29 avril 2023

AFRO-SUCCÈS : Ce n'est pas difficile


Offert par Philippe R. à Saint-Nazaire le 5 mars 2023
Réf : SAF 1653 -- Édité par Sonafric en France en 1974
Support : 45 tours 17 cm
Titres : AFRO-SUCCÈS : Ce n'est pas difficile -/- Tawole messam CHICAGO : Jenny

Après le Yin Dikan, voici un autre des quatre disques que Philippe m'a offerts le mois dernier.

La pochette est assez quelconque, mais elle est néanmoins intéressante.
D'abord au recto parce qu'une étiquette autocollante a été ajoutée, celle du disquaire qui a vendu ce 45 tours initialement. Et ce qui est surprenant, c'est que ce disquaire de Bordeaux, les Etablissements Le Limousin, se spécialisait dans les disques "africains & typiques", en gros et au détail. Une boite de ce type à Paris, ça ne m'aurait pas surpris. Mais à Bordeaux ? Je n'aurais pas pensé qu'il y avait un marché suffisamment développé dans la région pour faire vivre un tel disquaire. Je n'ai pas trouvé d'informations détaillées sur Le Limousin, juste une mention par Florent Mazzoleni, bordelais et spécialiste entre autres des musiques africaines. Dans un entretien avec Africultures en 2010, il indiquait : "À Bordeaux, Le Limousin, qui existe toujours, avait à l’époque un catalogue afro impressionnant, essentiellement vendu aux immigrés africains.". Sans surprise, la boutique n'existe plus en 2023.
Je m'interroge toujours à propos des disques comme celui-ci : c'est clairement une édition française, mais à quel marché était-elle destinée ? J'imagine que la partie du stock qui se vendait en France, principalement aux communautés immigrées, était minoritaire et que le plus gros était distribué en Afrique. Quand on voit le nombre délirant de disques édités dans les années 1970, on se dit bien que tous ne se trouvaient pas par chez nous à tous les coins de rue. Sinon, on en chinerait encore plus souvent...
En parlant de ça, le verso de la pochette est lui aussi intéressant. On a un rappel du catalogue Sonafric, un petit label je dirais, rien à voir avec African ou Pathé. Et pourtant, c'est alléchant ! Des disques de Samuel Same ou Toto Guillaume avec les Black Styl, Zozo Charmant, Sam Fanthomas et les Tigres Noirs, Jean-Marie Fongou et les Blousons Noirs, Ella Nablond et l'Eko Jazz Band, Freddy de Mi Amor et le Vedette Jazz ? Il n'y avait rien de tout ça chez Philippe, le petit joueur !
Il y a même une face B, Samy na Cathy n° 3 de Samba Mascott, qui doit être une suite par un de ses membres de mon 45 tours des Bantous de la Capitale.

Je ne connaissais pas l'Orchestre Afro-Succès, mais je connais bien son directeur, Hilarion Nguema, pour ses succès des années 1980, Crise économique et SIDA, que j'ai achetés à l'époque. Mais je n'avais aucune idée du parcours qui l'avait amené là, et qui remonte au début des années 1960.

Mon exemplaire du 45 tours est en parfait état, et pourtant le son de Ce n'est pas difficile est assez pourri. Le problème doit se situer au niveau de la mastérisation ou de la gravure, car la version sur YouTube soufre des mêmes problèmes. Cette excellente chanson, une rumba, est devenue l'un des classiques d'Hilarion Nguema. Il y a un son de basse impressionnant, plein de réverbération je pense, et des  cuivres en plus des guitares dans la partie instrumentale. La thématique ("Ce n'est pas difficile, si tu veux m'embrasser, ce n'est pas compliqué si tu veux me parler, allo, allo, tu peux me téléphoner") rappelle celle de Téléphonista de Keita Fodeba ou, dans un autre style, Ton numéro par Le Bâtiment.
Il existe au moins une reprise de Ce n'est pas difficile, par Georges Seba en 1986, avec une production complètement d'époque. Je préfère la version originale...

J'ai été un peu surpris et déçu à l'écoute de la face B du 45 tours. Le chanteur n'était pas le même, mais ça c'est possible dans un Orchestre, mais surtout musicalement ça n'avait rien à voir. Rien de vraiment africain, plutôt un son au goût du jour dans les années 1970 outre-Atlantique, une sorte de rock-soul-funk.
Pourquoi pas, mais j'ai tiqué quand j'ai repris le disque et quand j'ai vu que Tawole messam était censé être dans le style Assiko madzona. Or, l'Assiko est un style musical africain traditionnel.
J'ai donc cherché à écouter Tawolo messam en ligne, et effectivement ça n'avait rien à voir avec la face B du disque. Le pressage est tout aussi pourri, mais on est bien dans le même esprit qu'avec Ce n'est pas difficile, et c'est bien mieux que ce que je venais d'écouter.
Grâce à une technologie furieusement moderne (Shazam), il ne m'a pas fallu trois secondes pour apprendre que le titre qui est gravé sur la face B est en fait Jenny par le célèbre groupe américain Chicago, un titre de leur album Chicago VI de 1973...!!
En examinant les numéros de matrice, on comprend ce qui s'est passé : quelqu'un au moment de la fabrication a merdé et a pris la matrice "CBS 1653 B", qui correspond à Jenny en face B du 45 tours Feelin' stronger every day, au lieu de la matrice "SAF 1653B", qui aurait été celle de Tawole messam. Philippe avait un titre "tardif" de Chicago chez lui et il ne s'en doutait pas...!

A 80 ans, Hilarion Nguema a encore joué en concert l'an dernier à l'occasion de la Fête de la Musique, et à la même période un hommage lui a été rendu avec une conférence.


Dans cet acte 1 du documentaire L'épopée de la musique gabonaise, un entretien avec Hilarion débute à 33'19. On l'y entend fugacement chanter deux versions de Ce n'est pas difficile.

22 avril 2023

PIERRE DAC ET ANNE-MARIE CARRIERE : Bon sens ne peut mentir


Acquis chez Récup'R à Dizy le 1er avril 2023
Réf : [sans] -- Edité par Isorel en France dans les années 1960 -- Offert par Isorel
Support : 45 tours 17 cm
Titre : Bon sens ne peut mentir

Ce jour-là, il y avait visiblement eu un arrivage dans le petit rayon de 45 tours à 10 centimes de la ressourcerie. A tel point que j'ai trouvé une dizaine de disques.
Celui-ci, quand je suis tombé dessus je ne pensais pas l'acheter, mais je m'y suis intéressé car je ne l'avais jamais vu, et aussi parce que l'association Anne-Marie Carrière / Pierre Dac était surprenante. De Pierre Dac, le seul disque qu'on voit très régulièrement est Le Sâr Rabindranath Duval, en 45 tours ou en album (excellent, particulièrement cette version à la télé de 1956, avec les fous rires du duo).
Quand je m'en suis saisi pour essayer d'en savoir plus, j'ai tout de suite senti que le contenu de la pochette était anormalement épais. J'ai pensé qu'il y avait deux 45 tours au lieu d'un dans la pochette, ce qui arrive assez souvent. Mais non, je venais bel et bien de mettre la main sur mon premier disque en bois ! Et même si je l'ai trouvé un 1er avril, je vous promets que ce n'est pas une blague à retardement.

Je dis "en bois", mais c'est un raccourci puisque que ce disque vise à faire la promotion de l'un des produits de la société Isorel, le panneau de fibres de bois Biplac.
Quelques explications nous sont données au verso de la pochette, avec aussi trois dessins humoristiques de Claude Verrier, illustrateur dans les années 1950 de la rubrique Linette et Linotte dans le magazine Mireille. On apprend donc que le panneau Biplac, c'est de l'Isorel avec une surface dure, lisse et vernie, "le seul panneau de fibres à deux faces lisses", comme le dit Pierre Dac sur le disque.

On nous explique que le panneau a été gravé sous une pression de 75 kg/cm² avec une tolérance permise d'1/20e de mm. Ce qui est étonnant quand on examine la seule face gravée du disque, c'est qu'on n'a pas l'impression que c'est le panneau de bois lui-même qui a été gravé, mais une fine pellicule de plastique (comme un disque souple très fin), qui aurait été collée sur le Biplac, et qui s'est d'ailleurs en partie décollée depuis, ce qui fait des cloques.

En fonction de tous ces éléments, je ne pensais pas que le disque allait être écoutable du tout. J'ai quand même fait un essai sur un vieil électrophone et, miracle de la technique !, ça a fonctionné. En partie du moins, puisque le début du sketch de Pierre Dac et Anne-Marie Carrière Bon sens ne peut mentir passe à peu près bien, mais par la suite c'est de moins en moins compréhensible et à la fin le saphir saute de plus en plus.

Pour cette prestation publicitaire, Pierre Dac a recyclé le titre et quelques éléments de l'un de ses vieux sketches, qui a été suffisamment marquant pour faire l'objet d'une édition en 25 cm en 1953. Pour l'occasion, Les Marrants (Dac, Léo Campion et et Marcel Celmas) ont fait durer Bon sens ne peut mentir presque une demi-heure. On peut écouter en ligne la face A et la face B.

J'ai connu Anne-Marie Carrière dans le jeu télévisé Le Francophonissime. Dans les débuts, j'étais fasciné par le moment où, quand un candidat était éliminé, on peignait au blanc un croix sur la vitre qui était devant lui. Je ne suis pas surpris de la trouver ici à faire de la pub. Elle a fait plusieurs disques de ce genre, notamment avec son compère du Francophonissime Jean Valton (qui lui en a carrément fait des dizaines).

Je me sens un lien particulier avec Pierre Dac car nous partageons la distinction d'être nés à Châlons-sur-Marne. Mais lui n'y a vécu que jusqu'à trois ans, quand ses parents se sont installés à Paris. Je l'ai surtout connu par le sketch Le Sâr Rabindranath Duval avec Francis Blanche. Ce n'est que plus tard que j'ai entendu parler de L'os à moelle et de Signé Furax, ainsi que de son activité à Radio Londres pendant la guerre.
Lui, je suis un peu étonné de le retrouver à faire un "ménage" de ce type à cette époque, probablement dans la première moitié des années 1960. C'est apparemment le seul disque publicitaire auquel il a participé.

Mon exemplaire du disque a pu être envoyé à n'importe quel client d'Isorel, mais je pense que ce n'est pas une coïncidence si l'endroit où je me le suis procuré se situe à quelques centaines de mètres seulement de l'usine de panneaux de bois Leroy de Magenta, qui a fait partie du groupe Isoroy.

En musique, on parle souvent de disques d'or. C'est un peu surfait. Les artistes se battront peut-être bientôt pour obtenir un disque de bois. Du bois, oui, mais du Biplac !

A écouter :
Pierre Dac et Anne-Marie Carrière : Bon sens ne peut mentir




16 avril 2023

THE CHAMBERS BROTHERS : Are you ready


Acquis à la bourse BD Disques d’Épernay le 5 février 2023
Réf : 4098 -- Édité par CBS en France en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Are you ready -/- You got the power to turn me on

Dans les bourses aux disques les prix ont de plus en plus tendance à  confiner au délirant mais, mine de rien, en fouillant attentivement les bacs à prix fixe, j'ai quand même réussi repartir de la bourse d’Épernay cette année avec huit 45t à 1 € et deux 33t à 2 €, achetés à cinq ou six vendeurs différents. Pas si mal.

J'ai découvert les Chambers Brothers il y a cinq ans avec leur titre le plus connu, Time has come today, sur la compilation International Pop Hits 1968. Depuis, j'ai trouvé l'an dernier leur 45 tours reprise d'Otis Redding I can't turn you loose, et j'ai pris celui-ci pour compléter ma collection naissante.
Je ne m'attendais à rien de spécial, un 45 tours extrait d'un album, comme souvent chez CBS, mais j'ai été agréablement surpris puisque 1) la face A du 45 tours est un titre hors album, 2) cette face A est puissante et sauvage et 3), c'est ce qui m'a le plus étonné, j'ai été incapable de trouver cette face A en écoute en ligne.

L'histoire discographique de la chanson Are you ready est un peu compliquée.
A l'origine, il y a le deuxième 45 tours extrait de l'album A new time - A new day de 1968, après I can't turn you loose justement. Sa face A est You got the power to turn me on et la face B est un titre précédemment inédit, sûrement issu des sessions de l'album (c'est le même producteur, Tim O' Brien). Cette face B, c'est Are you ready et elle dure 3'35.
C'est un phénomène qui n'est pas si rare : partout où ce single a été édité ailleurs qu'en Amérique, les faces ont été inversées et c'est Are you ready qui est devenue la face A.

En 1971, The Chambers Brothers ont réenregistré Are you ready pour leur album New generationCette version qui ouvre l'album est produite par le groupe lui-même et elle dure 3'47. C'est cette version qu'on trouve assez facilement en ligne.
On trouve aussi une version de 2'40, présentée dans un Best of comme étant la version single mono, mais c'est en fait la version de 1971 raccourcie de la partie instrumentale finale, pas la version single de 1968.

Bon, écoutons cette version d'Are you ready de mon 45 tours. Impressionnant. En intro, le riff de guitare est plutôt stonien. Par la suite, l'ambiance est carrément hendrixienne, avec un gros groove, toujours de la guitare électrique, bien sûr, des breaks avec des chœurs, et, ce qui m'a le plus marqué, un chant impressionnant de puissance, souvent presque un cri musical.
De ce que j'ai pu comprendre des paroles, c'est un appel au peuple pour passer de la piste de danse à la rue, un appel à la fraternité et à la solidarité pour défendre ses droits et se libérer. Un sujet éternel et parfaitement d'actualité par chez nous ces temps-ci.
La version album de 1971 d'Are you ready n'est pas mal du tout, mais elle est moins sauvage, avec moins de paroles et des plans jazz-funk.

La face B, You got the power to turn me on, est donc l'une des chansons qui a été préférée à Are you ready pour figurer sur l'album A new time - A new day. Elle est assez bluesie, plutôt lente, avec harmonica et tout. Pas mauvaise, mais si on m'avait demandé mon avis, c'est sans hésitation celle-là que j'aurais écartée de l'album plutôt qu'Are you ready !

Dans la salle à Épernay, il y avait des centaines de disques bien plus chers et bien moins bons que celui-ci. Je suis bien content d'avoir débusqué cette pépite brûlante et bruyante.

A écouter :
THE CHAMBERS BROTHERS : Are you ready



The Chambers Brothers, Are you ready, dans l'émission The Smothers Brothers Show en 1969.
C'est un arrangement très proche, mais c'est bien une version différente de celle du single, un peu moins folle.

08 avril 2023

THE BALLADURIANS : Un éléphant me regarde


Acquis par correspondance via Bandcamp en mars 2023
Réf : TB453/1 -- Édité par Pagans en France en 2014
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Un éléphant me regarde -- Triangle -/- Gut feeling

Après Juniore, c'est la deuxième fois qu'une de mes balades du Bandcamp pour le webzine Casbah m'incite à acheter un disque. En mars, c'est l'album d'Oh, no ! It's Diva qui m'a incité à explorer Bandcamp à la recherche d'autres reprises de Devo par des français. Arrivé au terme de cette exploration, c'est Gut feeling par The Balladurians que j'ai sélectionné.

Le titre s'ouvre par un enregistrement de Youri Gagarine
à l'issue de son premier vol cosmique, qu'on se serait peut-être plutôt attendu à entendre sur une reprise de Space junk. Ensuite, ça part dans une version plutôt fidèle de ce qui doit être la chanson la plus basiquement rock de tout le répertoire de Devo, avec un mélange guitare/claviers et, dans le dernier tiers, un passage instrumental assez emballant. Très bien donc, et j'aurais même dit parfait si le groupe avait eu la bonne idée d'adapter les paroles originales en français, comme Non! l'a fait avec The day my baby gave me a surprise.

Comme la pochette du 45 tours me plaît bien et que Bandcamp indiquait qu'il restait juste deux exemplaires de ce 45 tours en vinyl rouge sorti il y a bientôt dix ans, j'y suis allé de ma commande (et donc, à cette minute, il n'y a officiellement plus qu'un seul exemplaire du disque à la vente).

Le label Pagans qui a sorti ce disque, basé à Pau tout comme The Balladurians, a été fondé par le groupe Artùs. Il est géré par la compagnie Hart Brut et, parmi les gens qui s'en occupent, il y a Nicolas Godin, membre par ailleurs de Porta S. Le catalogue du label est éclectique. L'un des seuls noms que je connaissais est celui de Sourdure.

The Balladurians est un duo composé d'Hellvis (guitare et chant) et Paul Memphis (claviers, boites à rythmes et vinyls). Une formation minimale qui donne à leur son des tonalités un peu garage.
Leur nom sonne bien aujourd'hui, avec le recul, mais dans les années 1990 ils se seraient sûrement fait lyncher. J'imagine bien de nos jours des groupes se lancer en se baptisant Les Macroniens ou Les 101 Darmanins...!

Gut feeling est la face B de leur troisième 45 tours, un disque particulier présenté ainsi : "Trois reprises pour illustrer les principales influences du groupe : le rock 60's à la française et les sonorités synthétiques des années 80."

Les deux autres titres sont sur la face A.
Un éléphant me regarde a été enregistré en hommage à Gérard Rinaldi le jour de sa mort, le 2 mars 2012, mais je ne suis pas sûr que Les Problèmes, et donc Rinaldi, jouent sur la version originale d'Antoine.

L'autre titre est une version de Triangle, l'un des instrumentaux du premier disque solo de Jacno, mais pas le choix le plus évident qui aurait été le mini-tube Rectangle.

The Balladurians ont sorti quatre 45 tours jusqu'en 2014. Plus rien depuis, mais le groupe jouait encore en 2019 puisqu'on peut les voir sur YouTube jouer Gut feeling en concert en avril 2019.




The Balladurians en studio pendant l'enregistrement de ce 45 tours.


The Balladurians, Gut feeling, en concert à Bayonne probablement en 2011, avec Lederhosen Lucil en invitée.

01 avril 2023

DEEP PURPLE : Smoke on the water


Acquis chez La Pièce Unique à Épernay le 31 janvier 2023
Réf : 2C 006 - 94.583 -- Édité par Purple en France en 1973
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Smoke on the water -/- Smoke on the water (Live version)

Je connaissais le magasin La Pièce Unique de Cormontreuil, mais je ne savais même pas où se situait la boutique de cette franchise à Épernay. Mais ce jour-là, ça tombait bien, l'itinéraire de la manifestation passait devant. Je me suis donc éclipsé du défilé pendant quelques minutes pour aller voir s'ils avaient des disques. Et effectivement, il y en avait un peu, une poignée de CD et de 45 tours à un prix correct, et une caisse de 33 tours trop chers. J'en suis reparti avec ce 45 tours à 2 € et, ce qui m'arrive rarement, j'ai rajouté 20 centimes pour avoir la pochette vide du 1969 des Stooges. On ne sait jamais, si un jour je tombe sur le 45 tours tout seul, ça me fera une belle pièce pas unique.

Quand j'ai vaguement et vainement tenté d'apprendre à jouer de la guitare vers 10-12 ans, je n'avais que deux titres à mon répertoire, Jeux interdits et Smoke on the water, soit pour ce dernier douze notes que je jouais une à une (pas d'accords) et très mal !
Dans mon quartier aux Grévières, plus encore qu'AC/DC et Kiss, Deep Purple était le groupe qui de hard rock faisait l'unanimité, les disques considérés comme essentiels étant In rock, Machine head et Made in Japan. Et ceux qui suivaient vraiment le gropupe avaient aussi des disques de Rainbow et Coverdale. Je me souviens d'ailleurs avoir enregistré le premier Coverdale sur cassette, mais je n'ai pas acheté de disque de Deep Purple à l'époque. Et pourtant, c'est bien intégré dans ma culture puisque je connais encore aujourd'hui les prénoms des membres de la formation de l'époque, Blackmore, Gillan, Glover, Lord et Paice (Je vous laisse réviser...).
Je pense pouvoir affirmer sans me tromper que Smoke on the water est le titre emblématique de Deep Purple, leur classique. Et pourtant, ce 45 tours, sorti un an après l'album Machine head, après le succès du live Made in Japan, n'a pas dû être énormément vendu. On voyait assez régulièrement Black night sur les stands des vide-greniers, mais beaucoup moins souvent Smoke on the water il me semble.

Les circonstances qui ont donné lieu à la création de cette chanson sont bien connues. Elles ont été souvent racontées, et encore récemment en détails dans le n° 312 de Classic Rock daté de mars 2023.
Le groupe avait prévu d'enregistrer en décembre 1971 au Casino de Montreux avec le studio mobile des Rolling Stones, au lendemain du dernier concert du fameux Festival de Jazz de la ville. Ils étaient présents ce soir-là pour la prestation de Frank Zappa & the Mothers of Invention, brutalement interrompue quand quelqu'un a déclenché un incendie en lançant une fusée de détresse dans l'enceinte du concert.


Claude Nobs et Jean-Paul Marquis lors de l'incendie du Casino en 1971. Photo : Alain Bettex.

Le casino a entièrement brûlé, miraculeusement sans faire de victime, et l'organisateur du festival Claude Nobs s'est mis en quête d'un nouveau lieu d'enregistrement pour Deep Purple.
Au Pavillon, une salle de concert en ville, ils n'ont tenu qu'une nuit car ils dérangeaient le voisinage. Juste le temps de jammer en instrumental autour d'un riff de Ritchie Blackmore. C'est finalement au Grand Hôtel que Machine Head a été enregistré en deux semaines. Sauf que, au dernier moment, ils se sont rendus compte qu'il leur manquait quelques minutes pour atteindre la durée d'un album. En catastrophe, ils sont revenus sur l'enregistrement du tout début, qu'ils ont travaillé et complété en une journée. Et pour les paroles, c'est simple, elles racontent leurs aventures à Montreux, en citant au passage Frank et Claude.
Pour le groupe, cette chanson n'était qu'un bouche-trou. C'est leur label américain qui a décelé son potentiel commercial.

Ce qui est bien avec les versions de Smoke on the water sur les deux faces de ce 45 tours, c'est qu'elles sont raccourcies autour de la barre des 4 minutes, ce qui est largement suffisant (sur Machine Head, elle dure 5'40, et presque 7'30 sur Made in Japan). La version studio est parfaite. La version en concert n'est pas fondamentalement différente.
Ce qui "fait" la chanson, c'est donc son riff, qu'on joue tous à la guitare imaginaire, et son refrain des plus basiques ("Smoke on the water and fire in the sky") qu'on peut beugler en chœur. La présence de l'orgue de Jon Lord est appréciable, mais c'est assez ironique que, pour cette composition initiale de Blackmore, on se fiche complètement de savoir s'il y a un solo de guitare ou pas.
Pour ce qui est de l'origine de ce riff de guitare, plusieurs pistes sont évoquées. Blackmore a mentionné une déconstruction de l'ouverture de la 5ème symphonie de Beethoven (!), mais j'aime bien l'idée qu'il se serait inconsciemment ou pas inspiré de quelques notes qu'on entend en introduction de la bossa nova Maria quiet d'Astrud Gilberto, sortie en 1966.

J'ai lâché Deep Purple aussi vite que j'ai lâché ma guitare. Pour la nostalgie, j'aurais pu boucler la boucle et aller voir le groupe à la foire de Châlons le 30 août 2015. Outre mon frère, je suis sûr que j'y aurais retrouvé plein de copains du quartier. Et bien sûr, ils ont joué Smoke on the water ce soir-là, comme sûrement tous les soirs.

Une version du groupe est en tournée mondiale cette année, avec trois des membres de l'époque de Machine head encore dans sa formation (Ritchie Blackmore n'en est pas et Jon Lord a l'excuse imparable d'être mort). Une date française est annoncée
Une publicité pour Smoke on the water parue dans la presse professionnelle américaine, récupérée chez Retro Music Ads.


Deep Purple, Smoke on the water, en concert au Budokan à Tokyo le 17 août 1972.


Deep Purple, Smoke on the water, en concert à New York en 1973.