22 décembre 2019
MAZOUNI : Chérie Madame
Acquis par correspondance via Discogs en décembre 2019
Réf : HPC 86 -- Édité par Sawt El Arab en France en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Chérie Madame -/- Short
Un peu comme la compilation Antilles méchant bateau m'avait incité en début d'année à me faire offrir un 45 tours de Daniel Forestal, la rétrospective 1969-1983 de Mazouni parue au printemps dernier, que j'avais survolée à sa sortie et que j'ai écoutée plus tranquillement après l'avoir empruntée à la Médiathèque, m'a donné envie de me procurer un de ses disques pour vous en parler ici (et du coup j'ai aussi commandé le CD, excellent de bout en bout).
Ses chansons ont beau avoir été reprises par Rachid Taha, Zebda ou l'Orchestre National de Barbès, je ne connaissais pas du tout Mazouni avant la sortie de cette compilation. Né en 1940 à Blida en Algérie, il a commencé à enregistrer dans les années 1960. Il s'est établi en France en 1969, et c'est sur cette période que se concentre Un dandy en exil.
Comme je le disais, la compilation est excellente. Bien entendu, les orchestrations "arabisantes" dominent, avec une interprétation et une production de grande qualité, mais il y a des surprises, comme la guitare électrique de Daad dagui ou Je pense à celle qui, bien que datant de 1973, sonne quasiment yé-yé. Parmi les chansons qui m'emballent, il y a Écoute moi camarade, Je n'aime pas le jour, je n'aime pas la nuit et Adieu la France ("Adieu la France, bonjour l'Algérie, quand j't'ai quittée, combien j'ai pleuré. Finie souffrance, finie l'indifférence, bientôt je serai avec toi chérie").
Et aussi, on aurait pu faire un superbe EP rien qu'avec les cinq duos masculin-féminin qui ponctuent l'album.
Souvent, l'amour que ces duos dépeignent est tout sauf romantique. Même dans un titre comme Mon amour, il est gentil, la femme chante à un moment "Si jamais tu me trompes je vais te tuer". Sur cette chanson comme dans d'autres, dont Je suis seul, un procédé intéressant est utilisé : un chanteur chante en Arabe, l'autre répond en Français (ou vice-versa), mais les phrases en Arabe et en Français riment.
Dans l'ensemble, l'homme n'a pas la vie facile dans ces duos. Dans Si massoud (Je t'aime et je t'aimerai), il en vient à supplier "Respecte au moins les moustaches qui sont les miens". Dans L'amour maâk, il est confronté à une prostituée raciste :"Je ne monte pas avec quoi parce que tu es un arabe", "Vas-t-en espèce de bicot, c'que tu m'dis m'est bien égal", "Tu m'touches pas pauvre imbécile, je n'aime pas non plus les noirs"...
Ça tombe bien parce que le duo qui m'a carrément fait éclater de rire à la première écoute, c'est Chérie Madame et j'ai pu trouver un exemplaire de ce disque à un prix relativement correct. Certes, à ce prix-là la pochette est en piteux état et le disque bien râpé, mais il passe.
Il existe au moins quatre éditions de ce titre : celle-ci chez Sawt El Atlas, qu'on trouve aussi avec une pochette légèrement différente, une autre chez La Voix du Globe, avec la même pochette, sur laquelle a été ajouté un crédit pour la chanteuse Meriem Abed et qui, coup classique, donne comme auteur de la face A non pas Mazouni mais Si Ahmed Soulimane, le fondateur du label.
La dernière édition, chez Pariphone, avec une autre face B, semble plus ancienne. De toute façon, la date donnée pour Chérie Madame sur la compilation, 1981, me semble tardive par rapport aux photos de pochette, qui font vraiment très première moitié des années 1970.
Quelque part, Chérie Madame est un duo dans le style du Vous me quittez déjà de Melon Galia. Mais là où chez Melon Galia le ton est gentiment moqueur, ici c'est presque féroce.
Voici les répliques de Meriem Abed dans la chanson aux phrases chantées en Arabe. Une partie de ces phrases est traduit chez Born Bad, mais de toute façon on en devine aisément le sens au vu des réponses :
"Comment comment, je n'ai pas compris (...)
Tu n'as pas honte, ta saloperie (...)
Je n’ai pas besoin, non merci (...)
Tu ne sais pas bien danser (...)
Achète-moi une DS (...)
Dans mon cœur, il n’y a pas de place (...)
Tu es fauché et pas riche (...)
Si tu m’aimes, moi je m’en fiche (...)
Je t’en prie, laisse-moi tranquille (...)
Oh la la, quel imbécile !(...)
Oh, le pauvre, il se répète (...)
Mais je m’en fous pas mal, tu es bête (...)"
Et il manque le ton moqueur sur lequel certaines de ces phrases sont balancées. Quant à la musique, elle est entraînante, avec une flûte qui danse dans nos oreilles.
La face B, Short, ne figure pas dans la compilation Born Bad. Chantée en arabe par Mazouni seul, elle s'inscrit dans une série de chansons où il se penche sur les tenues vestimentaires, puisqu'il a aussi enregistré Zetti short et Mini jupe. On trouve Mini jupe sur la version numérique et le vinyl d'Un dandy en exil, mais pas sur le CD, par manque de place.
Il existe un autre 45 tours avec Short en face B. C'est à se demander si le 45 tours de 1981 ne serait pas une réédition avec deux titres déjà précédemment parus.
Mazouni vit actuellement en Algérie. Il a dû quitter la France au début des années 1990 après avoir publié une chanson soutenant Saddam Hussein au moment de la première guerre du Golfe.
Un dandy en exil Algérie-France 1969-1983 de Mazouni est en vente chez Born Bad.
Une autre édition de mon 45 tours avec une photo de pochette de la même session, mais différente.
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1 commentaire:
Encore des chansons qu'on découvre avec des dizaines d'années de retard et qui sonnent très bien. On nous bassine avec des disques cultes oubliés ou passés inaperçus mais ici c'est plus que ça, c'est l'indifférence méprisante de nos médias de l'époque pour ces musiques d'origine arabe qui nous a empêché d'entendre tous ces morceaux excellents. Le dandy en exil c'est très bien et très varié. Bravo Dodu!Ph
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