28 septembre 2014

THE SHEIKS : Missing you


Acquis sur le vide-grenier d'Athis le 14 septembre 2014
Réf : MEO 123 -- Edité par Odéon en France en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Missing you -- My mother's advice -/- Tell me bird -- When I'm asking you

Parmi les disques trouvés à Athis il y a deux semaines, c'est dans celui-là que je plaçais initialement le plus d'espoir. Déjà, un EP sixties d'un groupe complètement inconnu, c'est intéressant. Celui-là, d'après les crédits au dos de la pochette, devait être portugais. Et puis il y a cette photo de pochette, avec ce triporteur très improbable. Visiblement, il servait de stand de vente de nourriture ambulante, mais je me demande bien quel est le fumet qui s'échappe de la grosse jarre en terre cuite.
Bon, ces gens ont quand même l'air très sages sur la pochette et je ne m'attendais pas à une obscure pépite garage noyées dans la fuzz. En fait, sans trop de surprise, il s'avère que The Sheiks sont le principal rejeton portugais de la Beatlemania. Ils n'ont apparemment pas eu trop de concurrence localement, le régime de Salazar n'étant pas du genre à favoriser l'émergence de groupes rock.
Fans des Beatles et des Beach Boys, signés par la filiale locale du label des Quatre de Liverpool, The Sheiks ont d'abord sorti en 1965 une reprise de Summertime, avant de s'attaquer en 1966 à Yesterday man, Michelle et These boots are made for walking sur un seul et même EP ! Mais entre-temps ils avaient sorti les deux compositions originales qui leur ont apporté le plus de succès, Tell me bird et Missing you, deux exercices assez sages de chansons pop avec choeurs dans le pur style de leurs maîtres inspirateurs. Aimable, mais je préfère les deux autres titres légèrement plus énervés, My mother's advice (aux accents country) et When I'm asking you.
Je m'étonnais que ce disque ait été édité en France, mais il s'avère que The Sheiks ont joué en résidence à Paris au Bilboquet pendant l'année 1966. Ils ont même profité de l'occasion pour enregistrer un 45 tours quatre titres sur place, sorti au Portugal sous le titre Em Paris. En France, The Sheiks ont sorti un autre EP, Tears are coming, cette fois-ci effectivement plus électrique et avec de la fuzz, ce qui lui vaut d'être taxé de freakbeat psych actuellement sur Ebay, avec un prix de 120 € !
The Sheiks se sont séparés fin 1967 sans avoir sorti d'album, mais deux des membres ont eu par la suite un très beau parcours en solo pendant de longues années, le batteur-chanteur Paulo de Carvalho et le pianiste-chanteur Carlos Mendes, qui s'est aussi illustré en 1969 en reprenant Penina,  une chanson écrite par Paul McCartney pendant des vacances au Portugal, reprise un mois après sa création par Jotta Herre, l'orchestre de l'hôtel où séjournait Paul.
The Sheiks se sont reformés au moins deux fois, en 1979 et en 2007, ce qui leur a valu notamment le passage télé très coloré ci-dessous, où ils sont interrogés par l'animatrice avant d'interpréter Missing you.




Vidéo mise en ligne en 2008 d'un passage télé des Sheiks, au moment de leur reformation. L'entretien est suivi d'une version de Missing you.

26 septembre 2014

LES CALAMITES : Pas la peine


Acquis neuf probablement à Reims dans les années 1980
Réf : NEW 46 -- Edité par New Rose en France en 1984
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Pas la peine -/- Le garçon de New York City

Moins d'un an après A bride abattue, Les Calamités ont sorti un deuxième disque, toujours chez New Rose et toujours produit par Lionel Herrmani, de Mélodies Massacre et des Dogs. La seule chose complètement ratée de ce disque, c'est sa pochette, avec sa photo bof peinturlurée fluo.
En face A, on trouve Pas la peine, une nouvelle chanson originale excellente des Calamités. Le problème posé est simple : "Mon petit ami me cause bien des soucis. Il tient beaucoup à moi mais moi je n'y tiens pas. Comment lui faire comprendre sans qu'il ne cherche à se pendre ? Comment le forcer à me quitter à tout jamais ?". La solution aussi, théoriquement : se rendre insupportable plutôt que de plaquer brutalement le-dit petit ami...
Comme souvent, Les Calamités réussissent des paroles dans un français, peut-être pas exactement châtié mais en tout cas grammaticalement élaboré, sans que le résultat soit niais ou inconfortable, ce qui d'expérience est difficile dans un contexte pop-rock. En tout cas, c'est bien joué, bien chanté et avec plein de choeurs. Un plaisir.
Sur la face B, le groupe a placé Le garçon de New York City, une reprise de The boy from New York city, un énorme tube aux accents doo-wop produit par Leiber et Stoller pour The Ad Libs en 1965. Pour ma part, j'ai connu cette chanson par sa version par The Darts en 1978. Les Calamités ont fait elles-mêmes l'adaptation des paroles en français et elles les ont modifiées pour en faire le pendant de Pas la peine, puisque cette fois-ci la fille prend moins de gants (et ça n'a rien à voir avec les paroles originales) : "Adieu Baby, cette fois-ci je crois bien que j'ai compris. Salut chéri, tu peux partir maintenant car tout est fini.". C'est ma reprise préférée par les Calamités car c'est la seule adaptée en français.
Il existe une édition de ce disque en maxi quatre titres. On y trouve une version en anglais de The boy from New York city, redondante et moins intéressante, qui ne peut se justifier que par l'intérêt des américains pour le groupe (le premier album a été édité aux Etats-Unis sous le nom The Calamities).
L'autre titre est une chanson originale, C'est embêtant, que je n'ai pas et que je ne connais pas, et ça pour le coup c'est embêtant. Je n'ai trouvé en ligne que les paroles : "On le dit médisant, c'est un malentendu. Non ce n'est pas voulu il n'est pas malotru. Quand il vous parle, il est sincère, mais comme il comprend tout de travers, il fait d'une puce un éléphant, c'est embêtant.".
Ce disque est le dernier publié par le groupe en quartet (les trois filles et le batteur anglais-vendeur de vin, le souffre-douleur du groupe aussi, dans les vidéos en tout cas !) avant sa séparation fin 1985.




Les Calamités dans l'émission Potins collages rustines de FR3 diffusée le 18 mai 1985.

21 septembre 2014

THE McCOYS : Fever


Acquis sur le vide-grenier d'Athis le 14 septembre 2014
Réf : 0 750.007 -- Edité par Atlantic en France vers 1967
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Fever -- All I really want to do -/- Sorrow -- High heel sneakers

Je me dis souvent que ce genre de trouvaille en vide-grenier, c'est du passé. Mais, une fois ou deux par an, quand même, ça arrive : un lot de disques de rock sixties vraiment intéressants pour le prix habituel en brocante.
Là, à Athis, on s'est pourtant pointé largement après 9h, mais au tout premier stand il y avait une petite table de camping avec trois cartons de 45 tours dessus, un autre au pied et aussi deux caisses de 33 tours.
Sur la table, j'ai regardé rapidement tous les disques. Rien, que dalle, la pire variété. Dans le carton par terre, j'ai très vite trouvé un deux titres de Janis Joplin, puis une séquence de rêve, une quinzaine de 45 tours deux ou quatre titres de Lee Dorsey, Cher, Eric Burdon and the Animals, The Smoke, The Byrds... A chaque fois que je prenais un disque, le suivant m'intéressait aussi. Je commençais à me demander si j'allais prendre tout le reste du carton, mais malheureusement la source très vite tarie. En-dehors de ces disques, qui ont tous appartenu aux mêmes propriétaires, le reste était aussi peu intéressant que ce qu'il y avait sur la table.
Le premier des disques de ce lot que j'ai choisi de vous présenter, c'est le deuxième EP français de The McCoys.
Le premier, c'était bien sûr Hang on Sloopy mais, comme pour The Kingsmen et Louie Louie, c'était en fait un demi-EP partagé avec The Strangeloves (un choix pas illogique en fait, puisque The Strangeloves ont "découvert" The McCoys).
Les quatre titres ici sont pris du premier album des McCoys, sorti fin 1965.
Fever a été repris par à peu près tout le monde, mais cette version reste intéressante. Il y a une petite rythmique à l'orgue qui rappelle Hang on Sloopy et un travail de choeurs réussi. C'est mon titre préféré du disque.
All I really want to do de Dylan avait déjà été repris par les Byrds et Cher. Cette version, qui penche côté Byrds, ne lui apporte strictement rien de plus.
J'étais persuadé que Sorrow était une reprise, comme les trois autres titres du disque, mais c'est l'inverse : il s'agit là de la version originale, qui a eu un certain succès en Angleterre, mais c'est surtout la version de The Merseys en 1966, puis celle de Bowie en 1973 qui ont fait la réputation de cette chanson. C'est l'autre titre vraiment intéressant du disque.
High heel sneakers est une version de la chanson de Tommy Tucker, elle aussi devenue un classique (reprise plus de mille fois !).De façon assez intéressante, le titre est involontairement renommé High hell sneakers au dos de la pochette !
J'ai eu l'occasion de mentionner The McCoys dans mon livre sur Lewis Furey. En effet, le guitariste Rick Derringer et Lewis Furey étaient élèves ensemble à la Professional Children's School de New York. De côtoyer un gars qui avait un disque vendu à un million d'exemplaires,c'est ce qui a fait découvrir la pop à Lewis Furey et a commencé à l'éloigner de la musique classique.
Je ne le savais pas, mais Derringer a eu un très beau parcours par la suite. Avec son frère le batteur Randy, ils ont accompagné les frères Johnny et Edgar Winter, et ensuite il a joué dans les années soixante-dix avec plein de monde (Alice Cooper, Todd Rundgren, Steely Dan, Kiss...).



20 septembre 2014

CHUCK BERRY : The best of Chuck Berry


Acquis par correspondance via Discogs en septembre 1914 2014
Réf : NEP 44018 -- Edité par Pye International en Angleterre en 1964
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Memphis Tennessee -- Roll over Beethoven -/- I'm talking about you -- Sweet little sixteen

Quand j'ai vu passer l'annonce de la sortie, pour son 88e anniversaire en octobre, du coffret Bear Family Rock and roll music : Any old way you choose it, j'ai eu un temps d'hésitation. Certes, pas question de s'intéresser à l'édition limitée à 88 exemplaires présentée dans une caisse de guitare. C'est cher (500 €) et sans intérêt (Philippe me souffle d'ailleurs à l'oreille que ça a déjà été fait pour une intégrale de Johnny, c'est tout dire). Mais pour l'édition en coffret standard à 300 €, avec 16 CD, contenant toute sa discographie et les prises inédites existantes plus deux livres reliés, je me suis quand même posé la question. Et la réponse a été non, finalement. Je peux m'offrir ce cadeau, et je sais que je prendrai le temps de lire les livres, d'écouter au moins une fois tous les disques et d'en réécouter un par-ci par-là par la suite, mais comme pour la plupart de mes coffrets, ça restera un gros truc, un monument posé dans un coin, qu'on aperçoit de l'oeil mais qu'on sort rarement de sa boite tellement il y a de trucs à écouter dedans. Et puis quoi après ? On tourne les yeux quand on voit un disque de Chuck Berry ? On se débarrasse des disques qu'on a déjà ? Non, je préfère continuer à picorer dans sa discographie et à compléter ma collection de disques de l'un des rois du rock.
Pas de coffret, mais je me devais bien un cadeau ces temps-ci, alors je suis allé fouiller dans les bacs chez Discogs, et je me suis dégoté à un prix correct ce Best of Chuck Berry, un 45 tours sorti en Angleterre au printemps 1964.
Les notes de pochette de ce disque sont de Guy Stevens, le même Guy Stevens que je connaissais comme producteur de Mott The Hoople et de London calling de The Clash. Je ne savais pas qu'il avait été une figure importante de la scène mod dans les années 1960, avec notamment son label Sue et son travail pour Island. Il présidait aussi la Chuck Berry Appreciation Society.
Stevens parle, déjà, d'une figure légendaire en Angleterre, même s'il exagère un peu en parlant de trois générations de fans ados depuis le premier disque en 1955. Il est intéressant de noter les genres musicaux cités : il fut l'un des grands noms de l'époque du rock and roll (au passé, sous entendu, cette époque des années cinquante est révolue), il est reconnu et accepté à la fois dans les cercles de la pop musique et du jazz et il est le roi incontesté du rhythm and blues.
Il est aussi dans une situation très particulière. Son énorme succès initial avait déjà commencé à décliner quand il a été poursuivi puis incarcéré (20 mois de 1962 à 1963), grosso modo pour détournement de mineure. Mais entre-temps, il est devenu une figure essentielle de la nouvelle scène anglaise, avec les reprises de ses titres par les Beatles (Roll over Beethoven), les Rolling Stones (Come on, Carol), les Hollies (Talking 'bout you) ou Lonnie Mack (Memphis). C'est dans ce contexte que Chuck Berry entame, en mai 1964, sa première tournée anglaise, avec The Animals, Carl Perkins et The Nashville Teens en première partie. La sortie de ce disque a dû clairement être calculée pour promouvoir cette tournée. Guy Stevens a joué un rôle important dans tout ça, comme l'explique un témoignage repris chez The Generalist : "Listen ! I was at a session with Phil Chess in 1964 with Chuck Berry when he was doing "Promised Land" and "Nadine". I was at the session ! I was taking photographs! I got Chuck Berry out of prison ! I put tremendous pressure on Pye Records, who had Chess and Checker over here, and the head of the company at the time was Ian Ralfini. I put pressure on him to get "Memphis Tennessee" released as a single. It was out as a B-side, with Let It Rock. They taped all the Chuck Berry tracks off my records ! Not from master tapes but from my records !".
Stevens a effectivement réussi à convaincre Pye International, puisque le premier titre de ce disque est bien Memphis, Tennessee. A l'origine, ce n'était qu'une face B, mais de Back in the USA, plutôt. Et ce n'est pas très étonnant car c'est tout sauf une chanson rentre-dedans, sans refrain. Si on a l'impression d'une certaine intimité, comme si Chuck nous murmurait à l'oreille par le combiné du téléphone, c'est sûrement dû aux conditions particulières de son enregistrement, relatées dans son autobiographie. Au lieu d'enregistrer en groupe et en direct en studio, “Memphis Tennessee” a été enregistré dans mon premier bureau au 4221 West Easton Avenue à St. Louis sur un studio bricolé à145 $ dans la chaleur moite d'une après-midi de juillet avec un magnéto à bande Roebuck à 79 $ qui avait une fonction d'enregistrement en son sur son. J'ai joué la piste de guitare et de basse et j'ai ajouté le tiquetis de batterie qui trotte dans le fond et qui sonne si bien à mon oreille. J'ai travaillé pendant plus d'un mois pour revoir les paroles avant d'emmener la bande à Leonard Chess pour qu'il l'écoute. Il était une fois de plus à la recherche de matériel pour sortir un disque puisque mes concerts me tenaient éloigné des studios pour de longues périodes. L'histoire de “Memphis” prend racine dans un titre très vieux et bluesy de Muddy Waters qu'il jouait quand j'étais ado et qui faisait “Long distance operator give me (something….something), I want to talk to my baby she’s (something else).” Désolé je ne m'en souviens plus maintenant mais c'était le cas alors et j'ai essayé de mettre l'esprit de ce sentiment dans mon interprétation de "Memphis". Ma femme avait de la famille là-bas à qui on rendait visite deux fois par an, mais à part une paire de concerts que j'y ai fait, je n'avais aucune raison particulière de choisir Memphis pour localiser mon histoire. Le but était que la situation décrite dans l'histoire suscite un intérêt très large du grand public plutôt que la relation d'un événement rare ou particulier qui ne rappellerait un souvenir qu'à quelques-uns. Décrire ainsi des situations ou des conditions populaires ou générales a toujours été mon plus grand objectif quand j'écris mes paroles."
Et pour Memphis, Tennessee, on le sait, il a parfaitement réussi ses paroles, qui nous font croire tout au bout qu'il cherche à joindre une ancienne amoureuse, avant qu'on découvre à la fin que celle qui l'a appelé initialement est sa fille de six ans. Il y a sûrement une étude comparée à faire avec Le téléphone pleure de Claude François, mais je vous l'épargnerai pour aujourd'hui.
Pour Roll over Beethoven, Chuck Berry l'explique aussi dans son autobiographie, l'inspiration lui serait venue de ses batailles avec sa soeur, qui jouait du classique, pour pouvoir jouer sur le piano familial. Il fallait avoir une vraie dose de culot pour un noir en 1956 de demander à Beethoven et Tchaïkovski de dégager pour lui faire de la place ! Et si, en 2014, David Thomas peut s'appuyer avec Pere Ubu sur cinquante ans de culture rock pour nourrir ses paroles et sa musique de références, en 1956, avec deux ans de rock and roll et une grosse dizaine d'années de rhythm and blues, Berry montrait combien il était passionné de musique en citant Louis Jordan, Carl Perkins et indirectement Bo Diddley. Par la suite, les expressions "rocking pneumonia" et "a shot of rhythm and blues" ont été reprises respectivement par Huey "Piano" Smith et Arthur Alexander.
I'm talking about you est une excellente chanson, mais peut-être la moins exceptionnelle des quatre. Je l'ai connue par la version en public de Dr Feelgood sur Stupidity, mais elle avait aussi été reprise par les Stones en 1965.
Sweet little sixteen est un archétype de la chanson à la fois rock et sur le monde du rock, une ode à la fan/groupie de seize ans qui fait tourner toutes les têtes, robe serrée et rouge à lèvres le soir du concert, écolière à l'allure sage le lendemain. Pas étonnant que ce soit devenu l'un des classiques de Chuck Berry, mais aussi son plus gros succès des années cinquante aux Etats-Unis, avant que les Beach Boys ne fassent aussi un tube de Surfin' USA, avec la même mélodie.
1964 a effectivement été une excellente année pour Berry : les reprises des anglais ont continué et il a eu de nouveaux tubes (No particular place to go, You never can tell, Promised land et Little Marie, la suite de Memphis, Tennessee), inclus en fin d'année sur son album St. Louis to Liverpool.
Je croyais que Chuck Berry avait arrêté de jouer sur scène après un malaise il y a quelques années, mais il a encore joué en-dehors des Etats-Unis cette année, et surtout, il se produit tous les mois au Blueberry Hill près de chez lui à Saint Louis. La dernière fois, c'était il y a deux jours. Comme quoi il doit encore tenir un minimum la forme...



Chuck Berry, Memphis, Tennessee et Roll over Beethoven, en direct dans une émission de télévision française, probablement en 1965 ou 1966.


Chuck Berry, Sweet little sixteen, dans l'émission Saturday Night Beech-Nut, le 22 février 1958.


14 septembre 2014

A STRANGE KIND OF LOVE


Acquis dans une boutique de charité à Saint Sampson le 29 mai 2013
Réf : 535 516-2 -- Edité par Polygram TV en Angleterre en 1996
Support : CD 12 cm
20 titres

Après le Strange love d'hier, voici une autre variété d'amour étrange, A strange kind of love. Ça ne devrait surprendre personne puisqu'on sait depuis Mickey et Sylvia que Love is strange !
Ce qui m'a surtout paru bizarre quand j'ai découvert ce disque dans une assez grande boutique de charité sur l'île de Guernesey, c'est sa pochette. Ce graphisme de BD à l'eau de rose, ces trames à la Roy Lichtenstein, j'ai d'emblée eu du mal, et j'en ai toujours, à les associer à Joy Division, The Cure ou Echo and the Bunnymen !
Pour comprendre, il suffit sde savoir que cette compilation a été éditée en 1996 par Polygram TV, une filiale de la major qui, comme son nom l'indique, est spécialisée dans l'édition de disques promus à  grands coups de publicité dans la presse et surtout à la télévision. Et dans ce milieu, les méthodes sont les mêmes, que l'on vende les slows de l'été, les succès en discothèque ou, comme c'est le cas ici, des chansons d'amour des années 1980.
J'aurais moins été surpris si on avait moissonné pour ce disque la plus abjecte de la variété eighties (comme pour toute époque, il y a de quoi faire !), et les deux premiers titres (The look of love d'ABC et Love action, de The Human League, mais pas dans sa meilleure période) font craindre le pire, mais pour le reste on a au bout du compte une compilation new wave de très bonne tenue, avec simplement deux paramètres particuliers pour la sélection des titres : des chansons plus ou moins d'amour et, de manière générale, les titres les plus populaires des artistes concernés, afin d'espérer faire cracher au bassinet les trentenaires des années 1990 accrochés par la pub télé et déjà nostalgiques de leurs années de jeunesse.
Alors oui, il y a les Stranglers, mais c'est obligatoirement Golden brown (encore que Always the sun aurait pu faire l'affaire). Pour The Passions, pas d'hésitation, I'm in love with a German film star. Joy Division ? Love will tear us apart ! Yazoo ? Only Only you ! Madness ? It must be It must be love ! Pour The Cure, le choix de Boys don't cry est excellent et, même si la date indiquée dans les crédits est 1986, il me semble que c'est bien la version originale qu'on entend sur ce disque.
Ce n'est évidemment pas le genre de disque avec lequel on fait des découvertes, mais ça fait au bout du compte une compilation agréable, une programmation toute faite pour une soirée rétro au cours de laquelle on réécoute aussi avec plaisir Treason (It's just a story) de The Teardrop Explodes, The back of love d'Echo and the Bunnymen, It's different for girls de Joe Jackson, Party fears two de The Associates, Enola Gay d'OMD ou Love my way de The Psychedelic Furs.

13 septembre 2014

THE DEEP VIBRATION : Strange love


Offert par Fargo Records à Paris le 2 août 2014
Réf : FR21259 -- Edité par Fargo en France en 2011 -- Promotional advance coipy. Not for sale.
Support : CD 12 cm
10 titres

Ils ont une habitude très sympathique à la boutique Fargo. Au moment de ressortir, on voit par terre derrière la porte un petit carton de disques avec la mention "Servez-vous". Il contient en général des CD hors-commerce diffusés - ou pas - par Fargo, par des gens qui ne sont pas tous complètement inconnus. Comme je refuse rarement un disque en cadeau et comme j'ai un faible pour les disques promo, je ne me suis pas fait prié lors de mon dernier passage et j'ai pris un exemplaire de chacun des six ou sept disques différents présents dans le carton. Il y avait notamment deux disques d'Alela Diane et un de Clare and the Reasons. Et celui-ci bien sûr.
A part la liste des titres et le fait que le groupe a produit l'album lui-même, il n'y a aucun renseignement technique sur la pochette. J'ai donc écouté le disque sans savoir du tout à quoi m'attendre (sauf que c'était un style susceptible de plaire à Fargo, bien sûr) ni d'où viennent ces gens.
Ça commence très bien avec le morceau-titre Strange love, complètement country dès les trois notes de guitare en intro et avec sa pedal steel ensuite, le tout emballé en moins de deux minutes. C'est à l'attaque du deuxième titre que j'ai été très surpris : on passe sans aucune transition à du rock électrique très marqué, avec chant à l'avenant. Pas spécialement mauvais, mais moins mon truc. Et tout l'album est comme ça. Le titre suivant Worried mind me plaît beaucoup, dans un style un peu sudiste avec guitare et orgue. Ça me rappelle quelque chose, le chant notamment, mais je n'arrive pas à trouver quoi. Il y a quand même quelques fois deux titres dans des atmosphères proches, comme ensuite avec Lonely for so long ou, malheureusement, pour les deux blues boogies électriques enchaînés, Black cat blues et You've got me. Il y a d'autres bonnes choses, dont I was cruel, l'autre titre avec de la pedal steel, ici bien associée à de l'orgue, mais c'est déconcertant d'écouter un album qui part comme ça dans tous les sens, même si toutes les compositions sont de qualité et maîtrisées.
Une fois en ligne, il ne m'a pas fallu longtemps pour apprendre que The Deep Vibration est (était plutôt) un groupe de Nashville (j'aurais dû m'en douter !, ce côté très pro et très propre dans les compos et l'interprétation), mené par le jeune guitariste-chanteur Matt Campbell, qui enregistre également en solo. Leur nom leur aurait été suggéré par Lou Reed, et ils avaient sorti avant cet album un EP, Veracruz.
IL ne m'a pas fallu longtemps non plus pour comprendre qu'il y avait anguille sous roche. Certes, Strange love est en vente au format numérique sur Bandcamp. Certes, l'album a sa page sur le site de Fargo et Gonzaï en a même publié une non-chronique il y a trois ans, qui pointe bien ses aspects sudistes et pas très originaux, mais chez Fargo la date de parution est toujours fixée à "TBA" (A paraître) et le disque n'est pas en vente. Et j'ai eu beau cherché partout, je n'ai trouvé aucun exemplaire en vente du CD "officiel" de l'album. La conclusion est simple : bien que le groupe ait annoncé officiellement sur sa page Facebook le 31 août 2011 la sortie de l'album chez Fargo, avec détails à suivre qui ne sont jamais venus, et bien que Fargo ait diffusé ce CD promo, il est plus que probable que le label a décidé à un moment ou l'autre d'arrêter les frais et de ne pas commercialiser l'album. Comme visiblement il n'y a pas eu non plus de CD commercialisé aux Etats-Unis ou ailleurs, ce disque est d'emblée un collector. Merci Fargo !
Comme je le disais, je pense que le groupe n'existe plus. Son principal titre de gloire reste la reprise remarquée de I was cruel par Caitlin Rose sur son album The stand-in en 2013. Rose est visiblement une proche du groupe. Elle fait des choeurs sur Strange love, y compris sur I was cruel, et au moins deux musiciens de The Deep Vibration l'ont accompagnée sur scène. Il s'agit du guitariste Jeremy Fetzer et du steeler anglais Spencer Cullum Jr, qui ont fondé tous les deux le groupe instrumental Steelism, dont le premier album sort justement dans trois jours.



07 septembre 2014

PERE UBU : Carnival of souls & Cogs




Acquis par correspondance chez Fire Records en Angleterre en août 2014
Réf : FIRECD358 -- Edité par Fire en Angleterre en 2014
Support : CD 12 cm et 100 p. 23 cm
9  et 9 titres

J'ai acheté l'an dernier au moment de sa sortie l'album Lady from Shanghai de Pere Ubu.  Je n'en ai pas parlé ici car, sur le coup, je n'ai pas particulièrement apprécié ce disque. Je viens de le réécouter et, à froid, je commence à mieux l'aimer, mais il doit y avoir quelque chose dans la production ou le mixage qui me rend ce disque hermétique, distant. Même David Thomas quand il chante semble lointain, peu impliqué. Un comble !
Alors, nonobstant les hyperboles de Charlie Dontsurf, j'ai pris mes précautions cette fois-ci avant de commander Carnival of souls : contrairement à mon habitude, j'ai d'abord écouté les titres disponibles en ligne, et j'ai été suffisamment emballé pour investir.
Au bout du compte, ce nouvel album est sûrement mon préféré de Pere Ubu depuis Ray gun suitcase en 1995, soit il y a déjà presque vingt ans. Ceux qui sont restés bloqués sur Non-alignment pact seront ravis des quatre-vingts premières secondes du disque, qui en sont dans le droit fil. Évidemment, cette première partie s'arrête brutalement et la chanson, comme l'album dans son ensemble, partent dans plein d'autres directions. Pour l'heure, mes titres préférés sont Golden surf II, justement ce titre d'ouverture, Bus station, Road to Utah et Irene.
David Thomas a répété cette fois-ci une expérience débutée l'an dernier avec Lady from Shanghai : accompagner l'album par la publication d'un livre qui explique et éclaire sa création. Le procédé a un seul défaut : il n'y a plus du tout de livret dans les CD de Pere Ubu, juste des notes de pochette réduites au strict minimum.
Cette fois-ci, j'ai aussi acheté le livre, Cogs : The making of Carnival of souls et, si on comprend l'anglais, c'est un plaisir de le lire entre deux écoutes du disque. David Thomas a plein d'esprit et de culture. Il est le mieux placé pour expliquer son processus créatif, y compris par des slogans et des règles, et, ça c'est moins évident, il a aussi suffisamment de recul et même une bonne dose d'autodérision, pour expliquer le fonctionnement de Pere Ubu et ses propres rapports avec les musiciens, le public et les médias. En voilà ci-dessous un exemple. Les amis rémois anciens de Rock In Opposition et de Recommended France seront ravis de cette mention d'Henry Cow.



Je ne vais pas vous résumer le livre ou les dossiers de presse qui accompagnent le disque. Sachez juste qu'à la base de cet album, il y a la musique et les paroles créées par Pere Ubu en juillet 2013 pour accompagner une projection du film Carnival of souls de 1962 et une tournée européenne en novembre 2013 sans la bassiste et le joueur de synthés du groupe, ce qui a conduit le groupe à improviser une majeure partie de ses concerts.
J'ai découvert en lisant Cogs que Carnival of souls est en partie un album champenois ! En effet, Irene est issue d'une improvisation lors d'un concert à la maison à Troyes, chez Alexandre Horn, en prélude à la tournée de novembre 2013. Et surtout, alors que j'étais resté persuadé que c'était toujours John Thompson qui faisait toutes les pochettes de Pere Ubu, j'ai appris que, comme pour The Lady from Shanghai, si John Thompson s'occupe toujours de la typographie et de la mise en page, l'illustration principale est justement due à Alexandre Horn. Ce sont ses deux premières pochettes de disques physiques de Pere Ubu mais, en incluant les projets pour David Thomas et Rocket From The Tombs, il a déjà réalisé plus de vingt pochettes pour hearpen.com !
L'actualité de Pere Ubu cette semaine c'est non pas un concert en France, mais une nouvelle prestation en direct pour accompagner une projection de Carnival of souls, vendredi 12 novembre à Paris pour l'Etrange Festival. Ceux qui n'en seront pas peuvent pour se consoler en mettant un doigt, deux oreilles pour le disque et deux yeux pour le livre dans l'engrenage du manège des âmes de Pere Ubu.



06 septembre 2014

GLORIA JONES : Tainted love


Acquis je ne sais fichtre où mais sûrement dans la Marne à un moment quelconque entre 1985 et 2005
Réf : 2C 008-07.599 -- Edité par EMI en France en 1982
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Tainted love -/- Go now

L'effet recherché est assez réussi. Le dessin au trait avec son cadre hachuré, le fond pastel (bleu ici, jaune voire beaucoup plus rarement rose sinon), l'ovale qui indique "version originale" plutôt que "n° 1 en Angleterre". D'ici peu, je pense, je saurai si le J.C. Houdry qui est l'auteur de ce dessin est le Jean-Claude Houdry qui se trouve être un presque voisin de Reims....
Oui, c'est réussi. Sans même lire le titre Tainted love, on ne peut en voyant ce disque que penser à celui de Soft Cell, l'un des grands succès de l'année 1981. Succès tel que, en 1982, les gens d'EMI se sont réveillés et se sont rendus compte qu'ils avaient dans leur catalogue un enregistrement par Gloria Jones de ce tube.
Petit souci. Pour l'édition maxi correspondante, la mention sur la pochette est précise et exacte : "par Gloria Jones interprète de la version originale". Exact, mais ni sexy ni vendeur, et ça prend de la place sur la pochette d'un petit 45 tours. Va donc pour "version originale", sauf que du coup c'est faux : la version originale de Tainted love par Gloria Jones date de 1965, tandis que celle qu'on trouve ici est une deuxième version, de 1976.
Bon, il faut dire que c'est le genre de chanson qui a eu un parcours chaotique. Écrite pour Jones par son producteur Ed Cobb, la version originale n'est, en 1965, que la face B du 45 tours My bad boy's comin' home. Un titre assez obscur, donc, mais qui est redécouvert dans les années 1970 par le DJ anglais Richard Searling, qui en fait un titre phare de la Northern soul. D'où, sûrement, les deux premières reprises en 1975 par Ruth Swann et The Jezebelles.
Entre-temps, Gloria Jones a joué dans la version de Hair de Los Angeles, été embauché par Motown comme auteur-compositeur (usant au départ du pseudonyme LaVerne Ware) avant de faire des choeurs pour T. Rex, entre autres. C'est avec son compagnon Marc Bolan qu'elle a co-produit en 1976 son album solo Vixen., qui contient des compositions originales, mais aussi des reprises, dont une de Get it on. Plusieurs singles ont été tirés de cet album à l'époque en Angleterre, mais aucun ne contenait la seconde version de Tainted love enregistrée par Gloria Jones qui était sur l'album.
Malheureusement, outre Tainted love, Gloria Jones reste surtout réputée pour être la conductrice qui a eu un accident de voiture le 16 septembre 1977. Elle a été grièvement blessée et son passager Marc Bolan est mort.
Prise isolément, cette version de 1976 est tout à fait correcte, mais elle pâlit quand on la compare à la version de 1965, qui est visiblement celle qui a directement inspiré Soft Cell pour sa reprise (même si on imagine bien que les gars de Soft Cell étaient aussi fans de Bolan).
En face B, on trouve Go now, une reprise d'un titre de Bessie Banks produit par Leiber et Stoller en 1964, surtout renommé pour sa version par The Moody Blues la même année. C'est un slow, une ballade soul pas mauvaise du tout, mais c'est pas trop mon truc quand même. Elle a eu droit à une face A de single en 1977, d'où le passage télé ci-dessous, sûrement.
Il est à noter que, dès 1981, Vogue, qui distribuait en France le Tainted love de Soft Cell, avait réédité en 45 tours et maxi la vraie version originale de Tainted love. Sauf que, il y a là encore un hic : il s'agissait d'un "nouveau mixage U.S.", présenté comme ceci : "La présente version de 'Tainted Love' a été enregistrée dans les années 60 par Gloria Jones. Cette même chanteuse la réenregistra dans les années 70, produite par Marc Bolan, son mari et leader de T. Rex. Dix ans après le groupe anglais 'Soft Cell' en fait un numéro 1 mondial, c'est pourquoi les producteurs de la première version ont décidé, par une modification d'arrangement et un habile mixage, de vous donner la possibilité de la découvrir ou de la redécouvrir sous l'appellation 'New U.S. Remix'." Je n'ai pas trouvé ce remix à écouter en ligne, mais s'il s'agissait de faire sonner la version originale comme du Soft Cell, c'était sûrement casse-gueule !