16 mai 2012

NEIL MacARTHUR : She's not there


Acquis sur le vide-grenier de Matougues le 13 mai 2012
Réf : 17.025 -- Edité par Deram en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : She's not there -/- World of glass

Après avoir trouvé le disque des Ronettes à Plivot, j'étais tout content mais pas rassasié. J'ai poussé jusqu'à Matougues. Le vide-grenier qui s'y tient est l'un des plus anciens de la région de Châlons, il est grand et plutôt sympathique. J'en ai parcouru les allées à grandes enjambées, sans rien trouver d'exceptionnel, jusqu'à ce que je trouve un carton de 45 tours au pied d'un stand dont j'ai vu au premier coup d'oeil qu'il pouvait être intéressant.
Le propriétaire du stand, un monsieur assez âgé, m'a indiqué que les 45 tours étaient à 10 centimes et qu'il s'agissait de disques qui n'avaient jamais été écoutés car c'était le reste du stock d'un magasin d'électro-ménager de la rue de Marne à Châlons, les établissements Lardaux, qui a dû fermer quand il a pris sa retraite.
A ce prix-là, j'ai passé au peigne fin la bonne centaine de disques du carton, datant principalement des années 1968-1972. Pas mal de variétés dans le lot, dont beaucoup de publications du label Disc'AZ, et un tout petit peu de rhythm and blues. Je suis reparti avec plus d'une trentaine de disques, pas tous bons, pas tous intéressants, bien sûr, mais il y a dans le lot des choses vraiment très intéressantes, à commencer par cette reprise du tube She's not there des Zombies par un certain Neil MacArthur. Une vraie curiosité que ce disque...
J'ai été surpris de constater que l'original des Zombies date de 1964. Ce petit bijou de pop sophistiquée pré-psychédélique avait donc près de deux ans d'avance sur son temps, puisqu'il précède les autres réussites dans ce style de groupes comme Love, les Beach Boys ou les Beatles. Ce fut un très gros tube, notamment aux Etats-Unis, et c'est devenu un classique.
Malheureusement pour les Zombies, même si Tell her no a pas mal marché aussi aux USA fin 1964, le groupe n'a jamais réussi à rééditer ce succès. Ils ont changé de label en 1967, enregistré leur deuxième album Odessey and oracle à Abbey Road mais, suite à des tensions dans le groupe et après l'échec commercial de Care of cell 44, le premier single extrait de l'album, ils se sont séparés fin 1967. Quand Odessey and oracle a fini par sortir au printemps 1968, le groupe n'existait donc plus et l'album est à peu près passé inaperçu.
C'est dans ce contexte qu'est sorti tout début 1969 ce premier 45 tours de Neil MacArthur, produit par Mike Hurst, un ex-Springfields réputé pour avoir "découvert" et produit Cat Stevens.
La version de She's not there est d'excellente tenue. Très bien chantée, elle est orchestrée mais pas trop et on y entend une guitare électrique puissante. La face B, World of glass, une balade acoustique dans un style psycé bucolique, est très bonne également. Ce 45 tours a connu un modeste succès en Angleterre (classé 34e dans les charts). Deram a sorti deux autres 45  tours de "Neil MacArthur" en 1969, qui ont moins marché, avant d'arrêter les frais, et on n'a plus jamais entendu parler de cet obscur chanteur.
Sauf que, et c'est là une des bizarreries que la société du spectacle aime à nous réserver, Neil MacArthur n'existe pas. C'est un pseudonyme utilisé par Colin Blunstone, le chanteur des Zombies, qui a brièvement arrêté la musique en 1968 avant de se lancer dans cette nouvelle aventure.
On peut comprendre que, entre choisir de lancer Blunstone comme l'ex-chanteur d'un groupe déjà dépassé ou le promouvoir comme un nouveau talent, Deram ait choisi la seconde solution en lui donnant cette nouvelle identité. Mais alors, pourquoi mettre la photo de Colin Blunstone, qui avait donc déjà été une vedette, sur des publicités dans la presse en Angleterre et, comme ici, sur la pochette du 45 tours à l'étranger ? Et surtout, s'il s'agissait de couper avec sa carrière précédente, pourquoi lui faire justement enregistrer pour son premier disque son plus grand succès à ce jour ?? Mystère insondable...
Quant à la suite de l'histoire des Zombies, c'est un incroyable gâchis...
Al Kooper, qui travaillait alors pour Columbia, a convaincu la branche américaine du label de sortir l'album, et à sortir des 45 tours pour en faire la promotion. Début 1969, au moment même où Neil MacArthur démarrait sa courte carrière et où d'autres ex-Zombies se lançaient dans l'aventure du groupe Argent, les Zombies rencontraient à nouveau le succès aux Etats-Unis avec Time of the season, qui allait monter jusqu'à la 3e place des charts et aussi devenir un classique. Le vrai groupe n'existant plus au moment de ce succès, dès ce moment-là, des petits malins en ont profité pour tourner en prétendant être les Zombies.
Les principaux membres du groupe, qui s'étaient bien déchirés au moment de la séparation et n'ont pas profité du succès posthume des Zombies, se sont assez vite rabibochés. En 1971, quand il s'est lancé dans une deuxième carrière solo avec l'album One year, sous son vrai nom cette fois, Colin Blunstone a bénéficié de l'appui à la composition et à la production de ses compères Zombies Rod Argent  et Chris White.
Ces dernières années, les Zombies sont devenus de vrais morts-vivants, puisqu'ils ont fini par se regrouper et donnent régulièrement des concerts où on est certain d'entendre Colin Blunstone chanter She's not there et Time of the season.

L'intégralité de la production de Neil MacArthur, y compris une version en italien de She's not there, a été rééditée sur Into the afterlife, une compilation de raretés des Zombies.

3 commentaires:

Jean-Pierre Moya a dit…

Très très jolie trouvaille, surtout à l'état neuf ! J'aime beaucoup cette version de "She's not there" et son petit côté "bossa-nova psychédélique". En fait je crois que je la préfère à celle des Zombies. Je l'avais achetée à sa sortie, sans doute après une écoute en radio, car - bien que connaissant les Zombies - j'ignorais à l'époque que Neil McArthur et Colin Blunstone ne faisait qu'un. Je ne savais d'ailleurs sans doute même pas qui était Colin Blunstone !

Pol Dodu a dit…

Salut Jean-Pierre,
C'est intéressant d'avoir ton témoignage de première main.
Je me doutais bien que, cinq ans après le plus grand succès des Zombies, et surtout en France, Blunstone n'était pas une superstar. Ca ne rend pas pour autant la démarche de Deram plus compréhensible !

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je publie ce message ici faute de contact où l’envoyer.

La Médiathèque André Malraux vient d’ouvrir son site musical à destination de la musique locale en Languedoc Roussillon (http://mammusique.wordpress.com). Nous faisons ainsi de la médiation pour les artistes locaux qui peinent à se faire entendre du grand public.

Afin d’augmenter notre visibilité sur les moteurs de recherche, nous vous invitons à publier un lien vers notre site. Nous ferons bien sûr de même pour votre propre site web.

Cordialement,
Tristan Morlaes.