des disques.
Elle restera éternellement associée à Hurt so good, chanson qu'elle a régulièrement réenregistrée. Il y a notamment une bonne version avec U Roy de 1992 environ pour le label de Mad Professor Ariwa. Et sur le dernier album en date de Susan Cadogan, Storybook revisited, sorti en 2020, on trouve aussi une nouvelle et bonne version de Hurt so good.


Susan Cadogan, Hurt so good, en 1975 dans l'émission de la BBC Top of the Pops.

19 décembre 2021

JOSEPH ARTHUR : In the sun


Acquis par correspondance via Discogs en décembre 2021
Réf : RWSCDJF 12 -- Édité par Real World/Virgin en Europe en 2000 -- For promotional use only - Not for sale
Support : CD 12 cm
Titres : In the sun (edit) -- In the sun (Album version)

J'ai eu récemment l'envie de réécouter cette chanson In the sun de Joseph Arthur et il s'est avéré qu'elle me plaît toujours autant qu'au moment de sa sortie il y a plus de vingt ans.
A l'époque, c'est par la compilation des Inrockuptibles Objectif 2000 tome 2 que je l'avais découverte (un très bon cru, avec aussi Day One, Asian Dub Foundation, Broadcast, Shivaree, Elliott Smith,...).
Le 16 novembre 2002, à la Soundstation de Liège, j'ai eu l'occasion d'entendre Joseph Arthur chanter en concert cette chanson, avec sa belle mélodie, très accrocheuse. Je n'ai qu'à penser au début de la chanson ("I picture you in the sun..."), sans même l'écouter, et je l'ai en tête toute la journée ! Les paroles sont intéressantes et, comme souvent pour les bonnes chansons, il n'y pas d'interprétation évidente.
Il y avait deux faces B inédites dans la version du commerce de ce single, dont la pochette doit être illustrée par Joseph Arthur lui-même. Pour ce CD promo, il n'y a que la version album et la version single et vidéo, réalisée par Attack Hamster, alias Norman Cook, alias Fatboy Slim. Il a réduit la chanson originale d'une minute et demie, mais sinon ses interventions sur le son, s'il y en a, sont discrètes. La version album est co-produite par T Bone Burnett et mixée par Tchad Blake.

Je ne le savais pas avant de préparer cette chronique, mais In the sun est une chanson qui a une longue histoire. Joseph Arthur a dû la composer vers le milieu des années 1990, plusieurs années donc avant la parution en 2000 sur son deuxième album Come to where I'm from. On trouve en bonus de la réédition numérique des vingt ans de l'album une "Early version" de 1999, pas si différente que ça de la version album.
Mais la première version publiée de la chanson n'est pas celle de son créateur, c'est celle... du patron de sa maison de disques ! Bon, il se trouve que le patron de Real World est un certain Peter Gabriel ! Arthur a donc autorisé Gabriel à publier sa propre version dès 1997, et pour le coup l'arrangement est assez différent, et moins pop, que celui de Joseph. Cette première version parue l'a été sur un disque très particulier, un double album compilation en hommage à... la princesse Diana !! La chanson de Joseph Arthur s'y est donc retrouvée en sandwich entre Rod Stewart et Enya, à côté de titres par Queen, Paul McCartney, Bruce Springsteen, Aretha Franklin, Céline Dion... Ce disque a dû se vendre par millions, mais ses bénéfices étaient destinés à une œuvre de charité, ça n'a donc pas dû faire la fortune de Joseph Arthur.
En 2005, pour une autre œuvre de charité à la suite de l'ouragan Katrina, c'est Michael Stipe qui s'est associé à Coldplay pour enregistrer In the sun. Et c'est bizarre, mais avec ce chanteur, la chanson se met soudain à sonner un peu comme du R.E.M., en particulier dans cette version en concert.

Pour ma part, quand j'ai réécouté la version d'In the sun par Joseph Arthur avec quelques années de recul, c'est à un autre grand groupe des années 1990 que j'ai pensé, Nirvana. Je n'avais pas de chanson particulière en tête, si ce n'est bien sûr un de leurs titres doux et lents. En cherchant un peu, j'ai décidé que c'était à All apologies que je pensais le plus, que ce soit la version In utero ou celle de MTV Unplugged. Et ça c'était avant que je découvre que Kurt Cobain chante "In the sun" dans le refrain !

Le dernier album en date de Joseph Arthur, Come back world, est sorti en 2019.




Joseph Arthur, In the sun, au festival de Glastonbury en Angleterre en 2000.

12 décembre 2021

FANFARE DE QUEVAUCAMPS : Discompany


Acquis chez SOS Équidés à Floing le 2 octobre 2021
Réf : VB. 593 -- Édité par Vogue/RKM en Belgique en 1979
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Discompany (YMCA - Ring my bell - Rivers of Babylon) -/- Discoparade

Dans l'ancienne écurie ardennaise, en plus des 45 tours japonais, j'ai trouvé cet automne ce disque belge. J'ai vu tout de suite qu'il cochait toutes les bonnes cases :
  • Un disque d'une fanfare... qui joue du disco !
  • Un dessin de pochette en référence à Saturday night fever
  • Un 45 tours en vinyl coloré d'un orange vibrant
  • Une production de Marc Moulin de Telex
  • Une publication RKM, le label notamment de Plastic Bertrand
Bon, je dois dire tout de suite que j'ai été un petit peu déçu à l'écoute. Que ce soit le medley Discompany de la face A, qui enchaîne des versions de YMCA de Village People, Ring my bell d'Anita Ward et Rivers of Babylon dans sa version Boney M, ou la face B originale Discoparade, la fusion disco-fanfare n'est pas suffisamment marquée. Le côté disco n'est pas assez prononcé, le souffle de la fanfare est timoré sur cet enregistrement et ne claque pas dans les oreilles, et Marc Moulin n'en a pas profité pour utiliser certains des gadgets électroniques de Telex.
Bon, je suis un peu déçu, certes, mais le disque est quand même très agréable, et notons que la face B est une composition de Willy Albimoor, visiblement un grand nom de la musique belge, l'auteur parmi beaucoup d'autres de Jungle fever des Chakachas.
La vidéo n'est malheureusement pas en ligne, mais la Fanfare a interprété Discompany à la télévision française au moins une fois, le 10 novembre 1979 dans ce monument de la culture qu'est le Collaro Show, juste avant Sheila et B. Devotion.
On n'est pas trop étonné que ce disque ait aussi été publié chez les voisins allemands, mais il est beaucoup plus surprenant de découvrir une édition australienne de ce 45 tours !!

Ce disque m'a permis de découvrir Quevaucamps et sa fanfare. C'est un village wallon qui fait partie de l'entité communale de Belœil et qui est situé, ça ne s'invente pas, dans la Vallée de la Haine.
La fanfare de Quevaucamps a été créée en 1886. Robert Demeure, qui la dirigeait en 1978, l'année de l'enregistrement du 45 tours et aussi celle de l'obtention de la médaille d'or au Concours National d'Anvers, n'était que le deuxième à occuper ce poste. Elle est devenue la Philharmonie "La Renaissance" en 1985. En 1986, André Delvaux lui a consacré un documentaire de 11 minutes, Fanfare à cent ans.
Il existe au moins un autre disque de la Fanfare, un 33 tours paru également chez RKM, avec des compositions plus classiques.

On trouve au verso de la pochette la liste complète des membres de la fanfare qui ont participé à l'enregistrement. C'est un document sociologique intéressant. On découvre qu'il y avait encore un maréchal ferrant en 1978, et également une régente ménagère.

A 135 ans, la Fanfare de Quevaucamps garde bon pied et bel œil, on s'en réjouit !

A écouter :
Fanfare de Quevaucamps : Discompany
Fanfare de Quevaucamps : Discoparade

04 décembre 2021

THE OTHER TWO : Tasty fish


Acquis chez Momox par correspondance en novembre 2021
Réf : FACD 329 -- Édité par Factory en Angleterre en 1991
Support : CD 12 cm
Titres : Tasty fish (Pascal mix) -- Tasty fish (Pascal mix 12") -- Tasty fish (O.T. mix) -- Tasty fish (The almond slice mix)

En 1990, New Order était un peu pénible avec son World in motion footballeux et ses à-côtés n'étaient pas suffisamment excitants pour compenser : le Revenge de Peter Hook ne me plaisait pas; j'avais mieux apprécié les deux premiers singles d'Electronic de Bernard Sumner et Johnny Marr, surtout Get the message, mais c'était quand même pas aussi intéressant que New Order d'un côté ou The Smiths de l'autre (et quand je réécoute aujourd'hui, je ne trouve vraiment pas ça bon...); quand au groupe de Stephen Morris et Gillian Gilbert, je crois que je n'avais même pas pris la peine de l'écouter, mais j'avais trouvé que le nom de leur groupe, The Other Two, était particulièrement bien vu. Choisir de s'appeler Les Deux Autres quand on est un couple discret, la moitié du groupe la moins présente dans les médias, c'est une belle preuve d'autodérision.
Et puis, au printemps 2019, j'ai trouvé pour presque rien à Paris leur premier album, The Other Two and you, et je l'ai trouvé pas mal, surtout le titre Tasty fish. Alors, quand je suis tombé sur ce maxi pour un prix très modique, je me le suis offert.

Qu'on se comprenne bien, The Other Two n'innove en rien musicalement, mais sa grande qualité, contrairement à Revenge et Electronic, c'est d'arriver à faire du New Order quasiment aussi bon que du vrai New Order au complet. Rien de plus, rien de moins.
C'est particulièrement vrai avec la version Pascal mix 12" de Tasty fish. Le titre s'ouvre sur deux minutes d'instrumental techno-house-rock typiquement à la New Order, avec changements de rythmes et riffs synthétiques. Puis vient le chant, et c'est la surprise. Gillian Gilbert s'en charge (avec l'aide de choristes, dont Jeremy Kerr d'A Certain Ratio, qui signe aussi les paroles), avec un phrasé et un style tout à fait dans la lignée de ceux de Bernard Sumner, qui est lui aussi, il faut bien le dire, tout sauf un chanteur avec une grande technique. On se souvient qu'à la formation de New Order, après la mort de Ian Curtis, le trio avait eu du mal à décider qui serait le chanteur, et tous s'y étaient essayés. Ils auraient pu aussi donner sa chance à Gillian Gilbert quand elle les a rejoints quelques mois plus tard. La chanson se poursuit dans la même veine jusqu'au bout, avec juste une touche qui surprend par rapport à New Order, un petit solo de guitare légèrement saturée qui arrive à un moment.
Les deux autres versions, l'O.T. mix et l'Almond slice mix sont un peu plus synthétiques et sont très bien aussi.

Il manque la basse de Peter Hook, mais sachant que Gillian Gilbert joue des claviers dans New Order et que Stephen Morris, en plus de la batterie, a très vite aussi pris en charge les boite à rythmes, séquenceurs et autres synthés, on n'est pas trop surpris d'avoir la preuve qu'ils produisaient une bonne partie de la matière musicale de New Order. En tout cas, même si on s'en tient aux disques parus jusque-là, Tasty fish est pour moi largement au niveau d'un petit paquet de singles de New Order, de World in motion à Touched by the hand of God, en passant par State of the nation et Shellshock.

Dans leur biographie chez Factory Benelux, on apprend que Gilbert et Morris signaient des musiques de films ou d'émissions télé sous le nom de The Other Two, mais n'avaient pas particulièrement le projet de lancer un groupe. Ils ne l'ont fait que parce que les projets de New Order d'enregistrer un nouvel album en 1990 ne se sont pas concrétisés.
Ils n'ont pas eu de chance car ils ont souffert des difficultés financières de Factory. Ce single est bien sorti chez Factory, alors en plein folie des grandeurs. L'album The Other Two and you était prêt à sortir en 1992, mais Factory a fait faillite et le disque n'a été publié chez London que fin 1993.
The Other Two a sorti un deuxième album, Super highways, en 1999.
Gilbert avait quitté le groupe à un moment dans les années 2000, mais tous les deux sont actuellement membres de New Order. Leurs concerts se terminent actuellement par plusieurs reprises de Joy Division. S'il voulait s'offrir une petite pause à Bernard Sumner lors des concerts, le groupe pourrait tout aussi bien reprendre Tasty fish...




Un reportage de l'émission The O-Zone de la BBC 2 tourné à Paris en 1993.