09 mars 2025

MARTIN CIRCUS : Martin "Disco" Circus


Acquis à la Bourse BD Disques d’Épernay le 2 février 2025
Réf : LD. 8520 -- Édité par Vogue en France en 1978
Support : 33 tours 30 cm
5 titres

Depuis son lancement en 2006, le label Born Bad a pris une place importante dans le paysage musical français, à la fois pour son catalogue d'artistes contemporains (Bryan's Magic Tears, La Femme, Frustration, Star Feminine Band, Zombie Zombie, Forever Pavot, Gwendoline...) et pour son minutieux travail d'archéologie discographique. Parmi les rééditions qui m'ont marqué ces dernières années, il y a la découverte de Mazouni, les productions maison d'Henri Salvador, les compilations de musique antillaise Disque la rayé et Antilles méchant bateau, l'intégrale des Calamités, Voulez-vous cha-cha ? et Des jeunes gens modernes, les volumes de Pierre Vassiliu et Francis Bebey...

Chacune de ces rééditions permet une découverte ou une réhabilitation d'artistes inconnus ou méconnus. Avec la dernière parution Évolution française 1969-1985 de Martin Circus, le défi est vraiment dur à relever. En effet, très vite après ses débuts où ils étaient à la pointe d'une vague de "pop" made in France et en français, et au fil de multiples changements de formation, le groupe a basculé dans la variété.

Il se trouve que c'est l'un des premiers groupes que j'ai vus en concert. Par recoupement, j'ai déterminé que c'était le 4 juillet 1974, lors de l'étape du Tour de France à Châlons-sur-Marne. Un podium à l'affiche duquel il devait y avoir également Georgette Plana. On était déjà loin des élans rock progressif des débuts. Les 45 tours qu'on avait dans la discothèque familiale dans ces années-là, c'était L'accident heureux et Ma-ry-lène, et parmi leurs autres succès on trouve Drague party, Bye-bye cherry, Comme au bon vieux temps du rock 'n' roll, J'en perds mes baskets...
Évidemment, Évolution française évite soigneusement ces nanars pour aller piocher d'obscures faces B, des titres d'album méconnus ou des productions tardives, mais dans l'ensemble j'ai du mal à accrocher à la sélection, y compris les titres plus rock des débuts. De fait, les seuls extraits qui ont pour l'heure trouvé grâce à mes oreilles sont Mon premier hold-up, leur adaptation de Let's dance de Chris Montez, Bains-Douches, tiré de leur album "New Wave" De sang-froid (mais quand je l'avais chroniqué, j'avais préféré Tous des robots et le ska instrumental Banana baby) et aussi Disco circus, mais on va y revenir.

En effet, quelques jours après l'annonce de la sortie d'Évolution française se tenait la bourse BD Disques annuelle de l'association BD Bulles. Je n'y ai pas fait d'achats en grande quantité (aucun 45 tours, notamment), mais j'en suis revenu avec quatre 33t intéressants, un du groupe congolais Choc Stars, le premier Alberto Y Lost Trios Paranoias, une compilation de Jona Lewie dont je connaissais tous les titres, mais qui m'a amené à retravailler une vieille chronique et à la republier dans l'Arrière-Magasin. Et puis j'ai acheté à un monsieur qui avait un carton avec quelques disques bradés à 2 € cet album de 1978 de Martin Circus, en parfait état.
Il y a eu à cette époque un engouement pour les disques en couleur. Pathé Marconi en avait profité pour rééditer les Beatles et Vogue avait été très actif sur ce plan : cet album n'est pas rose comme le Plastic Bertrand ni orange comme mon 45t de fanfare disco belge, mais rouge comme mon maxi de Kiss !

Ce disque est particulier pour plusieurs aspects.
Tout d'abord, il s'agit de la musique originale du film Les bidasses en vadrouille. Initialement, j'ai pensé que Martin Circus s'était contenté de composer la musique, ou qu'ils faisaient une apparition dans un film des Charlots, mais ça ils l'avaient déjà fait en 1971 pour Les bidasses en folie, où l'on voyait aussi Triangle.
Non, là, les producteurs ont fait appel à eux pour être les vedettes du film, estimant apparemment que les Charlots étaient devenus ringards.
En tout cas, on ne peut pas écouter ce disque en faisant abstraction qu'il est intimement lié à ce film, que je vous propose maintenant de voir en intégralité (je ne l'ai pas fait moi-même, j'avoue !), un super-navet, Les bidasses en vadrouille :


Les bidasses en vadrouille, de Christian Caza (1978). Attention, film complet. Ne pas dépasser la dose prescrite.

Autre particularité de ce disque : il est court. Il faut dire que les productions du groupe se succédaient à un rythme soutenu. Là, il y a juste sept titres, dont deux jingles, Pouêtt et Pouêtt pouêtt, et seulement deux compositions différentes, l'instrumental d'ouverture Ite missa est et la chanson Pour m'en aller plus loin, déclinée en version Disco circus sur la face B pendant près d'un quart d'heure.

Enfin, on peut se demander qui joue vraiment le gros de la musique sur ce disque. Voilà ce qu'écrit Guido Minisky dans les notes de pochette d’Évolution française : "Dans l’ombre, depuis le début du groupe, un homme tire toutes les ficelles: le manager et directeur artistique Gérard Hugé. Il travaille à la fois pour le groupe et le label, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle. La seule chose qui l’intéresse: que sortent des disques, peu importe qui joue dessus. Au milieu des années 70, il dépose le nom Martin Circus. Il a les pleins pouvoirs.".
Cela m'a incité à décortiquer les crédits de l'album. Il est précisé en lettres capitales qu'il a été "conçu et réalisé par Martin Circus". Et les quatre membres du groupe sont listés en premier, à pas mal de titres, dont le vocoder et les synthés Oberheim, Korg, et Prophet. Mais il y a un remerciement à "Gilles, Zizi et Charlie pour leur sympathie, leur bonne humeur et leur énergie", qui est sûrement largement mérité, puisque Gilles Tinayre se charge des arrangements, cordes et cuivres et de divers claviers. Quant à Serge Haouzi dit "Titi", il est à la batterie, aux percussions et aux syndrums et Charlie Cohen joue de la basse et des percussions. Tous les trois chantent, tandis que Joël "Flangerman" Fagerman s'est chargé de la programmation des synthétiseurs.
Je me demandais comment des musiciens de rock pouvaient d'un seul coup maîtriser toute l'électronique utilisée par le disco. Le plus probable est que ce ne sont pas les membres titulaires du groupe qui ont enregistré la majeure partie de la musique qu'on entend sur le disque.

C'est en contradiction avec le titre, mais l'instrumental Ite missa est ouvre l'album. Comme l'ensemble du disque, c'est du disco bien réalisé, avec basse pneumatique, séquenceur, synthé et, malheureusement pour moi, envolées de cordes.

Ensuite, Pour m'en aller plus loin est le seul titre chanté. Là au moins on est sûr de la participation des membres du groupe. Mais qui dit chant dit paroles et là c'est quelque chose. Elles sont signées Évelyne Courtois, qui a enregistré dans les années 1960 sous le nom de Pussy Cat, qui a écrit plein d'autres textes pou Martin Circus et qui, c'est comme ça que le lien a dû se faire, fut l'épouse de Gérard Hugé.
Pour vous donner un échantillon, ça commence par "Je crache sur la tombe du temps qui fait de nous des morts-vivants" avant d'autres maximes telles que "Aucun oiseau ne peut chanter s'il n'a pas choisi d'être prisonnier" avant de finir mystérieusement par "Peut-être que dans un an ou deux je serai des larmes au bout des yeux"...!

Disco circus reprend là où se terminait la chanson, avec des chœurs qui font "Plus loin", et poursuit effectivement bien au-delà avec des
"Ah ah ah ah ah" et surtout de l'instrumental à base de séquenceur (mon "instrument" préféré du genre), de claquements de mains électroniques, plus la basse, les synthés, les cordes, voire même peut-être une guitare au son trafiqué. Si on rentre dans le rythme c'est prenant et au bout d'un quart d'heure les danseurs devaient être essoufflés sur les pistes.

Cet album a eu droit à une édition américaine chez Prelude, sans les jingles, il ne restait donc que trois titres, avec une adaptation en anglais de Pour m'en aller plus loin, transformé en Before it gets dark.
François Kevorkian, français installé aux États-Unis, est devenu un grand nom du remix dans les années 1980, grâce notamment à son travail pour Kraftwerk ou Depeche Mode. En 1978, il en était encore à ses débuts, mais il était déjà directeur artistique de Prelude. De façon assez surprenante, alors que les maxis de disco cherchaient à durer le plus longtemps possible, il a concocté pour la sortie en single de Disco circus une version réduite de moitié. C'est celle-ci qu'on retrouve sur Évolution française. On est loin des Bidasses en vadrouille, mais, quitte à céder à la fièvre du disco, le mieux est peut-être d'y y aller à fond, avec la version complète de l'album en vinyl rouge, avec les pantalons patte d'eph et les tenues satinées !

A voir :
Martin Circus mime Pour m'en aller plus loin dans une émission d'Antenne 2.



La pochette de l'édition américaine de l'album. Ils souffrent, les pseudo-gars de Kiss...!

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