13 janvier 2024

HUGUES AUFRAY : Debout les gars


Acquis chez Récup'R à Dizy le 21 octobre 2023
Réf : 70 692 -- Édité par Barclay en France en 1964
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Debout les gars -- Nous avons beaucoup dansé -/- Pends-moi (Dang me) -- Ja-da

Le Père Jean Lebar (1908-1993) a joué un rôle important dans ma vie. Déjà, c'est lui qui m'a baptisé, à trois mois. Ensuite, en tant que curé depuis 1948 de la paroisse Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus de Châlons-sur-Marne, il tenait une place essentielle dans le quartier du Verbeau où j'habitais. Il a supervisé le remplacement d'une chapelle des années 1930 par une nouvelle église, ouverte en 1961 et complétée dans les années 1970, financé en partie sur ses deniers personnels. On allait régulièrement à la messe, mais surtout on a participé à de nombreuses activités dans les salles sous l'église, comme les clubs Fripounet et Formule 1. Et puis il y avait juste à côté de l'église l'école privée Sainte-Thérèse du Verbeau, où j'ai été scolarisé en maternelle et en primaire de 2 ans 1/2 à 10 ans 1/2.
L'été, l'abbé Lebar organisait un camp de vacances de deux semaines aux Granges de Largillat, dans le Doubs. J'y suis allé trois années de suite, de 1977 à 1979.
J'y ai plein de très bons souvenirs, mais c'était rustique et je pense que, même à l'époque, c'était très limite par rapport à la réglementation de la Jeunesse et des Sports : le camp se tenait sous tentes, avec comme seul bâtiment en dur une ferme inhabitée le reste de l'année. Mais l'activité d'élevage continuait sur le site, il y avait donc une fosse à purin bien remplie entre la cuisine dans le bâtiment et le réfectoire sous tente. Les toilettes étaient "sèches", comme à l'armée (les plus âgés étaient chargés de les refaire en début de camp et de les nettoyer). Il n'y avait pas d'électricité dans le camp, ni d'eau courante. On se lavait à l'abreuvoir et, pour l'eau potable, le propriétaire nous amenait une "tonne", une citerne qui habituellement servait à abreuver les vaches.
L'abbé Lebar était réputé pour circuler à moto, sur une vieille Motobécane. Il l'avait à Largillat au moins la première année, ce qui implique qu'il avait fait le trajet depuis Châlons à moto. Pour nous, c'était train, notamment une Micheline avec plusieurs changements, et autocar pour les derniers kilomètres. J'ai eu l'occasion de faire un grand trajet à moto quand je me suis enfoncé dans le genou un barbelé tout rouillé lors d'une excursion (suite à un faux mouvement après avoir pissé le long d'une clôture...!) : l'abbé m'a emmené dans les lacets jurassiens jusqu'à l'hôpital de Pontarlier pour un rappel anti-tétanique.


Non, ce n'est pas une pochette inédite de The Cure ! C'est une vue du paysage au Camp de Largillat que j'ai prise depuis l'arrière des tentes, peut-être bien au moment du pipi du matin, mais ce jour-là j'ai évité les barbelés !

Quel rapport avec Hugues Aufray tout ça ? Eh bien, il y avait des veillées, et dans les veillées on chantait, et pour chanter on avait des carnets de chant.
Extérieurement, ces carnets de chant ressemblaient à ceux qu'on trouvait à l'église : format A6 en paysage, pages reliées par une grosse agrafe métallique amovible et couverture découpée dans une sorte de lino souple. Il devait d'ailleurs y avoir une section chansons religieuses dans ces carnets, mais il y avait surtout des chants de veillée, très variés, de Chevaliers de la table ronde à Stewball, en passant par La bataille de Reichshoffen, Se canto que canto, Il faut que je m'en aille, Santiano, Je cherche fortune ou Sur le pont de Nantes. Notons que ces chansons, on les chantait également à la colonie "laïque" de la M.J.C. du Verbeau, quelques années plus tôt et à quelques kilomètres de là, à Mi Bois, entre Bonnevaux et Mignovillard.

Le truc c'est que, toutes ces chansons, je les ai découvertes comme ça, mises sur le même plan dans un carnet. Pour moi, elles étaient toutes vieilles comme le monde, traditionnelles. Ce n'est que des années plus tard que j'ai fini par me rendre compte qu'une part non négligeable de ces chansons, comme L'eau vive, était de création récente et datait parfois de moins d'une vingtaine d'années. C'est peut-être une question de contrat d'édition, mais le répertoire de deux chanteurs était particulièrement bien représenté dans ces carnets. Il s'agit de Graeme Allwright avec Sacrée bouteille, Petit garçon, Il faut que je m'en aille, Petites boites,... et Hugues Aufray avec Santiano, Debout les gars, Allez, allez mon troupeau, Stewball, Céline.

Et c'est bien comme ça que je me suis familiarisé avec le répertoire d'Hugues Aufray, plus que par la radio, la télé ou même ses disques. J'ai bien acheté sur leur réputation il y a longtemps l'album et les EP Aufray chante Dylan, mais ils ne m'ont jamais particulièrement accroché.

Pour illustrer cette chronique, j'aurais pu choisir Santiano, qui est sûrement la chanson d'Aufray qu'on chantait le plus avec mon frère et ma sœur, ou bien Allez, allez mon troupeau, que j'ai toujours particulièrement appréciée. Finalement, j'ai pris Debout les gars, que j'ai trouvé il y a peu de temps à la ressourcerie.
C'est une chanson qui fonctionnait parfaitement dans au moins deux situations au camp : le matin pour réveiller une tente ("Debout les gars ! Réveillez-vous ! Y va falloir en mettre un coup. Debout les gars ! Réveillez-vous ! On va au bout du monde") et pour se donner du rythme lors des randonnées.
La musique sonne un peu grecque à mes oreilles, la percussion qui donne le rythme (marteau ou pelle) est en référence à l'ambiance "work-song" des paroles de Pierre Delanoë, qui dans l'ensemble (la construction de la route, nos enfants qui seraient fiers de nous en 1983...) nous passaient par-dessus la tête.

Pour les autres titres, Nous avons beaucoup dansé est une chanson folky lente. Pends-moi est une adaptation un peu empesée de Dang me de Roger Miller. Ja-da est aussi une adaptation, d'une chanson entraînante composée en 1918 par Bob Carleton, reprise par plein de monde au fil des années. C'est ma préférée de ce disque.

A 94 ans, Hugues Aufray a choisi de ne pas prendre de retraite, même si sa tournée actuelle, qui se termine dans quelques semaines, s'intitule Pour la dernière fois. C'est un hasard, mais il se produira justement demain à L'Olympia.


Une partition pour Debout les gars qui crédite Jimmy Walter comme co-compositeur de la musique, alors que son nom n’apparaît pas sur le disque.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

et le curé chantait...et le curé chantait "debout les gars réveillez vous il va falloir m'en mettre un coup"...blague scabreuse à part je pense que ces souvenirs sont communs à de très nombreuses personnes de plus de 60. J ai les mêmes souvenirs datant des 60's. je doute que le moindre centime pdt des années ait été versé aux auteurs car c'était très artisanal au début. quant à H Aufray c'était bien comme chanson de colo mais avoir confié les paroles de dylan à Delanoé spécialiste de variétés ça posait question sur ses intentions. ph

Anonyme a dit…

Concernant Aufray chante Dylan, l’écoute de L’Homme Orchestre de l’album « En direct de l’Olympia (1966) » est magnifique. Hugues est poussé dans ses retranchements par son groupe et particulièrement Bernard Photzer qui emploie la fuzz guitare avec délectation. Ancien guitariste de Jean-Pierre et les Rebelles et futur Labyrinthe.

Pol Dodu a dit…

Je ne connaissais pas cette version en public. Le mixage est pourri, comme souvent sur les live de cette époque, mais c'est vrai que le son fuzz est surprenant dans ce contexte et intéressant.

Anonyme a dit…

On est d’accord, la guitare n’est en avant que sur l’intro et le coda. J’utilise un casque pour optimiser l’écoute. Le concert étant filmé, le son est certes moins net mais plus homogène. Sur YouTube, il n’y a que deux chansons de proposées. Dommage et frustrant car le tournage est effectué un autre jour que l’enregistrement Barclay.