24 octobre 2010

BOB DYLAN : Ballad of a thin man


Acquis dans une poubelle de l'immeuble Les Petrels à Vitry-le-François à la fin des années 1990
Réf : EP 6270 -- Edité par CBS en France en 1966
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ballad of a thin man -/- Just like Tom Thumb's blues

Il y a quelques mois, j'ai lu Like a rolling stone, Bob Dylan à la croisée de chemins de Greil Marcus. Ces jours-ci, j'ai entamé La république invisible, son livre sur les Basement tapes. Cela me confirme dans mon opinion que l'année 1965, avec son hyperactivité et sa production délirantes (deux albums parus, plus des singles hors album, plus des tournées marquantes en Europe et aux Etats-Unis et plus le début de l'enregistrement de Blonde on blonde), est sûrement la plus intéressante du parcours de Bob Dylan. Même chose pour les Rolling Stones, avec Satisfaction, The last time, Play with fire, Get off of my cloud et l'enregistrement de 19th nervous breakdown. C'est un peu moins flagrant pour les Beatles, mais à quatorze ans, quand j'examinais les dates de parution des titres du double-album rouge, je m'étais déjà fait la remarque qu'ils en avaient sorti un sacré paquet d'excellents en 1965, de Ticket to ride à Day tripper en passant par la BO de Help et We can work it out. Ça demanderait de trouver des arguments supplémentaires, mais j'ai tendance à penser plus généralement que, après l'explosion des pionniers de 1955-1956, 1965 est l'année de référence de la deuxième vague rock, celle des années 1960, avant qu'une nouvelle phase ne s'amorce avec l'arrivée du psychédélisme en 1966-67.
Bref, toujours est-il que ces lectures m'ont donné envie de ressortir ce disque, acquis dans des conditions très particulières puisque, comme le 45 tours de Ronnie Bird, je l'ai extrait d'un conteneur poubelle après qu'il ait échappé, avec quelques autres, à une partie de freesbee au pied d'un immeuble !
Je sais que l'histoire parait trop belle pour être vraie, mais elle l'est. Les autres disques récupérés ce jour-là n'ont rien à voir avec ces deux pièces exceptionnelles, mais celles-ci me suffisent amplement, d'autant que cet exemplaire du disque de Dylan n'a pas trop souffert : une légère entaille sur la pochette et une rayure qui ne fait qu'un petit craquement sur une des faces.
Ce disque a appartenu un temps à un Michel, qui n'a pas utilisé un feutre suffisamment indélébile pour indiquer son droit de propriété au dos du disque. Par contre, on constate toujours très lisiblement que D + A pensaient avoir trouvé l'amour pour la vie !
Ce disque est un EP avec seulement deux titres car chacun d'eux fait plus de cinq minutes. La première chose qui marque, c'est la photo de pochette.
Dylan est un gamin de vingt-cinq ans qui a une classe remarquable avec sa chemise verte et ses talkie-walkies à la main. Je ne sais plus si j'ai eu l'occasion de voir une mention directe à ce sujet dans la presse, mais j'ai toujours associé ce disque à Lawrence de Felt, à cause de Ballad of the band, bien sûr, mais aussi parce que, même si ses chemises étaient moins voyantes, il avait lui aussi beaucoup de classe et d'élégance dans les années 1986-1987.
Cette pochette est suffisamment marquante pour qu'un américain ait lancé il y a quelques semaines un blog uniquement destiné à identifier l'auteur de ce cliché. Il faut dire que le pauvre, qui n'a pas le disque, n'avait pas eu accès au verso de la pochette, qui crédite très clairement Bernard Gidel comme photographe, ni aux différents articles de Louis Skorecki (dans Libération en 2001 pour les 60 ans de Dylan, avec une interview de Bernard Gidel, et dans un article d'anthologie pour un numéro spécial de Rolling Stone et plus récemment  sur son blog) qui relatent de façon très passionnante les conditions de la prise de vue.
Pour faire court (lisez les articles de Skorecki, il raconte ça mieux que moi, et il y était !), cette photo a été prise par Bernard Gidel à Newport le 25 juillet 1965, l'après-midi du fameux premier concert électrique à scandale. Quelques jours plus tard, les deux compères, qui sillonnaient les Etats-Unis cet été-là pour des reportages, ont pu assister à l'une des séances d'enregistrement de l'album Highway 61 revisited, dont sont extraites les deux faces de ce disque, et les seules questions que Dylan avait à poser aux deux français concernaient Sylvie Vartan et Françoise Hardy !
La position des titres sur la pochette donne à penser que Just like Tom Thumb's blues pourrait être la face A de ce disque. Il n'y a aucune indication à ce sujet sur les étiquettes centrales, mais l'indication donnée au verso, celle figurant sur la tranche, l'ordre des numéros de matrice et même les indications de face sur un test-pressing de février 1966 indiquent clairement que Ballad of a thin man est le titre principal du disque.
Ces deux chansons, j'ai l'impression de les connaître à force de les voir mentionnées et référencées (ne serait-ce que par Giant Sand, dont le deuxième album en 1986 s'intitulait Ballad of a thin line man), mais en fait je les ai très peu écoutées (comme je connais très mal Highway 61 revisited et Blonde on blonde, deux albums que je n'ai pas). Je connaissais plus en fait Ballad of a thin man, que je reconnais à ses paroles à propos de Mr Jones, mais sans les associer au titre. Cette excellente chanson ne risquait pas de faire un tube au même titre que le 45 tours précédent, Like a rolling stone, mais son rythme de ballade en fait presque un slow (de 5'55, cool...), avec un refrain, au moins, alors que Just like Tom Thumb's blues, avec la guitare électrique de Mike Bloomfield qui fait des merveilles, ne compte que des couplets.
Je veux bien croire Skorecki quand il dit que Dylan carburait à pas mal de substances à l'époque pour être aussi prolifique. Quant à moi, qui suis en faveur du recyclage, je vais peut-être aller visiter les poubelles de mes voisins en espérant y trouver matière à une prochaine chronique.

9 commentaires:

KMS a dit…

Magnifique. La pochette comme le 45T comme les chansons comme l'histoire.

Anonyme a dit…

A l'époque j'avais à peine 13 ans j'avais une cousine qui me semblait très bizarre,fan d'un certain J-L Hooker (je trouvais ça chiant) et de Dylan (ça passait mieux)qu'elle me faisait écouter mais bon elle était vraiment étrange avec ses lunettes noires et ses chemises qui ne ressemblaient à rien de connu, sans compter la poésie, ses clopes et son côté rebelle....J' ai mis qques années à réaliser qu'elle était vraiment bien branchée à l'époque et qu'elle ressemblait vraiment de près au dylan de cette pochette. Après coup j'ai réalisé que j'étais passé à côté de qqchse. Le plus étonnant est qu'elle habitait un trou de 200 ou 300 habitants et je n'ai jamais su comment elle faisait pour être si bien branchée. Voila ma contrib au mythe.
Comme d'hab bonne chronique...Ph

Charlie Dontsurf a dit…

Te voilà plus riche de 100 $, alors ?
Ah, le coup de la poubelle ... je ne sais pas si je dois t'insulter pour nous faire baver ou te raconter comment j'ai mis la main sur le mythique EP français des 13th Floor Elevators !

Pol Dodu a dit…

Charlie,
Si j'avais (hypothétiquement) ces 100 $, je n'aurais plus ce disque... Dommage !
Pour le Thirteenth Floor Elevators, je suppose que tu parles de celui dont il avait été question ?
Tu l'as vraiment ? Tu sais que j'espère bien tomber dessus un jour en pleine journée à 2 € dans un vide-grenier, même s'il n'a quasiment pas dû se vendre à l'époque !!

skorecki a dit…

merci de cette enquête sérieuse ... de vieux souvenirs pour moi ... et la photo de dylan que je préfère depuis toujours ...
je viendrais vous voir sur votre blog/philippe l. m'écrit sur le mien
skorecki.blogspot.com
tout le bien qau'il pense de blogonzeureux ....
PS. pour vos archives, je viens de mettre une autre photo de gidel ... tout en bas de mon blog ... moins rock, plus perso ... vous verrez ...

Charlie Dontsurf a dit…

Je l'ai comme en toi, en rêve, le même que le tien.

Pol Dodu a dit…

Skorecki,
Vos documents et témoignages de première main sont passionnants !
Merci à vous de partager vos souvenirs, comme cette photo avec Monk...

Pol Dodu a dit…

Charlie,
Ah, je me disais aussi que ça faisait une drôle de coïncidence...
Mais c'est beau de rêver, et tu sais de toute façon que je suis un adepte des disques virtuels !

Pol Dodu a dit…

A lire chez Télérama, Bob Dylan en 1965, j'y étais, par Louis Skorecki.