09 février 2025

IVOIR' COMPIL VOLUME 3


Acquis chez Récup'R à Dizy le XX janvier 2025
Réf : IVO CD 003 -- Édité par Ivoir' en France en 1998
Support : CD 12 cm
14 titres

Ça s'est passé un peu comme avec Daouda : On allume la télé restée réglée sur Melody d'Afrique et on tombe au milieu d'une émission compilant des passages télé d'un chanteur. C'était très bien, mais le nom de l'artiste n'a pas été rappelé à la fin. Il a donc fallu que j'enquête pour le trouver.
La page Facebook de la chaîne n'est pas mise à jour depuis quelques temps, mais comme cette chaîne a tendance à multi-diffuser les mêmes programmes, j'y ai très vite trouvé la trace d'un précédent passage de cette émission et j'ai appris que la gars que je venais de voir était Ernesto Djédjé.
Le nom m'était a priori inconnu, mais j'ai été intrigué de noter que j'avais précédemment visité sa page sur Discogs. En fait, pile une semaine plus tôt, j'avais acheté une poignée de CD à la ressourcerie (un événement ces temps-ci : c'est la seule fois depuis le début de l'année qu'il y a eu un arrivage), parmi lesquels cette compilation de musique ivoirienne. Je ne l'avais même pas encore écoutée, mais j'avais creusé un peu les infos sur Discogs. A cette occasion, je m'étais rendu compte que, contrairement à ce que je pensais, on ne trouvait pas sur le CD uniquement des titres de la fin des années 1990, mais aussi quelques autres "vieilleries" des années 1970 et 1980, dont le succès Ziboté sur lequel je venais de m'éclater en faisant des chœurs phonétiquement pour accompagner Ernesto à la télé, sans me douter un seul instant que ce titre venait précisément d'intégrer ma discothèque !

Mon CD est le troisième volume d'une série d'au moins dix Ivoir' compil. Le choix des titres est explicité dans le livret par Raymond Akishi : "Ivoir Compil contribue non seulement au lancement des artistes et des nouveaux talents, mais accorde une place aux titres ivoiriens qui, tubes à une certaine période, n'ont pas profité de l'avènement du disque laser.". Au dos du livret, Henri Kattié, qui est à l'origine du projet, se met paradoxalement en lumière avec une grande photo couleur et une auto-citation : "Le succès d'un artiste dépend du savoir faire des travailleurs de l'ombre".

Dans l'ensemble, j'ai une préférence pour les "anciens" de la compilation, à commencer donc par l'excellent Ziboté, de 1977. Ernesto Déjdjé est mort à 35 ans en 1983, d'empoisonnement, dans des circonstances non élucidées. Il était notamment connu comme "Le Roi du ziglibithy".
J'aime aussi beaucoup les contributions de deux empereurs,
Okoi Seta Athanase, l'empereur du Kete rock, avec Atto è kokoin manh, également de 1977, et Digbo Daloh, l'empereur d'Aloukou, avec Bahizrehikou et ses percussions avec tambours et bouteille.
Les sons de synthé sont un peu envahissants et surtout superflus, mais Exode rural de Djinns Music est une belle ballade. Elle est tirée de leur unique album, que j'ai également dans mes étagères.

D'une manière générale, les chansons récentes au moment de la sortie du disque en 1998 sont celles qui réussissent le mieux l'amalgame entre sons "modernes" (synthé, boite à rythmes) et instruments plus traditionnels (percussions, guitares, cuivres).
La palme pour moi revient à Marc Lenoir & Aboutou Roots avec Hip hop youssoumba, qui démarre justement comme une chanson traditionnelle, avec peut-être une rythmique un peu synthétique, jusqu'à ce qu'Aboutou Roots intervienne  avec son rap tranquille en français, qui célèbre même la valeur travail dans sa première intervention.
Parmi mes autres titres préférés, il y a la séquence Abidjan dja d'Antoinette Konan, avec sa rythmique façon séquenceur, l'ambiance reggae de Deni d'Hamed Farras et Awhona gnou de Luckson Padaud, et aussi Mlen ginnie d'Ade Liz, une chanson de 1985.

Ce disque ne payait pas de mine avec sa pochette façon couverture de magazine, et en d'autres temps je l'aurais peut-être ignoré. Mais en cette période de disette, je ne regrette pas du tout les 50 centimes que j'ai investis. Il m'aurait fallu beaucoup plus pour me procurer les vinyls des titres les plus intéressants.

La compilation est intégralement en écoute sur YouTube.


Ernesto Déjdjé, Ziboté. C'est l'extrait que j'ai vu sur Melody d'Afrique.


Ernesto Déjdjé, Ziboté, au sommet CEAO à Yamoussoukro, en 1982.


Wedji Ped de Djinn's Music, Exode rural, en 1979.



01 février 2025

THE RUTS : Jah war


Acquis neuf en solde probablement chez A La Clé de Sol à Châlons-sur-Marne ou à Reims au début des années 1980
Réf : 2141 248 -- Édité par Virgin en France en 1979
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Jah war -/- S.U.S.

Parmi ses multiples rééditions, Cherry Red vient de sortir Roots rock rebels, un coffret triple-CD sous-titré Quand le punk a rencontré le reggae 1975-1982. Parmi les 54 titres, il y en a une bonne partie que je connais et apprécie, dont beaucoup sont dans mes étagères.
Le livret est préfacé par Don Letts, l'homme incontournable sur la question. Il a notamment publié deux volumes de compilations Dread meets punk rockers uptown en 2001 et 2015, co-réalisé le documentaire Two sevens clash : Dread meets punk rockers en 2017. Mais surtout, en tant que DJ au Roxy à la grande époque du punk et proche de The Clash, il a probablement été un élément déclencheur du rapprochement entre punk et reggae, qui se concrétise notamment en 1977 par la reprise de Police and thieves par The Clash sur leur premier album, le single Punky reggae party de Bob Marley & the Wailers produit par Lee Perry, puis la rencontre entre Clash et Lee Perry pour l'assez décevant 45 tours Complete control.
Après ça, ce fut une explosion, entre reprises (Johnny was des Wailers par Stiff Little Fingers) et originaux imbibés de reggae, dont Watching the detectives de Costello, pour aboutir fin 1979-début 1980 à ce qu'on a appelé le "reggae blanc", et aussi à la vague ska 2-Tone.
Les punks de The Ruts notamment ont eu des liens particuliers avec le reggae. Actifs au sein de Rock Against Racism et proches de Misty In Roots, ils ont sorti leur premier single sur le label du groupe People Unite.

J'ai dû découvrir les Ruts et entendre pour la première fois Jah war le 3 janvier 1980, lors de la diffusion de leur prestation au Théâtre de l'Empire pour Chorus. Le groupe venait alors de sortir son premier album, The crack, qui n'aura jamais de successeur puisque, six mois plus tard, le chanteur Malcolm Owen était mort (l'héroïne, c'est dangereux...). A l'époque, j'ai acheté d'occasion Grin and bear it,la compilation "posthume" du groupe, et aussi ce maxi, soldé à 15 francs.

Jah war est le quatrième single de The Ruts, l'une de leurs grandes réussites avec le très clashien Babylon's burning. Il est tiré de l'album et est sorti à l'automne 1979.
La chanson rend compte d'une journée très particulière, celle du 23 avril 1979 à Southall, une banlieue de l'ouest de Londres. A l'initiative entre autres de l'Anti-Nazi League, une grosse manifestation a été organisée contre la tenue à l'hôtel de ville d'un meeting du National Front. La répression brutale de la manifestation a fait un mort, Blair Peach (Reggae fi peach de Linton Kwesi Johnson) lui est dédiée). Le siège de People Unite, qui se situait dans le quartier et qui servait ce jour-là de poste de premiers secours, a été investi et ravagé par la police. Le matériel technique de Misty In Roots a été détruit, de nombreux occupants ont été blessés, dont leur manager Clarence Baker, cité dans la chanson, qui est resté cinq mois dans le coma.
La chanson déroule son rythme sur près de sept minutes, dans une excellente ambiance reggae avec chœurs et cuivres, qui passe légèrement au dub dans la deuxième partie.

En Angleterre, ce single n'est sorti qu'en petit 45 tours. Jah war a été réduite de moitié pour l'occasion. Sur la face B, on trouve une bonne chanson punky inédite par ailleurs, I ain't sofisticated.
Polydor, qui distribuait Virgin en France à l'époque, en a fait voir des vertes et des pas mûres aux fans de New Wave, à commencer par les pochettes de Go 2 et de This is pop d'XTC.
Pour l'édition française en petit 45 tours de Jah war, pas de problème, Polydor a reproduit fidèlement le 7" anglais. Mais visiblement ils souhaitaient particulièrement soutenir les Ruts et ils ont décidé de sortir une version maxi-45 tours de ce single (c'est le seul pays au monde à l'avoir fait). Très bien.
Pour la face A, pas besoin de concocter une quelconque version "spécial club", la version de l'album pour remplacer la version raccourcie s'imposait.
Pour la face B, ces cons-là, au lieu de tout simplement d'ajouter un titre bonus à I ain't sofisticated, il y avait largement la place, ils ont choisi de la remplacer par S.U.S. Ce qui fait qu'on se retrouve avec deux titres de l'album et aucune rareté !

S.U.S.
fait référence à la loi SUS, une loi anti-vagabondage de 1824 facilitant les interpellations et les fouilles pour simple suspicion de délit, que la police utilisait bien sûr à la fin des années 1970 pour harceler particulièrement les noirs et les asiatiques.
Pour le coup, c'est une bonne idée thématiquement d'associer S.U.S. et Jah war. Et il y a un autre lien avec LKJ, puisque sa terrible Sonny's lettah est sous-titrée Poème anti-Sus.

Après la mort de leur chanteur, les membres de The Ruts ont eu un parcours tout à fait honorable sous le nom de Ruts DC. Ils ont même enregistré et tourné avec Valérie Lagrange en 1981 !


The Ruts en concert au Théâtre de l'Empire à Paris pour l'émission Chorus diffusée le 3 janvier 1980. Le premier titre est Jah war.


The Ruts en direct dans l'émission de la télévision belge Follies en janvier 1980. Le premier titre est Jah war.

26 janvier 2025

KATERINE & HELENA : Euro 04


Acquis par correspondance via Discogs en janvier 2025
Réf : [sans] -- Édité par Les Inrockuptibles / So Foot en France en 2004 -- CD encarté avec le hors série n° 16 des Inrockuptibles en partenariat avec So Foot. Interdit à la vente.
Support : CD 12 cm
Titres : Euro 04 -- Calmos

Depuis que j'ai craqué sur Comme Jeannie Longo et Chérie (que je n'ose appeler), deux des chansons de son premier album, je m'intéresse de loin mais avec plaisir aux aventures de Katerine.
Musicalement, il ne reste jamais en place, mais il y a des constantes dans son parcours : ses chansons sont légères, accrocheuses et drôles. Avec au fil des années des perles comme Je vous emmerde ou Louxor, j'adore. Il faut un talent très particulier pour écrire une (bonne) chanson à partir du numéro d'identification d'un poulet !
J'ai commencé à acheter des disques d'Helena, la petite sœur de Lio, avant même que Katerine commence à en sortir, puisque,peu de temps après sa sortie en 1988, j'avais trouvé en solde le maxi de son premier single, Lunettes noires.

Mais je n'avais jamais entendu parler de ce single du couple Katerine et Helena avant que l'ami Renaud Sachet, d'Arrière Magasin, ne le chronique pour Section 26 le 4 juin dernier. Il faut dire qu'il n'a été distribué qu'avec un numéro spécial foot des Inrockuptibles. Or, ça fait bien longtemps que je ne m'intéresse plus au sport spectacle. Mais ça ne m'empêche pas d'apprécier de bonnes chansons inspirées par le foot, comme Évoluer en 3ème division de Miossec ou Eat my goal de Collapsed Lung (mais pas World in motion de New Order !).

Avant d'aller plus loin, je vous conseille de lire la chronique de Renaud, très détaillée, avec plein d'infos que je ne connaissais pas et que je ne vais pas reprendre ici.
Après l'avoir lue moi-même, j'ai écouté Euro 04 et ça m'a suffisamment plu pour que je mette ce titre cet été sur ma compilation L'oreiller brutal. Et récemment j'ai sauté sur l'occasion quand je l'ai vu pas cher chez un vendeur Discogs à qui j'allais acheter d'autres disques.

Renaud a eu du nez en publiant sa chronique pour les vingt ans du disque, juste avant l'Euro 2024 en Allemagne. En effet, à ce moment-là, peu de monde savait que Katerine allait faire une performance de sa chanson Nu lors de la cérémonie d'ouverture des JO 26 juillet 2024 et on ne pouvait pas se douter qu'il serait désormais irrémédiablement associé au sport. Deux jours après la chronique de Section 26, quand Radio France se demandait si le relativement décevant nouveau single Sous mon bob serait le tube de l'été, il n'était pas directement associé à l'olympique été.

Ces deux chansons ont été enregistrées spécialement pour un CD diffusé avec un magazine, mais il ne s'agit pas de démos ou d'enregistrements vite faits. Ça s'est passé au studio Ferber à Paris, avec Renaud Letang à la réalisation et Gonzales aux arrangements. C'est exactement la même équipe que pour l'album Robots après tout qui est sorti en octobre 2005. Il s'agissait peut-être des premières sessions de l'album ou de leurs prémices.

Les deux titres ont un son son électro/dansant léger.
Euro 04 met en scène un dialogue dans un couple où l'un interroge l'autre. On est un peu dans la veine de l'indépassable C'est normal d'Areski et Brigitte Fontaine, sauf que là il n'est pas question des causes et des conséquences d'un incendie mais des nom prénom et nationalité de joueurs de foot. C'est léger, mais ça va au-delà d'un simple sketch parce que je continue à l'apprécier même avec des écoutes répétées. Une vidéo a même été réalisée pour ce titre.
 
Pour Calmos, carrément techno, le sujet est un grand classique, les commentaires de match surexcités. Renaud Letang devait être dans son élément puisqu'il a travaillé en 1990 sur le single Il suffit d'un ou deux excités crédité aux Footbrothers !
Dans le style, il y avait une chanson, à moins que ce ne soit juste un enregistrement, qu'on programmait souvent sur Radio Primitive vers la fin des années 1980, le commentaire hilarant d'un match en Afrique. Impossible de remettre la main dessus car je n'ai jamais eu le disque, s'il y en a un, donc aucune référence. Si ça dit quelque chose à quelqu'un, merci de partager.
Les deux n'ont rien à voir mais, la semaine de la mort de Bertrand Blier, ce titre ne peut qu'évoquer son film Calmos de 1976, que je n'ai encore jamais vu.

Les deux chansons de ce single n'ont jamais été reprises sur un autre disque. On peut penser qu'on les retrouvera en bonus le jour où il y aura une réédition de Robots après tout.





Mon album Le monde prodigieux des étoiles du football 1970-1971, avec la page du FC Nantes, du temps où je m'intéressais au foot.

18 janvier 2025

EGRÉGIE : Le Mont des Oliviers


Acquis chez Emmaüs à Reims le 10 janvier 2025
Réf : INT 80217 -- Édité par Pop Music en France en 1969
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Le Mont des Oliviers -/- Glorification

Saison et raréfaction générale obligeant, je n'ai pas beaucoup l'occasion ces jours-ci de farfouiller dans des lots de disques. Alors la semaine dernière chez Emmaüs à Reims, où le prix de 50 centimes était correct et permettait la prise de risque, je me suis un peu lâché. Pas tellement en nombre (j'ai pris une dizaine de 45 tours et un 78 tours), mais en contrôle qualité : j'ai acheté certains disques que j'aurais peut-être à peine regardés en temps normal.

C'est notamment le cas de celui-ci, avec sa pochette est en mauvais état. Le papier est en partie arraché au recto, du coup le nom du groupe et le titre sont en partie manquants et la façade de Notre-Dame de Paris, qui en a vu d'autres depuis, a aussi souffert. Et deux des côtés de la pochette ont été réparés au scotch, il y a bien un demi-siècle je suppose tant il a jauni depuis.
Mais le disque lui-même est en bon état, et ce qui m'a décidé à le prendre c'est le rond central : je ne connaissais pas du tout le label Pop Music, mais le nom est intéressant, surtout en prenant le compte qu'on était à la fin des années 1960, où "la pop" désignait plus spécifiquement par chez nous le rock du moment, post-psychédélique, marqué par les hippies, en pleine évolution avant d'exploser dans de multiples genres dans les années 1970.
Il s'avère que ce label, distribué par Vogue, a été actif de 1969 à 1971. Il a notamment publié les premiers disques de Martin Circus, mais aussi Maajun ou Présence. Je me demande si ce n'est pas Gérard Hugé qui en était le directeur artistique.

Ceci est le seul disque publié par Egrégie. Il n'y a aucune donnée sur les membres de cette formation, en-dehors des crédits de composition pour les deux faces, soit quatre noms : André Raulin, Jean Schmitt, Emmanuel Booz et Ph. Achaley.
En latin, Egrégie signifie spécial, remarquable. Le début du petit texte au verso y fait référence : "Je m'appelle Egrégie, je me demande bien pourquoi, je n'ai rien de particulier". On comprend que c'est un enfant, mais ça n'a pas beaucoup de sens, particulièrement la fin, "Mes parents m'ont promis pour bientôt un petit FRÈRE...". En tout cas, je n'ai pas trouvé le rapport, si jamais il y en a un, entre ce texte et la musique qu'on trouve sur le disque.

A part un peu de chœurs, Le Mont des Oliviers est un instrumental. Batterie, basse, guitare, on est dans un son complètement de son époque. Il y a un peu de flûte aussi, mais c'est l'orgue qui me semble l'instrument principal sur ce titre, mon préféré des deux.
Glorification est dans la même veine, avec encore l'orgue au début, mais la flûte et la guitare sont plutôt en avant cette fois-ci. Il y a plusieurs mouvements, ce qui renforce l'aspect musique de film.
Je ne sais pas si Egrégie était un groupe ou simplement un projet ponctuel, mais en tout cas tout semble s'être limité à la sortie de ce 45 tours. Les compositions, elles, ont bien vécu ensuite.

Ça a commencé très vite, puisqu'Emmanuel Booz a signé en solo chez Barclay. Son premier disque pour le label, quelques mois après la sortie de celui d'Egrégie est... une nouvelle version de Le Mont des Oliviers !
Cette fois, la direction musicale est assurée par Hervé Roy. Cette version instrumentale est plus lente, ce qui renforce le côté musique d'église et nous rapproche d'un slow "normal". On pourrait dire qu'on est dans une veine Aphrodite's Child.
Mais ça c'est la face B, puisque la face A est une version chantée de Le Mont des Oliviers. Et là, tout ce que je peux dire c'est que je regrette que la composition ne soit pas restée instrumentale. Une mention au verso de la pochette explicite le propos : "Pour mieux rêver l'amour que j'ai de l'univers j'ai fondu l'harmonie de mon âme avec les écrits de la Bible". Dans sa biographie sur son site, Emmanuel Booz explique que la chanson fait partie d'un "projet délirant et décalé basé sur l’Ancien Testament, où il fera même des apparitions télévisuelles en djellaba, entouré de moutons". Pour rester dans la même zone géographique et la même période chronologique, je préfère gravir le Golgotha de Manset.

Je pensais avoir fait le tour de la question, puis j'ai trouvé, chez Riviera, une étiquette de Barclay, toujours en 1969, la trace d'une troisième version de Le Mont des Oliviers ! Le 45 tours s'intitule
Musique sacrée avec la Christmas Choral, sous la direction de Bernard Gérard avec Pierre Dutour à la trompette. Après ça, on n'est pas surpris d'apprendre, toujours de la plume d'Emmanuel Booz, que cette composition a été jouée aux grandes orgues de la Cathédrale de Bourges, aux côtés des œuvres de Bach.
Ça c'était la face B du disque. En face A, on retrouve un titre qu'on connaît bien, Glorification, que j'ai eu du mal à reconnaître, mais ce qu'il y a de bien c'est qu'il y a de la fuzz en plus de la trompette !

C'est tout ? Eh bien non. En 1970, chez Véga, sur un album de reprises à pas cher par un groupe anonyme dénommé The Combo's Men Show. On trouve deux nouvelles versions de Le Mont des Oliviers et Glorification. Sauf que cette fois-ci elles ont héritées de paroles anglaises par Boris Bergman pour la première et, je suppose, Dave Cooper et Bernie pour la seconde et elles sont devenues Son of man et Master of love. Je ne les ai pas trouvées en ligne.

Si vous pensiez que c'était fini, vous aviez tort ! En 1975, Juan Bau a sorti un 45 tours, avec en face B El Mont del Olivar. Je vous laisse deviner le titre original de cette chanson adaptée en valencien.

En partant d'un disque inconnu, on arrive si je compte bien à cinq versions de la face A et trois de la face B, c'est pas mal !
Et ce n'est encore pas tout...

En effet, en rentrant chez moi au retour d'Emmaüs, je me suis rendu compte que j'avais déjà visité la page Discogs d'Emmanuel Booz. Je l'avais déjà oublié, mais c'était à peine une semaine plus tôt.
Et tout est venu du premier album de Renaud, qu'on vient de m'offrir et que j'ai écouté. En examinant les crédits, j'ai vu que les arrangements et la prise de son sont crédités à Scarabée Blanc. J'ai cherché à savoir qui se cachait derrière cet intitulé. Je n'ai pas trouvé, mais en parcourant Discogs, j'ai atterri sur un 45 tours de Booz, puis sur sa discographie, où j'ai découvert qu'il avait publié en 1969 chez Barclay, juste après Le Mont des Oliviers, un 45 tours et un 33 tours intitulés Au restaurant d'Alice. Eh oui, vous avez raison, il s'agit bien d'une version française d'Alice's restaurant d'Arlo Guthrie, enregistrée à Londres en présence de l'américain, rencontré par l'entremise de Boris Bergman, qui a traduit les paroles. Si vous voulez en savoir plus, il y a un extrait de la chanson ici et on peut télécharger l'album .



11 janvier 2025

PETER FRAMPTON : Show me the way


Acquis chez Récup'R à Dizy le 23 novembre 2024
Réf : 625 059 -- Édité par A&M en France en 1976
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Show me the way -/- It's plain shame

C'est l'une des dernières fois où j'ai ramené quelques disques de la ressourcerie. Ces temps-ci, c'est la disette.

Outre la gueule d'ange de Peter Frampton, avec une photo moins convaincante ici en monochrome que sur la pochette en quadrichromie de Frampton comes alive !, le label français a casé deux arguments de vente de choc sur ce petit carré cartonné : le classique "N° 1 in U.S.A", ce qui pour une fois est vrai pour l'album (mais pas pour Show me the way), et surtout "Il parle avec sa guitare" !

Et c'est vrai que la talkbox, cette pédale d'effet qui permet de moduler le son de la guitare grâce à un tuyau embouché par le musicien, a visiblement contribué au succès de cet album. Vers 1978-1979 dans mon quartier, plusieurs copains avaient le double live (je n'ai jamais vu d'autres disques de Frampton chez eux) et ça faisait causer dans les chaumières.

Frampton comes alive ! est considéré comme l'un des meilleurs albums live du rock. C'est en tout cas l'un de ceux qui s'est le mieux vendu. Cet anglais a eu un beau parcours, avec The Herd dans les années 1960, puis surtout Humble Pie avec Steve Marriott des Small Faces, de 1969 à 1971. Il quitte le groupe pour se lancer en solo, avec un succès modéré initialement. Son quatrième album, Frampton, où l'on trouve la version studio de Show me the way, sort en 1975. Il se classe à la 32e place des ventes. C'est pendant la tournée qui a suivi que Comes alive ! a été  enregistré et j'ai du mal à comprendre comment la bascule s'est faite pour que ce double live se vende comme des petits pains et devienne multi-disque de platine.

J'ai pris ce 45 tours pour la mention de l'effet parlant avec la guitare et parce que je gardais un bon souvenir de la version live de Show me the way. J'avais toujours en tête le refrain, "Oh, won't you show me the way. I want you, show me the way, yeah", suivi du zigouigoui à la guitare trafiquée.
J'ai été déçu à la première réécoute de la chanson. Je trouvais le rythme un peu pataud, dans mon souvenir c'était peut-être plus rapide. Mais ça reste une chanson terriblement accrocheuse : chaque fois que je l'écoute, je me retrouve à la chantonner dans ma tête, au réveil, dans la douche ou en voiture !

En face B, on trouve It's a plain shame, une chanson parue initialement en 1972 sur son premier album, Wind of change. On est dans du rock assez basique, pas vraiment ma tasse de thé.

L'album a dû se vendre correctement en France et je crois me souvenir que Show me the way passait en radio, mais je ne pense pas que ça a vraiment été un tube.
La carrière de Frampton a eu des hauts et des bas. Dans les années 1980, il a collaboré, entre autres, avec Johnny Hallyday et David Bowie ! Il a fait une tournée d'adieu en 2019 en raison de problèmes de santé.


Peter Frampton, Show me the way, en direct dans l'émission The midnight special le 19 décembre 1975.


Peter Frampton, Show me the way, en direct dans l'émission The old grey whistle test en 1976.


Peter Frampton, It's a plain shame, en concert au Capitol Theatre à Passaic le 14 février 1976.


Une publicité pour Frampton comes alive ! parue dans la presse américaine.

04 janvier 2025

WARUM JOE : A.F.P.


Acquis neuf peut-être en solde sûrement à Reims vers 1987
Réf : NEW 81 -- Édité par New Rose en France en 1987
Support : 45 tours 17 cm
Titres : A.F.P. (Remix) -/- Tu quoque -- From 6,35 with love

Warum Joe n'a pas sorti énormément de 45 tours, cinq en plus de quarante ans. Je suis bien content d'en avoir deux (l'autre étant Chloro fluoro carbone). Celui-ci, avec le suivant Sang famille, a fait les beaux jours des programmations de Radio Primitive au moment de sa sortie, mais je ne pense pas qu'il se soit particulièrement bien vendu.

La photo de pochette donne l'impression d'être tirée d'un film, mais il n'y a aucun crédit et je n'ai pas réussi à l'identifier. Si quelqu'un a une piste...

La face A, A.F.P., est un remix d'un titre de l'album La méthode du discours. La version originale avait plus de guitares crades et de batterie. Là, les sons électroniques sont mis en avant.
C'est une bonne chanson, sans véritable refrain, qui met en scène un journaliste, qu'on suppose de l'Agence France Presse, qui fait la une de l'actualité, pas comme auteur mais comme acteur : "L'envoyé spécial est retenu en otage, pour une fois il occupe la première page".
Même si les moyens de communication changent, les paroles restent parfaitement d'actualité (à tous les sens du terme). La vérité est un concept flou, le sensationnel domine toujours, c'est vieux comme la presse : "On dénichera le pire, on le peindra en noir" ou "On chassera le scoop, comme on chassait le scalp, attiré par les mouches, un fil à la patte"

A.F.P. est une bonne chanson qui me plaît bien, donc, et pourtant je l'ai très peu écoutée au fil des années. Pourquoi donc ? Eh bien, à cause de From 6,35 with love, qu'on trouve sur la face B. C'est encore un remix d'A.F.P., sauf que la piste de chant a été supprimée et remplacée par un montage de dialogues extraits du film Les tontons flingueurs. En 1987, le film était déjà "culte", mais peut-être pas aussi présent que par la suite dans la culture populaire. L'utilisation d'extraits de films dans des compositions n'était pas une nouveauté non plus, mais ce n'était pas si courant que ça. Là, c'est parfaitement réalisé, au point que "Grisbi salope" en devient presque un refrain. Ce montage a rapidement trouvé sa place dans les programmes musicaux pré-enregistrés de Radio Primitive (je suis sûr qu'on l'y entend encore) et pour moi la réussite de ce montage a complètement vampirisé la chanson originale : j'ai toujours écouté From 6,35 with love plutôt qu'A.F.P..

En 1988, sur l'album Allah mode (réédité en 2024 sous le titre Une case de vide), on trouve une quatrième version d'A.F.P., et de fait une deuxième de From 6,35, intitulée From 6,35 with John. C'est comme un document sonore : on dirait qu'on a le son d'ambiance du groupe en studio, avec des conversations, des verres qui tintent et d'autres bruits. La version chantée d'A.F.P. passe en arrière-plan, tandis qu'au premier plan on entend le montage des dialogues des Tontons flingueurs.

L'autre face B, c'est un très bon titre hors album, Tu quoque. Là encore, la base musicale est très synthétique et sonne presque accélérée. Les paroles semblent s'adresser à des collègues musiciens (ex-punks ?), qui auraient cédé aux sirènes du commercial : "Mon ami qu'as-tu fait du style et du fiel débordant du vinyle ? Voici la troupe dont on flatte la croupe qui noie sa rage dans un bol de soupe".

Warum Joe est actuellement actif. Le dernier véritable album, Au milieu de ta forme, est sorti en 2003. Il a été complété vingt ans plus tard par Glory goal, une compilation de démos de l'album et d'autres inédits. Parallèlement, le label Smap Records a engagé une campagne de longue haleine de réédition de leur discographie. Au moment de boucler cette chronique, je découvre leur annonce du 2 janvier 2025 : le volume 9 des rééditions sortira en février/mars. Il s'intitulera Horas extraordinarias et compilera les 45 tours Chlofo fluoro carbone, Sang famille et... A.F.P. (Remix) !, ainsi que des titres rares comme leur adaptation de Sex beat du Gun Club. Je viens de faire une chronique d'actualité à l'insu de mon plein gré !




Warum Joe mime plus ou moins A.F.P. pour une émission de télévision.


Warum Joe, Tu quoque, en concert à l'Holy Hoister Bar à Paris le 21 juin 2023.

01 janvier 2025

MES PETITES TROUVAILLES DE CHINE 2024

Pas de "grandes" trouvailles cette année, pour la simple et bonne raison que, sur 52 chroniques, seules 12 concernent des disques chinés dans l'année. "Chinés" s'entendant comme trouvés "par hasard" dans une boutique d'occasion, sur un vide-grenier ou chez un copain. Certes, 6 autres disques sont des trouvailles d'un peu avant 2024 que j'ai mis un peu de temps à chroniquer, mais cet éventail restreint fait que je n'ai sélectionné pour ce bilan annuel que 8 (excellents) disques.
Les autres chroniques concernent de très beaux cadeaux (3), principalement des disques sortis de mes étagères (20), et aussi, ça se développe depuis quelques temps au fur et à mesure que la chine s'assèche, des disques achetés spécifiquement en vue de les chroniquer (11). On pourrait presque en faire une sélection à part, car il y en a plusieurs qui sont vraiment intéressants dans ce lot, comme le Daouda, le Coco Briaval, le Slim Harpo ou le 113. J'ai une pensée particulière pour Jonathan Perkins, qui est mort dans les semaines qui ont suivi la publication de la chronique.

Pour les disques chinés, la tendance qui se confirme c'est la fragilité de mes sources d'approvisionnement.
Ces dernières années, la principale était la ressourcerie près de chez moi. Au cours de l'année 2024, les apports de disques se sont taris brutalement et le rayon disques (tous supports, vinyls et CD) a quasiment disparu. Parmi les disques chroniqués cette année qui en viennent, il y a le Celentano et le Topaloff, très intéressants tous les deux, mais ils sont tellement courants que j'aurais pu les acheter cent fois rien que cette année.
L'Emmaüs du coin a aussi très peu de disques, à des prix prohibitifs qui plus est. C'est presque un miracle d'en avoir ramené un disque à chroniquer.
Pour les vide-greniers, j'en suis revenu un peu moins souvent bredouille qu'en 2023, mais seuls deux des disques chroniqués en ont issus. Il y a aussi un album trouvé dans une boutique qui bradait son stock et qui, presque sans surprise, a fermé définitivement dans le mois qui a suivi.
De façon très improbable, c'est le petit dépôt-vente Cash du coin qui a fourni le plus grand nombre de belles trouvailles cette année (4), grâce à trois arrivages différents cet automne. C'était inespéré, et ça risque fort de ne pas se reproduire : le dernier gros arrivage de 45 tours de variétés s'entasse dans la boutique depuis un mois sans se vendre du tout, même à 25 centimes. Je doute qu'ils achètent encore beaucoup de lots dans ces conditions...

Voilà en tout cas une sélection compacte mais très belle. Je reste évidemment optimiste et j'espère toujours chiner assez de disques en 2025 pour en proposer un beau bilan dans un an.

Un clic sur le titre ou la pochette vous emmènera sur la chronique correspondante.
Les disques sont listés dans l'ordre d'apparition de leur chronique sur le blog.



La perle rhythm and blues de l'année, une compilation d'époque (1968) des deux premiers albums de Brenton Wood.


A défaut d'une réédition du deuxième album de Oui Oui, qu'on ne voit pas venir mais qui me permettrait de compléter ma collection, j'ai été très content de trouver ce maxi CD qui en propose deux extraits.


Je ne m'attendais vraiment pas à acheter un jour un 45 tours "commercial" de Richard Pinhas !


Voilà un disque que je cherchais depuis très longtemps : sur la face B de ce 78 tours on trouve la première version publiée de Sérénade argentine, alias Si vous passez par là.


Une obscurité de l'opérette marseillaise qui nous a permis de danser La polka des fadas au bal du quartier.


Le plus beau lot de l'année : plus d'une trentaine de 33 tours rock/folk/blues/country des années 1970, dont cet album très intéressant d'un groupe canadien.


Le carton de 45 tours en brocante le plus intéressant de l'année, dont j'ai tiré 5 disques variés, parmi lesquels ce très beau Typical Combo.


Très surprenant, un disque malgache qui en clone un autre, des Antilles.