12 novembre 2008

THE JUSTIFIED ANCIENTS OF MU MU : 1987 (What the fuck is going on ?)


Acquis chez New Rose à Paris le 1er septembre 1987
Réf : JAMS LP 1 -- Edité par The Sound of Mu(sic) en Angleterre en 1987
Support : 33 tours 30 cm
7 titres

Je n'ai pas un très très grand mérite à ne pas avoir raté l'occasion qui m'a été donnée d'acheter ce disque la seule fois où elle s'est présentée.
Après tout, j'avais suivi de près les productions de Bill Drummond et David Balfe sous le nom des Chameleons pour Echo and the Bunnymen et les Teardrop Explodes. J'avais même acheté un 45 tours de Lori & the Chameleons. J'avais serré la main de Bill Drummond moins d'un an plus tôt, et j'avais suivi les premières aventures des Justified Ancients of Mu Mu dans la presse depuis le début de l'année 1987, avec le buzz qu'ils avaient créé en détournant des panneaux publicitaires pour y apposer leur slogan "Shag! Shag! Shag!" puis la sortie et les chroniques de leur single All you need is love, dont j'avais entendu parler mais que je n'avais ni écouté ni acheté.
Alors, quand j'ai vu ce disque en présentation au-dessus du rayon 33 tours de New Rose, j'ai tout de suite reconnu le logo du groupe et je savais à quoi j'avais à faire. En plus, pour je ne sais quelle raison, New Rose le vendait à 45 F., le prix d'un maxi single plutôt que celui d'un album. Sachant que je ne résiste jamais à une bonne affaire, il y avait peu de chances que je sorte de chez New Rose sans avoir 1987 (What the fuck is going on ?) sous le bras !
Ce disque est le premier d'une série qui a mené Bill Drummond et Jimmy Cauty au succès de The KLF, via les Timelords. L'histoire/La légende du groupe a souvent été racontée, notamment par Bill Drummond lui-même dans son livre 45 et dans le tout récent 17 : Le 1er janvier 1987, Bill Drummond décide de faire un disque de hip hop à base de samples. Il appelle son pote Jimmy Cauty, ancien du groupe Brilliant, avec qui il avait eu l'occasion de découvrir la production à base d'échantillons d'autres disques en regardant travailler le producteur Pete Waterman, de Stock Aitken Waterman sur la production du single It's a man's man's world. Armés d'un sampler primitif, d'une boite à rythmes, d'un ordinateur Apple II et de micros, ils commencent à produire et à distribuer dès le printemps 1987 (en "white label" hors commerce dans un premier temps) des titres comme le premier single All you need is love, bourrés d'échantillons illégaux pris sur d'autres disques. Soi-disant qu'ils pensaient ne pas être embêtés car leurs disques resteraient underground...
Toujours est-il que la presse les chronique et relaie leurs premiers coups médiatiques, comme celui des panneaux publicitaires, et lorsque sort en juin 1987 leur premier album 1987 (What the fuck is going on ?), les avocats d'ABBA (largement samplé sur The Queen and I) et la MCPS (l'équivalent de la SDRM chez nous, partie de la SACEM) leur sont rapidement tombés dessus.
Fin août 1987, la MCPS ordonne aux JAMs de détruire leur stock de disques. En septembre, sans prendre de rendez-vous et accompagnés d'un journaliste du NME, ils se rendent en Suède en ferry pour discuter avec ABBA. Inutile de dire que la discussion n'a pas été au-delà de la diffusion à fort volume de The Queen and I à l'extérieur des bureaux du groupe !
Alors que j'étais reparti de la Gare de l'Est avec mon album sous le bras depuis quelques jours à peine, le disque était retiré de la vente, The JAMs avaient brûlé leur stock de l'album dans un champ en Suède (ce qui leur a procuré la couverture du NME et la pochette de leur deuxième et dernier album Who killed The JAMs ?) et racheté "les 5 derniers exemplaires" du disque chez un disquaire pour les mettre en vente à 1 000 £ pièce via une pleine page de pub dans la presse, ce qui n'était pas illégal selon eux.
En même temps qu'ils retiraient le disque de la vente, les Justified Ancients of Mu Mu le ressortaient dans une version expurgée de ses samples illégaux, 1987 (The JAMs 45 edits), qui du coup tenait sur un maxi 45 tours. Les notes de pochette contenaient des instructions hilarantes pour recréer chez soi le disque original à l'aide d'un tourne-disques, des disques samplés, d'une télé et d'un micro, je crois me souvenir. Je n'ai qu'un regret, c'est de ne pas avoir acheté ce disque lorsque je suis tombé dessus chez un disquaire d'une petite ville au fin fond de la Bavière, près de la frontière autrichienne. Il faut dire que, ce jour-là, j'ai préféré consacrer mes finances à deux disques KLF Communications que je ne connaissais pas, Down town des JAMs et un maxi de Disco 2000.
On l'a compris, ce disque retiré du commerce tient une place particulière dans l'histoire de la musique enregistrée. Il est très rare, mais de nos jours on peut s'en procurer l'intégralité des titres gratuitement d'un seul clic. Mais pour autant, est-ce que le disque lui-même vaut quelque chose ?
Et bien pour moi la réponse est oui ! Déjà, il y a ce fameux The queen and I, qui est le titre du disque que j'ai toujours le plus écouté. J'ai grandi avec ABBA en fond sonore, mais avant d'écouter 1987 je ne connaissais en fait pas bien du tout Dancing queen, le disque presque entièrement utilisé par les JAMs pour ce titre. On comprend que ça ait énervé ABBA, pas tellement de voir leur tube repompé intégralement, avec un rap de King Boy Drummond, mais d'entendre leur refrain suivi par une voix trafiquée façon canard qui le reprend en s'en moquant ouvertement ! C'était tellement bon qu'avec Phil Sex et Raoul Ketchup nous avions presque immédiatement re-piraté ce disque pour l'intégrer au génrique de notre émission Rock Comptines sur La Radio Primitive. La chanson, après avoir été interrompue plusieurs fois par Johnny Rotten qui éructe "God save the queen" jusqu'à ce que quelqu'un enlève le bras de la platine après qu'il a crié "Destroy !", est suivie par un long extrait de Top of the Pops.
Généralement, les interludes sur l'album sont d'ailleurs excellents, comme l'enregistrement d'un message de sécurité du métro londonien, qui renvoie immédiatement le touriste à sa nostalgie de Londres ("Mind the gap... Stand clear of the doors please") ou Me ru con, une chanson vietnamienne chantée a cappella par Duy Khiem. Khiem était d'ailleurs présent pour enregistrer des cuivres pour l'album. Car, si l'agencement de samples et de raps constitue l'ossature du disque, on a tendance parfois à oublier qu'il y a un apport musical complémentaire, avec du sax et d'autres cuivres, donc , et surtout des choeurs.
Ce sont ces choeurs, qui prendront encore plus d'importance sur le deuxième album, qui fournissent à mon goût les meilleurs moments de l'album en-dehors de The Queen and I : l'ode à Rockman Rock qui constitue toute la deuxième moitié de Rockman Rock (Parts 2 and 3), l'ébauche de Justified and ancient intégrée à Hey hey we are not The Monkees et la ritournelle reprise en boucle comme refrain sur All you need is love. Mais l'intérêt du travail musical fait pour intégrer samples et rap sur un titre comme Don't Take Five (Take What You Want), et plus globalement sur tout le disque, ne doit pas être masqué par le goût de la provocation et de la bonne blague de Bill Drummond et Jimmy Cauty.
De ce goût, ils nous ont fait largement profiter par la suite, en commençant dès 1988 par Doctorin' the Tardis, un n°1 au hit-parade attribué à leur voiture de police américaine, suivi des nombreux tubes de The KLF.



Le catalogue de produits dérivés photocopié inséré dans l'album. Je trouve que, à 3 000 £, la voiture de police n'est pas chère par rapport au marteau-piqueur à 4 000 £. A moins bien sûr que la voiture ne soit qu'un modèle réduit !

7 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup découvrir des albums comme celui ci au détour d'une lecture...

idlewoodarian a dit…

Un album vraiment original, je ne m'attendais pas du tout à ça en me penchant sur les débuts de TFSOL... Et pour un album de 1987, il ne sonne pas si daté que ça... Je me demandais par contre, les parties de rap sur le disques, elles sont samplées à partir d'autre disques où ont été enregistrées pour cet album ?

Pol Dodu a dit…

Idlewoodarian,
Tu te trompes peut-être de lettres en parlant de TFSOL. J'imagine que tu parles des débuts de KLF...
Pour les parties rap de ce disques, elles ne sont pas samplées (c'est une exception d'ailleurs, avec les boites à rythmes sûrement aussi). Elles sont dues principalement à Bill Drummond je crois, alias King Boy D, qui en profite pour insister sur son accent écossais à couper au couteau.

idlewoodarian a dit…

Houlà oui, The KLF bien sûr, je m'emmêle souvent les pinceaux avec ses groupes d'electro anglais, bizarrement. Merci pour la précision (oui je suis lent à répondre). :)

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je pense que tu es celui qui m'a donné une copie en cassette de ce disque en 1990/91 à la RP, et je t'en remercie encore. A cette époque,j'animais une émission qui faisait découvrir la musique rave. j'ai lu récemment le livre de Greil Marcus " lipstick traces" sur dada, les lettristes, le situationnisme et les origines situationnistes du mouvement punk (sex pistols via Malcom Mac Laren), tout cela rédigé comme une continuité. Et je ne peux m'empêcher depuis de penser aux klf comme le chaînon suivant. Le collage sonore (samples), la dérision , le millions de livres brûlés,et maintenant le projet 17 de Bill Drumond selon lequel l'art est mort. En faisant des recherches sur ce sujet (google situationniste klf) je retombe sur ton blog ou tu dis, vers les premières phrases : le projet situationniste KLf , etc..

C'est rigolo, non , le monde est petit quand même...

Continue à bloguerzheureux et encore merci pour cette cassette, si c'est toi qui me l a donné , car elle m'a fait faire un sacré bout de chemin..

Anonyme a dit…

le plus gros succés de klf a été what time is love. Compare le avec cela :http://www.youtube.com/watch?v=OWh4-BUFNMc

Pol Dodu a dit…

Bonjour,
Je ne m'en souviens pas, mais si quelqu'un de la Primitive t'a fait une copie cassette de ce disque en 1990-91, il y a toutes les chances que ce soit moi, étant donné que j'étais très probablement le seul de toute la radio à avoir ce disque...
Merci pour le lien vers "Heaven on their minds". Je ne connaissais pas cette référence d'une des sources évidentes de "What time is love ?". Ils se sont bien gardé d'ailleurs de la mentionner dans le livret de "The white room".