28 janvier 2024

SUNGLASSES AFTER DARK : Sunglasses after dark


Acquis par correspondance via Ebay en décembre 2023
Réf : CDMGOTH32 -- Édité par Anagram en Angleterre en 2008
Support : CD 12 cm
19 titres

C'est un tweet de Miki Berenyi (Lush) qui m'a fait repenser à Sunglasses After Dark. On lui avait envoyé une vieille photo d'elle dans le public à un concert et elle cherchait à en savoir plus. Il s'avère que cette photo a été publiée en 1985 sur la pochette intérieure de l'album Untamed culture de Sunglasses After Dark.
Au-delà de la référence aux Cramps, le nom du groupe me disait quelque chose. J'ai vérifié et oui, pour une fois mon souvenir était bon : j'ai bien vu ce groupe en concert en 1983, et sur mon lieu de travail s'il vous plaît !

En effet, si j'ai pu passer l'année scolaire 1983/1984 à Londres, c'est parce que j'avais obtenu un poste d'assistant de langue vivante. J'ai été nommé à Harrow on the Hill, une ville au nord-ouest de Londres, connue pour abriter la Harrow School, une des grandes écoles privées anglaises avec Eton. Pour ma part, je n'étais pas dans le privé, mais au pied de la colline, au Harrow College of Higher Education. J'étais chargé de donner des cours de français à des étudiantes en secrétariat bilingue et en secrétariat médical, et aussi à des adultes qui avaient repris des études de français en cours du soir.
Le College était situé dans un grand immeuble de sept ou huit étages, tout près de la station de métro Northwick Park. On n'y étudiait pas que les langues, c'était un peu comme un I.U.T. en plus varié. Il y avait sûrement dans le lot des préparations à des études techniques, mais je me souviens surtout que, dans les étages du haut, il y avait des départements où l'on enseignait les beaux-arts, la photographie et peut-être le cinéma, mais aussi la mode et la coiffure. Tout ça mélangé, ça donnait des looks remarquables dans les couloirs, avec de hautes crêtes parfois colorées et des tenues quant à elles plutôt décoiffantes !
Précédemment, l'école d'art s'appelait la Harrow School of Art. Parmi ses anciens étudiants, on compte Charlie Watts et Malcolm McLaren. Au fil des années, de nombreux concerts ont été organisé sur place, dont The Who en 1964 et 1965, Dr. Feelgood en 1975 et Wire deux mois d'affilée en 1978.
Toute l'année, j'ai participé à certaines activités de l'établissement en plus de mes cours. J'ai joué avec l'équipe de basket du College, j'ai appris le bridge avec un club informel de quelques élèves... Et bien sûr, quand j'ai vu un concert annoncé sur place, j'y ai assisté.
Ce qui m'étonne rétrospectivement, c'est que ça n'est arrivé qu'une seule fois, le jeudi 10 novembre 1983. Peut-être que, plus tard dans l'année, j'ai préféré aller aux concerts de la Living Room que j'avais découverte entre-temps.


Le Harrow College of Higher Education (à gauche) et le Northwick Park Hospital à l'automne 1983. Photo : JC Brouchard.

Deux groupes ont joué ce soir-là. Rubella Ballet, une formation avec une discographie assez conséquente proche de la mouvance Poison Girls/Crass, devait être la tête d'affiche. Et les régionaux de l'étape c'était Sunglasses After Dark, originaires de Harrow. J'imagine qu'au moins une partie des quatre membres du groupe étudiait au College.

Je n'ai aucun souvenir précis du concert, même pas du lieu exact. Dans mon esprit, c'était dans le hall du rez de chaussée, mais il y avait peut-être un auditorium sur place, ou bien les groupes ont joué dans le réfectoire. Le style des musiques des deux groupes, à cheval entre le gothique, le (post-)punk et le psychobilly, n'est pas particulièrement ma tasse de thé, mais les styles sont poreux et les chapelles musicales ouvertes. Ainsi, au fil de l'année j'ai vu et apprécié The Sting-Rays, The X-Men et The Membranes à la Living Room (les deux derniers ont sorti des disques chez Creation), et ailleurs en ville The Bomb Party, The Vibes et, même si je n'en retrouve pas de trace, peut-être bien aussi Skeletal Family. D'ailleurs, ma première réaction en voyant la pochette de cet album a été "On dirait The Jesus and Mary Chain".

Cette compilation rassemble l'intégrale de la courte discographie de Sunglasses after dark, c'est à dire un titre sorti en 1983 sur la compilation Blood on the cats, quatre autres titres en studio publiés en 1984 sur le single Morbid silence (produits par Andi de Sex Gang Children) et les quatorze titres de l'album live The untamed culture, enregistré en concert devant un public de 150 invités le 29 septembre 1984.
Une chronique de Record Collector le souligne, ce CD est paru dans une collection de réédition de rock gothique, mais la musique de Sunglasses After Dark est bien plus difficile à classer que ça. Ne serait-ce que, plutôt qu'un bassiste, ce quatuor comptait un violoniste en son sein.
On sait maintenant qu'au départ Sunglasses after dark est un rockabilly de 1958 de Dwight Pullen, mais la chanson a été magistralement vampirisée et sublimée par The Cramps en 1980 sur leur premier album (en y ajoutant notamment le riff d'Ace of spades de Link Wray), et c'est bien sûr cette version que le groupe avait en tête en choisissant son nom.
J'ai apprécié l'album dans son ensemble, avec bien entendu quelques titres préférés : Sunglasses Ron, qui rappelle effectivement bien les Cramps, At the hop  avec sa deuxième voix, Grave of shades, le titre assez lent Rubber mask, Untamed culture ou Let's go.
J'aime bien aussi Monster ruck, une chanson qui s'appelait Hell-hag shuffle dans sa version studio, mais je préfère la version live, et d'ailleurs on se dit que c'est du gâchis à l'écoute de toutes ces chansons originales de voir que le groupe n'a pas tenu plus longtemps. Quand l'album est sorti début 1985, ils étaient déjà séparés. Mais entre temps, à l'automne 1984 donc, Sunglasses After Dark a tourné en Europe, en France et en Hollande. Certains d'entre vous les ont peut-être vus sur scène ?

Les notes de pochette de la compilation sont signées par le violoniste Simon Cohen, à qui on doit également les illustrations et la maquette de la pochette. Il nous explique aussi avec plein d'humour ce que les membres du groupe sont devenus : lui-même  s'est échappé d'Angleterre et la dernière fois qu'on l'a vu il jouait du bluegrass dans un restaurant japonais en Nouvelle Zélande; le chanteur Bailie Harkness est entraîneur de tennis; le guitariste David "Mitch" Mitchell fabrique des membres artificiels dans un service de santé du Hertfordshire tandis que le batteur est agent de bord/hôte de l'air pour British Airways.
Quant à moi, 40 ans plus tard, j'aurais bien aimé retrouver l'affiche (s'il y en a eu une), des photos, voire même des souvenirs personnels de ce concert au Harrow College of Higher Education.

Cet album est intégralement en écoute sur YouTube.

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