22 juillet 2013

MINI-BOUM


Offert par Philippe R. à Reims le 7 juillet 2013
Réf : 500006 -- Edité par Atlantic en France en 1967
Support : 33 tours 15 cm
6 titres

Philippe a trouvé ce disque, sans sa pochette malheureusement, sur une broc il y a quelques mois. Il me l'a offert car il savait que ce format particulier m'intéressait, d'autant que le musique gravée dans ces sillons est excellente.
Ce format, c'est un disque vinyl d'un diamètre inférieur à celui d'un 45 tours de 17 cm, qui tourne à 33 tours par minute et sur lequel on peut mettre jusqu'à neuf minutes de son par face.
Comme l'explique Vinyl Maniaque, il s'agit d'un format de "disque de poche" lancé en 1967 par la Compagnie Européenne du Disque, l'une des sociétés de la galaxie Barclay. Un petit catalogue a été publié, avec des disques Mini-Boum pour des artistes uniques, Jimi Hendrix, Eric Burdon & the Animals, Aretha Franklin, The Young Rascals. Il y en a même eu un de Nicoletta réservé aux membres de son fan club. Sous l'étiquette Stax, la collection s'appelait Micro-Boom et on y trouve un Otis Redding et une compilation.
Ce format de disque est très sympathique. J'ai beaucoup de regrets de n'avoir montré aucun intérêt pour ces disques quand je les voyais dans les Emmaüs ou sur les vide-greniers à la fin des années 1980 ou au début des années 1990. Maintenant, il est trop tard car ces disques sont devenus très recherchés et on les voit plus. Sauf chez Dorian Feller où le Wilson Pickett me nargue depuis des années près de son téléphone. Comme pour les 45 tours EP, j'aime bien le côté compact et la bonne quantité de musique qu'on y met. L'inconvénient, c'est que, avec des sillons serrés comme ça, la qualité sonore s'en ressent. La solution idéale il me semble, aurait été de tenter de développer du 33 tours 17 cm, ce qui permet de mettre l'équivalent d'une face d'album, mais l'argument marketing du "mini disque de poche" aurait été perdu...
Ce Mini-Boum est une compilation de rhythm and blues, avec une face rapide et une face lente et des titres enchaînés. Vous allez me dire que ça vous fait penser aux albums de la série Formidable, et c'est exactement ça. En fait, ce disque est le petit frère du EP 45 tours de promotion de la collection que j'ai trouvé en 2008; les deux disques ont en commun trois artistes et une chanson (Ooh poo pah doo, dans deux versions différentes) et ils sont présentés côte à côte sur le site français dédié à Otis Redding.
Indépendamment des questions gadget de format du disque, ce qui compte c'est qu'on a ici une excellente compilation, avec un seul défaut, comme pour les albums Formidable, c'est que les "enchaînements" sont parfois vraiment des massacres à la tronçonneuse.
J'avais peut-être déjà entendu Love-itis, mais je suis certain que je ne l'avais pas en disque et je viens vraiment de découvrir cette excellente chanson d'Harvey Scales & the 7 Sounds qui, c'est incroyable, n'était à l'origine qu'une face B. Le petit truc à la guitare à la base du morceau n'est pas spectaculaire mais terriblement efficace et le tout est une tuerie. La Love-itis (L'amourite, ou la maladie d'amour, comme diraient Michel Sardou ou Henri Salvador) est, ça se confirme, extrêmement contagieuse.
Le reste de la face rapide est un sans faute, avec une excellente version d'Ooh poo pah doo par Wilson Pickett, tirée de son album Wicked Pickett de 1966, avec des choeurs très réussi sur le refrain, suivie, pour rester dans le domaine médical, d'une autre perle, You've got me on the critical list, par Don Covay.
Généralement, je préfère les faces rapides aux lentes, mais là, avec Lavern Baker (Fly me to the moon) et Solomon Burke (Take me (Just as I am)), on joue dans la cour des grands. Et surtout, entre les deux, il y a Hold what you've got, le premier succès de Joe Tex en 1965, qui vaut tous les titres rapides du monde.
Les disques Formidable et la production rhythm and blues sixties de manière générale recèlent décidément un nombre faramineux de pépites, des grandes chansons qu'on continue de découvrir, sur des disques petits ou non. Si vous en avez d'autres à m'offrir, je reste preneur !


La pochette du disque. Si vous la trouvez vide, pensez à moi !

14 juillet 2013

ALAN LOMAX : Le pays où naquit le blues


Acquis par correspondance chez Amazon en décembre 2012
Réf : 978-2-916749-31-0 -- Edité par Les Fondeurs de Briques en France en 2012
Support : 664 pages 22 cm + CD 12 cm
10 chapitres + 10 titres

Ce livre est édité par Les Fondeurs de Briques, mais c'est en fait un pavé, qui m'a été recommandé par Philippe C. pour sa couverture, réalisée par Pascal Comelade et en parfaite adéquation avec le contenu du livre. Je ne l'aurais pas acheté cependant, si le sujet ne m'avait pas intéressé. Il s'avère, comme je l'espérais que Le pays où naquit le blues est un document précieux, le fruit d'un travail énorme, pour Alan Lomax, qui a fini par le publier en 1993, à 78 ans, et pour le traducteur, Jacques Vassal, figure du Rock & Folk des années 1970, qui espérait depuis longtemps publier ce livre en français.
Pour ce livre sur les racines du blues, l'ethnomusicologue Alan Lomax avait de la matière. Des témoignages de première main, recueillis et enregistrés pour la Bibliothèque du Congrès dès les années 1930 avec son père John A. Lomax (Leadbelly en 1933 à la ferme-prison Parchman, notamment), puis seul dans les années 1940 et à la fin des années 1950, après la guerre et le MacCarthysme, période où il a travaillé dans les Antilles et en Europe. En deuxième main, les témoignages collectés auprès des chanteurs et travailleurs âgés permettent à Lomax de remonter plus en avant dans le temps, au début du vingtième siècle et de s'approcher de son but, les sources du blues.
Je ne vais pas me risquer à essayer de résumer un tel livre. En voici juste un extrait.
On est en 1941 et Alan Lomax est en train d'enregistrer Son House sur une plantation, à l'arrière d'une épicerie de campagne : "La musique s"interrompit et Son House ouvrit les yeux et alluma une cigarette, mais quelque part un son grave résonnait, encore et encore. Nous nous regardâmes avec stupeur. Croyant que mon enregistreur en était responsable, je l'éteignis. Le son persista. Son sorti de sa transe. «Y a quelqu'un qui klaxonne dehors, dit-il. Vaudrait mieux que j'aille voir ce qui se passe.»
Au bout d'une minute, le klaxon se tut et Son revint, l'air tassé, le flux de la musique envolé, les joues comme cendre." « C'est mon patron. vaudrait mieux que vous alliez lui parler. »
Un blanc en combinaison kaki était assis au volant d'un pick-up, le visage blême de peur et de colère. Il paraissait si petit, si rabougri après ce que je venais de voir et d'entendre, que je faillis éclater de rire. Il voulait savoir ce que ce Blanc venu d'ailleurs, suant et négligé, faisait dans la taverne du cru en compagnie de son meilleur conducteur de tracteur. J'expliquai de mon mieux mais j'étais encore dans le feu de l'action et, j'en ai bien peur, je dus embrouiller mon histoire. Il ne me regarda pas pendant que je parlais et je ne crois pas qu'il entendit une seule de mes paroles. Il parut fixer une tête d'épingle, loin devant sur la route gravillonnée. « Eh bien, dit-il, quand vous aurez fait le plein de musique de nègres, passez à la maison. »"
Amené par le patron chez le shérif du Comté, en pleine parano patriotique guerrière, Lomax s'en sort, de justesse, en faisant valoir ses origines sudistes, en niant avoir serré la main d'un nègre, mais il fait presque tout capoter en donnant du "Monsieur" à Son House. Au lendemain du jugement dans l'affaire Trayvon Martin, on sait que les choses sont loin d'avoir complètement changé en soixante-dix ans. Grâce au CD inclus dans le livre, on peut revenir à cet après-midi de 1941 et écouter précisément le Walkin blues que Son House a interprété le 3 septembre 1941.
On trouve dans le livre et sur le CD d'autres témoignages de bluesmen, comme le tout premier enregistrement de Muddy Waters, que Lomax a déniché sur les conseils de Son House, un Shake 'em on down d'anthologie de Fred McDowell, ou des prises de Memphis Slim et Big Bill Broonzy (à propos de ce dernier, l'occasion serait belle, même s'il a tendance à fabuler et à se donner le beau rôle, et même si certaines informations font doublon avec celles données dans ce livre, de rééditer son autobiographie, Big Bill blues).
Le récit de la conversation entre Big Bill Broonzy, Memphis Slim et Sonny Boy Williamson, enregistrée à New York en 1947, est un autre grand moment du livre. La réaction des trois artistes quand ils se rendent compte que, malgré toute la confiance qu'ils accordent à Lomax, ils en ont peut-être trop dit sur leurs relations avec leurs patrons blancs, est glaçante.
Il est beaucoup question de bluesmen dans ce livre, mais pas seulement. Dans sa quête des origines de cette musique, Alan Lomax se penche pendant une grande partie du livre sur les travailleurs noirs, bûcherons, débardeurs de vapeurs sur le Mississipi, journaliers employés pour construire les digues du fleuve, pour retracer le chemin suivi par leurs chants et leur musique.
Le pays où naquit le blues est donc une somme, le produit de décennies de travail, mais c'est surtout et avant tout un guide de voyage inespéré pour se rendre au pays du blues, un compagnon idéal pour écouter et comprendre tous ces disques de blues qui présents dans nos collections de disques.

Le site de l'Association for Cultural Equity, fondée par Alan Lomax en 1983. On y trouve une importante archive en ligne, librement accessible.
L'American Folklife Center gère à la fois les archives personnelles d'Alan Lomax et celles constituées avec son père pour la Bibliothèque du Congrès.

12 juillet 2013

NICK LOWE : American squirm


Acquis chez Troc.com à Charleroi en 1981
Réf : WB. 17.281 -- Edité par Warner Bros [aux Pays-Bas] en 1978
Support : 45 tours 17 cm
Titres : American squirm -/- What's so funny 'bout (Peace, love and understanding) ?

Ce 45 tours était à Charleroi dans la même pile que celui d'Emile Lambert et cette trouvaille m'a ravi. Certes, j'avais déjà ce disque de Nick Lowe en pressage anglais, mais pas avec sa pochette illustrée, juste une pochette générique du label Radar. Et là, il s'agit d'un pressage du Bénélux où, comme en Allemagne, soit par tradition, soit en raison d'une quelconque réglementation, la plupart des 45 tours avaient des photos de l'artiste sur la pochette, quitte à en créer une spécialement, comme par exemple pour My little Kookenhaken ou Egyptian reggae de Jonathan Richman. Là, ils ont pris l'une des photos de la pochette de l'album Jesus of cool, recadrée (on voit le bout du manche de la basse, même si je n'en distingue pas la marque) et tirée en noir et blanc. Le résultat est assez réussi, mais ce qui est étonnant, c'est que la pochette d'origine comportait déjà une photo de Nick Lowe au recto, et dans ce cas précis, on verra pourquoi plus bas, la décision de changer de photo est signe d'une extrême maladresse.
American squirm est le premier nouveau titre sorti par Nick Lowe après son premier album solo, Jesus of cool. C'est une bonne petite perle pop dont il a le secret. Ce titre n'a pas été inclus en 1979 sur l'album Labour of lust, en tout cas pas sur l'édition originale anglaise puisque le label américain Columbia a préféré éjecter Endless grey ribbbon de l'album pour y faire une place à American squirm.
Pour la face B, les hollandais se sont aussi plantés. Ils ont indiqué "Nick Lowe and his Sound" comme auteur-compositeur de la chanson What's so funny 'bout (Peace, love and understanding), alors que sur le disque anglais il est clair que cette mention désigne les interprètes. Nick Lowe en est le seul auteur et il s'agit là d'une deuxième version puisqu'il avait déjà enregistrée cette chanson en 1974 avec son groupe Brinsley Schwarz pour l'album The new favourites of... (cette première version avait aussi été éditée en face A de single).

Il est temps maintenant de jeter un coup d'oeil à la pochette anglaise du disque :


La pochette originale anglaise d'American squirm.

Qu'y voit-on ? Nick Lowe avec des lunettes noires aux verres bien plus gros que sur l'autre photo, tenant une guitare (pas une basse, son instrument de prédilection) Fender Jazzmaster, avec sur le manche l'inscription "Costello", un Elvis Costello dont Nick Lowe produisait à l'époque tous les disques. Sur la photo au verso, en étant très attentif, on distingue la tête du même Elvis dans les nuages !
Pourquoi tous ces signes ? D'abord peut-être parce qu'Elvis fait les choeurs (et Pete Thomas joue de la batterie) sur American squirm, mais surtout, Nick Lowe and his Sound, qui interprètent la face B, s'avèrent être en fait, Elvis Costello and the Attractions ! Elvis Costello a expliqué dans les notes de pochette d'une réédition d'Armed forces qu'il ne savait plus par quel hasard le premier titre issu des sessions de l'album à être publié avait été celui-ci, sur ce disque.
J'ai du mal à me faire mon opinion sur les paroles de What's so funny 'bout (Peace, love and understanding) alors je me contenterai de renvoyer vers l'analyse de Mark Deming pour All Music, qui me parait sensée. Côté musique, ce qui est sûr, c'est que, la version de Brinsley Schwarz, outre qu'elle me fascine parce qu'elle n'aurait pas déparé sur Jesus of cool, garde des côtés pouvoir des fleurs sixties, avec les harmonies à la Beach Boys notamment, tandis que la version Elvis Costello est du pur punk, en ce sens qu'elle n'est que torrent de bile et énergie débridée. Un grand moment.
A l'origine, Radar s'est contenté de cette première parution et n'a mis cette reprise sur aucun des nombreux disques publiés par Costello sous son nom en 1978-1979. Aux Etats-Unis par contre, Columbia, encore, a décidé d'éjecter Sunday's best d'Armed forces (au motif, apparemment, que cette chanson sonnait "trop anglais" !) et d'y mettre à la place What's so funny 'bout. Il s'agissait de la première divulgation officielle du véritable interprète.  C'est amusant quand même de constater que deux faces hors album d'un 45 tours anglais se sont retrouvées aux Etats-Unis sur deux albums d'artistes différents. Columbia a peut-être même envisager d'éditer ce titre en face A de single, vu qu'une vidéo a été tournée alors que le groupe était en route du Canada vers le Japon. Depuis, la version Costello s'est retrouvée sur un grand nombre de ses compilations.


Elvis Costello avec les Attractions, sans Nick Lowe, What's so funny 'bout (Peace, love and understanding), une vidéo bien déjantée tournée par Chuck Statler à Vancouver et Hawaï.

Elvis Costello avec Nick Lowe, What's fo funny 'bout (Peace, love and understanding), en concert à Tokyo le 21 novembre 1987.

06 juillet 2013

LES LOUPS NOIRS : Cé rèl....


Acquis sur le vide-grenier de Mairy-sur-Marne le 5 mai 2013
Réf : MRS 1048 -- Edité par Mini aux Etats-Unis en 1974
Support : 33 tours 30 cm
8 titres

Par chez nous, c'est l'un des rares dimanches de ce printemps où il a fait un temps parfaitement agréable. Pour fêter ça, je m'étais concocté un petit programme de trois vide-greniers de villages, pas trop grands. Le circuit fut sympathique et agréable, mais j'en étais presque à regretter mon choix quand je me suis retrouvé à parcourir les allées du dernier vide-grenier avec un sac toujours vide. Mais il suffit parfois d'un seul stand pour rendre une pêche aux disques fructueuse...! Là, il y avait deux gros cartons d'albums sur une table, et le premier disque apparent était un album du groupa haïtien Les Shleu-Shleu. J'ai vite déchanté quand j'ai vu que l'épaisse pochette cartonnée était vide et ne servait que d'intercalaire, mais j'ai retrouvé le disque dans sa pochette intérieure quelques disques plus loin, et à ce moment j'avais déjà compris que j'étais tombé sur une mine de disques antillais.
Le vendeur m'a expliqué qu'il s'agissait de la fin d'un lot de disques qu'il avait acheté il y a quelques années en région parisienne et écoulé depuis au fil du temps auprès de collectionneurs ou de D.J. Vue la qualité des restes, le lot devait être énorme et plein de pépites. Il y avait là principalement des disques des années 1970. Quelques-uns sur les labels Debs ou Célini que je connaissais, et beaucoup d'autres édités par 3A, Shango, Mini, Macaya... Je n'ai pas tout pris, mais j'en suis reparti avec un gros sac de plus de vingt-cinq 33 tours : des Vikings (de Martinique, Guadeloupe ou d'ailleurs), des Tabou Combo (des Isles ou non), Coupé Cloué, Grammacks, Georges Plonquitte... Tout un pan de la production antillaise des ces années-là. Dans le lot, quatre albums des Loups Noirs d'Haiti ou d'un de leurs chanteurs, Gardner Lalanne.
J'ai découvert Les Loups Noirs l'an dernier sur la compilation Tumbélé ! avec leur titre Jet biguine, une tuerie avec un rythme et un riff de guitare de folie.
Malheureusement, l'album de 1973 qui contient cette chanson ne figure pas dans mes acquisitions, mais on s'en approche au plus près avec Cé rél..., l'un des trois ou quatre albums que le groupe aurait sorti pendant la seule année 1974, qui s'ouvre avec 747 biguine, qui, sans trop de surprise, s'avère être une nouvelle version, moins explosive, de Jet biguine. Elle est quand même excellente, simplement le saxophone et l'orgue d'Henri Pigniat sont plus en avant que la guitare.
Les meilleurs des autres titres de l'album, dans le style kompa je suppose, sont construits sur le même modèle : un rythme effréné, un lancement chanté et de longues parties instrumentales où les solos s'enchaînent. De ce point de vue, on est proche dans l'esprit des productions des orchestres africains électriques de la même époque, comme celui de Franco, et l'invitation à danser est tout aussi pressante, les grands orchestres haïtiens à succès étant avant tout des orchestres de bal (je n'y vois là rien de péjoratif, bien sûr). Ces meilleurs et excellents titres, ce sont Bam lagen pito, Cé rèl, Jamais, Musicien ce metie'm et Roi des rois. Pour ce dernier titre, j'en ai une autre version, sortie la même année sur l'album Avant le nouveau départ — Gardner Lalanne et les Loups Noirs sont partout !, et pour le coup c'est la version Cé rèl que je préfère. Pourtant, l'intro ne m'accroche pas trop, mais dès que les chanteurs (Gardner Lalanne, Ricardo Franck alias Ti Plume et Jérôme Jean-Baptiste) entrent en action avec des "Lolé lolé" le morceau décolle et les passages où ils scandent "Roi des rois" atteignent des sommets, et je ne vous parle même pas du solo de guitare époustouflant. C'est peut-être bien mon titre préféré du disque.
Quand on danse toute une soirée, il faut bien souffler un peu de temps en temps. Ici, même les passages obligés, Porque te conoci en style cubain et le slow Lamento, sont des réussites.
Depuis deux mois, je baigne donc dans la musique haïtienne. Et vous savez quoi ? Je n'ai même pas encore écouté tous mes disques !

Cé rél... est en écoute et en vente chez Antilles Mizik.

01 juillet 2013

G. G. VIKEY : Vikey est mort / Vikey au paradis


Acquis chez Amazon par correspondance le 30 juin 2013
Réf : [sans] -- Edité par Bolibana en France 2011
Support : 2 x MP3
Titres : Vikey est mort -- Vikey au paradis

J'ai entendu pour la première fois des chansons de G. G. Vikey l'an dernier, avec  les compilations de l'émission L'Afrique enchantée de France Inter : l'excellente Gentleman Vikey est sur Ticket d'entrée et la toute aussi bonne Président Vikey sur C'est moi le chef !.
Qu'il fasse dans le high life ou le rythme afro-cubain, avec sa guitare et des arrangements fins et sobres, G. G. Vikey produit avant tout de la chanson (l'un de ses surnoms est d'ailleurs "le Georges Brassens du Bénin"). A ce titre, Donny Elwood, également découvert sur l'une de ces compilations, peut être considéré comme l'un de ses successeurs. D'une voix douce, Vikey égrène ses paroles, avec un humour pince sans rire et, avec l'air de ne pas y toucher, une satire sociale et politique mordante.
Pour Gentleman Vikey, ça donne ça :
"Attention, surveillez vos femmes, attention, surveillez vos filles, quand elles entendront mon calypso, vos filles me suivront tous les jours. Mais moi je suis un gentleman, au lieu de vous faire pleurer, je préfère semer la joie dans tous les coeurs. Je réconcilie les époux et je leur dis adieu, je pars pour d'autres cieux, pour d'autres aventures".
Et pour Président Vikey, ça donne ces paroles toujours d'une brûlante actualité, partout dans le monde :
"Votez pour moi massivement et verrez ce que verrez. Je changerai notre pays d'un coup de bâton magique. Je jetterai de jolis ponts sur toutes nos rivières. Tout le monde travaillera, tout le monde vivra bien."
L'autre jour, je suis tombé chez World Service sur un billet de 2008 et j'ai téléchargé les quatre titres d'un EP années 60. Je les ai réécoutés hier. Outre, Président Vikey, il y a deux excellentes chansons, Je vous remercie et Kanté Facelli (en hommage au fondateur des Ballets africains), plus un truc à la cubaine en espagnol, Sopa de pinchon, pas très loin dans l'esprit de Guantanamera.
C'était tellement bon que je me suis mis en quête d'informations sur G. G. Vikey, et là petit choc et tristesse, j'apprends qu'il est mort à Cotonou tout récemment, le 15 mai, à 69 ans. Ses obsèques, initialement fixées le 20 juin, ont eu lieu la semaine dernière.
Dans la même recherche, je suis tombé sur deux titres de chansons de G. G. Vikey, enchaînées sur le seul album de lui actuellement disponible (en numérique), Chantre de la négritude. Ces deux titres, de circonstance, sont Vikey est mort et Vikey au paradis.
Avec plus de quarante ans d'avance, il envisage lui-même son hommage funèbre : "Je n'aime pas les goujons qui se prennent pour De Gaulle. Je présente mes hommages à tout citoyen mais je n'apprécie pas du tout que l'on se surestime. Ne voulant pas de faux-jetons, mes malheurs sont applaudis, et le jour de mon enterrement, ils feindront de pleurer, ils diront l'Ave Maria au pied de ma tombe, ils boiront du bon vin de palme pour me dire au revoir et quelques instants après, ils exprimeront leur joie : il est mort, le salaud de Vikey est mort, ah ah. Vikey est mort, le salaud de Vikey est mort."
C'est suivi de son arrivée au paradis : "Gentleman Vikey à présent va quitter la terre, s'est rendu tout droit, tout droit au royaume des cieux. Des cris de joie saluèrent son arrivée, tel fut le rêve que je fis au cours d'une nuit. Les anges et les angèles dansaient autour de Vikey et Vikey en leur compagnie volait comme un oiseau. Les canons et les trompettes ne cessaient de résonner, louant Dieu, saluant Vikey, tout le monde chantait. Sois le bienvenu, Vikey, au royaume des cieux, il y a longtemps, Vikey, que nous t'attendions ici. Quant tu étais sur terre, nous te suivions partout, tu égayais tous les coeurs, même les désespérés."
Rien à ajouter à ça, si ce n'est pour confirmer que l'écoute de ses chansons met effectivement en joie.
Du coup, j'en ai appris un peu plus sur G. G. Vikey et son parcours. C'est en France, où il était pour le travail et les études, qu'il a enregistré ses disques, sous la houlette de Gilles Sala. Dans les années 1960, il y a eu au moins sept EP (Sur le lac Ahémé chez Ducretet-Thomson, Gentleman Vickey, Vive l'Afrique, La bêtise humaine, Vikey est mort, Vikey au paradis et Président Vikey chez Riviera) et un 33 tours, Chantre de la négritude, avec seize titres qui sont tous sur les 45 tours. Gentleman Vikey est en fait une reprise de Gentleman Bobby, une chanson du nigérian Bobby Benson. C'est, avec Vive les mariés, son titre le plus populaire.
De retour au Bénin en 1968, G. G. Vikey a entamé une carrière dans la haute fonction publique, un parcours qui expliquerait son retrait assez rapide de la scène musicale. On se doute bien que l'humour caustique dont il faisait constamment preuve aurait pu lui porter préjudice.
En tout cas, grâce à  ses chansons, même s'il n'est plus sur terre, G. G. Vikey continue à égayer tous les coeurs.


La pochette du 33 tours original Chantre de la négritude.