04 juillet 2021

LAURIE ANDERSON : O Superman


Acquis chez Carrefour à Châlons-sur-Marne en 1981
Réf : 17870 -- Édité par Warner Bros en France en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : O Superman (For Massenet) -/- Walk the dog

O Superman est sorti il y a quarante ans. Ça nous a notamment valu un article dans The Guardian sur son enregistrement et son succès. Il y a aussi l'album Big science de 1982, sur lequel on retrouve O Superman, qui vient d'être réédité en vinyl rouge et qui est chroniqué dans Uncut.
Et puis, sans aucun lien avec ce qui précède, l'ami John Pearce (alias Alig de Family Fodder) a inclus en mai sur l'un de ses albums numériques un très beau titre où il rend hommage à Laurie Anderson, en se souvenant du choc de la découverte d'O Superman et du concert auquel il a assisté à Londres à l'époque :


John Pearce (Alig Fodder), Laurie Anderson, extrait de l'album Talk show, 2021.

Comme le rappelle utilement Uncut, Laurie Anderson ne sortait pas de nulle part. Simplement,c'est dans les milieux artistiques d'avant-garde qu'elle était déjà très active depuis plusieurs années, montant des performances dans des lieux publics. En 1979, le New York Times l'a qualifiée de “best and most popular performance artist of her age”. Le San Francisco Art Institute l'avait faite docteur honoris causa et le Guggenheim lui avait attribué une bourse universitaire. Elle a visiblement toujours utilisé la musique et la technologie dans les performances, mais c'est presque par hasard qu'elle a basculé dans le monde du "rock" et de l'industrie du disque. C'est B George, l'un des auteurs de Volume : International discography of the New Wave, qui a rendu possible cette bascule. Il a d'abord convaincu Laurie Anderson de publier un 45 tours sur son label One Ten et, comme il le raconte au Guardian, quand John Peel l'a invité à programmer une séquence dans son émission pour parler de l'encyclopédie, il y a inclus O Superman. Ça a plu à Peel et à ses auditeurs, qui ont cherché à se procurer le disque et le reste est de l'histoire, comme disent les anglais, puisque, après avoir signé chez Warner, qui a réédité le single, O Superman est devenu en Europe l'un des tubes les plus bizarres et surprenants de l'histoire de la pop.
J'imagine qu'en France aussi, c'est d'abord des gens comme Bernard Lenoir qui ont passé les huit minutes d'O Superman en intégralité. Mais ensuite ça a débordé sur les radios commerciales et O Superman, comme à la même époque Being boiled ou un peu avant Money, a vraiment été un succès par chez nous. La preuve : c'est à Carrefour que je me suis procuré mon exemplaire à l'époque, qui venait rejoindre dans ma discothèque des tubes improbables mais peut-être plus pop comme Radioactivity.

O Superman est dédié à Jules Massenet. Le lien se fait particulièrement avec un air du troisième acte de son opéra Le Cid de 1885, Ô souverain, ô juge, ô père. A l'écoute, je n'entends aucune parenté musicale entre les deux titres, mais il y a une parenté évidente pour les paroles puisque O Superman débute par "O Superman, O Judge, O Mom and Dad".

Je n'y avais jamais prêté attention, mais il y a un rapport entre la face B, Walk the dog, et mon actualité autour de Jonathan Richman puisqu'il y a un batteur sur ce titre et ce batteur c'est D. Sharpe, membre des Modern Lovers en 1977-1978, qui avait rejoint le Carla Bley Band au début des années 1980.

O Superman et Walk the dog, tout comme la plupart des titres de Big science, font partie d'un grand projet de Laurie Anderson, United States, un spectacle de huit heures dont la première en intégrale n'a été donnée qu'en 1983, mais Laurie Anderson en a joué des extraits à de nombreuses reprises les années précédentes. Je ne me suis pas intéressé à l'époque au coffret live cinq disques d'extraits de United States, vendu pourtant à un prix relativement abordable, parce que j'étais persuadé que ce serait trop expérimental pour moi. Je le regrette sincèrement aujourd'hui parce que les extraits que j'en ai vus montrent que je me trompais, surtout ceux de sa prestation à Liège au Cirque Divers en 1981, qui m'a carrément mis par terre : en effet, comme le montre l'extrait de trois titres ci-dessous, ce soir-là Laurie Anderson, qui ne parle visiblement pas particulièrement bien notre langue, a pris la peine de traduire l'intégralité de son spectacle en français ! C'est excellent et je me précipiterais dessus s'il en existait un enregistrement audio de qualité.

Dans les faits, je n'ai acheté quasiment aucun disque de Laurie Anderson après O Superman, notamment parce que j'ai été déçu par des écoutes rapides de ses albums des années 1980. Par contre, l'ami Philippe D. m'a offert il y a quelques temps la bande sonore de Heart of a dog, un projet filmé de Laurie Anderson de 2015, et je l'ai particulièrement appréciée.

En avril 2021, Laurie Anderson a été l'invitée d'Arnaud Laporte dans l'émission Affaires culturelles sur France Culture. En mai (voir ci-dessous), elle a interprété O Superman lors d'un Tiny Desk (home) concert.


Laurie Anderson en concert au Cirque Divers à Liège en 1981 :
O Superman,
Language is a virus from outer space et Let X=X. Paroles adaptées en français par Danièle Nyst.


La vidéo réalisée à l'époque pour O Superman.


Laurie Anderson, Walk the dog, en direct et en solo dans l'émission Late night with David Letterman, le 8 mai 1984. Imaginez une performance similaire chez Drucker...


Laurie Anderson, Tiny Desk (home) concert, 20 mai 2021 : Let X=X, Violin cello improv et O Superman. Laurie Anderson est accompagnée par Rubin Kodheli au violoncelle et Roma Baran, la productrice d'O Superman et Big science, au synthétiseur.


3 commentaires:

Pol Dodu a dit…

J'ai recyclé une partie de cette chronique pour la rubrique "Parlez-vous français ?" d'Arrière-Magasin :
https://arrieremagasin.wordpress.com/2023/12/04/parlez-vous-francais-laurie-anderson/

Jean-Pierre Moya a dit…

Dans mon souvenir, j'étais persuadé que c'était Patrice Blanc-Francard qui avait le premier passé ce morceau en intégralité sur Inter, après une longue et très enthousiaste présentation. Mais après vérification, à l'époque Blanc-Francard venait d'être nommé directeur adjoint de la station, et prendre également des fonctions importantes sur Antenne Deux. Alors il s'agit sans doute de Lenoir, à moins que... (et je pense plutôt que c'est ainsi que ça s'est passé) Blanc-Francard soit descendu de son bureau pour squatter l'émission de Lenoir (ou d'un autre) le temps de ce morceau.
Mais tout le monde s'en fout, non ?

Pol Dodu a dit…

On ne s'en fout pas, Jean-Pierre, même si après plus de 40 ans, c'est normal que les détails soient plutôt flous...!