30 septembre 2023

THE LA'S : There she goes


Acquis chez Damien R. à Avenay Val d'Or le 11 juillet 2023
Réf : GOLAS 5 / 869 232-7 -- Édité par Go! Discs en Europe en 1990
Support : 45 tours 17 cm
Titres : There she goes -/- Freedom song

The La's restera sûrement dans l'histoire du rock comme un groupe qui n'a jamais été content de ses enregistrements. Signés par Go! Discs, ils ont sorti leur premier single en 1987. Ensuite, ça se gâte puisque la liste des producteurs qui ont tenté de les faire accoucher de leur premier album comporte pas moins de huit noms, et pas des moindres : John Porter (The Smiths), Mike Hedges (The Cure), Bob Andrews (membre de The Rumour), John Leckie (Magazine, XTC, Simple Minds, The Human League), Steve Lillywhite (XTC, Peter Gabriel), Mark Wallis (The Go-Betweens),...
Tout ça pour que le label, passablement lassé, finisse par sortir en 1990 l'album The La's en compilant diverses sessions et en privilégiant le travail avec Steve Lillywhite. Un album que, avant même sa sortie, l'auteur-compositeur-chanteur-guitariste Lee Mavers a passé son temps à déglinguer, ce qui n'a pas dû aider à faire progresser la "carrière" du groupe, dont on n'est au bout du compte pas surpris qu'il n'ait jamais sorti de deuxième album !

J'ai eu la chance d'assister à deux concerts de The La's.
La première fois, c'était le 7 octobre 1989 à La Cigale à Paris, pour la fameuse soirée du Festival des Inrockuptibles à la folle affiche : The Chills, Felt, The Stone Roses et donc The La's.
Je ne vais pas mentir, je n'ai absolument aucun souvenir de la prestation des La's ce soir-là. J'étais venu pour Felt, dont c'était l'ultime tournée, et je me souviens par ailleurs d'avoir fait pas mal d'aller-retour entre la salle et le hall et les couloirs, sans m'être concentré sur les autres groupes.
En 2008, j'avais des souvenirs brumeux d'un concert des La's à L'Usine de Reims, dont je ne retrouvais pas trace. Aujourd'hui, j'ai retrouvé ces traces, dans mon agenda et avec la copie du billet en ligne, mais mes souvenirs sont évidemment encore plus brumeux. Je me souviens qu'il y avait du monde, que j'avais beaucoup apprécié le concert, que le son du groupe était très sixties, et que le jeune bassiste aux cheveux bouclés était très sautillant.
Je n'ai pas noté leur nom dans l'agenda, donc je n'ai sûrement pas vu le groupe D.Tails qui était annoncé en première partie.



Depuis tout ce temps, j'ai eu l'occasion de me procurer l'album The La's, en vinyl et en CD, mais je n'avais aucun single du groupe jusqu'à ce que je récupère cet exemplaire de There she goes chez l'ami Damien, le même jour que le Bee Gees.

There she goes, c'est le classique des La's, leur mélodie intemporelle (même si Timeless melody est un autre de leurs singles). Sortie à l'origine en 1988 pour leur deuxième single, elle est passée à peu près inaperçue. Rééditée au moment de la sortie de l'album, avec une pochette très moche, elle est devenue le plus grand succès du groupe.
La version originale de 1988 est déjà très bien. La version remixée en 1990, allongée d'une vingtaine de secondes, n'est pas fondamentalement différente de la première. En tout cas, la chanson n'est pas "bousillée" par les bidouillages intervenus entre temps.
C'est une excellente chanson, dans la lignée des perles du rock indé des années 80 fortement influencées par les sixties. Les paroles entretiennent volontairement le flou entre la chanson d'amour et celle sur les drogues. On pense notamment au Velocity girl de Primal Scream, où il est également question de filles et de veines ("Here she comes again with vodka in her veins"). On n'est pas loin non plus d'un grand single sorti quelques mois après la parution originale, le Made of stone des Stone Roses.

La face B, Freedom song, est aussi sur l'album. Il y a encore des influences du passé, mais ça surprend car on est dans un autre style, une sorte de veine rétro folk. C'est assez anecdotique.

Si le groupe n'a pas fait d'autre album, ça ne l'a pas empêché de beaucoup tourner. Y compris à plusieurs lors des reformations qui ont suivi la séparation initiale en 1991.




The La's, There she goes, en direct dans l'émission Night network le 13 janvier 1989.


The La's, There she goes, en direct dans l'émission The word le 19 octobre 1990.

23 septembre 2023

STAX UNCOVERED !


Acquis par correspondance avec le n° 357 de Mojo en août 2023
Réf : [2100011060074] -- Édité par Mojo en Angleterre en 2023 -- Sold with Mojo August 2023. Not for resale.
Support : CD 12 cm
15 titres

Je le disais encore récemment, les CD distribués avec les magazines sont souvent aussi vite oubliés qu'on les a écoutés. Mais il y a bien sûr des exceptions, dont plusieurs ont été chroniquées ici (Go-Betweens, Pixies,...), et j'attendais de pied ferme de recevoir mon exemplaire du n° 357 de Mojo, pas parce que Springsteen était en couverture mais parce que le CD était une compilation Stax extraite du coffret Written in their soul.
Évidemment, ça arrive de temps en temps, mais ça s'est produit précisément là, je n'ai pas reçu le Mojo attendu. J'ai dû réclamer et heureusement l'exemplaire de remplacement est arrivé sans encombre et assez vite.

Pendant longtemps, on demandait aux fans de rock s'ils étaient Beatles ou Stones. Comme si on ne pouvait pas être les deux... Pour le rhythm and blues et la soul des années 1960, l'alternative serait plutôt entre les labels Motown et Stax. Là encore, on peut communier aux deux chapelles et il y a un grand nombre de disques Motown que j'apprécie énormément, mais j'ai un goût particulier pour les productions Stax, avec leur énergie et la simplicité de leurs arrangements.

On sait de longue date que les tiroirs de Stax sont plein de titres inédits. On s'est notamment régalé dans les années 2000 d'un album entier de reprises inédites par Booker T. and the MG's. Mais là, avec Written in their soul, c'est un travail de fou que la productrice Cheryl Pawelski a fait pour le label Concord, démarré après les 50 ans du label en 2009. Elle et son équipe ont entrepris de répertorier toutes les démos du label. 665 titres utilisables ont été identifiés, et 146 d'entre eux (dont 140 précédemment inédits) ont été inclus dans un coffret de 7 CD paru cette année.

Les titres compilés sont répartis en trois catégories : les démos de titres qui ont été publiés à l'époque par Stax et ses filiales; des démos par des auteurs-compositeurs Stax de titres qui ont été enregistrés par des artistes d'autres labels, comme Atlantic et Decca; et enfin des chansons qui étaient restées complètement inédites jusque-là.
Au niveau de la production de ces enregistrements, c'est aussi très variable, avec de pures démos en solo avec voix plus guitare. Mais il y a aussi un bon nombre d'enregistrements réalisés dans un "studio de démo", avec une production basique et des arrangements minimaux. Et puis il y dans le lot des enregistrements "terminés", souvent excellents, qui auraient pu paraître tels quels.

Le coffre 7 CD Written in their soul est en vente pour une centaine d'euros, avec parait-il un superbe livret. C'est un excellent rapport qualité-prix. L'avantage du marché de la musique tel qu'il est actuellement, c'est qu'il est tout à fait possible d'écouter en intégralité les 146 titres du coffret, par exemple sur Bandcamp, sans rien débourser d'autre que son abonnement à internet.

Je n'ai pas encore pris la peine d'écouter le coffret complet, et je ne compte pas l'acquérir car j'écoute rarement plus d'une fois ce genre de coffret énorme, mais je me suis plongé avec délectation dans Stax uncovered !, la sélection par Mojo d'une quinzaine de titres, soit 10% du coffret.

Et qu'est-ce que c'est bon ! A part, I don't care anymore, une ballade par Shirley Brown, que j'ai trouvée un peu quelconque, l'album m'a plu de bout en bout.

On se demande vraiment comment des titres comme Come on dance with me par Rufus Thomas ou Stay with me par Eddie Floyd ont pu rester inédits tout ce temps.

Il y a dans le lot trois démos de chansons créées par les Staple Singers, toutes très bien : Slow train par William Bell, If you're ready (Come go with me) par Homer Banks (avec des chœurs...) et ma préférée, Respect yourself par Mack Rice, qui l'a écrite avec Luther Ingram. Avec une guitare électrique, une batterie tellement minimale qu'elle sonne comme une boite à rythmes, et une deuxième voix, c'est un excellent premier jet qui sonne très moderne. C'est apparemment une autre des artistes présentes sur la compilation, Bettye Crutcher, qui a suggéré de proposer cette chanson aux Staple Singers.

On va terminer ce rapide tour d'horizon avec deux démos de titres publiés : 634-5789 par Eddie Floyd, créée par Wilson Pickett chez Atlantic, un très grand succès, et Don't let the love light in par Carla Thomas, qu'elle a sorti sur une face B de single en 1964.

J'ai du mal à croire qu'il existe un seul label (à part peut-être Blue Note en jazz) dont les archives inédites soient aussi riches.



17 septembre 2023

RIFRAZIONE : Postcard for Lawrence


Offert par Giuseppe Giannecchini par correspondance en août 2023
Réf : [sans] -- Édité par Rifrazione en Italie en 2023
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Postcard for Lawrence -/- 24-12

Giuseppe Giannecchini, qui est par ailleurs un expert en biomécanique dans le cyclisme, est un grand fan de Felt.
Il a acheté en 2020 un exemplaire de mon livre La ballade du fan et depuis nous échangeons régulièrement. Il m'a notamment offert les productions de son projet Rifrazione, où l'influence de Felt se fait régulièrement sentir, mais pas systématiquement ni exclusivement.

Le 12 août dernier, pour les 62 ans de Lawrence, Giuseppe a voulu lui rendre un hommage particulier en publiant Postcard for Lawrence, un single deux titres de Rifrazione en forme de carte d'anniversaire musicale.
Le single numérique est disponible en téléchargement gratuit pour tous, mais Giuseppe a également fait presser un tirage très limité de dix exemplaires en 45 tours, destinés à Lawrence, bien sûr, aux participants au projet ainsi qu'à des amis, parmi lesquels il m'a fait l'honneur de m'inclure. Voici donc un collector instantané qui intègre ma discothèque !

La pochette décline le concept de la carte postale et nous présente un Lawrence timbré, sur la base de son apparence actuelle, reflétée également dans l'avatar utilisé pour la promotion de son dernier album sous le nom de Mozart Estate.

Le disque est instrumental. La face A, Postcard for Lawrence, a été composée par Giuseppe, mais il ne joue pas dessus. Un peu comme pour l'album Train above the city de Felt, pour lequel Lawrence s'était "contenté" de trouver les titres des compositions et de réaliser la pochette. Ce sont Gianluca Galluccio au pianoforte et Nicola Trapassi au synthétiseur (bien dosé, qui joue un peu le rôle d'un accompagnement de cordes) qui l'interprètent.
Le point de référence est ici la période Martin Duffy du groupe (à qui ce disque rend donc aussi indirectement hommage, quelques mois après sa mort à 57 ans), particulièrement les faces B du maxi Ballad of the band et de l'album The pictorial Jackson review.

Changement d'ambiance pour 24-12, puisque Giuseppe est en solo, à la guitare électrique, avec accompagnement de basse et de percussions. Cette fois, on se replonge dans l'ambiance de la première période de Felt, avec Maurice Deebank à la guitare.

Ces deux beaux hommages vont peut-être participer à la création d'un genre musical particulier, celui des hommages musicaux à Lawrence.
Il se construit depuis un moment, puisque l'excellent instrumental Belt de Teenage Fanclub a été publié sur la compilation Volume en 1993, il y a déjà trente ans. Quant au Lawrence de Girls, lui aussi quasi-instrumental, avec son 45 tours en forme de cœur, il est sorti en 2011.



08 septembre 2023

MIDNIGHT OIL : Power and the passion


Acquis d'occasion probablement au Record and Tape Exchange de Notting Hill Gate à Londres dans les années 1980
Réf : A 3176 -- Édité par CBS en Angleterre en 1983
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Power and the passion -/- Glitch baby glitch (Power & the passion - Dub)

La deuxième fois que je suis allé passé des vacances à Londres, c'était pour quelques jours en juin 1982. J'y ai vu des concerts les quatre soirées que j'ai passées sur place : Dolly Mixture le 20 juin au Marquee (avec Captain Sensible en invité et Lol Coxhill présent dans la salle; on n'a jamais autant parlé de ce très sympathique groupe qu'en ce moment, avec des rééditions et des sorties d'inédits), Clint Eastwood and General Saint le 21 juin et Lol Coxhill et Tongue Twisters le 22 juin au Hammersmith Clarendon pour une soirée française du club Idiot Ballroom.

Ce n'était pas volontaire, mais on voit bien que ce séjour a été placé sous le signe de Lol Coxhill, que j'avais vu le mois précédent à Reims, où il était l'invité permanent du Festival des Musiques de Traverses. Ce dimanche, 23 mai 1982, outre mon premier concert de Pascal Comelade & Fall of Saigon et un spectacle des hollandais drôlants Willem Breuker Kollektief, la performance de Lol Coxhill m'avait surtout marqué par la présence de Jac Berrocal, qui arpentait la grande scène de la Maison de la Culture en utilisant une pelle à poussière métallique comme instrument de percussion.

Le premier jour, le 19 juin, c'est au Zig Zag Club que je me suis rendu, pas très loin de Portobello. J'étais en avance et j'attendais l'ouverture de la salle sur les marches quand il m'est arrivé un truc pas banal. Un gars s'est approché de moi et m'a demandé "Tu serais pas Jean-Christophe ?". Dans une ville où je ne connaissais personne, ça surprend. En fait, Eric et Frédéric, deux copains d'Hugues, un collègue étudiant à l'I.U.T., avaient mangé une fois avec moi au RU et m'avaient reconnu. On a passé la soirée ensemble.

Le club se présentait comme "London's largest music video club" et j'y ai notamment été marqué par la projection du Fish heads de Barnes & Barnes.


Mon billet pour le concert des Flying Padovanis et de Midnight Oil le 19 juin 1982 au Zig Zag Club à Londres.

Je pense que j'avais choisi d'aller voir les Flying Padovanis parce que je connaissais l'histoire d'Henry Padovani, le premier guitariste de The Police. Lol Coxhill joue du saxo sur leur single Western pasta, sorti quelques mois plus tôt, alors bien sûr il était l'un de leurs invités sur scène ce soir-là !

En première partie, c'est un groupe avec un grand chanteur chauve qui a joué. Très punk/rock, à tel point que, quand j'ai demandé le nom du groupe à quelqu'un car il n'était pas affiché, j'ai compris "Midnight Oi". Mais son, ce n'était pas de la Oi ! et le groupe était bien Midnight Oil, ces australiens qui devaient être à Londres pour la promotion de leur quatrième album, 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, qui doit être le premier à avoir été largement distribué en Europe.
Si on regarde le programme du Zig Zag Club pour juillet 1982, on constate que Midnight Oil y a joué tous les mercredis, en première partie ou en tête d'affiche. Ils y étaient visiblement en résidence à cette période.

J'ai aussi dans ma discothèque le single US forces, le titre d'ouverture de l'album, mais je préfère ce Power and the passion.
Enregistré à Londres, co-produit par Nick Launay, ce titre est bien de son époque. J'y entends des échos de The Police, et j'ai surtout pensé à Way Of The West en l'écoutant, encore plus avec la version "dub" de la face B, Glitch baby glitch.

Power and the passion est une chanson importante dans le parcours de Midnight Oil, qu'ils jouent régulièrement sur scène. D'ailleurs, en 2001, c'est le titre The power & the passion qui a été choisi pour une compilation hommage australienne. L'Australie est un grand pays, mais Dave McCormack, celui qui se charge de la reprise de la chanson Power and the passion sur cet album, est une tête connue par ici, puisqu'il a été membre de C.O.W. et de Custard !




Midnight Oil, Power and the passion, en concert au Capitol Theatre de Sidney le 27 novembre 1982.

03 septembre 2023

THE BEE GEES : To love somebody


Acquis chez Damien R. à Avenay Val d'Or le 11 juillet 2023
Réf : 27 811 -- Édité par Polydor en France en 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : To love somebody -- Spicks and specks -/- Turn of this century -- Close another door

J'avais 14 ans quand le film La fièvre du samedi soir est sorti en 1977, alors pour moi les Bee Gees c'est d'abord des tubes comme Stayin' alive, Night fever, How deep is your love, You should be dancing, que toute la famille connaissait et sur lesquels on dansait lors des fêtes familiales.
Mais très vite, dès que j'ai commencé à affirmer mes goûts musicaux, j'ai rejeté les frères Gibb, leur brushing et leur disco. Pourtant, grâce aux rééditions pas chères de leurs premiers albums qu'on voyait chez les disquaires, j'ai assez vite été conscient de l'importance de leur parcours dans les années 1960. J'ai connu et apprécié des titres comme Massachusetts, I started a joke, New York mining disaster 1941, mais je n'ai jamais creusé la question au-delà de l'achat de quelques 45 tours sixties trouvés pas chers, qui ont souvent leur pochette en papier fin en mauvais état.

J'ai complété la liste en me rendant chez l'ami Damien, qui avait décidé de se débarrasser d'une bonne partie de sa collection de 45 tours. L'an passé, je lui avais notamment acheté le Yankee Horse et un Souchon. Cette fois, je suis reparti avec un bon paquet de belles pièces, dont les deux premiers EP français des Bee Gees. C'est le deuxième que j'ai sélectionné aujourd'hui.

Pour me faciliter les choses, je vais commencer par Spicks and specks, le deuxième titre du disque, mais le premier à être publié en 45 tours, en Australie, en septembre 1966. C'est une très belle chanson, que j'ai d'abord connue par sa reprise par Status Quo en face B en 1968.
Depuis les quelques notes graves de piano en introduction, jusqu'au rythme de marche marqué à la guitare et à la batterie, l'arrangement est relativement sobre et réussi.
Les Bee Gees sont anglais. Ils avaient émigré en Australie avec leurs parents en 1958. Frustrés par leur manque de succès après deux albums et plusieurs singles en Australie, ils ont pris le bateau en janvier 1967 pour aller faire carrière en Angleterre. C'est en chemin qu'ils ont appris que, au bout du compte, Spicks and specks s'était bien vendu et avait été désigné "Single de l'année" par un hit-parade national.
Trop tard pour faire demi-tour. Une nouvelle carrière les attendait et Spicks and specks a été publié en Europe en février 1967. Rétrospectivement, ce n'était peut-être pas plus mal pour les frères Gibb : s'ils étaient restés en Australie, ils y auraient sûrement eu un très grand succès, mais n'auraient peut-être pas eu la même carrière internationale.

Après New York mining disaster 1941 en avril, les Bee Gees ont sorti To love somebody en juin 1967. Ce titre a eu plus de succès aux États-Unis qu'en Angleterre.
Au fil du temps, on a appris des anecdotes intéressantes sur la genèse de cette chanson. D'abord, je n'aurais pas fait le lien moi-même, mais elle pourrait être une grande ballade rhythm and blues. Et pour cause, à l'initiative du nouveau manager anglais des Bee Gees Robert Stigwood, elle aurait été composée à l'origine pour être proposée à Otis Redding (Ils avaient au moins en commun leur label américain, Atlantic). Finalement, ils ont gardé la chanson pour eux, et Otis n'a même pas eu le temps d'en enregistrer éventuellement sa propre version, vu qu'il est mort six mois plus tard.
Tout aussi surprenant, son auteur Barry Gibb a expliqué à Mojo en 2001 que la personne qui lui avait inspiré cette chanson c'était Robert Stigwood lui-même, qui lui avait demandé d'écrire une chanson pour lui.
Et quelle chanson ! Même si c'est de la pop trop orchestrée à mon goût, on est accroché dès les premières paroles ("There's a light, a certain kind of light"). Il y a juste un peu de maladresse dans le refrain, puisque le narrateur amoureux est présomptueux et se permet de parler à la place de l'autre ("Tu ne sais pas ce que c'est d'aimer quelqu'un comme je t'aime"). N'empêche, ce n'est pas trop surprenant que cette chanson soit devenue un classique pour les cérémonies de mariage.

Comme ça m'est souvent arrivé avec des titres des années 1960, j'ai d'abord connu cette chanson par des reprises, Gallon Drunk d'abord en 1996, et surtout Nina Simone, qui avait sorti sa version en single en 1968 et l'a incluse dans l'album du même titre. Sa reprise a eu plus de succès en Angleterre que l'originale et elle en a donné de grandes interprétations sur scène. Elle s'est littéralement appropriée cette chanson.
Aux dernières nouvelles, 223 reprises de To love somebody étaient recensées, dont beaucoup ces dernières années à l'occasion de télé-crochets. Il y le choix, depuis la première chronologiquement, par Lulu, à la version R&B (James Carr à défaut d'Otis), en passant par des interprétations soul (The Mirettes), gospel (The Sweet Inspirations) ou reggae (Busty Brown produit par Lee Perry).

Sur la face B, Turn of the century est le titre d'ouverture de l'album 1st, sorti en juillet 1967 (leur premier album international, mais le troisième en fait; on y trouve aussi To love somebody). C'est un bon exemple de pop psyché orchestrale.
Dans une veine similaire, le dernier titre du 45 tours, Close another door, est aussi le dernier titre de 1st, mais avant ça c'était la face B du single anglais To love somebody.

Si vous voulez vous plonger dans l'univers des Bee Gees et que vous lisez l'anglais, je vous conseille, même sans l'avoir lu, le livre tout récent de Bob Stanley de Saint Etienne, Bee Gees : Children of the world.